A la fin des années 1880, en réaction contre l?académisme et l?imitation illusionniste du réel, un groupe d?artistes se faisant appeler « les Nabis » veut abattre la frontière entre beaux-arts et arts appliqués. Les plus connus sont Bonnard, Vuillard et Maurice Denis. Isabelle Cahn, co-commissaire de l?exposition « Les Nabis et le décor », revient sur le parcours de cette exposition exceptionnelle qui réunit une centaine de peintures, dessins, estampes et objets d?art et présente aux visiteurs des ensembles décoratifs aujourd?hui dispersés.
« Les Nabis et le décor. Bonnard, Vuillard, Maurice Denis, ? » du 13 mars au 30 juin 2019 au Musée du Luxembourg.
Cette exposition est organisée par la Réunion des musées nationaux - Grand Palais et les musées d?Orsay et de l?Orangerie, Paris.
« Les Nabis et le décor. Bonnard, Vuillard, Maurice Denis, ? » du 13 mars au 30 juin 2019 au Musée du Luxembourg.
#ExpoNabis
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Il nous libérait de toutes les entraves que l’idée de copier apportait à nos instincts de peintre. À l’atelier où le réalisme le plus grossier avait succédé à l’académisme falot des derniers élèves d’Ingres ; où l’un de nos professeurs, Doucet, nous conseillait de relever l’intérêt d’un sujet d’esquisse, emprunté à la Passion de J.-C., en utilisant des photographies de Jérusalem ; — nous aspirions à la joie de « s’exprimer soi-même », que réclamaient si instamment aussi les jeunes écrivains d’alors. La théorie des équivalents nous en fournissait les moyens, nous l’avions tirée de son imagerie expressive ; il nous donnait droit au lyrisme ; et par exemple, s’il était permis de peindre en vermillon cet arbre qui nous avait paru, à tel instant, très roux, pourquoi ne pas traduire plastiquement en les exagérant ces impressions qui justifient les métaphores des poètes : affirmer jusqu’à la déformation la courbure d’une belle épaule, outrer la blancheur nacrée d’une carnation, raidir la symétrie d’une ramure que n’agite aucun vent ?
Incidemment la question se pose : faut-il restaurer ? Maintenant que les Musées, les sociétés d’amis des monuments, les catalogues et les archéologues ont tari ou à peu près notre faculté créatrice, faut-il faire l’éloge du vandalisme ? Nos pères, au XVIIe et au XVIIIe siècles, se croyaient permis d’ajouter, dans le goût de leur temps, des ornements, des autels, des transepts, des façades aux vieilles nefs des cathédrales. Une verrière tombait en ruines : ils la remplaçaient sans scrupules, ou simplement la consolidaient de plombs quelconques, au hasard des cassures. Leur style à eux, croyaient-ils, était toujours préférable aux styles du passé. Cette illusion féconde nous manque, définitivement.
« De toute part, disait Albert Aurier dans l’article-manifeste de la Revue Encyclopédique, on revendique le droit au rêve, le droit aux pâturages de l’azur, le droit à l’envolement vers les étoiles niées de l’absolue vérité. La copie myope des anecdotes sociales, l’imitation imbécile des verrues de la nature, la plate observation, le trompe-l’œil, la gloire d’être aussi fidèlement, aussi banalement exact que le daguerréotype ne contente plus aucun peintre, aucun sculpteur digne de ce nom ».
Qu’est-ce qui distingue entre eux les peintres modernes ? C’est souvent la vision (comme je l’ai expliqué plus haut) : plus souvent le procédé, le sujet plus souvent encore.
Quelles imaginations identiques ! Ils suivent tous la même mode. Et si l’un s’avise de révéler une fantaisie nouvelle, — au lieu de modifier, oh ! très peu, comme il convient, l’éclairage ou le modelé de l’autre, — le beau scandale !
(Définition du Néo-traditionnisme, page 12)
M. K.-X. Roussel exposa naguère une suite de paysages de l'Ile-de-France d'une beauté déjà très générale : larges aspects de terres nues, bois dépouillés, frondaisons d'automne, coteaux, silhouettes d'arbres, profils blancs de nuages entrevus dans des ciels clairs ; — ou bien encore c'était la Normandie, grasse et verdoyante, où les pommiers alignent leurs masses sombres, où la mer grise apparaît par delà les toits gais des villas, et les fermes.
Cette remarquable série de notations, pastels et dessins rehaussés, qui eût suffi à établir la réputation d'un peintre, n'était que des croquis, des études pour des tableaux dont nous venons de voir, soit des états achevés, soit des esquisses. Les souples caprices d'une technique très libre et ces délicatesses d'œil ne devaient servir qu'à enrichir, à meubler de réalités une imagination toute apte à créer des ensembles, à faire vivre dés personnages de rêve dans des décors vrais, à inventer des scènes où l'être humain occupe dans la nature la place classique.
Oui, l'attitude du primitif est celle d'un enfant, et c'est pourquoi elle est profondément religieuse. Il voit la nature avec des yeux d'enfant, tandis qu'un moderne la voit avec des yeux de peintre. L'observation d'un primitif, de Giotto par exemple, ne porte pas seulement sur les apparences mais sur les qualités usuelles des objets. Il les regarde avec une âme neuve, et sa curiosité est autant d'un savant que d'un artiste. Il tient à nous définir et à nous expliquer ce qu'il voit et ce qu'il sait des objets. Sa gaucherie est donc le témoignage de sa sincérité.
Remarquez que moi qui vous parle, j'admire autant que quiconque notre grand Poussin, et même le Dominiquin et même l'Aurore du Guide et la Galerie des Carraches au palais Farnèse, et la Farnésine, et le palais du Té à Mantoue, et Lebrun à Versailles.
Mais il est question d'art religieux. Lorsque je suis touché par un Rembrandt ou par un Primitif, je constate que ce maître-là n'a pas cherché la beauté dans l'idéal classique, dans une forme séparée de la matière, comme dit saint Thomas, mais dans un contact respectueux et tendre avec la nature concrète. Il n'y a rien de païen, rien de platonicien, rien d'idéaliste dans son esthétique ni dans son art. Il aime, avec tout son cœur, la réalité du bon Dieu.
Incidemment la question se pose : faut-il restaurer? Maintenant que les Musées, les sociétés d'amis des monuments, les catalogues et les archéologues ont tari ou à peu près notre faculté créatrice, faut-il faire l'éloge du vandalisme?
On ne trouvera dans ce livre ni une histoire de l'Église, ni une histoire de l'Art. Nous indiquerons comment les moeurs artistiques et la culture de chaque époque se sont adaptées aux besoins liturgiques et dogmatiques de l'Église, aux divers aspects de la pensée chrétienne. C'est le rapport entre les civilisations changeantes et la Religion immuable dans sa vérité, mais variable dans ses manifestations, qu'il importe de montrer. Les monuments de l'art sacré sont l'image des conceptions théologiques, sociales et artistiques des siècles qui les ont créés.
L'admiration irraisonnée des tableaux anciens où l'on cherche, puisqu'il faut les admirer, des rendus consciencieux de « nature » a certainement déformé l'oeil des maîtres de l'École.