AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

3.67/5 (sur 3 notes)

Nationalité : France
Né(e) le : 10/04/1939
Biographie :

Michel Pialoux est un sociologue français, maître de conférence à l'EHESS, chercheur au Centre de sociologie européenne du CNRS, et chercheur associé au Laboratoire de sciences sociales de l'École normale supérieure (en 2003).

Il est surtout connu pour ses travaux sur la classe ouvrière et ses enquêtes dans les usines Peugeot à Sochaux.

Ajouter des informations
Bibliographie de Michel Pialoux   (5)Voir plus

étiquettes

Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
Face à "Apostrophes"


(...) Les accusations lancées contre le PCF sont de plus en plus violentes. L'émission prend l'allure d'un véritable procès. Le seul personnage qui défende les positions politiques du PC est très "mauvais", ses arguments tombent à plat. Soudain, comme l'émission est près de s'achever, Christian explose : "J'en ai marre, je ne peux plus entendre ça. Tous ces cons d'intellectuels qui parlent pour ne rien dire, je ne peux plus les supporter." Avec une extrême violence, il se met à parler du malaise qu'il a ressenti, de la haine qu'il éprouve pour ces façons de parler, qui lui semblent être une agression, une provocation, une sorte de défi à lui-même. Il développe aussi le thème que tout ce qu'on vient d'entendre n'a rien à voir avec le communisme, que le communisme ce sont d'abord les ouvriers qui sont capables d'en parler... Et puis de quel droit "dégueuler sur la Résistance, le parti de la Résistance, sur les écrivains et les poètes du Parti ?"
Il n'argumente pas vraiment, mais il exprime une sorte de colère contre lui-même, contre son incapacité à parler, à opposer de véritables arguments... Il me prend en quelque sorte à témoin:"Quand je les entends, ces gens-là, je me sens con, je me sens devenir con. Pourtant je ne suis pas un con, le travail que nous faisons ensemble le prouve, tu n'as pas cessé de me le dire... Tu me dis depuis quatre jour que ce que je raconte a un véritable intérêt... Alors pourquoi continuer à écouter ces gens-là ? Pourquoi ne pas prêter attention à ce que moi je raconte ?"
Commenter  J’apprécie          30
Parti d'une interrogation centrée sur la double question du travail ouvrier et du militantisme, j'ai le sentiment que notre travail a peu à peu glissé vers une problématique assez différente : celle des conditions de formation et de maintien d'une identité militante.
Commenter  J’apprécie          30
Pour un prolo c'est dur, il est fatigué, toute la semaine sur une chaîne, il est crevé, surtout un OS qui a gratté sur sa chaîne. Un mec qui a vingt ans, que tu vois son corps, petit à petit, se racornir sur lui-même, ne plus parler, se recroqueviller petit à petit, intellectuellement et puis physiquement. Et ce mec, s'il veut apprendre quelque chose, il est obligé d'aller le samedi, sur son temps de loisir, apprendre, contrairement à tous les autres qui peuvent y aller pendant leurs heures de travail, contrairement à tous, et qui sont payés. Enfin, moi, je trouve ça complètement immoral, dégueulasse, et pourquoi personne n'en parle ? Quand t'es OS et que t'arrives dans une usine comme ça, quand tu veux un livre c'est à Besançon qu'il faut que t'aille l'acheter. Parce que ici t'as même pas un libraire qui est dépositaire de bouquins, qui a tous les bouquins. C'est un choix politique de Peugeot, sans doute. Il règne en maître sur cette région. Mais ça n'a jamais été non plu la revendication d'aucune organisation syndicale ou politique. Et alors, si ce n'est pas une revendication, c'est pas comme ça que le rapport de force s'établira (...)
Avant, en 1966, la bibliothèque du CE était à l'intérieur de l'entreprise. Mais une nuit Peugeot l'a déménagée. Il l'a foutue à l'extérieur, crac! Terminé. C'était en pleine période de conflit. Il est vrai que dans la bibliothèque y'avait des ronéos, et ça faisait beaucoup de boulot syndical. Moi, j'ai jamais dissocié le combat culturel pour la classe ouvrière, qui est vital, du combat de ses organisations syndicales.
Commenter  J’apprécie          10
Il y avait, paraît-il, un député socialiste qui avait 10% des actions chez Peugeot. Moi (Christian Corouge) je veux bien de ce genre de politique politicienne mais quand tu vois tout ce nombre de gens qui crèvent. A l'hôpital de Montbéliard, ils ont fait un bâtiment de plus, tellement qu'il y a de crevés à la chaîne. Alors on continue, on en parle pas. Et l'hôpital psychiatrique qui vient de se créer...

Beaucoup d'ouvriers de Peugeot ?

Y'a que ça. Mais tu comprends, personne n'en parle. L'assistante sociale qui vient sur les chaînes, elle va dire au mec d'arrêter de picoler. Le mec va lui dire : "Tiens, tu prends ma pince et puis tu grattes" Bon, t'as compris, quoi! L'hôpital psychiatrique était à côté de Besançon, ça faisait trop loin, tu comprends. Une ambulance par jour pour amener les mecs de Peugeot qui font des dépressions, ça faisait trop loin. Donc on va bâtir un hôpital sur place. Il y l'usine, la morgue et l'hôpital, c'est un relais, c'est impeccable, et tu as le cimetière à proximité du coin et, avant que tu crèves, on te prélève tous les mois, sur ta paye, un franc quatre-vingt-cinq pour avoir le droit d'être enterré dans le cimetière Peugeot. Sur les feuilles de paye, tu as une caisse obsèques.
Commenter  J’apprécie          10
Non, la visite de l'usine c'est vraiment pas dangereux pour Peugeot. Là où ça commence à devenir dangereux, c'est quand il y a des visiteurs qui sont un peu vicieux et qui s'approchent des bagnoles. ça nous est arrivé deux ou trois fois que des mecs ne se limitent pas à rester dans l'allée, s'approchent un peu des bagnoles et là... t'as des copains, et quand même de plus en plus souvent qu'avant, qui commence à agresser le monde en disant : " Vous êtes contents de nous regarder travailler, bande de cons ? Prends la pince, prends le marteau!" et là, les mecs se sauvent, et y a le guide qui les tire, qui leur dit : "Non, ne restez pas là" Et ces mecs ont fait la connerie de s'avancer. ça fait un peu comme dans un zoo, quand tu t'approches du gorille, là, qui va t'empoigner... ou d'un lion qui va te bouffer le bras. Eh bien, les mecs sur la chaîne, ils ont le même genre de réaction. Ils guettent, ils guettent, ils guettent, ils attendent, et si y en a un qui fait la connerie de passer, il se fait engueuler quoi. Alors aussitôt, y'a le guide... y'a tout le monde... toute la maîtrise qui est là, qui se précipite en disant au mec : "Toi , tu te calmes, parce que sinon, tu auras un avertissement"... pour impolitesse
Commenter  J’apprécie          10
Philippe, lui, devait taper des numéros sur les caisses des bagnoles, les numéros de châssis, neuf numéros, répétés seize cents fois par jour. Tu imagines le nombre de trucs à frapper et la fatigue accumulée. Il est tombé malade et plutôt que de le mettre en "horaire normal" comme le toubib de l'usine l'avait conseillé, ils l'ont bien mis en horaire normal, mais ils lui ont laissé le même poste. C'est-à-dire qu'au lieu d'avoir un boulot plutôt... tranquille, il continuait à faire le même truc, mais avec deux maîtrises différentes, puisqu'il y a toujours deux tournées en production, celle du matin et celle du soir. Mais lui, il travaillait de sept heures à midi et de quatorze heure à dix-sept heures. Il était donc à la fois dans l'équipe du matin et dans l'équipe du soir. Et il fallait que Peugeot paye six dépanneurs pour ses absences ! C'était du massacre ! C'était un jour de mise pied après un jour de mise à pied. A chaque erreur de frappe, c'était un jour de mise à pied. ça c'est accumulé, ça c'est accumulé, et le mec, un jour, il a pris un flingue, puis il s'est descendu. Il avait vingt-cinq ans.
Commenter  J’apprécie          10
IV La grève

Le démarrage et l'extension du mouvement

On a peu parlé de la grève d'octobre 1981. Peut-être pourrais-tu revenir sur la question des conditions dans lesquelles elle a démarré, dans lesquelles elle s'est étendue...

Comment ça a démarré ? Eh bien, Peugeot, pour relever le défi Japonais (...) a décidé d'augmenter un jour la productivité de 4%. Seulement si on parle d'augmenter la productivité, quand on est dans un BM (bureau maîtrise?) et quand on est sur les chaînes, on reçoit ça différement. Eux disent qu'il faut augmenter le pourcentage de véhicules construits par salarié : le raisonnement des BM, c'est mathématique. Mais pour nous, sur les chaînes, on sait très bien que, quand Peugeot parle de productivité, il y a trois solutions : ou bien il augmente la vitesse de chaîne, ou bien il supprime des postes, ou bien il bourre les bagnoles les unes sur les autres*. Ou encore : on passe de véhicules "chers" à des véhicules moins "chers" (...) c'était ça les 4% que Peugeot prévoyait, c'était ça! (...) Tranquillement il avait expliqué que c'était pour "relever le défi japonais"
Commenter  J’apprécie          11
L'ombre de Peugeot s'étend sur toute la région. L'usine, avec ses sous-traitants, est le seul centre de production autour de Sochaux-Montbéliard. Tout en dépend, tout s'y rattache. Elle en structure totalement la vie sociale : deux cent mille personnes, dans l'agglomération, vivent de Peugeot. L'opposition de classe est inscrite dans le paysage urbain avec une exceptionnelle clarté. Sur les hauteurs qui entourent la ville, on voit, regroupés par zones nettement différenciés, les grosses villas des ingénieurs, puis les pavillons des techniciens et des ouvriers qualifiés, enfin les tours et les barres des HLM destinées aux OS et à bon nombre d'ouvriers qualifiés (OQ), enfin les foyers dortoirs pour les plus jeunes récemment arrivés.
L'histoire singulière de cette usine est aussi celle des affrontements qui s'y déroulent régulièrement : 1968, 1981, 1989, etc. Le conflit de mai-juin 1968 fut particulièrement violent : les bagarres entre la police et les ouvriers provoquent de nombreux blessés mais aussi deux morrts parmi les travailleurs; puis la répression s'abattra sur les militants.
Commenter  J’apprécie          11
J'ai trop vu de journalistes de la VO (Vie Ouvrière) venir dans l'usine nous interviewer, et voir le contenu, la semaine d'après. J'en ai trop vu de ce genre de trucs, tu comprends ? Un jour, j'ai dit à un journaliste de la VO : "Moi, je travaille en garniture, je fais des sièges, mais je pas le droit de m'asseoir dessus" Et le journaliste - je me souviens plus en quelle année , 1973 ou en 1974-, le mec, il a écrit "Le délégué de garniture n'a tellement pas une bonne paye qu'il a même pas de sous pour acheter des sièges." Premièrement j'ai refusé de payer la VO, j'ai pas voulu la payer, et puis j'ai envoyé une grande lettre d'insultes au mec. D'ailleurs, depuis ce temps-là, je l'ai recroisé et je lui ai foutu mon poing sur la gueule pendant le conflit en carrosserie , en 1981. Je me souvenais de lui et, lu, il ne se souvenait pas de moi. Mais il a pris mon poing sur la gueule et je lui ai dit "Rappelle-toi, c'est l'histoire du siège qui n'est pas passée", parce-que... ça me paraît complètement ... dégueulasse!
Commenter  J’apprécie          10
On voulait faire un gros truc : bloquer la gare de Montbéliard (...)Et les directions syndicale ont menti. Oui, je dis bien le terme , dans le sens que tout le monde était d'accord au départ pour aller occuper la gare de Montbéliard, mais quand on s'est retrouvés dans la gare de Montbéliard, nos directions syndicales nous ont dit "Non non les gars, il faut pas toucher surtout, faut pas rentrer sur les suais, c'est pas le moment", etc. Et comme des cons on s'est fait baiser, quoi, si tu veux, par une espèce de purisme en disant "Bon, ouais, c'est vrai, c'est peut-être pas tout à fait normal" Alors que l'attente des gars était d'y aller. Et ceux qui ont fait des discours ce jour-là dans la gare de Montbéliard, ça a été les permanents, les UL (unions locales) et des UD (union départementales) CGT et CFDT. Et là, c'était le casse-gueule, le langage qui n'allait plus, les grandes revendications, le gouvernement de la gauche au pouvoir,enfin bon, avec tout ce que ça comporte quoi...
Commenter  J’apprécie          10

Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Michel Pialoux (35)Voir plus

¤¤

{* *}