En séparé, je me dis que c’est un vrai métier, hôtesse, que ce n’est pas donné à tout le monde de savoir s’occuper des barjots. Il y a les psy, et il y a nous…
Je crois à la volupté de la chair mais à l’irrémédiable solitude de l’âme.
Hjalmar Söderberg
Nous avons d’intéressants sujets de conversation… mais on se marre bien, finalement, toutes les trois. Normal, on est des filles de joie.
Il y a un an, lorsque j’avais mal à la tête, je me masturbais dans le bain en pensant à Antoine. Jouir me faisait alors passer ma migraine, c’était le meilleur remède, aucun cachet n’avait autant de pouvoir.
Je crois que l’on devient prostituée comme on devient alcoolique. D’abord, on s’imagine être libre, diriger la manoeuvre, pouvoir arrêter quand on veut. Très vite, on se laisse submerger par les événements, on se soumet à des diktats incompréhensibles, on perd le contrôle et on sombre. Très vite, le jeu devient une maladie. On doit alors s’injecter chaque jour un venin qui nous ravage et nous détruit, mais on en a besoin pour survivre, parce que sans lui on ne comprend plus le sens de la vie, la rotation du monde, le jour et la nuit. Le venin, tel un homme fait de chair, d’os et de sang, a pris le pouvoir et nous gouverne farouchement.
Anouar a les yeux noirs et moi l'ivresse de sa peau mate. Il est sous ma fenêtre, il fume de l'herbe, et moi une cigarette. Félix vient de partir, il est allé chanter.
Et moi, dans ma chambre, je vais danser... Parce qu'Anouar est un passionnée de danse et veut m'apprendre la salsa et la rumba
Anouar a le teint du Sud, une voix chaude comme ses caresses et ses baisers, Anouar est beau comme le diable et je ne peux pas lui résister. Il complétera à merveille ma collection de garçons ! Il me passe son joint par la fenêtre et grimpe pour venir m'embrasser. L'avantage du rez-de-chaussée...
Il est deux heures du matin et maintenant, je fais l'amour avec lui.
"Ne sois pas stupide ! Tu ne voudrais tout de même pas que l'on vive ensemble tous les jours ? Tu voudrais que l'on mange ensemble, que l'on regarde la télé ? Tu n'as pas peur que je finisse par préférer la regarder, justement, cette télé ? Et Barcelone ! Mais qu'est-ce que j'irais foutre à Barcelone avec toi ?!"
Tu es si cruel.
L'amour balisé, conventionnel, te lasse et t'ennuie. Il te fait fuir. Se réveiller à deux, partager les mêmes cintres, un café, tu appelles ça mourir à petit feu. J'aurai tant besoin, pourtant, de ces choses simples, de ces moments tendres, pour te suivre sans remords et sans crainte sur tes chemins obscurs.
De toute façon, je n'ai pas l'intention de me marier, de me caser, de m'enchaîner.
Dans mes caresses et mes baisers, dans mes mots doux soufflés à l'oreille, je suis toujours sincère : j'aime. Mais pas suffisamment pour que ce sentiment-là perdure au petit matin, et quand les corps s'étirent et s'éveillent, alors je cherche partout ces trois petits mots-là, je t'aime, mais ils ont disparu dans mon sommeil. Qu'importe, l'amour ne dure pas. Qu'il soit d'une nuit ou d'une vie, l'amour, c'est d'abord être bien dans les bras de l'autre, sentir que c'est là, juste là qu'on est bien.
Ce soir, j'aimerai dans d'autres bras peut-être, mais j'aimerai.
e me fiche de connaître le secret de ma métamorphose; l'essentiel, c'est que ça marche