Avec Michel Quesnel, Vincent de Féligonde
Table ronde proposée par le journal La Croix
Né quelques années " avant Jésus-Christ" et mort sans doute le 7 avril 30, Jésus passa environ trente cinq ans sur cette terre. Le chiffre de trente trois ans, souvent donné en raison de sa valeur doublement trinitaire, est avant tout symbolique.
L'autre façon de prendre le problème est de réfléchir à partir des quatre évangiles achevés tels que nous les trouvons dans nos bibles. Leurs divergences existent, comme on l'a déjà signalé. Mais leurs ressenblances sont parfois telles qu'on est conduit, pour en rendre compte, à faire l'hypothèse de sources écrites dans lesquelles les rédacteurs auraient prisé.
Aucune de ces sources ne nous est parvenue, aussi différentes tentatives ont été faites pour en déterminer la nature et le contenu. Ces essais fort variés sont habituellement appelés " hypothèses documentaires", parce que faisant appel à des documents hypothétiques plus ou moins nombreux.
La plus classique, dont l'origine remonte au théologien luthérien allemand Friedrich Schleiermarcher ( 1768-1834), est connue sous le nom de " théorie des deux sources". Elle suppose que les évangélistes Matthieu et Luc auraient tous deux utilisé comme source, d'une part l'évangile de Marc, antérieur, au leur, d'autre part un document hypothétique, actuellement perdu, regroupant essentiellement des parles prononcées par Jésus, qui reçut le nom de "source des logia ( du mot grec logion qui signifie oracle"), ou plus simplement de " source Q" ( Q étant la première lettre du terme allemand Quelle qui veut dire "source"). Le document Q serait à l'origine de nombreux passages communs aux évangiles de Matthieu et de Luc, et absents de Marc.
Le mot « parabole » est formé sur le grec parabolê. Il se décompose en un préfixe, para (« le long de, à côté de »), et un verbe, baleine (« lancer, jeter »). Étymologiquement, une parabole est quelque chose qui est « lancé à côté ».
Littérairement parlant, c’est une forme de discours dans lequel celui qui parle s’adresse à son destinataire en utilisant un biais, une voie latérale…
La parabole est une forme de discours qui respecte pleinement la liberté des destinataires.
(page 109)
Un autre signe qu'il donne , moins extraordinaire pour nous mais tout aussi central, c'est l'accueil sans réserve qu'il accorde à tous ceux qui viennent à lui, quels qu'ils soient. Jésus a scandalisé bien de ses contemporains en se laissant approcher par des publicains, les collecteurs très décriés de l'impôt romain, des pêcheurs publics, des étrangers considérés par les autorités juives comme impurs ; ce qui ne l'empêchait pas d'être accompagné dans ses déplacements par des gens très recommandables, dames de la bonne société et autres personnes à la situation bien assise, qui, comme lui, ne jugeaient pas sur les apparence et, pensant que l'espérance est pour tous, ne séléctionnaient pas leurs fréquentations. Le milieu de Jésus devait être un ensemble hétéroclite peu banal, attentif à ses gestes et à ses paroles dans lesquels il trouvait des raisons d'espérer. Tel est en quelques lignes le climat dans lequel se déroula la période de la vie de Jésus qu'on appelle souvent sa vie publique.
Historiquement, Jésus fut un homme de prière. A plusieurs reprises, il surprit son entourage en se retirant à l’écart, parfois même en pleine nuit, de façon à avoir avec le Père ces moments d’intimité qui lui étaient nécessaires pour mener à bien sa tâche exigeante.
(page 82)
En dehors des évangiles apocryphes rédigés dans des milieux précis, gnostique ou judéo-chrétien, existe une abondante littérature évangélique qui pas d'autre intention claire que de combler les trous laissés vides par les écrits plus anciens. Ils sont l'aboutissement d'une curiosité populaire bien compréhensible.
Il est vrai qu'en dehors des trois années de sa prédication, des événements entourant sa naissance et de la fameuse scène parmi les docteurs quand il avait douze ans ( Lc 2,41-52), nous sommes finalement très ignorants sur la vie de Jésus de Nazareth ; trente ans de vie, c'est beaucoup !
Jésus, cependant, ne s'était pas contenté de prononcer des oracles ou d'édicter des commandements. On l'avait vu vivre, et son comportement faisait corps avec ses paroles ; les gestes sont en général le plus éloquent des discours. Il avait valoré les gens méprisés, soulagé les misères, accueilli les exclus. Il avait refusé les compromissions au point de s'attirer les pires ennuis. Des faits précis en avaient été l'illustration. Il fallait bien les raconter tant ils pouvaient donner envie de vivre à son exemple et de faire partie des siens.
Pour que tout cela se passe dans la fidélité à celui que la communauté vénère comme son Seigneur, il faut bien rappeler ce qui s'était vécu avant qu'il ne soit mis à mort. Les récits qui s'élaborent peu à peu ne relèvent en rien d'une curiosité anecdotique ou d'une nostalgie stérilisante. Ils sont une nécessité du présent pour que l'arbre en croissance ne coupe pas de ses racines, quelles que ce soient les directions dans lesquelles il déploie ses branches.
Les renseignements donnés par les écrivains grecs de l'Antiquité ont permis de calculer qu'un tel matériel permettait d'écrire environ trois syllabes à la minute, soit soixante-douze mots à l'heure. A cette cadence, qui n'est qu'un ordre de grandeur, il faut une centaine d'heures pour transcrire l'épître aux Romains ou l'évangile de Marc, qui sont de longueur comparable.
L'humour n'est habituellement pas reconnu comme une valeur religieuse. A mon avis, c'est dommage.