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Critiques de Milan Kundera (960)
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L'insoutenable légèreté de l'être

Milan Kundera a le talent de dépeindre nos sensations intimes et, la plupart du temps, inexprimables par le verbe. Tout le roman est bâti sur les différents ressentis des personnages, principalement deux couples.



Le personnage central, pivot de l'histoire où gravitent les autres est Tomas, chirurgien tchèque brillant, sceptique, désillusionné à propos du communisme et franchement hostile à partir de l'invasion russe de 1968, coureur de jupons invétéré. Tereza, sa femme photographe, qui elle est fidèle, et s'accroche à lui après avoir fuit sa mère et tout un pan de sa vie passée. Sabina, maîtresse en chef de Tomas, artiste peintre, hostile à toute forme d'ingérence dans la pensée et, a fortiori dans les actes comme le furent les chars russes et enfin, Franz, amant de Sabina, archétype de l'homme droit et fiable dont la relation adultère le torture, rappelant un peu le personnage de la modification de Butor.



Tous voient leur vie basculer au moment de l'invasion russe en Tchécoslovaquie en 1968 et dans les années de délation qui suivirent. Cet ouvrage rappelle la facture de la Plaisanterie, mais avec une tournure à la fois plus politique, un peu moins déprimante et probablement une dimension psychologique un peu plus prononcée.



Dans la première partie, l'auteur dresse avec une économie de mots mais un luxe de justesse et d'efficacité cet indescriptible état de « qui perd, perd » où l'on se sent mal seul et mal à deux, oscillant toujours d'une attente vers l'autre sans jamais réellement éprouver de mieux dans l'une ou l'autre situation. Cette première partie est aussi l'endroit d'une médaille à double face constituée par le couple Tomas-Tereza. Ainsi nous représente-t-il une certaine vision, une certaine perception d'événements au travers du prisme que constitue Tomas.



Vous avez compris que la seconde partie sera l'envers de cette médaille, au travers du prisme de Tereza, toujours avec subtilité, toujours dans le ressenti difficilement exprimable. C'est un procédé que Kundera utilise tout au long du roman, si bien que certains lecteurs sont un peu désappointés par cette non avancée de l'action, puisque les événements nous sont déjà connus, seulement ils nous sont racontés aux travers d'autres yeux et c'est à mon sens le grand intérêt du roman.



Avec Tomas, l'auteur nous interroge sur la dualité entre la légèreté et la pesanteur, en nous faisant percevoir qu'il est bien difficile de se prononcer sur la valeur positive ou négative de cette opposition. Avec Tereza, qui passe des heures devant le miroir à essayer de voir son âme derrière son apparence corporelle, il examine la dualité entre le corps et l'âme. Les nécessités du corps et les hasards de l'âme, pourtant forcés de cohabiter au sein de l'être, non sans entraîner quelques discordes.



À partir de la troisième partie, Milan Kundera évoque plus précisément la politique, à savoir l'oppression communiste en Tchécoslovaquie. le thème pourrait en être l'incommunicabilité : celle des réfugiés politiques avec les étrangers, celle des opposants déclarés et des opposants intimes, celle des réfugiés avec les personnes restées au pays. Kundera ne dénonce pas nécessairement un régime, mais met le doigt sur le fait qu'un régime n'est rien d'autre qu'une somme de complaisances et de connivences qui font que des milliers, millions peut-être, d'hommes et de femmes contribuent à faire fonctionner un système liberticide.



Enfin, je m'autorise une petite spéculation car vous savez que Milan Kundera est un grand connaisseur de la littérature classique et qu'il a même abondamment écrit dessus. Je pense que le clin d'oeil qu'il nous fait dans son livre avec le nom du chien (Karénine) est en fait une reconnaissance de filiation entre lui et Tolstoï. En effet, le projet littéraire de "La Guerre et la Paix" pourrait très succinctement se résumer en "l'insoutenable légèreté des destinées individuelles prises dans le flot de l'histoire".



Tolstoï aborde cette réflexion sous l'angle de l'événement historique de la campagne de Russie sous Napoléon, Kundera, sous celui de la révolution avortée en Tchécoslovaquie en 1968, mais dans les deux cas, les conclusions semblent les mêmes. le rouleau compresseur de l'histoire avance mais ne se soucie pas des individus, qui ont l'illusion de croire qu'ils font des choix alors que leurs choix ne sont rien, ne changent rien, auraient pu être tout autre sans modification sensible des résultats observés. le projet littéraire de Kundera est sûrement quelque peu différent, mais je pense qu'il peut être intéressant de le comparer au monument de Tolstoï.



Quoi qu'il en soit, L'insoutenable Légèreté de L'Être est, à n'en pas douter, l'un des plus grands romans mondiaux du XXème siècle finissant. Il est encore un peu tôt pour en juger, mais je gage que ce livre restera marquant pour des siècles. du moins c'est mon avis, insoutenablement léger.
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L'insoutenable légèreté de l'être

Pour être sincère j'ai eu du mal à me plonger dans ce roman, qui me semblait trop terre à terre, d'une vérité dérangeante de cynisme, l'espoir corrompue par cette légèreté de l'être qui devrait être tout bêtement, mais trop chargée d'une histoire sans espoir, ou la recherche du bonheur est la négation de la merde qui nous entoure, bernée par notre individualité, manipulée par notre inconscience, nous vivons chacun notre vie avec un bandeau devant les yeux…



Je n'ai pas cette capacité intellectuelle de disséquer de manière quantique les idées de l'auteur, pourtant j'ai compris bien des choses, sans pour autant être capable de les expliquer, emprisonné malgré moi dans mes propres limites qui se nourrissent d'une vulgarisation assumée …Je n'ai pas cette prétention de… je suis là avec mes réflexions, auxquelles j'essaie d'apporter des réponses, en quête permanente de sens alors qu'il serait plus judicieux de se leurrer, de suivre le troupeau, le poing levé, persuadé de détenir la vérité de ce qui est bandant ou ne l'est pas…



Non j'ai toujours été un lâche, spectateur du monde qui m'entoure, à toujours me poser un tas de questions à la con dont personne ne m'apportera vraiment la réponse…



Alors moi je moi je moi je…



Il y a un deux ans et ce n'est plus un secret, d'ailleurs cela n'a jamais été un tabou pour moi, je me suis réveillé un matin en me disant :



« Tiens je vais être cocu »



Je ne me suis pas réveillé cocu, non j'avais juste deviné que je le serai très prochainement, il suffit d'une maladresse, d'un petit mensonge, j'aurais pu l'arrêter, mais de quel droit, elle ne m'appartient pas, elle devait faire ses propres choix, alors je ne me suis transformé en pleureuse dont le pathétique comportement fut à la mesure de ma brève déchéance, ou tout espoir d'un bonheur éphémère se mesurait à cet acte, et à lui seul, que toute ma vie ne reposait que sur mes rêves de princesse, acquis et non immuable, alors que mon moi était juste manipulé par l'illusion d'un amour égoïste, qui attendait une réciprocité sans individualité…



Mais nous ne sommes pas seuls, nous cohabitons selon une morale érigée par la bienpensante, doué d'une empathie qui se heurte à notre égoïsme, de cette légèreté insouciante ou nous serions le héros de notre histoire, mais il y a les autres qui gravitent autour de nous en vous chiant sur la gueule leur propre existence, essayant de vous convaincre que votre vérité n'est qu'une fiction dont ils peuvent vous libérer, il vous suffit de vous agenouiller devant la majorité sans vous soucier de votre minorité, esseulé, vous ne survivrez pas, soyez sage de penser selon le plus grand nombre, soyez Kitsch…



Quand j'ai su que ma nana se faisait amoureusement tripoté par un autre, mon égo et ma fierté ont crié à la salope, à l'infamie, à la trahison, faites chauffer les buches, ma souffrance se lovait d'une morale assénée depuis mon plus jeune âge, je souffrais d'une éducation, et d'une culture à la majorité absolue, me tripotant le nombril sur ma triste vie qui n'était devenue qu'un mensonge à la con…



Mais je n'étais pas satisfait de toutes ces larmes, de cette amertume, de cette haine viscérale qui vous fait honte, j'avais honte de moi, de ma fragilité, de mon égocentrisme, de m'être rangé si facilement du côté des poings levés, alors j'ai pris le recul nécessaire en quête d'un sens plus profond de l'acte en lui-même et de ma propre réaction, je voulais cheminer vers mes propres réponses…



Il m'a fallu un an pour me comprendre, pour comprendre que mon couple était dans une impasse, mais que notre complicité et notre attachement nous aveuglaient d'un bonheur sincère et bienveillant, mais il ne suffisait plus en tant qu'individu, le « nous » était heureux, mais le « moi » était endormi , anesthésié…Puis un jour ce « moi » en ras le cul de se cacher, il veut un peu d'autonomie, de candeur, de naïveté, le « moi » est égoïste par nature, il veut survivre, s'émanciper, alors il fait ce qu'il a faire avec toute son innocence, il n'a jamais eu pour vocation le « nous », il ne pense pas aux conséquences, à la morale, au bien ou au mal, il veut survivre dans sa vérité à lui et non dans le mensonges des autres, il n'a pas pour vocation de faire du mal, juste de se faire du bien, les conséquences sur le nous sont souvent incomprises et douloureuses, pourtant il s'en branle…



Nos réactions sont définies par nos sentiments, définies par notre vie, sans cesse à la recherche d'un bonheur infini qui n'existera pas, puisque défini en tant que bonheur, c'est qu'il ne sera jamais atteint, il est juste un but qui oriente notre vie de telle ou telle manière…

Je n'ai jamais condamné ma nana, je l'ai laissé cheminé seule, je n'ai jamais élevé la voix, insulté, je ne me suis jamais énervé non j'ai compris :



Ma nana n'a jamais remis en question notre « nous », elle est tombée amoureuse en tant que « moi », c'était sincère, beau, passionnelle, je lui ai laissé le choix de partir, à plusieurs reprises, moi je savais qu'elle me manquerait, que malgré cet acte égoïste et cruelle pour mon égo, je ne serai pas heureux sans elle, ce n'était pas une faiblesse ou un manque de courage, juste un acte d'amour sincère sans rien attendre en retour, elle avait été sincère sur ce qu'elle avait vécue de différent, parfois maladroite, je l'ai imaginé méprisante et indifférente, alors qu'elle était paumée, je restais le bonheur dont elle était pleinement satisfaite en tant que « nous » mais dont elle doutait en tant que « moi »… J'ai mis du temps à comprendre mais j'ai compris aussi douloureux que cela puisse être pour mon « moi » à moi…



Il n'y a pas de brouillon dans la vie, chacun de nos actes ont une conséquence, pas de retour en arrière, il faut être en capacité d'assumer, sans regret, il y toujours une bonne raison d'agir, avec des « si » qui nous feraient tourner en rond, nous pourrions corriger, manipuler notre individualité à l'infini, alors que notre instinct nous a donné son avis sincère la première fois pour trouver les réponses à notre propre bonheur, sans la corruption du « nous.



L'humain est complexe et son instinct de survie n'est pas compatible avec son individualité, notre « moi » est notre démon intérieur, nous faisant souffrir des tourments de la vie, car nous ne sommes pas seuls…



C'est ça pour moi l'insoutenable légèreté de l'être, ce terrible combat intérieur que nous menons chaque jour, entre deux entités incompatibles le « nous » et le « moi », à chacun d'essayer de comprendre l'incompréhensible, de donner un sens à ce qui n'en a pas, nous cheminons selon le « nous » alors que nous ne sommes que « moi… »



Et je ne suis que moi, plein de paradoxes et de négations, mais je veux aimer plus que détester, combattre ce démon qui me ronge en restant ce que je suis, cet homme ordinaire qui un jour ou l'autre finira dans l'oubli d'un passage éphémère sur le chemin de sa vie…



L'insoutenable légèreté de l'être sonne comme une souffrance dont nous ne pouvons échapper.



A plus les copains…

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La plaisanterie

Ce livre m'a laissé une sensation de malaise. Non pas que je le juge mauvais, bien au contraire, mais vraisemblablement parce qu'il a su fouiller, au fond de moi, ce qu'il y avait de plus nostalgique, aller voir du côté de mes plus sombres parts d'ombre que j'imaginais ensevelies, oubliées, inexhumables (excusez ce néologisme de peu de goût).



Les protagonistes du roman tournent tous autour du destin de Ludvik, dont l'étoile cessera de briller au parti communiste suite à une plaisanterie qui, pour n'être pas très drôle, n'a pas fait rire les autorités tchécoslovaques des années fin 1940, début 1950.



Tout son parcours s'en retrouve bouleversé, mais aussi, et surtout toute sa vision de la vie. Sa route croise ou s'éloigne à jamais de personnes plus ou moins brisées comme lui et, l'auteur nous fait vivre (comme plus tard dans L'Insoutenable Légèreté De L’Être) les mêmes scènes depuis le point de vue propre de chaque protagoniste.



On y côtoie les envies et les attentes (souvent déçues) de chacun et nous comprenons pourquoi il règne une telle incompréhension dans les rapports qui unissent ces protagonistes. Nul n'est bon ni mauvais, mais en suivant sa logique propre, chacun blesse l'autre à son insu.



L'auteur développe une très intéressante réflexion sur la vision rétrospective de ses personnages qui se jugent eux-même une quinzaine d'années après les tournants de leurs vies respectives, qui, à l'instar des héros de La Guerre Et La Paix de Tolstoï, savent pardonner, comprendre, excuser ou oublier des événements qui leur ont porté préjudice ou bien, au contraire, qui n'arrivent pas à tirer de trait et ne savent qu'attendre une vengeance ou une réparation pour ce qu'ils ont vécu d'atroce.



L’œuvre, dans son ensemble, (et c'est probablement ce qui m'a le plus remuée) est une sacrée claque donnée aux idéaux de la jeunesse, une mise en garde aussi sur ce que l'on peut faire ou penser tandis qu'on est encore un être inexpérimenté où l'on se leurre continuellement.



Car, pour Kundera, ce qui est commis sera (au mieux) oublié et non réparé, quelles qu'en soient les conséquences désastreuses pour autrui, aussi est-il important de prendre du recul sur soi-même, particulièrement en ses jeunes années.



Un livre donc, éminemment nostalgique, qui taraude, et qu'il ne convient probablement pas de lire trop jeune, mais ce n'est là que mon avis de semi-vieille, qui navigue entre deux âges, avec ses lambeaux de jeunesse accrochés aux affres de la vieillesse, autant dire, pas grand-chose.
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L'insoutenable légèreté de l'être

Qu’est-ce à dire ? Un être en souffrance dont l’agir est léger. Je prends un risque si je signe la pétition car je me dévoile et m’expose à des représailles, alors, je démissionne. J’ordonne moi-même la sentence, passant d’un statut de médecin renommé à celui de laveur de vitres.

Soit ! Je décide ainsi de préserver mon intégrité. Puis, tout à coup et contre toute attente, je suis heureux ! Heureux de vivre sans responsabilités. Je découvre qu’il m’est offert un temps précieux. Une liberté où mon esprit se repose. Je dors mieux, je respire. Je ne suis plus inquiet du sort de mes patients dont le devenir ne m’incombe plus, en tout cas, pas directement. Mais que faire de ce temps donné si ce n’est ‘accentuer’ encore mon allant vers l’autre. Les autres, toutes ces femmes qui m’attirent. N’est-ce pas ce moment précis du « séduire » qui m’emplit sans cesse d’un pouvoir dont j’abuse. Quand j’ordonne d’un ton présomptueux : « déshabille-toi !». Et, si toutefois, c’est un autre qui l’intime, cet ordre qui me déstabilise, un rôle inversé qui me destitue, je me reprends alors et me virilise un peu plus. J’accentue ma force et d’un mouvement brusque, je retourne mon adversaire pour le mettre à terre, à ma merci, femme offerte, elle capitule sur la moquette où à mon tour je me tapis. Une légèreté qui m’insupporte et me transporte à la fois, qui fait partie de mon être et qui me vole à toi.

Aucune femme n’épouse ma couche sauf toi, toi que j’aime, la seule à me coexister comme cette force intérieure qui pourtant m’expatrie vers une autre, vers les autres. Ces corps nus, ces blancs dévoilés et nacrés où je recherche le détail qui diffère, mais dont aucun ne se rappelle à toi.

La légèreté est celle qui me culpabilise en m’éloignant de mon amour et la profondeur celle qui m’y relie, vers ce quotidien que pourtant j’exècre, toute cette gestuelle édictée de nos habitudes. Cette intimité prévisible qui dessert le mystère du geste amoureux.

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Il y a aussi ces signes qui conduisent l’instinct à condition de les percevoir, en dehors de toute prémonition, comme autant de liens explicites et avertisseurs.

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Quand l’antre de Térésa s’imprègne de mon infidélité, elle se fait violence et me quitte, mais je reviens vers elle puisqu'elle fait partie de mon être. Elle souffre de se sentir coupable, de ne pas réussir à m’attacher auprès d’elle et pour me combattre, elle aussi se fait infidèle. Cédant à l’ingénieur qui la presse, Térésa s’arrache à la prédiction de sa mère qui lui dénie tout avenir de femme et l’avilit pour la garder auprès d’elle. Térésa découvre alors son pouvoir de séduction et cette part d’elle, qui en dehors de l’amour, se défend puis se donne et s’adonne au plaisir ; un plaisir insoupçonné qui la révèle à elle-même et quand le ‘séduire’ lui suffirait peut-être, elle découvre la jouissance que lui apporte, le ‘défendu’, l’acte d’infidélité tandis que je me réjouis, moi, de l’après séduction d’une autre qu’elle et de tous les états de reddition qui l’accompagne.

Pourtant, loin d’elle, je n’ai pas de pulsion, je n’existe plus. Il me faut sa reconnaissance à elle pour exister tandis que nous nous rejoignons tous les deux en cet antre, tels des oisillons recouvrant leur nid douillet.



Il y a aussi ce poids de signer où pas le document que me tendent, cette fois-ci, le journaliste contestataire et mon fils, proches ils me sont, mais aussi de par mes idées politiques. Cependant, si j’ai déjà perdu mon poste de chirurgien à l’hôpital, je choisis de préserver ce qui pèse encore à mon cœur, c’est-à-dire Térésa, par crainte des conséquences que cette signature implique et ne manquera pas de suggérer aux leaders communistes qui sévissent envers mes semblables, des intellectuels qualifiés d’indésirables.

S’élève alors sous un ciel brumeux un langage à double sens entre des êtres qui se meuvent en quête de vérité. Il y a là un enjeu historique, celui de faire des choix à travers les aléas de la vie, dont émane l'insoutenable légèreté de l’être.

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L'insoutenable légèreté de l'être

Tout commence avec Parménide. Au 6e siècle avant Jésus-Christ, le philosophe établit une classification d’éléments contraires dont chaque membre est lié soit au positif, soit au négatif. Dans cette vision manichéenne qui se reconnaît ouvertement simplificatrice, le chaud est considéré comme positif et le froid comme négatif ; la lumière est positive lorsque l’obscurité est négative ; l’être est positif tandis que le non-être est négatif. Milan Kundera intervient quelques siècles plus tard et pose une colle à Parménide : dans le couple légèreté-pesanteur, quel est le membre positif ? quel est le membre négatif ? C’est la définition de la légèreté qu’il faut revoir : frivolité ou grâce ? et quid de la pesanteur : profondeur ou balourdise ? Rien de tel, pour le savoir, que de vivre l’expérience de ces deux états. Milan Kundera met en place des intrigues et des personnages dont les existences s’entrecroisent et se répondent, de l’Europe de l’est jusqu’à la Suisse des années communistes, à cette époque où la politique prend encore une place prégnante dans la vie privée. Il se permet des intrusions et des digressions fréquentes dans lesquelles il exprime, à la première personne du singulier, son point de vue d’homme et de romancier. Ses personnages semblent exister comme prototypes d’une expérience qui lui permettrait de résoudre la question de la dualité du couple légèreté-pesanteur.





L’art du romancier lui donne également la possibilité de concrétiser le concept de l’éternel retour pour mieux le dépasser. Toujours lié à cette question de la légèreté et de la pesanteur, cette fois appliquée aux actes, Milan Kundera se pose la question de la responsabilité de chacun devant la trajectoire donnée à son existence. Peut-on condamner quiconque lorsqu’il n’est donné à personne la possibilité de connaître les univers parallèles liés à la diversité des choix qui se sont offerts à lui à un moment donné de son existence ? Et qui peut s’arroger le droit de juger d’un regard neutre, lorsque même l’époque dominée par Hitler se teinte de la douce mélancolie des années qui ne reviendront plus ?





« Cette réconciliation avec Hitler trahit la profonde perversion morale inhérente à un monde fondé essentiellement sur l’inexistence du retour, car dans ce monde-là tout est d’avance pardonné et tout y est donc cyniquement permis. »





L’idéal serait de disposer de plusieurs mondes sur lesquels on renaîtrait, riche à chaque fois de l’expérience et des connaissances accumulées au cours de l’existence sur les mondes précédents. L’homme s’améliorerait-il à mesure qu’il renaîtrait ? ou resterait-il aussi insouciant et inconscient de ses actes, faisant preuve d’une faillibilité sans failles ? Le roman permet à Milan Kundera d’expérimenter virtuellement des trajectoires différentes. Comme il l’avoue, chacun de ses personnages représente une part de ses potentialités. La représentation morcelée, fragmentaire, évoluant en monades séparées qui se rejoignent parfois dans des confrontations plus ou moins heureuses, offre une réflexion étayée qui se montre bien plus pertinente que la construction d’un système basé sur la seule écriture philosophique. Mais elle présente également un danger… Ce danger se nomme « kitsch » :





« […] le kitsch, par essence, est la négation absolue de la merde ; au sens littéral comme au sens figuré ; le kitsch exclut de son champ de vision tout ce que l’existence humaine a d’essentiellement inacceptable. »





Le kitsch comme négatif n’apparaît qu’une fois qu’a été surmontée la vision du kitsch comme positif, comme élément fédérateur des hommes entre eux, s’unissant et se laissant aller au plaisir des émotions simples dans une illusion de cohésion sociale durable. Le kitsch est un danger qui, derrière des abords sympathiques, joue au service d’un totalitarisme des opinions intransigeant. En réduisant l’Être à l’être (comme le fait remarquer François Ricard dans son essai sur l’Idylle), il réduit l’individu au néant et nie tous les aspects dérangeants de son existence.





« A l’instant où le kitsch est reconnu comme mensonge, il se situe dans le contexte du non-kitsch. Ayant perdu son pouvoir autoritaire, il est émouvant comme n’importe quelle faiblesse humaine. »





Et c’est fort de cette reconnaissance que Milan Kundera fait vivre ses personnages en-dehors de tout carcan. Cherchant à échapper aux normes pour mieux laisser s’épanouir ce qu’ils croient être leurs désirs véritables, ils évitent les stéréotypes ; et lorsqu’ils commencent à ressentir la réduction de leur être au type, ils se demandent quelle est la valeur véritable de leur existence passée, et quelle quantité d’honnêteté a pu être la leur jusqu’alors. Dans le contexte de la domination communiste des pays de l’Est, ces questions prennent une ampleur considérable. Personne ne peut rester indifférent : il faut se révolter, il faut coopérer, il faut consentir ou il faut se résigner. Quelle part de soi peut-on accepter de mettre de côté dans ces conditions ? Au bout de cette voie se trouve peut-être la réponse à cette question de la légèreté de l’être comme membre positif ou négatif du couple légèreté-pesanteur. La politique n’est toutefois pas le seul domaine dans lequel il est exigé de se positionner de manière durable (ceci inclut également toute capacité de trahison et donc de versatilité) : le rapport amoureux, le rapport familial, le rapport à l’animal et le domaine professionnel sont tout aussi éloquents.





L’insoutenable légèreté de l’être suit un mouvement en tous points semblables à celui de ses personnages. Commençant avec un aplomb et une gravité qui font reculer le moment où entrent en scène les personnages du roman, l’intrigue se poursuit en amenant sans cesse au premier plan des réflexions qui guident leur parcours et transforment la lecture en expérimentation d’un univers où plusieurs mondes et différents niveaux de connaissances se superposent. Ceci faisant, les personnages finissent bientôt par être livrés uniquement à eux-mêmes dans le final du livre, au moment même où le renoncement à une partie de leurs idéaux (légèreté = lâcheté ?) leur permet de vivre dans une apparence d’harmonie (conformité = kitsch ?) qui n’est, en réalité, que l’échec de l’être à se confronter au néant sur lequel aboutit toute existence. C’est peut-être à ce point ultime que se rejoignent légèreté et pesanteur, le premier étant l’angoisse profonde tandis que le deuxième ne serait que le comportement névrotique de surface. Mais ceci n’est qu’une hypothèse parmi tant d’autres, à laquelle nous soumet majestueusement Milan Kundera.
Lien : http://colimasson.over-blog...
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L'Art du roman

Je fais rarement les choses dans le bon ordre (et ceci m'est parfois assez préjudiciable, notamment dans le domaine de la cuisine, mais bon, passons...) : en effet, j'ai commencé à lire les essais de Milan Kundera concernant la littérature en commençant par son troisième recueil, le Rideau, puis j'ai enchaîné sur son second, Les Testaments trahis, et me voilà désormais aux prises avec son premier, L'Art du roman. (Je me rassure en me disant que j'ai encore une chance de toucher le quarté dans le désordre avec Une Rencontre...)



Ce premier recueil regroupe donc sept écrits, soit sept parties, de nature et de taille différentes, s'étalant de l'interview au dictionnaire, en passant par le discours, l'essai ou l'analyse d'ouvrages. le livre s'organise ainsi en un ensemble de points et de contre-points (notion qui est d'ailleurs largement présentée dans l'ouvrage) ayant pour dénominateur commun la définition, l'exégèse presque, qu'a Milan Kundera de l'art romanesque. En soi, on ne peut pas dire que le titre est mal choisi, bien au contraire.



Personnellement, du fait que l'ouvrage n'était pas conçu, dès le départ, comme un tout homogène, mais qu'il s'est constitué pièce à pièce, brique à brique au cours du temps, je le trouve moins abouti, moins percutant, plus confus, plus disparate que ses essais ultérieurs sur le même sujet, si je le compare aux Testaments trahis et au Rideau qui m'ont laissé l'un et l'autre une impression d'ensemble plus pregnante.



Néanmoins, Kundera reste Kundera, et quand il s'empare d'un sujet, ça n'est jamais pour le survoler ni pour en dire quoi que ce soit d'intéressant ni de valable. La première et la dernière partie, notamment, m'ont véritablement ravie.



L'auteur s'y interroge et s'y positionne sur ce qu'est, par nature, le roman, et sur ce qui, par nature, ne peut être exploré QUE par le roman. Les invariants sont :



1) un regard distancié et ironique, qui est tout sauf de l'histoire, de la politique, de la psychologie ou de la science, qui n'est pas un discours de vérité au sens où on l'entend habituellement, mais une fiction révélatrice (ce que Proust a baptisé une " paire de lunettes " destinée à voir le monde d'une certaine façon).



2) une forme en prose, c'est-à-dire radicalement différente de la poésie, radicalement différente en ce sens que c'est une forme qui repose et qui fait intervenir des personnages, c'est-à-dire des " moi fantasmés ", des " moi fictifs " de l'auteur, ayant pour fonction d'explorer un thème, une potentialité de l'existence.



3) l'auteur ne doit pas avoir une vision trop précise ni trop arrêtée de ce que sera cette exploration exercée par ses personnages, il doit laisser la porte ouverte à ce qui est présent en lui mais dont il n'est pas conscient lui-même, il doit sans cesse être sensible et écouter la " sagesse du roman " qui en sait toujours beaucoup plus que lui ne peut l'envisager sur le thème en question.



Ce que j'ai moins aimé dans cet ensemble qu'est L'Art du roman, par rapport à ses autres essais du même type, c'est qu'il s'y appesantit davantage sur ses propres écrits. Ça, en soi, ça ne me dérangerait pas en tant que tel, mais ce qui me dérange, c'est qu'il m'a semblé qu'il essayait de se justifier, ou de nous expliquer comment il fallait comprendre tel ou tel passage de ses livres. Là, moi, ça me dérange, car j'aime bien voir ou comprendre ce que j'ai envie dans les livres. Pour moi, un écrit doit se défendre tout seul, sans aide ni intervention de l'auteur (ni de personne d'ailleurs, c'est une relation intime entre une émanation d'un auteur et un lecteur donné).



La partie qui m'a la moins intéressée a été la cinquième, dédiée à Kafka. Je n'y ai pas appris grand chose et, surtout lorsque je la compare avec ce qu'il en dira plus tard dans Les Testaments trahis, je la trouve assez légère, voire faible. Toutefois, ma vision aurait peut-être été différente si j'avais lu d'abord ce livre avant celui qui vient, chronologiquement, après, n'est-ce pas ?



(Vous voyez, quand je vous dis que ça me porte parfois préjudice... Néanmoins, comme je l'ai explicité au paragraphe précédent, pour moi, un écrit doit savoir se défendre tout seul, s'il perd tout ou partie de son intérêt en en ayant découvert un autre préalablement, c'est qu'il n'était pas si intéressant que cela, en soi.)



En somme, bonne impression d'ensemble, des choses très pertinentes et intéressantes de soulevées ici ou là sur différentes questions, mais un petit quelque chose qui me manque pour être totalement séduite. Je vous abandonne en vous révélant que selon mes conceptions de L'Art de la critique, celle-ci ne représente que mon avis, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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L'insoutenable légèreté de l'être

Pour moi Kundera est une valeur sûre ; un écrivain que je lis à chaque fois avec le même plaisir. C’est peut-être car la première lecture ou rencontre était réussie : c’était L'insoutenable légèreté de l'être.



Le titre déjà surprend par sa tournure plutôt philosophique. D’ailleurs même les titres des chapitres prêtent à confusion. En outre, le roman s’ouvre sur une argumentation digne d’un essai, ce qui augmente encore la surprise. Il s’agit d’un élément essentiel dans la philosophe de Nietzsche ; celui de l’éternel retour. Or, Kundera voit que la vie est plutôt une unique tentative où il n’y a point de brouillon, on ne peut faire des coups d’essai avant d’opter pour le bon choix. Par ailleurs, il mentionne aussi un philosophe grec ; Parménide, pour souligner la complexité de cette contradiction léger-lourd qui sera traitée tout au long du livre. Cependant, en plus de cette page de philosophie, Kundera a choisi un cadre historique pour son roman : le fameux Printemps de Prague et ses conséquences sur les tchèques. Mais dans cette pesanteur de l’Histoire et de la philosophie, on retrouve une histoire d’amour et de légèreté entre Tomas et Tereza.



Kundera est un disciple de ce qu'il appelle lui-même les grands romanciers de l'Europe Centrale. Il mêle réflexions profondes sur la vie, l'Histoire, la politique et l'art avec le romanesque dans une harmonie presque musicale. Il explique les actions de ses personnages en psychanalyste. Il analyse même leurs rêves. On remarque que Kundera essaie à chaque fois de nous éloigner de son intrigue principale à travers des digressions, comme si l'histoire de ses personnages n'était qu'un simple prétexte pour retrouver les thèmes qu'il aborde, mais selon, toujours, le point de vue de ses quatre personnages Tomas, Tereza, Sabina et Franz.



Ces personnages qui, à la fin n’auraient pas participé glorieusement à la trame Historique, et qui ont mené une vie banale et légère compatissant avec la mort de leur chienne Karenine (clin d’œil à l’un de ses maîtres : Tolstoï) et finissant d’une manière accidentelle, même s’ils ont essayé tant bien que mal. Mais c’est, après tout, cela la vie ; avec ses erreurs et ses bonheurs ; une vie unique sur terre sans expérience pour vérifier le degré de réussite de ses actes.



Mais, à vrai dire, ce roman est d’une telle profondeur et d’une telle densité qu’on ne pourrait cerner toute sa valeur en si peu de mots. Par contre, Kundera lui-même a déjà expliqué certains points essentiels de son roman dans son livre "L’art du roman".

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Les Testaments trahis

Milan Kundera est — chose assez rare pour être signalée — aussi doué dans l'art du roman que dans l'art de l'essai. Et il nous convie, à travers ces Testaments trahis, à neuf réflexions sur la littérature et la pratique du romancier, mises en perspective, très souvent, avec la musique classique et les compositeurs.



(Notons au passage que ce recueil d'essais a reçu le prix du meilleur livre sur la musique en 1996 de la part de la Société des compositeurs américains. Notons encore que Milan Kundera — écrivain majeur s'il en est — n'a jamais reçu le Prix Nobel de littérature, tandis que d'autres, probablement moins majeur(e)s, en raison des souffles de l'air du temps, en reçoivent assez indûment, mais bon, c'est comme ça. Heureusement, je fais confiance au temps qui fera oublier ces récipiendaires indu(e)s de l'histoire littéraire, comme l'automne arrache inlassablement les feuilles devenues inutiles au tronc principal après leur jaunissement.)



Kundera nous emmène sur des chemins très divers, mais il examine en particulier l'humour, la dérision (celle de Rabelais ou de Cervantès) dans l'activité romanesque, qu'il distingue du soucis de réalisme (source d'incompréhension comme dans le cas des Versets sataniques de Salman Rushdie et qui a retrouvé tout récemment toute son actualité). de façon générale, il distingue deux grandes périodes dans l'histoire littéraire : l'avant 1800, encore très invraisemblable, et l'après, soucieux de réalisme. En ce qui concerne la littérature française, cela correspondrait à la fracture qui a lieu entre les Voltaire/Diderot et Balzac.



Il aborde aussi l'incompréhension de l'esthétique des auteurs, notamment par les biographes ou les critiques. Dans le domaine littéraire, c'est notamment le cas pour Franz Kafka. Toujours à propos de Kafka, il aborde le problème de la traduction, qu'il juge souvent infidèle à l'esprit, à l'esthétique poursuivis par l'auteur. Il évoque encore le cas des écrivains déracinés, comme lui, notamment au travers du cas de Witold Gombrowicz.



Il pousse également une réflexion très intéressante sur la difficulté à saisir réellement le présent et nous oriente vers le travail de nouvelliste d'Ernest Hemingway, notamment en ce qui concerne le dialogue (ce en quoi il s'oppose à Virginia Woolf à propos de la même nouvelle, Les Collines comme des éléphants blancs, dont on peut trouver une critique dans le recueil édité en collection Quarto des nouvelles d'Hemingway : à titre de curiosité, je vous invite à lire les différences de point de vue de ces deux grands lecteurs critiques de la littérature).



Enfin, dans plusieurs essais, il aborde la question de la réflexion philosophique, historique ou même carrément de l'essai inclus dans le roman, notamment au travers des cas de la Guerre et le Paix de Léon Tolstoï, de L'Homme sans qualités de Robert Musil ou encore Les Somnambules de Hermann Broch.



Bien entendu, ce ne sont que quelques uns des thèmes embrassés dans ce recueil et je n'ai pas parlé des très nombreuses réflexions qui concernent plus spécifiquement la musique et les musiciens (et qui amènent l'auteur à s'interroger sur l'art de la composition également en littérature, appliquée notamment à son Livre du rire et de l'oubli).



Donc, une mine de réflexions absolument captivantes, de mon point de vue, et que je recommande très volontiers à toutes celles et tous ceux qui aiment réfléchir sur la littérature en général. Selon moi toujours, Milan Kundera est à l'essai littéraire (abordable, original et captivant) ce que Stephen Jay Gould ou Jared Diamond sont à l'essai scientifique, ce qui n'est pas peu dire. Néanmoins, gardez à l'esprit que ce qui est exprimé ici n'est que mon avis, que peut-être mon testament trahira, c'est-à-dire, bien peu de chose.
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Le Rideau

Troisième essai de Milan Kundera, après L'Art du Roman et Les Testaments Trahis, troisième réflexion sur ce qu'est — ou ce que devrait être — le roman et la façon de le faire. Le résultat est captivant, comme toujours.



Ici, Milan Kundera creuse, comme à son habitude, de façon approfondie, pertinente et pluri-axiale ce qu'est, selon lui, l'essence du roman, c'est-à-dire, au-delà de ce qui le caractérise extérieurement, ce qui ne pourrait être exprimé autrement que PAR le roman.



Premier constat, le roman n'est ni de la poésie, ni du théâtre. La poésie, c'est la recherche de l'esthétique à tout prix : le roman ne s'interdit pas de ne pas être esthétique ou, à tout le moins, son esthétique correspond à l'esthétique " ordinaire " de la vie. le théâtre, quant à lui, c'est une unité de lieu, de temps, de personnages : c'est une extrême condensation, une extrême focalisation sur un point précis, infinitésimal si j'ose écrire, de la vie. Ses personnages ne sont pas des êtres humains véritables, ce sont des rôles, c'est-à-dire, pour faire simple, des fonctions ou des symboles ou des allégories de grandes catégories de comportements ou d'êtres, mais pas des êtres véritables.



Le roman, lui, s'attache à essayer de restituer non pas la vie (qui le peut ?), mais la vision particulière d'un individu sur la vie. Il est à même de percevoir les premiers frémissements d'une nouveauté universelle. (Kundera cite Adalbert Stifter, qui, dans L'Arrière-Saison, perçoit une mutation de la société européenne, à savoir, l'avènement de l'administration, thème qui sera repris et amplifié 60 ans plus tard par Franz Kafka dans le Château. Cette mutation qualitative de nos vies, ce changement de paradigme est devenu tellement " naturel " que plus personne ne le perçoit à l'heure actuelle car l'administration fait partie de nos vies.)



Quel poète ou quel dramaturge aurait pu exemplifier dans l'une de ses oeuvres un tel virage ou une telle évolution ? Certes, le théâtre peut, à l'heure actuelle, se moquer, tourner en dérision ou en horreur ce qu'est devenue la machinerie administrative à notre temps t. Mais faire sentir une mutation, en temps réel, c'est-à-dire dès le XIXème siècle, voilà qui était et qui demeure, par définition, impossible car l'unité de temps ne l'autorise guère. C'est le ressenti intime, inconscient presque, d'une personne dans une époque qui est perceptible dans le roman.



Le roman peut toucher à l'essai (L'homme sans Qualités de Robert Musil, Les Somnambules de Hermann Broch, par exemples), le roman peut laisser parler une foule de narrateurs qui donnent chacun leur point de vue sur une même série d'événements (e. g. Les Liaisons Dangereuses de Pierre Choderlos de Laclos, Tandis que J'Agonise de William Faulkner).



Le roman parle des vraies gens et de leurs problèmes très prosaïques : Don Quichotte a beaucoup de problèmes avec ses dents tandis que les héros de l'Iliade ont tous des sourires parfaits ; c'est ce qui distingue le roman de l'épopée ou de la Saga. le roman ne s'interdit pas de diluer ce qui n'est à l'origine qu'une blague pour en analyser tous les ressorts sociétaux : Bouvard et Pécuchet de Gustave Flaubert est le sujet d'une plaisanterie qu'on aurait entièrement dilué et disséqué. Même chose pour le Procès de Franz Kafka. le but n'est plus ici d'appuyer sur le comique mais d'analyser en profondeur ce que le comique ne fait que suggérer.



Bref, le roman est à même de saisir toutes les composantes de la vie, même l'ennui, même le gore, même le trivial, même la bêtise moyenne, même la pensée fugace, même l'art de se faire un thé, même les fantasmes ou les pulsions non assouvies, même les non-conscientes : il n'est ni poésie, ni théâtre, ni essai, ni traité, ni jeu, car il est tout cela à la fois et parfois, même, simultanément.



Le romancier est celui qui peut — ET QUI DOIT — écarter ou déchirer le rideau qui dissimule un aspect de ce qui pourrait nous empêcher d'aller au fond des choses. En somme, pour paraphraser Marcel Proust, le romancier est un genre d'opticien qui passe son temps à imaginer de nouveaux modèles de lunettes pour toujours mieux percevoir le monde.



En somme, d'après moi, un grand essai, mais bien évidemment, ceci n'est qu'un avis derrière un rideau, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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L'insoutenable légèreté de l'être

La sagesse de l’incertitude.

Cette définition du roman selon Kundera se retrouve dans toute son oeuvre et dès l’ouverture de ce monument de la littérature du 20 ème siècle. L’homme n’a qu’une vie et la pesanteur de ses choix n’a d’égale que la légèreté de son existence. Impossible de rembobiner sa vie et de savoir quel aurait été le cours de son histoire si d’autres chemins avaient été empruntés. Pour supporter cette impasse et ne pas se fouetter d’éternels regrets, autant prendre la vie comme elle vient.

L’histoire est connue mais autant la radoter, car elle est belle. Tomas est un brillant chirurgien qui vit à Prague en 1968. Il est plus intéressé par ses conquêtes féminines que par l’agitation politique. Il épouse Teresa, jeune femme tourmentée, jalouse et ivre d’idéaux politiques et amoureux. Etouffé, Tomas multiplie les infidélités, notamment avec une amie, Sabina, photographe, individualiste et éprise de liberté.

Lors du printemps de Prague, Tomas et Teresa s’enfuient en Suisse mais la jeune femme ne peut se résoudre à vivre loin de chez elle et elle rentre seule. Tomas doit alors choisir entre une vie helvète légère où il peut s’épanouir dans son métier et étancher sa soif amoureuse ou rejoindre Teresa, perdre son travail et s’exposer à la répression communiste. Il rentre à Prague, devient laveur de carreaux et le couple part vivre à la campagne avec leur chien, Karenine.

Comme tous les palais romanesques, l’accès à ce livre impressionne. Rien que le titre nécessite la prise de Paracétamol. J’ai mis les patins pour glisser à pas feutrés sur cette prose cirée. Dès la première phrase, Nietzsche est cité. Il faut s’accrocher ODP. J’ai parfois été obligé de relire certains paragraphes car j’avais eu la maladresse de cligner de l’œil entre deux phrases. Il faut dire que chaque décision d’un personnage est suivie d’un commentaire philosophique. Penser à ne jamais inviter Milan Kundera à un diner. Du coup, il est difficile de s’attacher au récit car les digressions laissent le lecteur spectateur de l’histoire. En fait, j’ai eu l’impression que l’auteur ne cherchait pas à retenir mon attention et d'assister à une conférence. Il m’a fallu un bon moment (je ne suis qu’un homme) pour comprendre que cette prise de recul avait pour ambition d’inviter à la réflexion sur le sens unique de la vie. Je suis content d’avoir attendu d’être à maturité pour m’engager dans cette lecture. Plus vert, la pesanteur aurait eu raison de ma légèreté.

Il ne s’agit donc pas seulement d’une belle histoire d’amour au milieu des chars russes. Ce n’est pas davantage le roman d’un intellectuel exilé contre le régime communiste et ses mythologies. Ses personnages sont autant victimes de l’histoire que de leurs choix personnels. Il s’agit plutôt selon moi d’une méditation sur la liberté individuelle et sur les forces contraires qui secouent nos existences.

Chaque lecteur de ce roman garde un souvenir de ce voyage littéraire. Pour moi, ce sera la fin de vie du chien Karénine. L’attachement de Tomas et Teresa à cette bête témoigne de plus d’humanité que tous les états d’âmes qui tourmentèrent leur passion amoureuse.

Pas étonnant qu’un auteur mythique entre dans la Pléiade de son vivant.







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La valse aux adieux

Avec l'année nouvelle viennent les bonnes résolutions !

Deux ans sur Babelio et pas la moindre critique à mon compteur d'auteurs tels Michel del Castillo, Romain Gary, Milan Kundera, Vladimir Nabokov que je lisais avec délectation dans les années 80.

L'année 2015 sera en partie consacrée aux relectures : il me semble important de présenter aux plus jeunes des romans intemporels un peu tombés dans l'oubli, victimes en quelque sorte de la course à la nouveauté.



“La valse aux adieux”, dont l'écriture remonte au début des années septante, est le dernier roman écrit par Milan Kundera sur le sol tchécoslovaque. Quelques années plus tard, en 1975, il quittera “un pays qui ne veut plus de lui” pour s'installer en France.

Depuis la fin du Printemps de Prague, l'écrivain n'a de cesse de dénoncer le néo-stalinisme ambiant. “La valse aux adieux” ne déroge pas à la règle : la chape de plomb qui s'est abattue sur le pays durant l'été 1968 est présente en filigrane tout au long de l'intrigue.



L'espace temps de ce roman n'excède pas cinq jours et se déroule au sein d'un havre de paix, en l'occurrence une ville d'eau au charme désuet. De par l'enchevêtrement des relations entre les huit personnages principaux, les premiers chapitres donnent l'impression trompeuse d'une comédie de boulevard saupoudrée de marivaudage.



Dans cette station thermale où l'essentiel des curistes se compose de femmes en recherche de fécondité, ne voilà-t-il pas que la plus jolie des infirmières, Ruzena, est enceinte. Elle n'en est pas certaine mais se persuade que le géniteur est un trompettiste de renom, Klima, avec lequel elle a passé la nuit qui suivait le concert donné dans la petite ville quelques semaines auparavant.

Ruzena se garde bien d'annoncer à son petit copain Frantisek, le mécanicien, ce début de grossesse et choisit au contraire d'appeler au téléphone le trompettiste pour lui annoncer l'heureux événement.

La réaction catastrophée du musicien est le point de départ d'un drame ahurissant qui surviendra quatre jours plus tard. Personne, pas même la police, ne comprendra vraiment de quoi il en retourne.

Seul le lecteur, guidé d'une main de maître par un auteur retors au possible, sera au courant des tenants et aboutissants d'une tragédie dans laquelle le hasard et la malchance se taillent une place de choix.



Milan Kundera ne s'embarrasse pas de complaisance avec ses personnages et met l'accent sur les aspects les moins agréables de leur personnalité. S'il est une constance qui se dégage de ses différents romans, c'est bien sa défiance des relations par trop fraternelles. L'incommensurable légèreté de l'être humain empêchera toujours l'illustre écrivain d'accorder une confiance aveugle à son prochain.



Laissez-vous entraîner dans cette valse endiablée à cinq temps, il est important de commencer 2015 du bon pied !



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Le Livre du rire et de l'oubli

Milan Kundera a cherché à bâtir un " roman " comme on composerait une oeuvre musicale ; la structure y est fondamentale. Mais si l'on comprend aisément la mécanique de la composition musicale classique, un petit côté mathématique, des thèmes qui se répondent ou qui disparaissent puis reviennent avec une légère transformation, ou qui se superposent après s'être juxtaposés, etc. (je vous passe les secrets et les formules de la composition musicale à laquelle d'ailleurs je ne pige pas grand-chose).



Bref, si l'on voit à peu près comment cela peut fonctionner et s'articuler en musique et concourir à une homogénéité d'ensemble, il en va tout autrement d'un " roman " selon moi. J'ai pris la peine d'apposer des guillemets autour du mot roman car, lorsqu'on le tronçonne en " thèmes " différents, faisant intervenir des personnages, des lieux, des époques ou des tons différents, il est difficile de ne pas y voir autre chose que des nouvelles indépendantes et non plus un roman, stricto sensu.



Alors, il y a deux solutions : soit vous choisissez la méthode Faulkner, apparue relativement tardivement dans l'histoire du roman, qui consiste à mélanger des tronçons d'histoires parallèles ayant pour but de converger et de nous faire saisir le lien et la cohérence de l'ensemble à la fin. C'est un peu la stratégie narrative d'un film comme 21 grammes du réalisateur mexicain Alejandro González Iñárritu. (Le fait qu'il soit mexicain n'est peut-être pas totalement un hasard car on sait combien Juan Rulfo est admiré en son pays et combien ce dernier a rendu digeste la technique narrative de Faulkner, chose qui ne l'est pas forcément sinon.)



La deuxième solution est, quant à elle, très ancienne, car elle est même apparue avant le roman moderne (imputable à François Rabelais) sous la plume de l'inévitable Giovanni Boccaccio (Boccace pour les francophones) et de son recueil de nouvelles fondateur : le Décaméron. C'est plutôt vers cette solution que semble s'être tourné Milan Kundera : accoler des nouvelles a priori dissemblables dans le but que leur combinaison produise un effet supérieur à la somme de leurs individualités.



Le projet est beau, bon d'après moi, mais, toujours d'après moi, pas extrêmement bien réussi ici. Il y a des différences de ton, de style, de posture narrative qui font que l'ensemble m'apparaît hétéroclite et inégal. Certaines des variations m'ont paru inutiles ou désolidarisées de l'ensemble (d'où leur inutilité selon mes critères).



Le livre comporte sept parties, avec deux séries de deux nouvelles ayant le même titre et revenant comme dans les règles de la composition musicale à laquelle on sait que l'auteur est à la fois sensible et expert. Personnellement, j'ai particulièrement aimé la première, intitulée Les Lettres perdues dont le style m'a semblé net et épuré à l'extrême, quasi cristallin. J'ai également été sensible à la deuxième, intitulée Maman puis à la cinquième intitulée Litost. Toutefois, cette cinquième partie est d'un style tout à fait différent, proche du symbolisme et/ou de l'essai.



En revanche, j'ai totalement perdu pied dans les troisième et sixième parties, intitulées toutes deux Les Anges : je ne voyais plus du tout où l'auteur voulait m'emmener ni à quoi il faisait référence. L'histoire de Tamina, supposément censée être la colonne vertébrale de l'ouvrage, ne m'a pas du tout intéressée. D'autre part, les longues et pesantes digressions, tout au long du livre sur les ébats et les réalisations sexuelles des protagonistes m'ont semblé gratuites et ennuyeuses. Cela m'apparaît même être une sorte de fixation chez l'auteur, tant cela revient souvent dans son oeuvre.



Sur le fond, qu'en est-il ? Difficile à dire. On y voit de criantes résonances avec le vécu de l'auteur, à savoir le musellement dont il fut la victime dans la Tchécoslovaquie communiste (en gros de 1948 à 1968, date de l'invasion soviétique de Prague dans le but de lui couper toute velléité d'émancipation de la grande soeur U.R.S.S.), puis son exil en France et son questionnement sur les pieds de nez de l'histoire, sur l'insignifiance de l'être (on sent déjà poindre l'interrogation majeure de son futur et magistral roman suivant, L'Insoutenable légèreté de l'être).



Mais sortie de ces très grossières constatations ce n'est pas très clair pour moi et les digressions nous emmènent sur des terrains brumeux. Tout semble être contenu dans le titre. Je vais même vous faire un petit aveu : je crois qu'une bonne somme des interrogations et des cheminements personnels de Kundera apparaissent dans ses titres de livres si on prend la peine de les ordonner chronologiquement.



Il y eu tout d'abord La Plaisanterie, celle qui lui vaudra de se faire éjecter du parti communiste tchèque et qui lui assurera ultérieurement pas mal d'ennuis. Le refuge ensuite dans de futiles aventures, focalisation et canalisation de la libido débordante de l'auteur, les fameux Risibles Amours, puis, après 1968, quand la situation devint réellement intenable pour lui dans son pays, La Vie est ailleurs et les promesses d'un exil à l'étranger.



Mais une fois arrivé en France, le questionnement existentiel, politique et historique le reprend et finalement, tout ce qu'il a vécu, mieux vaut en rire et l'oublier, d'où ce titre, le Livre du rire et de l'oubli. Mais là ne s'arrête pas les questions existentielles. Finalement qu'est-on ? quand on est rayé des listes de son pays, victime d'un rototo de l'histoire mondiale, dérisoire à l'échelle des siècles mais énorme à l'échelle individuelle ? D'où L'Insoutenable légèreté de l'être.



Viendront ensuite des questionnements logiques sur l'identité et sur l'immortalité, questionnements typiques d'un écrivain et/ou d'un exilé… Bon j'arrête là mes divagations sur un livre qui, comme c'est tout de même du Kundera, ne m'a pas totalement déçue, mais comme c'est du Kundera et qu'on sait de quoi il est capable dans ses meilleurs crus m'a forcément un peu déçue quand même. Toutefois, souvenez-vous que ceci n'est qu'un risible avis, et qu'il vaut peut-être mieux l'oublier car, dans le fond, il est insoutenablement léger, c'est-à-dire, pas beaucoup plus qu'une plaisanterie.
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L'insoutenable légèreté de l'être

L'insoutenable légèreté de l'être est un titre qui attire. Le titre oxymorique prend toute son importance au fil du roman.

Comment parler d'un livre qui a été un coup de cœur, tout en essayant de rester objective ? Je crois que c'est une chose impossible.



Ce livre m'est tombé dans les mains au moment ou j'en avais le plus besoin, il fut pour moi comme une thérapie, il m'a aidé a mettre un mot sur ce que je ressentais et a comprendre ce qu'était l'amour dans certains cas.

Je suis rentrée dans l'histoire des les premières pages pour ne jamais en sortir , seulement quand il le fallait. Jamais des personnages ne m'ont semblé si vrai, si crédible, si profond. Kundera donne sa propre définition de l'amour tout en essayant d'argumenter ses propos par des exemples, en citant des philosophes ( notamment Nietzsche des les début ) et c'est incroyable parce qu'il arrive a mettre des mots sur nos sensations vécues ou pas. Certains passages m'ont beaucoup émus, je ne compte plus les pages cornés pour en retenir les passages. Je me suis senti très proche des personnages et quelque part, je me suis peut être un peu identifiée a Tereza.

L'insoutenable légèreté de l'être est-il simplement un livre d'amour ?

Non bien que l'amour y prenne une grande place, il y a de la politique notamment avec les passage assez puissant qui définissent le Kitsh, le contexte spatio-temporelle est aussi bien choisit : la période du communisme et de L'URSS, Kundera en profite pour attaquer le communisme et la censure qu'il suggérait.

Ce livre est bourré de réflexion sur la vie et quand on en capte l'essence, cette histoire peut marquer le lecteur au point d'y laisser une trace dans sa vie, je pense que c'est mon cas.



L'histoire d'amour de Tomas et Tereza est la plus bouleversante et la plus belle que j'ai lu jusque la. Elle nous apprend qu'il ne suffit pas d'aimer quelqu'un pour être heureux, au contraire, on peut souffrir d'aimer une personne et on peut la faire souffrir sans le vouloir, parce qu'au fond, bien qu'on aime la personne, on ne change jamais vraiment. Tel est le cas de Tomas qui ne cessera de faire souffrir Tereza avec son infidélité, sa nature libertine qui veut posséder les femmes mais qui n'en aime qu'une. Tereza de son côté, est esclave de sa passion.

Kundera sépare l'amour physique et l'amour de l'âme qui est aussi au cœur de cette histoire.

Aussi il y a l'idée de totale et immuable incompréhension entre deux personnes qui s'aiment, qui peut a la longue, être le frein a toute relation ( voir le petit lexique des mots incompris ) représenté par Franz et Sabina.

Dans chaque vie on trouve la légèreté et l'apesanteur, mais qu'est-ce que la légèreté ? Qu'est-ce que la pesanteur ? Qu'est-ce qui est négatif et qu'est-ce qui est positif ?



Un livre puissant dont les phrases ont en quelques sortes marquées ma mémoire de lectrice à jamais, je remercie la personne qui m'a conseillé. J'aimerais dire que c'est un chef d'œuvre et une magnifique première lecture de Kundera, de qui j'aimerais lire d'autres livres.

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L'Art du roman

Voilà déjà quelque temps que Kundera rentre dans les instables piles de ma bibliothèque...

Et c'est L'art du roman , un essai, que j'ai choisi pour entamer l'oeuvre de cet auteur qui m'intriguait tant.

L'art du roman, c'est la vision éclairée et acérée de Kundera sur une prose de tous les possibles: Une sorte d'auberge espagnole (Kundera évoque celle de Cervantès) dans laquelle se rencontrent poésie, essai et philosophie. Un plat complet derrière lequel l'auteur doit s'effacer, et laisser la parole aux mots et aux fulgurances... Et Kundera de me donner une clef pour retourner lire Kafka au Château!.. Et de me rappeler le bonheur ressenti à la lecture du Brave soldat Chveik... Et l'envie (encore cette envie dans un temps compté, mesuré) d' attaquer le monument Cervantes et de découvrir Broch.

Milan Kundera (encore lui, c'est son bouquin après tout, non?) offre au lecteur d'intéressantes analogies avec la musique et sa composition: polyphonie, transitions, pas de transitions.

L'art du roman: Sept parties (tiens donc...) dont la dernière offre un aperçu saisissant de la bêtise dans l'oeuvre de Flaubert. Rappel salvateur.

Sept parties dans les quelles on trouve, entre autre, une sorte d'éloge à la diversion. Hop, on prend le chemin, le diverticule...

Pour moi, ce livre sur lequel je viens de passer quelques beaux jours, serait presque indispensable. À lire, en tout cas.
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L'Identité

Lorsque perceptions, sensations, doutes, certitudes se mêlent dans le cheminement d'un couple qui s'aime sans plus se comprendre, on est en présence d'un roman dans lequel Milan Kundera mêle savamment rêve et réalité, ce qui peut dérouter le lecteur trop cartésien.



Ce "je t'aime moi non plus" se perd dans des dédales philosophiques où l'on peut se rendre compte que trop de questions n'obtiennent plus de réponses, surtout lorsque le questionnement est intérieur et que chacun le mélange à ses doutes et convictions.



Milan Kundera ne cherche pas à rendre ses personnages attachants, il les laisse s'enferrer dans leurs angoisses, le lecteur devient un spectateur impartial qui ne prendra jamais le partie de l'on ou de l'autre.



Pas d'exercices de style non plus, mais l'auteur appuie partout où cela pourra accroître les doutes, désarçonner encore plus ce couple improbable, avec une fin onirique où les perceptions de chaque lecteur pourront se confondre avec les sensations éprouvées par les protagonistes.
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L'Art du roman

"Tout roman est une devinette du monde"

(G. G. Marquez)



Mes sentiments envers Milan Kundera étaient toujours quelque peu ambigus. Il n'y a que la langue allemande qui possède un mot très pratique, "hassliebe", pour les décrire avec exactitude : d'un côté j'apprécie énormément ses romans, et de l'autre il y a une sorte d'inexplicable antipathie envers Kundera-homme.

En ce qui concerne la littérature, peu m'importe. Le grand critique littéraire tchèque F. X. Šalda disait déjà au début du siècle dernier :" Si tu es un mauvais homme, arrange toi avec le gendarme ou le curé, mais si tu es un mauvais écrivain, je me donne le droit de t'anéantir." Et Kundera est un écrivain excellent.

Loin de moi aussi l'idée qu'il soit un "mauvais homme", c'est seulement que l'attitude de ce natif de Brno envers ses ex-compatriotes déçoit et attriste plus d'un Tchèque. Kundera n'est pas le seul auteur qui tient à préserver sa vie privée (on peut penser par exemple à Volodine ou à Ferrante) et qui préfère s'adresser au lecteur uniquement à travers ses romans, en le laissant à sa propre interprétation. "La naissance du lecteur doit se payer de la mort de l'auteur", a écrit Roland Barthes dans son mémorable essai. On peut aussi comprendre que Kundera préfère voyager incognito, qu'il refuse les prix littéraires et les interviews, mais son refus de faire traduire ses romans en sa langue maternelle frôle, excusez l'expression, l'obstination d'un pédant.

Kundera vit en France depuis 1975. Ses premiers romans sont passés plutôt inaperçus, jusqu'à ce qu'il change de tactique en écrivant "L'insoutenable légèreté de l'être", une sorte de "socialisme, mode d'emploi", destiné au lecteur occidental, qui l'a tout de suite propulsé aux sommets littéraires. En 1995 il écrit son premier roman directement en français, "La lenteur", jamais traduit en tchèque. Un lecteur tchèque doit donc maîtriser le français, l'anglais, l'allemand, le suédois, le russe ou n'importe quelle autre langue étrangère pour continuer à lire Kundera. Seul Kundera peut bien traduire Kundera en tchèque, mais hélas, le temps lui manque. Il ne faut pas s'étonner que les Tchèques fidèles à son oeuvre font circuler les traductions "au noir", comme au bon vieux temps du samizdat. Désapprouvées par les uns, acceptées avec joie par les autres... ont-ils le choix ? C'est presque une ironie du sort qu'au moment où les Tchèques étaient à nouveau autorisés à lire Kundera, ils ont encore perdu cette possibilité....



Par une certaine solidarité, je n'ai donc jamais ouvert "La lenteur" ni un autre livre de Milan écrit depuis 1995. Puis j'ai fait exception avec son essai "L'art du roman" (jamais traduit en tchèque sous la forme proposée au lecteur français), et j'ai bien fait.

Kundera est un auteur intellectuel, dont l'oeuvre romanesque est complétée et accompagnée par le travail de philosophe et de théoricien littéraire. Dans "L'art du roman", il quitte la théorie pour nous expliquer sa vision personnelle du roman, que ce soit le sien ou le roman européen en général. On voit à quel point il est influencé par la phénoménologie de Husserl et de Heidegger, quand il parle, justement, des déceptions et des difficultés de la traduction, et des diverses interprétations des mots et des concepts qui varient et changent d'une langue à l'autre, d'un traducteur à l'autre, et aussi d'un lecteur à l'autre. Une explication édifiante qui m'a presque réconciliée avec Milan, en me disant que sa langue maternelle doit toujours garder une grande importance pour lui.

Il parle aussi de journalistes habitués à mener les interviews de façon qui arrange leurs propres desseins, et qui déforment systématiquement les propos de l'écrivain.

Avec le chapitre "Soixante-neuf mots", il nous propose, dans le genre typiquement kunderien, un petit dictionnaire des mots-clés de son univers fictif ; on trouve déjà quelque chose de similaire dans "L'insoutenable légèreté", mais cette fois c'est par nécessité d'éclaircir sa vision de ces termes, générée par sa désagréable expérience avec l'inexactitude des traductions.

Il nous parle aussi de l'art de la composition, en comparant le roman aux compositions musicales.



La plus intéressante des sept parties de "L'art du roman" (l'amateur de Kundera notera le chiffre magique récurrent !) est probablement le premier essai, "L'héritage décrié de Cervantes", qui commence par rappeler la série de conférences d'Edmund Husserl sur la crise de l'humanité européenne. Avec l'essor des sciences exactes, la vie humaine serait devenue quelque chose de parfaitement analysable, pesable, mesurable et explicable par la rationalité mathématique, en oubliant le monde vécu individuellement dans des milliers de réalités différentes (lebenswelt). Selon Kundera, c'est justement le roman dans sa continuité qui nous permet de visiter tous les recoins de l'âme d'un individu ancré dans son époque : historiographie, sociologie, philosophie ou économie nous en donnent une certaine image, mais les personnages comme Don Quichotte, Tristram Shandy ou Emma Bovary vont nous tirer par la manche en chuchotant : "Et si tout était autrement ?". Il n'y a que le roman qui nous dévoile les aspects divers de l'existence et ses multiples vérités. On s'interroge sur le sens de l'aventure avec Cervantes, on se demande ce qui se passe dans notre for intérieur avec Richardson, avec Balzac on monte dans le grand train de l'Histoire et avec Flaubert on retourne dans le quotidien en rêvant à nouveau de Cervantes et de l'aventure. Avec Tolstoï on vit des moments irrationnels au moment de prendre une décision, et avec Proust on exploite le Temps. Le roman est un Paradis imaginaire de l'individuel, qui nous apprend tant les doutes nécessaires que la tolérance envers la vérité d'un autre. Et de ce point de vue, il serait donc un ennemi juré de toute idéologie dogmatique. Le destin incalculable et imprévisible des personnages romanesques serait toujours accompagné d'un grand rire de Dieu (si ce n'est pas celui du lecteur), comme l'auteur se plaît à imaginer.

Et la place de l'auteur, dans tout ça ? Selon Kundera, l'auteur doit s'effacer au profit de ses personnages. Il y a peut-être une partie de l'auteur là-dedans, peut-être pas, à vous de voir... un roman contient autant de vérités que de lecteurs. Comme aux temps des conteurs et troubadours anonymes, il vit sa propre vie, et a toujours quelque chose à proposer pour enrichir les générations suivantes.

Voilà la vision de Milan Kundera, cet auteur qui s'efface délibérément au profit des mots et de la littérature.



Comme cette critique est déjà d'une longueur indécente, je vais garder pour moi ce que je pense de la biographie de la journaliste Ariane Chemin, au titre proustien "À la recherche de Milan Kundera". En hommage à un autre écrivain aimé de Kundera, cela aurait pu très bien s'intituler "Le procès II, ou Les testaments trahis de Milan K." Si vous voulez apprendre quelque chose de vraiment intéressant sur Kundera, prenez plutôt un livre de Kundera, un auteur à 5 étoiles.
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La valse aux adieux

« A première vue, les romans et nouvelles de Kundera sont assez inoffensifs. Il serait donc possible de les lire comme de bonnes histoires, sans plus. Sauf que le lecteur ne peut échapper à une certaine perplexité ni à la conscience d’être en présence d’un récit grinçant, illusoire, truqué. »



François Ricard



Grinçant, illusoire, truqué…tous les récits de Kundera procèdent à une mise à nu, dépouillant les événements et les êtres de leur réalité ou de ce qui en tient lieu, afin d’en révéler le caractère factice et trompeur. La valse aux adieux, avec son unité de lieu et son décor de carton pâte — une ville d’eaux dans la Tchécoslovaquie communiste — sa déclinaison sur cinq journées et ses personnages automates se croisant, se heurtant et s’accouplant en une ronde qui donne le vertige, en est l’illustration particulièrement virtuose.

Le lecteur croit d’abord être en présence d’une intrigue assez anodine qui n’évite pas certains clichés : Un sémillant trompettiste à succès aimé d’une femme d’une beauté bouleversante et d’une jalousie maladive, multiplie les conquêtes d’un soir. Une jeune infirmière mesquine et opportuniste utilise sa grossesse non désirée comme instrument de chantage. Un gynécologue débonnaire et humaniste dévoue sa vie à l’infertilité des couples mariés. Un ancien prisonnier politique convaincu de sa supériorité morale jette sur la masse de ses congénères un oeil amusé et désabusé … etc…

Sauf que derrière la mine conquérante du séduisant trompettiste se cache un couard qui se liquéfie de terreur à l’idée que sa femme puisse apprendre qu’il en a engrossé une autre.

Sauf que derrière la face obtuse de l’infirmière se niche une fille douce, incandescente prête à éclore sous les caresses d’un homme qui sait aimer les femmes.

Sauf que sous son air de doux rêveur et d’homme dévoué à une juste cause, le gynécologue pourrait en réalité cacher de dangereux projets eugénistes.

Sauf que la prétendue grandeur d’âme de l’ancien prisonnier politique se révèle être un leurre, l’habillage d’un cynisme sans rémission : l’homme valeureux, version parodique du Raskolnikov de Crime et châtiment, est un assassin comme tous les hommes :

« Et de nouveau il se souvint qu’il avait glissé du poison dans le tube de médicaments d’une inconnue et qu’il était lui-même un assassin. (…) Et il songea qu’il n’avait lui-même aucun droit privilégié à la grandeur d’âme et que la suprême grandeur d’âme c’est d’aimer les hommes bien qu’ils soient des assassins. »



La fascination qu’exerce sur moi cette oeuvre unique insidieusement subversive, dont les réflexions philosophiques et existentielles se mêlent avec un naturel et une élégance rares à une intrigue parfaitement maîtrisée, est exactement la même qu’il y a vingt ans. Amusée, subjuguée, inspirée, perplexe mais aussi attendrie et émue, je me coule dans les textes de Kundera avec la promesse renouvelée d’être presque à coup sûr conquise. Si ses livres sont dominés par une ironie mordante traduisant une vision du monde et de l’humanité radicalement désenchantée avec laquelle je me sens profondément en accord, ils sont régulièrement traversés par des fulgurances qui ont le pouvoir de m’émouvoir aux larmes. Je crois n’avoir jamais lu de pages plus bouleversantes sur la mort d’un chien, fidèle compagnon des jours heureux, que celles qui clôturent L’insoutenable légèreté de l’être, ni n’avoir souvent rencontré des propos aussi justes pour évoquer l’amour, la beauté ou les douleurs de l’exil.

« La veille encore, il pensait que ce serait un instant de soulagement. Qu’il partirait d’ici avec joie. Qu’il quitterait un lieu où il était venu au monde par erreur et ou, en fait, il n’était pas chez lui. Mais à cet instant, il savait qu’il quittait son unique patrie et qu’il n’y en avait pas d’autre. »



Je crois qu’existe la conviction chez Kundera que même les sentiments les plus forts, les plus intenses, sont précaires car adossés à une fiction, ou plutôt à des fictions, celles dont nous tissons nos vies et qui, tôt ou tard, se désagrègent et tombent en poussière. Cela n’enlève rien à la profondeur ou à la réalité de nos sentiments : ce que nous éprouvons, nous l’éprouvons intensément dans notre âme et dans notre corps. Mais rien de ce qui les suscite n’est amené à durer, rien de ce qui les provoque n’est véritablement réel, ou plutôt le réel, sans cesse remodelé par notre imagination, est un objet fuyant, intangible et inconstant.

Ainsi Jakub dans La valse aux adieux, qui dédia toute sa jeunesse à l’engagement politique, s’interroge non pas même sur le bien-fondé d’un engagement qui faillit lui coûter la vie et qui le pousse à présent sur le chemin de l’exil, mais sur la réalité même de l’objet de son combat :



« Il croyait toujours écouter le coeur qui battait dans la poitrine du pays. Mais qui sait ce qu’il entendait vraiment? Était-ce un coeur? N’était-ce pas qu’un vieux réveil? Un vieux réveil au rebut, qui mesurait un temps factice? Tous ses combats politiques étaient-ils autre chose que des feux follets qui le détournaient de ce qui comptait? (…) Et s’il avait vécu dans un monde entièrement différent de ce qu’il imaginait? Et s’il voyait toute chose à l’envers? »



Ainsi la jeune et belle Kamila, dont la jalousie obsessionnelle, tel un phare dardant ses rayons intenses sur son époux infidèle, fait de lui un être unique parmi la multitude des autres hommes, s’interroge sur ce qu’il restera de son amour si ce phare (fabriqué par son imagination) venait à s’éteindre.

« Était-ce vraiment l’amour qui l’enchaînait à Klima ou seulement la peur de le perdre? Que restait-il de cet amour sinon la peur? Et que resterait-il, si elle perdait cette peur? »



Je remercie une fois encore mon indéfectible complice Bernard (@Berni_29) avec lequel j’ai aimé partager cette lecture stimulante, enthousiasmante et jubilatoire.



« Kundera ne détruit pas le monde avec fracas : il le défait pièce par pièce, méthodiquement et sans bruit, comme un agent secret. À la fin, rien ne s’écroule, aucune ruine ne jonche le sol, aucune déflagration ne se fait entendre, et les choses ne semblent nullement changées : vidées plutôt, factices, fragiles et frappées d’une irréalité définitive. »



François Ricard

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Risibles amours

Il ne vous dit peut-être pas grand-chose, ce recueil de nouvelles rédigées au cours des années soixante, et pourtant l'essentiel de son auteur est là.



« Risibles amours » c'est un peu l'oeuvre à part. La quasi première de Kundera. Aboutie pourtant, et remarquablement construite, elle signe la genèse de sa vocation d'écrivain ainsi que l'éclosion des thèmes qu'il scrutera plus tard au fil de ses livres.



Pas totalement captivée au départ, j'avoue, je me suis finalement laissé séduire par la succession de ces nouvelles singulières et par l'intéressante cohésion qui les unit l'air de mine de rien, chacune, en outre, augurant clairement d'un roman à venir, tel « La valse aux adieux » dont je me suis régalée il n'y a pas si longtemps.



La comédie humaine est son terrain de jeu et à travers l'apparente légèreté de sa prose Kundera me fait souvent l'effet d'un enfant moqueur, contemplant la société des adultes d'un oeil sarcastique et terriblement lucide. Une philosophie déjà bien présente dans ces sept nouvelles, comme un subtil condensé des oeuvres qui suivront.



Alors si l'on ne devait lire qu'un seul Kundera, finalement, ce serait peut-être bien celui-là.




Lien : https://minimalyks.tumblr.com/
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L'insoutenable légèreté de l'être

« Je ne connais pas d’œuvre littéraire qui aille plus loin, qui pousse plus avant l'art de la désillusion et qui dévoile à ce point la tromperie essentielle dont se nourrissent nos vies et nos pensées. C'est une de ses constantes que de mettre à nu, à travers l'existence et les réflexions de ses personnages, l'insignifiance et la parfaite bouffonnerie du monde. » (Extrait de la post-face de François Ricard).



Je crois que François Ricard a parfaitement résumé ce que je ressens après la lecture de ce roman.

Je l'avais déjà lu dans les années 80 avec ses autres romans, mais beaucoup de choses m'avaient alors échappées. Il y aurait tellement de réflexions à en tirer que je ne sais pas par où commencer. J'en resterai à mon émotion première : celle de l'incompréhension entre les êtres. Au sein du couple, d'abord. Nous nous méprenons complètement sur ce que pense l'autre.Il est donc impossible de se comprendre et de mener une vie harmonieuse. Alors, si on extrapole sur nos relations sociales, on s'aperçoit qu'elles sont tout autant basées sur des malentendus, des quiproquos qui nous empêcherons toujours l'accès à l'épanouissement dans nos relations avec les autres. Je passe sur les thèmes du communisme, de la liberté individuelle, du libre arbitre, de Dieu, de l'art… Kundera nous offre ici une œuvre pleine, qu'on pourrait décortiquer à l'infini.
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L'insoutenable légèreté de l'être

N'a de valeur que ce qui pèse, c'est pourquoi Tomas - un séducteur qui aime sa liberté - quand il rencontre Tereza, supporte sa jalousie, et d'une certaine manière, par amour, renonce à sa si chère légèreté d'être.



Tereza souffre des infidélités de Tomas comme elle a souffert d'un manque d'amour maternel. Une pesanteur qui oblitère ses relations amoureuses. Peut-être faut-il y voir un lien entre les deux ; à cause d'une mère mal aimante, qui lui a fait penser qu'elle n'était pas assez bien pour être totalement aimée, elle est tombée amoureuse d'un homme qui lui est infidèle. Un homme qui, sans le savoir, partage sa maîtresse Sabina avec Franz, qui de son côté l'ignore aussi.





Avec ce chassé croisé amoureux sur fond de Printemps de Prague, et de l'invasion soviétique de la ville, Milan Kundera se livre à une réflexion sur la légèreté ou la pesanteur engendrées par l'essence même des relations hommes femmes. En se plaçant du point de vue de tous les personnages, c'est une réflexion où chacun a la possibilité de retrouver un peu de son expérience amoureuse dans les situations ou les sentiments décrits par le menu.



Ce qui, de fait, est la force de ce roman et sa permanence - avec son titre si éternellement magique - dont sa relecture (même si l'écriture m'a semblée marquée par son époque) n'a pas entaché un souvenir positif très lointain.
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