Michel del Castillo vous présente son ouvrage "Mamita" aux éditions Fayard.
L'écrivain habite le silence. On reconnaît l'exacte nécessité des mots qu'il emploie à la gangue de silence dont ils sont enveloppés. Paradoxalement écrire c'est d'abord se taire, c'est se recueillir, c'est plonger dans le silence et se familiariser avec sa pénombres où, telles des algues et des fougères sous-marines, évoluent des formes imprécises.
Pour les uns, Franco a sauvé l'Espagne du péril bolchévique ; pour les autres, il reste à jamais ce nabot sanguinaire, ce pourfendeur des libertés, cet inquisiteur glacial. Impossible de trancher, moins encore de trouver un juste milieu. Ce n'est pas une affaire de raison, mais de passions furieuses. Tout ce qu'on peut dire avec certitude, c'est que les nationaux eussent-ils perdu la guerre, l'Espagne n'aurait pas vécu sous une république pluraliste et démocratique, mais - sauf marchandage ultime la concernant à Yalta - serait probablement devenue une démocratie populaire à l'instar de la Pologne ou de la Tchécoslovaquie.
"Dans une guerre il n'y a ni vainqueurs ni vaincus: il n'y a que des victimes".
Recroquevillé sur lui-même,raidi par l'angoisse mais chaviré, le petit Xavier,qui n'avait pas trois ans, découvrait la puissance ambigüe de la musique: elle ne disait rien, ne commentait ni ne décrivait; mais, par l'alchimie des sons et leur combinaison, elle n'en révélait pas moins la réalité derrière les apparences.Déchirant le voile qui lui dérobait les secrets d'un monde énigmatique, elle lui montrait sa vérité intime, ce qui se lovait dans son cœur opprimé(p 19)
Tanguy, lui, ne croyait pas à un monde divisé en deux camps. Il ne voulait pas de haine. Peut être était-il utopiste, peut-être était-il clairvoyant. Mais il s'obstinait à aimer la vie et les hommes avec un désespoir farouche
L’héroïsme n’a rien à voir avec le courage. Un héros, c’est un lâche qui fuit en avant. Le courageux, lui, endure. P 49
« …Parfois, je me représente Dieu comme un immense fichier contenant des millions de noms qui engendreront l’héroïsme et le crime, le mensonge et l’amour. Dans les ténèbres et le silence, Dieu contemple cet écheveau fantastique, et Il attend, recueilli, que tous les fils soient dévidés. Alors, arrivera la Nuit du Décret et une aube triomphante éclairera l’humanité, arrivée au terme de son destin. » P 44
Pour nous, les enfants, ce mutisme hébété, ce mur du silence avaient pareillement été les limites de leur tendresse. Nos parents nous aimaient, mais ils ne trouvaient pas le moyen de nous exprimer leur tendresse, qu’ils manifestaient dans une sollicitude inquiète sur notre avenir. L’argent constituait ainsi l’horizon de leur affection. Leur façon de nous aimer, c’était de tout faire pour nous préserver du malheur, c’est-à-dire de la pauvreté. Une malédiction de misère rétrécissait leur esprit, les empêchait de dépasser cette peur coulée dans leurs veines. P 80
Depuis toujours, il se lovait dans les mots où il puisait la force de résister à sa débâcle. Ce furent d'abord " Les Mille et Une nuits " dont il retenait moins les intrigues que l'alchimie des mots.Parler pour ne pas mourir, comment l'enfant n'eût-il pas entendu la leçon ?
( Gallimard, 1994, p.25)
Ceux qui s'imaginent que l'art véridique console, ou , plus bêtement, qu'il guérit, n'entendent rien à son alchimie merveilleuse et funeste.C'est parce qu'il creuse la douleur, pénètre plus avant la solitude, qu'il dispense une sérénité mélancolique.(p 162)