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3.95/5 (sur 247 notes)

Nationalité : Roumanie
Né(e) à : Bucarest , le 01/06/1956
Biographie :

Mircea Cărtărescu est un écrivain roumain.

Il obtient son doctorat en littérature roumaine en 1999, avec la thèse "Le Postmodernisme Roumain", sous la direction du professeur Paul Cornea. Sa thèse est publiée la même année, par la maison d'édition Humanitas.

Critique et théoricien littéraire, il est un représentant de la Génération '80. À la fin de ses études, entre 1980-1989, il est professeur de roumain, occupant ensuite des fonctions administratives à l'Union des écrivains roumains, et rédacteur au magazine "Caiete Critice" ("Feuilles critiques").

En 1991, il devient lecteur et ensuite professeur, en 2004, à la Faculté des Lettres de Bucarest, spécialité Histoire de la littérature roumaine. Il vit en partie à Bucarest et en partie en Allemagne où il enseigne à l'université de Stuttgart. Il est aussi collaborateur régulier de la presse écrite roumaine.

Actuellement, il est considéré comme un possible candidat au Prix Nobel de la littérature.
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Nicolas Cavaillès lit Mircea Cărtărescu.

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Mircea Cartarescu
Sonnet

nous nous tenions face-à-face sur la banquise orange près du pôle
cernés par la mer poissonneuse
ta jupe frôlait mes genoux, et le fard léger de tes pommettes
tourmentait tes yeux jaunes ; un mécanisme complexe créait entre nous une sorte de tension
d'absence d'espoir rigide
ta robe écossaise pendait, raide, les mots prononcés se jetaient en panique dans l'eau muette
tes seins n'étaient plus qu'à peine la volonté de bomber ton chandail…
ton morceau de banquise se détacha lentement du cristal orange, offrant
au regard paralysé une tranche vitreuse et des couches de fossiles étranges
sans âge, sans nom ; nous nous tenions face-à-face et nous vîmes d'abord
un poisson torpille passer dans l'étroit chenal, puis un phoque s’y glisser
et bientôt des remorqueurs et des chalutiers naviguaient entre nous
et toi sur ton iceberg tu permettais à tes cheveux de flotter, à tes ongles de s’écailler
à ton ventre de se remplir de métal brut, grumeleux, bleuâtre.

(traduit par Alain Paruit, p. 69 de « Comme dans un dessin de Escher, huit poètes roumains »)
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Mircea Cartarescu
Le pohème de l'évier

un jour l'évier se prit d'amour
d’amour pour une petite étoile bleue dans un coin de la fenêtre à la cuisine
il se confessa à la toile cirée et au pot de moutarde
il pleura sur les couverts déjà mouillés.
un autre jour l'évier se déclara :
–petite étoile, ne brille pas sur le minoterie
descends, car elle n'a pas besoin de toi
elle a dans ses caves une centrale électrique et des ampoules l’éclairent
tu gaspilles tes dorures en les posant sur les toits
et les paratonnerres.
petite étoile, mon nickel te désire, mon robinet a gargouillé
des chansons pour toi, en faisant de son mieux
tu plais déjà
aux assiettes qui sentent encore le poisson en conserve.
viens, et tu brilleras toute la nuit sur le royaume de linoléum
princesse des cafards.

mais, hélas ! l'étoile bleue ne répondit pas à cet appel
car elle était amoureuse du presse-purée
d’une comptable de poméranie
et passait ses nuits à le boire des yeux.
aussi sur le tard l’évier se posa-t-il des questions sur le sens de l'existence et sur son objectivité
et sur le plus tard encore il fit des propositions à la toile cirée.
.…il y a longtemps que je me suis impliquée aussi dans le jeu de l'amour,
moi, la déchirure du rideau, qui vous ai raconté cette histoire.
j'étais amoureuse d'un superbe berliet beige que je n'ai vu qu'une fois…
mais n'en parlons pas, j’ai maintenant des enfants à la maternelle
et tout le passé me paraît être un rêve.

(traduit par Alain Paruit, p. 70-71 de « Comme dans un dessin de Escher, huit poètes roumains »)
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Mircea Cartarescu
ma chatte aveugle
—————————-
ma chatte est aveugle
elle a douze ans
elle était déjà aveugle
quand je l’ai trouvée
dans un champ
maintenant
elle est vieille
et aveugle
elle a eu quatre chatons
tous aveugles
j’ai eu du mal à les donner
car plus personne
ne veut avoir
un clairvoyant
dans la famille
depuis des années ont passé
et je ne m’imagine pas
un seul matin
sans café et sans
ma chatte aveugle
sur mes genoux
nous restons ainsi
des heures
sans mots ni gestes
les yeux dans le vague
vivant le vide
ma chatte aveugle
est le seul être
qui voit le monde
tel qu’il est

(traduit du roumain par Radu Bata)
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Mircea Cartarescu
Rien sur la technique de survie

à côté de toi les constellations sont débraillées,
les lumières de la ville sont une plaisanterie de mauvais goût,
à côté de toi quand ils passent
les courants d'air telles des brocantes liquides
dévorent leurs oiseaux et croquent
les spores des plantes, ils n’envoient qu'un remugle de
malchance et de guano
vers les nouvelles terres volcaniques de mélanésie.
ta féminité donne la couleur démentielle des crises de pavor nocturnus à mes souvenirs du square
d’icoana, où tu te fardais sans discrétion devant le miroir convexe d'un setter ou de l'église anglicane
et où notre amour ajoutait un centimètre au record départemental…
belle justicière, tendre confédération de systèmes et d'appareils,
qui donc jouerait encore son fragment de précocité
sur ton échiquier rose, onduleux,
et qui décèlerait encore ta douce hypocrisie
ourlée de brasseries et de bruegel de velours
dans l’amas de personne, de rien, de nulle part, de jamais ?

quant au reste, une indifférente beauté morale,
une brillante dégringolade
et une réalité de discussions par-dessus le cristal et les tasses
du restaurant
quant au reste, cette jubilation bougonne d'unique survivant
d'un transatlantique de sentiments.

(traduit par Alain Paruit, p. 67 de « Comme dans un dessin de Escher, huit poètes roumains »)
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Mircea Cartarescu
chromolithographie
—————————-
quel silence.
que de voies ferrées qui rétrécissent
comme l’œil qui vise une cible.
dieu corrige la femme sur une planche
la maquette de son monde a obtenu le troisième prix
au concours d’architecture.
il fait un froid vert. un flash luit.
les yeux d’or des chaînes s’ouvrent.
sur la deux une souris de labo parle
de sa mémoire labyrinthique
la sonnerie gronde la balle de ping-pong
une diva en fourrure sort d’une cadillac noire.
l’âme c’est la réclame.
il fait froid. la chair pend sur les os
comme les pages d’une encyclopédie. dans laquelle
nous regarderons la page des drapeaux nationaux
la page des médailles.

quel silence.
que de voies ferrées qui rétrécissent
comme l’œil qui vise une cible.
la neige verte sort de la manche des fichus, des fichus.
sur l’asphalte
une photo en noir et blanc
déchirée en morceaux.

(extrait du recueil Fotografii (1980)
traduit du roumain par Radu Bata)
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Mircea Cartarescu
[Je suis] un auteur roumain , se croyant très jeune mais ne l'étant plus vraiment, errant de par le monde, sans vocation pour l'amitié et sans grande lucidité [...], promenant ses hallucinations de plus en plus fanées, payé pour halluciner sur des centaines de pages, à longueur de vie.
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Il n'existe en fin de compte ici-bas qu'un seul problème : comment se frayer un chemin ? Comment gagner le large ? Comment faire éclater la chrysalide et devenir papillon ?
(Thomas Mann)
(p. 453, en épigraphe à la nouvelle L’Architecte)
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…le garçon se creusait un chemin dans l’écorce de chocolat épaisse de la largeur d’une main et, par l’ouverture, pénétrait dans les profondeurs de sa maman énigmatique et dépressive comme une déesse de la solitude. Autrefois droite et haute jusqu’au plafond, remplissant l’entrée de sa silhouette au parfum d’air frais et de quignon de pain, à présent étendue comme une baleine échouée sur le rivage, sur le sol en mosaïque du magasin Concordia. Combien profonde et combien obscure était la grotte couleur café ! Quel bouleversant arome de cacao répandaient ses parois lisses et dures ! Combien vastes étaient les voûtes du ventre et des deux seins qui semblaient les coupoles d’un lieu saint !
(Les ponts, p. 48)
cité par Cristina Hermeziu
https://actualitte.com/article/98415/chroniques/l-enigmatique-melancolia-de-mircea-cartarescu
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Mircea Cartarescu
s’il te plaît…
—————
laisse-moi embrasser ton micaschiste
casser tes vitrines séléniser ton odeur
laisse-moi traduire en français tes vertèbres cervicales
signer ta mise en scène composer ton refrain
t’offrir une charlotte dans un passage cosmique souterrain
laisse naviguer mes astres au-dessus de ton aura
et de m’irréaliser – de disparaître
pour naître encore et encore dans tes illuminations
car la nuit viendra et les bulles de café vont exploser
en suppurant le désespoir de vivre sur chaque méridien
car isothermes et isobares rongeront jusqu’à la tranche l’europe de ton champ visuel
ne laissant aucune goutte de normandie où je puisse débarquer
et tu seras intangible sous la fermeture-éclair de la distanciation et du risque
la nuit viendra et dans le silence aveuglant des espaces infinis
les produits des esprits secs mettront entre nos yeux la radiographie de leur encéphale
et tu ne pourras même pas t’arrêter sur les décharges de papiers et d’arcs-en-ciel mazoutés
et quand tu seras plus âgée l’existence couvrira à peine tes cuisses
mon amour
laisse-moi embrasser ton métabolisme rêveur
multiplier au papier carbone tes songes bleus
pour qu’ils épousent mon regard vert d’eau
sous les mûriers poudrés de rose pourpre
laisse-moi te faire entrer dans mon moi éphémère
avec l’acuité d’une brillante verrière
laisse-moi séléniser ton goût et ton toucher
devenir ton écho sous l’œil du réverbère
à l’instar d’un volcan levé par son cratère

(traduit du roumain par Radu Bata)
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Mircea Cartarescu
La plaie

I.
hélas, la plaie s’est refermée
hélas, le sang a séché
et une escarre y a surgi
oh, seigneur, je suis guéri !

désormais le bonheur me croquera
ma sérénité me fendra
et la folie qui fut ne sera plus désormais,
non, je n’embrasserai plus son épaule.

ma vie se déroulera dans la paix et l’harmonie
avec des lectures riches, avec des repas réguliers.
ma santé mangera mes poumons.
la raison déchiquettera mon cerveau.

hélas, la plaie, ma chère plaie
agréable plaie de ma vie
plaie pour laquelle j’ai vécu, que j’ai grattée avec mes ongles
elle s’est refermé. oh, seigneur, je suis guéri !

et plus jamais la fièvre n’allumera
la lampe de la vie jusqu’à la calcination

II.
accepter l’évidence : je ne peux plus écrire de poésie.
je n’en suis plus capable, quelque chose en moi ne coopère plus.
j’ai écrit pendant des années avec haine, avec amour, et maintenant
mon cerveau est mort
j’ai commencé le marathon comme la course des cent mètres
j’ai voulu tout à la fois, j’ai voulu rendre fou mon lecteur.
j’ai oublié que la vie est longue.

je n’imaginais pas qu’un jour que je m’arrêterai, que je paierai
que tout ce que j’ai jamais fait se retournera contre moi
et je ne pourrai pas me rattraper
et que toute nouvelle tentative
ne sera qu’une autre déception.
qu’écrirai-je encore quarante ans ?
je vais serrer les dents, je vais écrire des articles critiques
ou qui sait quels souvenirs
j’accepterai la condescendance des jeunes, je ferrai profil bas
quand il s’agira de poésie, je ferai des traductions
pour que le monde ne m’oublie pas, pour faire semblant d’être encore en vie.
ou bien je publierai un volume de poèmes de ma jeunesse
si mauvais, que je ne les aurais mis dans aucun livre
et j’aurai un succès « de prestige », on m’appellera « l’auteur
des poèmes d’amour »,
le précurseur de dieu sait quelle poésie il y aura alors…
je ne sais pas, je ne sais pas…

jeunes amis, ne faites pas comme moi.
calculez votre poésie pour tenir soixante ans.
moi ? je ne sais pas où aller, j’ignore que pourrais-je faire d’autre
et je ne sais pas ce que je dois ressentir et ce que je peux imaginer.
cette fois je pense vraiment que c’est bouché.

je serai un vieux poète qui n’a pas écrit depuis des décennies
un survivant de sa propre mort
et qui aurait préféré ne jamais rien faire.

III.
la vie est-elle finie ? suis-je fini ?
suis-je un raté ? serai-je de la poussière ?
la mort viendra et tu me mépriseras
ce sera terrible, terrible.

je serai seul, plus seul que tous les hommes, seul.
sans personne, sans repos.
je comprendrai tout, ah, comprends-moi, et tout le monde m’aimera,
tout le monde s’en souviendra.

je suis perdu, perdu
mords ma bouche
il va beaucoup pleuvoir sur les routes, nous serons trempés jusqu’aux os.
nous apprendrons à détester

l’automne viendra, l’automne de l’esprit, la noyade.
nous aurons une bouche douce et chaude, la lune viendra
les nuages viendront à notre rencontre
et nous mourrons, nous ferons l’amour.

oui, oui, assieds-toi à côté de moi maintenant, regarde-moi. je suis fini, fini
il n’y aura que la mort autour.
les étoiles seront mortes, museau contre museau comme des chiens dans les rues.
les ongles vont mourir.

ça y est. Reste avec moi. ça en valait la peine ?
nous nous sommes retrouvés vivants.
ce fut terrible : j’ai vécu.
ce fut terrible, terrible.
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