Le deuil serait dur à affronter. Le deuil serait terrible, et inévitable. Mais nous pourrions essayer d’avoir un autre enfant. Un enfant en bonne santé, qui grandirait, irait à l’école. Un enfant que l’on gronderait car il ferait l’école buissonnière. Un enfant qui deviendrait un adolescent en pleine crise identitaire et qui détruirait les jantes de la voiture familiale car il aurait foncé dans un trottoir. Un adulte qui se marierait, qui aurait des enfants. Un adulte qui, peut-être, divorcerait car finalement ce n’était pas la bonne personne.
Un adulte qui déciderait d’être heureux ou malheureux. Un adulte qui vivrait sa propre vie en ayant le choix de faire des erreurs, qui aurait décidé de devenir banquier ou ramoneur. Ou écrivain. Ou saltimbanque.
Mais sûrement pas un adulte qui ne se rendrait pas compte que les yeux se baissaient sur son passage, que les enfants le pointaient du doigt car il souriait sans discontinuer.
Olydia fronçait les sourcils en lisant ce passage : Arwyn se mettait à parler de son anniversaire. De son Amaria qui tardait à apparaitre. Elle ne savait que trop bien ce que cela signifiait et commençait à comprendre où voulait en venir Kelen en lui faisant découvrir son carnet.
Olydia referma le livret d'un coup sec et se mit à ressasser tout ce qu'elle avait appris.
Elle avait passé la nuit à parcourir les premiers mots de son amie, et relatait toujours à peu près la même chose. Des explications sur son univers parfait dans lequel il fallait absolument vivre, des louanges de la piela et de ses effets bénéfiques sur la destinés des gens. Elle avait même dressé la liste des tatouages existants. Il y étaient tous, ou presque.
"On m'avait assuré que mon monde était parfait et j'ai pourtant l'impression d'avoir essuyé beaucoup d'injustices tout au long de ma vie. Un monde parfait taché d'imperfections..."