Manosque des plateaux est une fantasmagorie de poète,
un essai non transformé qui pourrait refléter cent autres lieux.
On n’est pas allé jusqu’à ces audaces-là à Manosque, mais on est allé à des audaces de pauvreté. De pauvreté et de vulgarité. À la place des murs de la vieille ville qui étaient des murs honorables en pierre (et d’une très belle pierre, la pierre de la Durance) et des toitures de tuiles faites avec l’argile du pays et qui, par conséquent, par une sorte de mimétisme naturel, se pliaient aux exigences du paysage, on a construit des maisons qui ont été pensées – si, pour d’aussi petites choses, on est obligé d’employer un mot aussi fort – par des architectes venant de n’importe où, de Lille, de Tourcoing ou de Nancy, et qui ont donné à ce pays une architecture passe-partout qu’on voit aussi bien dans le Nord que dans l’Est, dans l’Ouest qu’au Sud. Des maisons d’architecte au lieu d’être des maisons d’habitation. (Propos de Giono en août 1965)
Le sage de Manosque et le sage du Contadour réunis ayant ainsi acquis, non par compromission ou par complaisance mais par la seule force de son imagination, par son talent, par sa personnalité rayonnante, son brevet d'humanisme et ses lettres de noblesse qui le classent parmi les plus grands de notre littérature, reste à déterminer s'il a ou s'il aura un successeur et s'il fera école.
Ecoutez bien ce que je vais vous dire:les arbres,ce sont d'abord des enfants et,comme tous les enfants,il leur faut d'abord beaucoup de tendresse pour s'élever.
Au bout de ses voyages agrémentés par de passionnantes aventures spirituelles et montagnardes sur le toit du monde, Alexandra David-Neel avait planté sa petite iourte dans ce que les Manosquins appelaient irrévérencieusement "le trou du cul dignois" et qui était, pour elle, le nombril de l'univers. La pause dans la posture du lotus, sous la tente, durèrent jusqu'à cent ans.
Noé fait de la Provence son arche. Giono y embarque une couple, la Provence du blé et la Provence du vin, accompagnée d'une femme voilée, la Provence des mystères.
Pour aller voir Giono, il fallait monter. L'impatience vous coupait le souffle. Quand on redescendait, ébloui par le dernier soleil, la ville vous tendait ses bras de pierre. Des hirondelles poussaient leurs cris aigus autour de la dentelle de Saint-Sauveur.
Pourquoi ne serait-il pas permis d'inventer quand le mensonge efface la laideur de la réalité pour recréer la beauté du rêve ?