Quinze jours plus tard, la petite tombe était couverte de plantain et de jeune absinthe, l'avoine folle épiait, le colza s'épanouissait en opulentes fleurs jaunes, le mélilot laissait pendre ses grappes, cela sentait le thym et l'euphorbe. Peu de temps après, un vieillard du village voisin vint creuser un petit trou à la tête de la tombe et y planta un poteau de chêne fraîchement raboté, surmonté d'une icône. Le visage triste de la Vierge jetait une faible lueur dans l'ombre sous l'auvent triangulaire, mais les fioritures de l'écriture slavonne se détachait en noir sur la corniche :
En ce temps de trouble et de misère,
Frère, ne jugez pas vos frères.
Le vieillard s'en alla et l'icône resta dans la steppe, affligeant les passants par son aspect mélancolique et faisant naître en leur coeur une étrange tristesse.