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Critiques de Mo Yan (329)
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Beaux seins, belles fesses : Les enfants de..

(La scène se déroule dans les couloirs du Grand Théâtre National de Pékin, alors que le rideau tombe sur la représentation de l'opéra « La famille Shangguan », sous les hourras du public.)



Un homme, sorti peu avant de la salle, souffle, s'essuie les mains sur son front, puis s'avance prudemment vers une silhouette, aperçue dans un recoin obscur du vaste édifice…

A mesure qu'il s'approche, l'odeur désagréable mais salvatrice d'une cigarette de marque étrangère se fait connaitre. Fouillant dans ses poches, hésitant, il lui lance :

« — Bonsoir mm.. v…vous… vous auriez une cigarette ?

— Sûrement, mais il est interdit de fumer ici ! », lui répond sans se retourner son brumeux interlocuteur. 

Un silence s'en suit, l'homme ne sachant bredouiller autre chose qu'un « et vous ? », tout en balayant du regard le côté opposé.

« — Oh moi,… mais je ne suis pas vraiment là… je ne suis qu'une conscience humaine dépersonnifiée, agenre et inethnique. Les catégories ont peur de moi. Je suis utile aux voyageurs qui ont mangé leurs boussoles. Et vous m'avez l'air perdu… tenez : ( sortant de l'ombre, une main gantée présente un paquet de cigarettes Morley et un briquet jetable siglé « I LOVE BRUNO » ) très peu de monde passe par ici de toutes les façons… », sa voix se faisant caressante, « Voilà… là… Vous n'avez pas aimé le spectacle ? »

L'homme s'étouffe, expulsant de la fumée de tous les côtés, bleu, puis se ravise en réaspirant le tout par la bouche, ayant oublié la bonne manière de faire, avant de réussir à articuler son doute, et de poursuivre :

« — Par où commencer…? C'était tellement long… j'ai eu le temps de passer par tous les états possibles et contradictoires, jusqu'à ce que tout se mélange irrémédiablement dans une fièvre chaude à en claquer des dents.

— Vous voyez ? ça vient ! là… Vous voyez ce divan, là ? Installez-vous, et parlez-moi encore…

— Ha ! merci, je ne l'avais pas vu (sont forts ces chinois)… mais vous, comment vous appelez-vous et pourquoi je ne peux voir votre visage ?

— Cela n'a aucune importance, parlez-moi de votre mère plutôt….

— On y vient ! Il faudrait plutôt parler de celle de l'auteur Mo Yan, ou du moins de la relation qu'il a pu entretenir avec… Ou pas… Je ne crois pas que j'ai envie de savoir…

— Je sens bien que vous n'êtes pas à l'aise avec cette histoire, détendez-vous…

— Mais ça m'énerve plutôt ! Regardez, là, au dos du programme, cette phrase mise en exergue : « L'humanité ne se sentira bien que si l'on prend bien soin des seins », juxtaposée à son portrait, donnant l'impression qu'il a l'oeil goguenard… Mais je ne peux pas réduire « les femmes » à cette métonymie poitrinaire ! Et cette phrase n'a rien de joli ou de définitif, il y avait sûrement mieux à choisir dans cet énorme machin ! Et doit-on toujours faire dans le freudien ! Oedipe noyé dans une baignoire ! L'allaitement comme découverte supposée de la sensualité ! le choix d'avoir le choix de ne pas choisir, ou non, et d'en écrire des livres dessus (« Mes seins, mon choix ! ») !

— Mais c'est un vibrant hommage aux femmes… Et puis vous mélangez un peu tout là…

— Je n'y peux rien, voyez ce brouet d'Histoire chinoise, posé sur une montagne de cadavres, assaisonné de magique et de folklore, organisé autour de l'obsession d'un débile-stade-oral, et c'est moi qui mélange tout ! Bon, le message est bien-sûr bien compréhensible : le fils unique, les pieds bandés, la faible valeur d'une vie, les traditions face à la modernité…

— Vous voyez…

— Oui, mais j'ai l'impression qu'on n'a pas le choix de ne pas l'aimer… Entendez la salle, ils en redemandent… Et moi j'ai eu la chance de vous croiser, sinon j'aurais gardé tout ça pour moi…

— Mmmh…je comprends…oui… mais je vous signale que nous enregistrons tout ici…

— Tout !? Nous ?! Ha !… Euh… Tenez, j'en avais commencé une version plus « officielle », vous pourriez la substituer à tout ce qui vient d'être dit, voyez : »



« Les enfants de la famille Shangguan : conversations généreuses et belles assises »



« Chef d'oeuvre impossible. »

« Ce titre, quelque peu paresseux, emprunté à un journal suisse, du temps de la sortie du film « La  Vita é Bella » de Roberto Benigni, n'en est pas moins un rigoureux résumé de cette longue et laborieuse traversée. 

Le génie est bien au rendez-vous, par son ampleur, son ambition, et son originalité. 

Embrasser un siècle d'histoire chinoise, à travers une épopée familiale aux frontières du  fantastique et du délir… (fin du texte) »



Le silhouette se fond dans l'ombre plus avant, ricanante, et, prenant une voix de conseillère municipale, elle lance :

« — On sent bien que vous vous ennuyiez… et ce journal… c'était lequel ?

— Le Matin, je crois…

— Ha ! Bah ils ont disparu entretemps, comme vous, très bientôt… ! Adieu ! »



Et l'homme se retrouva seul et dans l'obscurité la plus complète, une voix lointaine récitant des prières venues du froid et de la steppe comme seule présence.

(Le briquet « Bruno » ayant été emporté par un bernard-l'hermite…)
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Beaux seins, belles fesses : Les enfants de..

De Mo Yan, prix Nobel de littérature en 2012, je n'ai pour l'instant lu qu'un seul roman, Beaux seins, belles fesses : Les enfants de la famille Shangguan.

Ne vous méprenez pas sur le titre, ce n'est pas un récit érotique, mais une vaste fresque historique, familiale et sociale chinoise qui s'étend sur le XXème siècle.

La guerre, la barbarie, l'effroi et la mort traversent ces près de neuf cents pages comme elle a traversé la vie de cette région de Chine, de la province du Shandong et ce canton rural de Dalan où vit la famille Shangguan.

Ce roman raconte l'histoire de cette famille, avec en son coeur la figure de la mère, Shangguan Lushi, magnifique portrait de femme, humble et généreuse, qui donne naissance à neuf enfants dont un seul garçon, Jintong.

En compagnie de cette famille vaste comme le roman, nous nous apprêtons à visiter un pan de l'Histoire de la Chine contemporaine, au travers de sa ruralité, de ses joies, de ses malheurs.

Ce coin tranquille et rural de Chine aura donc connu tous les affres du monde, comme d'autres territoires de Chine, comme d'autres territoires du monde : l'invasion allemande puis japonaise durant la seconde guerre mondiale, la guerre civile entre combattants communistes et partisans du Guomindang (le parti populaire national), le « Grand Bond » en avant qui porte mal son nom sauf à décrire une situation à l'arête d'un précipice, la révolution culturelle, les différentes réformes économiques qui n'ont fait qu'aggraver les malheurs du peuple chinois... La fondation de la République Populaire de Chine s'est établie sur la cruauté, la répression et le sang, sur des principes bien éloignés des belles idéologies de départ, et c'est à ce seul prix que le pouvoir en place s'est maintenu jusqu'à présent. J'imagine que ce prix Nobel de littérature a dû être accueilli avec ferveur par le gouvernement chinois.

Le héros de ce roman, - si on peut le désigner ainsi, ou plutôt appelons-le donc anti-héros, est Jintong, neuvième et dernier enfant d'une fratrie qui comprend huit soeurs.

Forcément, quand on naît dans une fratrie de huit soeurs qui l'ont précédé, le garçon tant attendu devient l'enfant prodige, le roi, l'arrogant. Certes Jintong est un être actif, qui ne sait plus à quels seins se vouer, un enfant têtu et en tétée, cela n'en fait pas pour autant un être courageux. Au grand dam de sa famille : il est pleutre, geignard, paresseux, grotesque, obsédé, dépourvu de volonté et d'intelligence, sa seule religion ce sont les seins.

C'est l'histoire de l'impossible sevrage de Jintong qui continue de téter à un âge avancé, autant pour le sien que pour celui de sa pauvre mère...

Il ne fera pas grand-chose parmi les malheurs du monde, des siens, des paysans de là-bas, de leurs enfants... Ces derniers pourront davantage compter sur les soeurs de la famille Shangguan, leurs beaux seins, leurs belles fesses...

Éloge de la sororité au sens propre du terme, dans ce roman les soeurs sont des personnages toutes magnifiques.

C'est un hommage aussi aux laissés-pour-compte de la Chine passée et contemporaine. Un tableau au vitriol.

J'ai été emporté par ce roman ample qui se lit facilement, touché par son lyrisme, sa force, son humanité.

Je fais partie d'une génération sacrifiée, celle qui n'a connu que le biberon, le sein maternel ne fut qu'un concept vague pour moi, une vue de l'esprit, je suis le dernier d'une fratrie de cinq enfants qui n'aura pas connu ce privilège... Ce dernier propos personnel ne doit en aucun cas vous influencer dans cette future lecture ni justifier mon ressentiment contre cet anti-héros pleutre et grotesque que fut cet enfant prodige nommé Jintong. Tout le reste est beau et grandiose.

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Beaux seins, belles fesses : Les enfants de..

S'engager dans un roman de 900 pages demande, en tous les cas pour moi, un effort et un petit travail préparatoire. Même s'il s'agît de Mo Yan , un auteur que je commence à connaître. Même s'il s'agît d'un livre "chinois", littérature qui ne m'a que rarement déçu.

Encore une fois, la lecture a été à la hauteur de mes attentes.Et même au delà.

L'histoire est celui d'un village dans le canton Nord Est de Gaomi, d'où est originaire l'auteur. Elle se déroule de 1939 au début des années 90 et sert de support à un inventaire de faits historiques qui ont émaillé la Chine.

Shangguan Lushi est à ce jour maudite. Elle a sept filles et est encore enceinte. Par miracle, ce sont des jumeaux et l'un deux est un garçon , Jintong, qui sera le "héro" de notre histoire. Les japonais sont sur le point d'arriver et la défense s'organise comme elle peut dans un pays où la république instaurée en 1911 a du mal à s'imposer et où la guerre civile entre les troupes de Mao et celles de Tchang kaï chek menace.



Que dire de ce livre si ce n'est qu'il m'a transporté pendant une semaine . Comme à son habitude Mo Yan décrit avec une précision chirurgicale les faits de guerre (le clan du sorgho rouge est aussi un chef d’œuvre) et n'a pas son égal pour insérer des pans poétiques pour magnifier la faune et la flore de son pays.

Mais ici , il va plus loin , plongeant le lecteur dans les coutumes et légendes de son pays sans que cela soit du saupoudrage gratuit. C'est un livre culturellement fort et bien entendu l'aspect historique de cette période , le XXème siècle, atroce pour le peuple chinois, est mis en exergue.

Le village, qui se trouve dans le Shandong (sud ouest de Pékin sur la mer) a été occupé par les Allemands au début du siècle. Ce sont eux d'ailleurs qui à Qindao construisirent la brasserie d'où vient a célèbre TsingTao. Puis les Japonais, la guerre Mao/Tchang, le communisme et le capitalisme fou.

Au milieu de ce marasme humain , des paysans qui luttent pour survivre et doivent s'adapter aux changements de dirigeants . Qui du jour au lendemain passent de l'ombre à la lumière et vice versa. Les procès , les chefs d'accusation seraient tellement risibles , s'ils n'avaient pas existé...

Vol, rapt, exécution , famine, viol, torture, vente d'enfants , humiliation , expropriation, canicule, vague de froid, exode, trahison , délation, je dois en oublier. Mo Yan rend hommage aux hommes et femmes de son pays à travers les souffrances qu'il décrit. Il fait, je trouve, un très beau portait de la mère, magnifiant à travers elle les mères chinoises, leur courage, leur abnégation.



Une scène va longtemps me rester. Celle de la mère qui vole des pois en les avalant, de peur de se faire fouiller. Elle les vomit arrivée chez elle, les lave et en fait une soupe pour nourrir ses enfants. Je ne suis pas sur que le Covid effraie beaucoup les Chinois qui ont traversé ces périodes.

Ce livre est une pure merveille, d'une richesse culturelle immense. Le génie vient d'y avoir glissé un peu de fantastique en s'appuyant sur les légendes mais aussi sur les phantasmes de Jintong.

Vous apprendrez pourquoi les Chinois pensaient que les Allemands n'avaient pas de genoux, vous verrez l'arrivée de la fée électricité, la première séance de cinéma , le premier saut en parachute, la transformation d'un village en grande ville industrielle. Vous verrez aussi beaucoup de seins , il y en a pour tous les goûts . J'y vois un hommage encore appuyé aux mères.

Je pourrai continuer des heures, tellement ce livre est grand.

Certains verront de la loufoquerie , des coïncidences fortuites où moi j'ai vu du génie. C'est tout le plaisir de discuter des livres !



"L'humanité ne se sentira bien que si l'on prend bien soin des seins"



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Grenouilles

C'est sous le nom de plume de ''Têtard'' que Wan le Pied est devenu écrivain et dramaturge après une carrière dans l'armée chinoise. Et c'est aussi de ce pseudonyme qu'il signe les lettres qu'il envoie à son maître en écriture, le japonais, Sugitani Yoshihito; de longues lettres où il entreprend de raconter la vie de sa tante Wan le Coeur afin de mettre en ordre ses idées avant d'écrire la pièce de théâtre dont elle sera le sujet. Fille d'un héros de la nation, communiste convaincue et gynécologue réputée, la tante a exercé pendant plus de cinquante ans dans la canton de Dongbei, berceau de la famille Wan. D'abord respectée pour ses méthodes novatrices et sa capacité à mener à bien les accouchements les plus difficiles, la tante devient la bête noire de toutes les familles du canton quand les autorités chinoises mettent en place la politique de l'enfant unique. Pragmatique et fidèle au Parti, la tante ne fait pas de sentiments et poursuit sans relâche les femmes enceintes de leur deuxième enfant pour les contraindre à avorter. Convaincue jusqu'au fanatisme, elle écume les campagnes avec son assistante, Petit Lion, pratiquant avortements, vasectomies, hystérectomies et poses contraintes de stérilets, appliquant à la lettre des directives gouvernementales mal acceptées par les paysans qui veulent un fils pour leur succéder et de nombreux enfants pour aider à la ferme.



Lire Grenouilles, c'est d'abord se plonger dans la campagne chinoise la plus reculée et faire la connaissance d'une palette de personnages aux noms improbables : Chen le Nez, Yuan la Joue, Wang la Bile, Xiao Lèvre-supérieure, etc. De petites gens respectueux des traditions, accoutumés aux aléas de la vie, qui ont supporté l'invasion japonaise, la famine, la libération maoïste pour finir par se rebeller contre la mise en place du planning familial et la politique de l'enfant unique.

Même s'il dénonce les dérives et la cruauté de cette loi incomprise, Mo Yan ne se départit pas de son humour. Ambiance baroque, situations loufoques, personnages hauts en couleur contribuent à alléger l'histoire souvent très dure de ces femmes prêtes à tout pour avoir des enfants, au péril de leur vie. Têtard raconte sa tante sans la juger mais si le combat qu'elle menait lui semblait juste, la fin de sa vie est troublée par les remords : ses mains sont rouges du sang de tous ses enfants qu'elle a empêché de naître. Et malgré les drames, la Chine ne semble pas avoir appris des erreurs du passé. Le présent n'est guère plus brillant pour les femmes, du moins les femmes pauvres utilisées pour la GPA, cause de nouveaux chagrins. Encore une fois, Mo Yan n'émet aucun jugement, sa critique implicite, discrète, enrobée d'humour, nous permet de tirer nos propres conclusions.

Un livre dont on ressort secoué par tant de cruauté et ému par le sort des femmes chinoises. La tante, personnage emblématique de la politique de Mao, est faite de contrastes. On l'admire pour ses compétences, on la déteste pour son fanatisme, on la plaint d'avoir été aveugle et sourde à la souffrance de ses congénères. Dans tous les cas, elle vaut le détour et méritait bien un livre. Et une pièce de théâtre ! Difficile de prime abord, la lecture de Grenouilles est finalement une expérience savoureuse et enrichissante.
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Le maître a de plus en plus d'humour

Lorsque Lao Ding, à un mois de la retraite , à l'âge de soixante ans , est licencié ainsi que tout le personnel de son usine : une usine de machines agricoles qui a changé de nom avec les différents dirigeants politiques.

À ce jour, elle est en faillite et chacun doit retrouver du travail suivant des initiatives privées et personnelles.

Les cadres sont corrompus par l'argent et vivent dans l'égoïsme.

Maître Ding se sort du pétrin, après avoir épuisé ses économies à soigner une blessure grâce à une idée audacieuse et grâce à l'aide son ancien apprenti. Il est honteux de sa nouvelle activité qu'il cache à sa femme mais il se renfloue.

Il va cependant vivre une grande peur dans les dernières pages du livre.

Mo Yan, en se moquant de la société capitaliste où chacun travaille pour soi et s'enrichit ou non m'a fait découvrir son humour. Je n'ai pas pu dire si son personnage faisait preuve de naïveté ou au contraire d'un humour simple qui aide le personnage à prendre de la distance quoi qu'il arrive. C'est un jeu auquel l'auteur se livre.

J'ai beaucoup apprécié ce petit conte sous forme de satire sociale et les réflexions imagées, très comiques, très particulières de l'auteur.

Je peux comprendre qu'il a été appelé pour recevoir le Prix Nobel en 2012 car il semble unique en son genre.

"Il semble" car je n'ai lu que ce petit conte de Mo Yan.
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Tranchant de lune et autres nouvelles conte..

Sept nouvelles écrites par des écrivains chinois, nés entre 1950 et 1970, tous lauréats de prix prestigieux, Mo Yan ayant reçu le prix Nobel de littérature en 2012.

J'ai aimé toutes ces histoires, certaines plus que d'autres, mais toutes m'ont séduite par la qualité de l'écriture de leur auteur.

À recommander au lecteur qui désire approcher la littérature chinoise.

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Beaux seins, belles fesses : Les enfants de..

Années 90, le capitalisme bat son plein dans la Chine actuelle, la corruption est omniprésente. C’est le temps de l’économie socialiste de marché. Les néons illuminent jour et nuit Dalan, les supermarchés fleurissent, la jeunesse semble perdue, démobilisée attendant que la journée se passe au pied des cinémas.



Quelques années plus tôt et 895 pages en arrière, je suis un lecteur privilégié qui voit naître le petit Jintong en 1938. En compagnie des sept filles aînées de la famille Shangguan, Laidi (« Fais venir le petit frère »), Zhaodi (« Appelle le petit frère »), Lingdi (« Amène le petit frère »), Xiangdi (« Pense au petit frère »), Pandi (« Espère le petit frère »), Niandi (« Songe au petit frère »), Qiudi (« Réclame le petit frère »), la vie s’écoule paisiblement à Dalan, petite bourgade paysanne au Nord-Est du canton de Gaomi. Autant dire que le petit Jintong était très attendu !



Entre ces deux périodes, j’assiste impuissant à l’invasion barbare des « diables japonais », découvre la résistance qui s’installe aux abords du bourg pour saboter la progression de cet envahisseur. La cruauté des japonais fait place à celle des résistants chinois. La guerre civile s’enchaîne aussitôt entre combattants communistes et partisans du Guomindang (le parti populaire national), avec toujours cette même cruauté, toujours la vengeance d’un camp par rapport au précédent et toujours plus de sauvagerie pour défendre ses idées et la fondation de la République Populaire de Chine. Le « Grand Bond en avant » devient la philosophie du jour où les morts se comptent par dizaines de millions, suivie de la Révolution Culturelle instaurée par Mao Zedong. En fait, j’aurais vécu par procuration tout un pan de l’histoire contemporaine chinoise à travers le regard et la vie de Jintong, de sa mère Lushi et de toutes ses sœurs, de ses oncles et cousins.



Je découvre les coutumes de ces paysans chinois, leurs façons de vivre entre famine, inondation, déportation, emprisonnement et exécution publique. Rien ne m’est épargné, des humiliations à la torture, des décapitations au massacre de masse. Je partage au quotidien leur misère, leur richesse, leur espoir et désespoir. Je suis au cœur de cette famille au destin particulier avec le charisme de toutes les sœurs de Jintong : elles seront à tour de rôle Héros de la nation, Bandit notoire, Prostituée, « Immortel Oiseau », Voleuse professionnelle, Cadre du parti communiste chinois... Je croise des guerriers héroïques, des combattants de la liberté, des communistes hystériques, des chamans taoïstes, des bureaucrates corrompus.



Et je ne m’ennuie jamais au « sein » de cette famille, de cette bourgade de Dalan. Les récits épiques de certains protagonistes me font découvrir des contes et légendes issus de ce terroir (Jintong sous la direction d’un maître taoïste deviendra « Prince de la Neige »), les premières séances du cinéma en plein air ou les premiers essais de parachutisme au bord de la falaise. La famine, la misère et le froid permettent de resserrer les liens familiaux mais oblige la mère à vendre une de ses filles. Les inondations provoquent des dégâts matériaux à grande échelle, Jintong apprend à travailler dans une « ferme d’état », se retrouve en prison et suit une « rééducation politique »...



Que de souvenirs, que de passions, que de moments mémorables et inoubliables parsemés par de petits clins d’œil humoristiques, des anecdotes cocasses du principal protagoniste Jintong, abreuvé au sein maternel tout au long de sa vie de « raté » et d’ « obsédé ». L’occasion de découvrir l’histoire récente de la République Populaire de Chine au cours de ces 60 dernières années...
Lien : http://leranchsansnom.free.fr/
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Beaux seins, belles fesses : Les enfants de..

Au pays de l'enfant unique, voici une héroïne obligée de mettre au monde 8 filles avant d'enfanter un trésor, un garçon, adulé et égoïste, qui deviendra un adulte pleutre et exaspérant pour qui la jouissance se résumera à la tétée.

Entre le bébé et le livre, peu de différence : gros, accaparant, ressassant et déceptif.

Jintong naît en 1939, au moment de l'invasion japonaise. Il survivra miraculeusement à la seconde guerre mondiale et à la révolution maoïste et tandis que ses soeurs empoignent l'Histoire, lui se contente d'agripper les seins qui passent. Non, non, malgré son titre, voilà un roman bien peu égrillard : le héros a beaucoup de mal à conclure, sinon avec un cadavre ; quant à sa mère et à ses soeurs, elles utilisent les hommes moins pour le plaisir qu'ils pourraient leur donner que pour d'autres bénéfices: nourriture, protection, enfants, pouvoir...

Quant au héros, comme celui de Günter Grass, il refuse de grandir. Pathétique, il a au moins une vertu: ni héroïque, ni révolutionnaire, ni neo-capitaliste, il passera dans ce monde en refusant de le justifier. Aucun régime ne fera de lui un homme heureux, pas même un homme meilleur.

Tout avait pourtant bien commencé : « Tranquillement étendu sur le kang, le pasteur Maroya vit qu'un rayon de lumière rouge éclairait la poitrine rose de la Vierge Marie et le visage joufflu de l'Enfant Jésus aux fesses nues. L'été précédent, le toit avait pris l'eau et des traces jaunâtres maculaient la peinture à l'huile accrochée au mur de terre, conférant aux visages de la Sainte Mère et du Saint Fils une expression hébétée. Une araignée tirant un mince fil de soie argentée était suspendue devant la fenêtre lumineuse et se balançait dans un souffle léger de vent frais. »

Roman étourdissant, donc, sans doute, mais comme un mauvais vin étourdit, avant un lendemain qui déchante.

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Grenouilles

« Grenouilles » m’a permis de découvrir Mo Yan mais également la littérature chinoise. C’est donc en novice, et en terre peu connue, que je m’exerce à la critique. A la fois loufoque et d’une construction minutieuse, ce livre offre une plongée fascinante dans la Chine, son histoire, ses croyances.



La complexité de l’œuvre ne rend pas sa lecture difficile qui, au contraire, est très aisée. La complexité vient ici du travail de l’auteur. En effet, « Grenouilles » constitue à la fois une sorte d’essai historique romancé de l’histoire moderne voire contemporaine de la Chine à travers l’exemple de la mise en place de la politique de l’enfant unique et une mise en abyme du travail de l’auteur, de la production littéraire. Ce sont ces deux accouchements – celui des femmes chinoises qui cherchent à donner la vie malgré les dangers que cela implique et celui de l’auteur dans la mise au monde de son œuvre – qui sont au centre du livre.



Tout le livre est donc construit autour du travail des parturientes et de l’écrivain pour se finir par une (ou deux) naissances, dans une ultime pirouette que nous offre Mo Yan. C’est ici tout le talent de l’auteur qui s’exprime : aucun détail n’est laissé au hasard ni aucune intention. On passe ainsi du début du livre, où le narrateur, enfant, adhère corps et âme à la politique du Parti Communiste dont le but ultime est l’ancrage du matérialisme dans les mentalités dans une Chine profondément rurale et pauvre, à la fin de l’ouvrage, dans une Chine urbanisée, puissance économique mondiale à la recherche de son âme et qui, nageant dans le confort matériel, revient à ses croyances millénaires.



Ce mouvement à la fois dialectique et complémentaire, circulaire comme le yin et le yang, est présent dans tout le livre dont le récit se déroule sous forme de roman, de roman épistolaire et de pièce de théâtre, avec un aller-retour permanent entre passé et présent. Au-delà de ses qualités littéraires, il faut également souligner l’habileté de Mo Yan à décrédibiliser le régime communiste chinois sans jamais le critiquer.



Un chef-d’œuvre. A lire absolument !

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Le grand chambard

"Dans le Grand Chambard, une autobiographie romancée, à moins que ce ne soit un court roman autobiographique, Mo Yan, mêlant bribes et anecdotes [euh, c'est quoi, des bribes ???], retrace son parcours et celui de tous les Chinois [ben voyons !], au coeur des mutations brutales de la Chine depuis Mao." : voilà ce que nous raconte la quatrième de couverture. Et vous savez à quel point j'aime les quatrièmes de couvertures ! Là, c'est le suspens total, on en est à se demander avec appréhension si on a plutôt dans les mains une autobiographie romancée ou un roman autobiographique, ce qui relève carrément de la question existentielle, n'ayons pas peur des mots. On pouvait difficilement faire plus accrocheur. Bref. Autre question (elle est de moi, donc moins intéressante, j'en ai conscience) : pourquoi relire Mo Yan alors que j'avais conservé un souvenir très médiocre de ma première rencontre avec cet auteur ? C'est la faute de Meps et de son challenge Nobel, bien entendu !





Il y a bien des années de ça, j'avais emprunté à la bibliothèque le Maître a de plus en plus d'humour, sans doute parce que j'avais vaguement entendu parler de Mo Yan comme d'un auteur en vogue. Je me pointe avec le livre chez ma psychanalyste (avec le covid, vous savez tous maintenant ce qu'est un psychanalyste, ce n'est donc plus un sujet tabou). À la fin de la séance, elle voit le livre posé nonchalamment à côté de moi et me dit : "Ah, vous lisez Mo Yan ?" Je réponds "Euh... oui", ce qui était un mensonge, vu que je n'avais même pas lu la première ligne du roman. Non pas que j'aie voulu lui mentir, mais ça aurait pris trop de temps de répondre que oui, mais non, qu'en fait je venais juste d'emprunter le livre avant de venir, et patati et patata. J'ai donc répondu "Euh...oui" au lieu de "En fait, je viens juste de l'emprunter et je ne l'ai pas commencé", ce qui n'aurait pas pris tant de temps que ça et n'aurait pas été un mensonge éhonté (oui, parce qu'en plus, j'ai attendu des mois avant de le lire). Toujours est-il que j'avais cru discerner dans ce "Ah, vous lisez Mo Yan" un truc du genre "Ah, vous lisez Mo Yan, c'est intéressant" (je n'avais pourtant jamais lu Nathalie Sarraute à l'époque). Mais ne vous méprenez pas, le "c'est intéressant" (qui n'avait pas été prononcé, notez bien), ne sonnait pas à mes oreilles comme le "c'est intéressant" d'un autre psychanalyste de ma connaissance utilisant de grosses ficelles et parlant à votre place (au point que vous vous demandez pourquoi c'est vous qui payez et pas l'inverse), je ne l'avais donc pas entendu comme un "c'est intéressant, qu'est-ce que ça peut bien cacher, ouh la la ?", mais plutôt comme un "bonne pioche, Mo Yan est un auteur intéressant". Ce qui confirmait l'idée que Mo Yan était décidément incontournable. Une fois que j'ai eu lu le Maître a de plus en plus d'humour, déception. Ma psychanalyste était faillible et j'avais perdu mon temps avec un écrivain qui ne m'avait asséné que des platitudes sur les mutations de la Chine.





Bon, ben voilà. Question platitudes, le Grand Chambard se pose là, lui aussi. Des anecdotes en veux-tu en voilà, des anecdotes, des anecdotes et des anecdotes, tout ça sur un fond historique qui va de 1969 à 2010. Déjà, j'ai envie de dire qu'en 2010, je vois pas bien ce que pouvait apporter un tel livre. Mo Yan a l'air de penser qu'il fait de grandes révélations aux Occidentaux sur, encore une fois, les mutations de la société chinoise. Sauf que, désolée pour lui, on n'est pas complètement incultes, on a lu d'autres auteurs chinois contemporains, on a vu des films de réalisateurs chinois contemporains et des documentaires sur la Chine, et on a vu des oeuvres d'artistes chinois contemporains depuis bien des années. Et une autobiographie censée retracer la grande histoire de la Chine qui oublie, comme par mégarde, de parler des événements de la place Tian'anmen en 1989, ben ça m'intéresse moyennement. Donc là, j'ai une question (oui, encore) : admettons que Mo Yan écrive dans l'avenir un roman autobiographique sur les années 2019-2025 (voyons large), est-ce qu'il va oublier, comme par mégarde, de parler du covid-19, des gens qu'on a traînés par les cheveux pour les enfermer de force chez eux, des lanceurs d'alertes disparus et des animaux domestiques, appartenant à des habitants de Wuhan ou d'ailleurs, ou bien encore errants, et massacrés à coups de batte par des policiers ? Et j'en passe, et j'en passe... Nan, parce que si c'est pour me proposer une espèce de fresque historique validée par le régime chinois, je me ne suis ni acheteuse, ni liseuse, ni rien de tout ça. La propagande, j'en m'en passe très bien, qu'elle soit chinoise, française, allemande, états-unienne, ou n'importe quoi d'autre.

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Grenouilles

Dans la correspondance qu’il entretient avec son maitre japonais, Têtard, écrivain chinois débutant, lui fait part d'un projet d’écriture sur sa tante, une gynécologue réputée à l’époque où Mao a décidé du contrôle des naissances. Une occasion pour lui de rappeler les difficultés de la mise en place de la politique de l’enfant unique, surtout dans les campagnes reculées, et la résistance des couples et des femmes qui allaient jusqu’à risquer leur vie pour échapper à un avortement forcé.



Une fresque chinoise colorée et pleine de fantaisie qui nous montre une Chine non soumise avec des individualités très marquées. Des Chinois aptes à douter d’eux, comme la gynécologue qui à la fin de sa vie est poursuivie par l’image de grenouilles (en chinois bébé et grenouille se prononcent de la même manière) des enfants dont elle a empêché la naissance, ou comme Têtard, capables de remettre en cause leur adhésion inconditionnelle à la politique du Parti.



Une attitude proche de celle de l’auteur qui ne critique jamais le parti communiste, mais ne se prive pas de brocarder avec humour les conséquences de sa politique, celle d’hier mais aussi celle d’aujourd’hui.

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Le vieil homme et le château bleu

Mo Yan a écrit cette petite nouvelle à chute pleine d'humour en 2008 à la demande du Figaro qui publiait 30 nouvelles de grands écrivains étrangers. Ils devaient tous commencer par la même phrase de l'Odyssée :

« Ulysse prit le sentier rocailleux qui monte à travers bois, du port vers la falaise. Il allait vers l’endroit qu’avait dit Athéna… »

Mo Yan imagine qu'Ulysse croit avoir pénétré les Enfers, une tristesse infinie l'envahit. Et puis en fait non. Il ouvre les yeux et voit un ciel jaunâtre sans étoiles, une porte monumentale au dessus de laquelle se trouve un immense portrait, des soldats vêtus d'uniformes vert olive....

Vous l'aurez compris Ulysse est à Pékin, tout nu devant le portrait de Mao. Mo Yan s'en donne à coeur joie : petit récit à suspense, descriptions pleines d'imagination et de malice jusqu'à la chute très drôle à la fin.



Le texte est disponible gratuitement.
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Enfant de fer

Des sophoras, des jujubes, de l'eau verte émeraude, des enfants qui mangent du fer, des carcasses d'animaux puantes. On pisse dans le thé de son ennemi, on insulte son voisin sur dix générations.Le poétique côtoie le sordide , L Histoire et l'histoire se mêlent au fantastique. Bienvenue chez Mo Yan.



On est en présence ici d'un recueil de nouvelles écrites sur une période assez longue d'une vingtaine d'années, qui ont pour thème commun l'enfance , ou plutôt la présence d'un enfant.

En fait, comme à son habitude, Mo Yan nous plonge dans le Shandong agricole et en profite pour dézinguer la politique chinoise, que ce soit le grand bond en avant ou la révolution culturelle.

On va ainsi rencontrer , en autre,une pauvre instruite envoyée à la campagne pour se rééduquer, de pauvres chinois obligés d'amener tout ce qui est fer pour faire tourner les hauts fourneaux (et ne plus avoir de gamelle pour cuire le riz...).

On va surtout rencontrer le menu peuple, celui qui lutte pour survivre avec beaucoup de résilience, de ruse , de débrouillardise, d'humour. Celui qui rebondit sur tous les malheurs qui l'accablent et trouve la force pour repartir de l'avant si la mort ne l'a pas cueilli.

On retrouve cette façon si particulière de " draguer " que l'on peut rencontrer dans les livres chinois . Soit direct, soit ça peut prendre des années. Comme ailleurs me diriez vous , certes, mais dans la littérature chinoise, je trouve que le côté "sentiment" est traité de façon assez singulière.



Certaines nouvelles sont tournées vers le fantastique, un peu comme l’œuvre générale de l'auteur peut l'être, d'autres sont beaucoup plus ancrées dans la réalité, quasi autobiographique .

On y côtoie beaucoup de coutumes , bien expliquées par les notes . Par exemple, les parents avaient l'habitude de donner des prénoms bien pourris aux enfants pour que les Rois des enfers ne soient pas attirés.. le gagnant est Gousheng , "restes de repas dédaignés par un chien "... le pendant du "Chien qui chie dans mes mocassins " chez les indiens :)



Les lectures peuvent être espacées et offrent un belle idée du talent et du travail de l'auteur.
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La mélopée de l'ail paradisiaque

"La mélopée de l'ail paradisiaque".

Quel beau titre. Poétique , énigmatique , presque provocateur.On est chez Mo Yan , l'un des plus grands conteurs contemporains.

Dans la province de Tiantiang (le paradis) , la population a été incitée à planter de l'ail. La vie paysanne s'organise autour du cours de l'ail, ou tout au moins au gré de la volonté des fonctionnaires qui en fixent le prix et les règles de vente.

Pour autant, une année "sans", le peuple se révolte , la répression sévit. C'est le début du livre , qui voit Gao Yang tenter d'échapper aux miliciens. Idem pour Gao Ma , lui qui rêve de vivre avec Jinju, promise à un autre.



Livre extraordinaire , à tous les sens du terme. Si l'appréciation d'une œuvre est subjective et donc n'engage que moi ici, le qualificatif d’extraordinaire s'applique sans contexte à la construction très élaboré de ce roman.

On navigue au gré des personnages sur une année , en changeant de date d'une ligne à l'autre parfois sans que cela ne pose le moindre problème.On va également plonger dans les coutumes à travers les rêves de nos héros ou encore revenir sur la période maoïste , le roman se déroulant au milieu des années 80.



Mo Yan est fidèle à son style .L'abject, notamment les conditions de vie en prison , est raconté sans filtre, les insultes pleuvent et parallèlement , la nature est merveilleuse, la poésie latente. D'une ligne à l'autre , on peut imaginer le vent magnifier les sophoras puis le condamné manger ses poux...

Les thèmes abordés sont classiques pour cet auteur issu de la campagne du Shandong : Le monde paysan, la corruption de la fonction publique , l’aberration du système maoïste et notamment de la révolution culturelle (Ah ces paysans pauvres qui matent les propriétaires fonciers) mais aussi ici les débuts de la période de Den Xiaoping et l'arrivée du capitalisme .



Un grand livre qui ne plaira pas assurément à tout le monde et qui n'est pas le premier livre de Mo Yan que je conseillerais .

A noter que le livre lu est la première version du texte , qui a été modifié pour la version chinoise .



PS : L'ail est la spécialité de la région de Jinxiang (Shandong, voici un lien pour ceux que cela intéresse

http://french.peopledaily.com.cn/Economie/n3/2017/1025/c31355-9284589.html)

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Le maître a de plus en plus d'humour

Pour être franche , s 'il n y avait pas eu le multi défis 2019 et son item livre d un auteur chinois ou qui se passe en Chine, je n aurais jamais lu ce livre.



4 étoiles et demie. Autant vous dire que changer ses habitudes ça permet parfois de belles découvertes.



J ai beaucoup aimé cette lecture. En particulier parce que je me suis beaucoup attachée au héros. d'origine ouvrière, maître Dinh qui se retrouve licencié à un mois de la retraite après une vie de labeur, ça a touché mon âme. l'usine de machine agricole pour laquelle maître Dinh travaillait s apprête à fermer. Les larmes, les belles médailles reçues tout au long de sa carrière, être l exemple pour les autres, tout cela ne change rien.



Maître Dinh est poussé vers la sortie. Comment se reconvertir alors? Comment rebondir? Surtout que l argent fond comme neige au soleil.



Maître Dinh est dépassé. Lui qui a passé sa vie à trimer à l usine découvre avec stupeur que même aller au toilette n est pas gratuit. Où va le monde?



Mais maître Dinh n est pas un homme à se laisser abattre. Alors qu' il repère un vieux car déglingué vers le cimetière qui surplombe son ancienne usine, il a une idée pour survivre. Avec son fidèle apprenti, il entreprend de transformer le car pour le consacrer à un usage bien particulier. Bientôt la clientèle se fait florissante.



On ne sombre jamais dans le pathos. J ai apprécié l humour de l auteur qui avec un personnage plutôt naïf mais pas bête nous livre une petite critique bien sentie du capitalisme. Culture tradition se heurtent à la modernité et au capitalisme.



C est frais, drôle, un brin loufoque. Bien écrit.
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Le grand chambard

Miracle de la littérature, hier en occident médiéval, aujourd'hui en Chine communiste...



N'ayant jamais rien lu de Mo Yan, prix Nobel de littérature 2012, je suis doublement ravie d'avoir débuté sa connaissance avec un récit autobiographique et d'avoir choisi un récit si vivant, si personnel et si dépaysant.



Dans "Le grand chambard" ("Change" est le titre original), l'auteur et le narrateur sont une même et seule personne - même si ça ne peut jamais se réaliser tout à fait. de son adolescence dans sa province natale et son expulsion de l'école pour une impertinence qu'il n'a pas commise à son ascension sociale comme auteur, en passant par ses temps d'errance personnelle au sein de l'armée, souffrant de son manque de qualifications et frustré dans ses aspirations, Mo Yan nous ouvre les portes d'une Chine à plusieurs vitesses et dont les traditions ont reculé devant le communisme. Un parcours très éloigné de mes repères.



Pour moi qui ne connais vraiment pas grand chose à la culture chinoise, ni à son histoire, encore moins à sa littérature, ce récit a constitué une parfaite introduction et a su éveiller ma curiosité. D'autant plus que j'ai apprécié le style de son auteur qui, au premier abord, pourrait rebuter mais qui, en se développant, se laisse apprécier pour sa simplicité qui touche souvent à l'humilité. Mo Yan est un grand bavard, le lecteur le sent, lui-même l'avoue volontiers et pourtant, la narration reste assez directe et ne s'embarrasse que de rares digressions. Mon seul bémol sera pour le changement de rythme intempestif. Les deux premiers tiers du roman se déroulent en effet sur une période assez resserrée alors que le dernier tiers semble précipiter le lecteur un peu rapidement vers la sortie, en couvrant trente ans.



Une oeuvre brève à découvrir, ne serait-ce que pour se faire une idée de la plume de son auteur.





Challenge de lecture 2015 - Un livre traduit

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Beaux seins, belles fesses : Les enfants de..

« Beaux seins, belles fesses », tout un programme, non ?



Qu’on ne s’y trompe pourtant pas, le roman fleuve de l’écrivain chinois Mo Yan n’est pas livre érotique ou tout autre ouvrage de ce genre (comme l’a cru fort innocemment mon compagnon en regardant mes mails par-dessus mon épaule ; ça lui apprendra, tiens…). Cette immense saga familiale débute en 1938 dans la bourgade de Dalan avec la naissance du petit Shangguan Jintong, une naissance qui se place d’emblée sous le signe du chaos et de la malchance, puisqu’elle a lieu au moment exact où les troupes japonaises envahissent son canton natal. Neuvième enfant d’une fratrie de huit filles, Jintong répond aux vœux ardents de sa mère et de son père – qui n’en profitera pas puisqu’il sera l’une des premières victimes à tomber sous les coups des « diables japonais » à leur entrée dans Dalan.



Hélas, le petit Jintong ne se révélera guère à la hauteur des attentes familiales : pleutre, geignard, dépourvu de volonté et d’intelligence, maladivement obsédé par le sein maternel qu’il tétera jusqu’à un âge avancé, il s’avère incapable de subvenir à ses besoins et, à plus forte raison, à ceux de la fratrie Shangguan dont il est devenu le chef de famille. Restent ses huit sœurs et son indomptable mère, neuf femmes au fort caractère et à la volonté bien trempée, à défaut de posséder beaucoup de jugeote. Car si, chez les Shangguan, les hommes sont des mauviettes, les femmes quant à elles ont de qui tenir ! Pourvues de beaux seins et de belles fesses, comme le dit si bien le titre du roman, c’est elles qui sont le cœur et l’âme de la famille Shangguan et lutteront pour lui permettre de surnager malgré les innombrables bouleversements que traversera la Chine de 1938 à nos jours : invasion japonaise, guerre mondiale, révolution culturelle, multiples réformes économique foireuses, etc.



A la première lecture de « Beaux seins, belles fesses » de Mo Yan, on ne s’étonne pas de l’accueil glacial qu’il a reçu en Chine à sa sortie en 1995. A travers les nombreux aléas de la vie du pauvre Jintong et surtout de celles de ses sœurs, le romancier chinois trace un portrait au vitriol de la Chine contemporaine. Avec humour noir, verve et un sens certain de l’absurde, il rentre allègrement dans le lard de l’Histoire officielle et nous embarque dans une aventure aux multiples rebondissements, où les larmes et le rire se côtoient régulièrement. Jamais condescendant ou méprisant, il rend aussi délicatement hommage à une certaine partie de la population chinoise, celle qui souffre et peine quels que soient les régimes qui la dominent, mais parvient toujours à survivre malgré les privations et les injustices dont elle est abreuvée. Si les malheurs du personnage principal, véritable mollusque, prêtent plus à rire qu’à pleurer, le personnage de sa mère nous touche bien davantage : petite femme au courage discret et à la détermination sans limites, prête à tous les sacrifices pour permettre à son innombrable couvée (qui ne tardera pas à s’enrichir d’une flopée de beaux-fils encombrants et de petits enfants…) de subsister.



Grinçant et cocasse à la fois, « Beaux seins, belles fesses » est un roman satirique d’une grande richesse. Malgré sa taille impressionnante et parfois quelques longueurs, il se lit très facilement et s’avère un excellent moyen de découvrir plaisamment l’Histoire de la Chine contemporaine.

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Le Veau - Le coureur de fond

Dans l'ancienne société , tout était mauvais , dans la nouvelle société , tout va bien , c'est ce qu'on disait en Chine à la fin des années 60 , c'est l'époque où l'auteur , né en 1955 , était adolescent et il nous livre ses souvenirs dans un roman tour à tour truculent , drôle , touchant .

Déjà , à l'époque , son maître d'école , se rend compte qu'il écrit bien , il a un véritable don d'observation , est intelligent et sait faire la part des choses entre réalité et fiction politique .

Tout est raconté avec humour même si en y regardant de plus près il y a une critique de la société , le temps a passé et maintenant on peut commencer à raconter ce qui se passait dans la Chine rurale des années 60-70 .

On n'y mangeait de la viande que très rarement , les ' pauvres ' étaient mis en avant , un balayeur avait plus de valeur qu'un intellectuel , mais cela était poussé à outrance

Luo Han se rend bien compte que ' les droitiers ' , c'est à dire , les intellectuels , les ennemis , sont bien mieux que les paysans , c'est grâce à leur intelligence que tout fonctionne mieux dans le village , c'est grâce à eux que le jeune homme a appris à bien parler , à connaître l'histoire de la Chine antique .

Il fallait absolument que dans chaque village , on trouve des ' droitiers ' , les méthodes pour les débusquer nous paraissent incroyables avec le recul .

Luo Han décrit les championnats de ping-pong , les concours sportifs , les petites anecdotes banales qui mises bout à bout nous apprennent bien plus sur l'époque qu'un livre d'histoire .

Il a un langage imagé , une écriture maîtrisée qui a su garder sa fraîcheur d'enfant , c'est un auteur que je retrouverai avec plaisir .

Un tout petit bémol , dans la deuxième partie ' le coureur de fond ' , il a certains passages assez difficiles si on ne connaît rien à a Chine .

Pour moi , une belle découverte qui me donne envie d'en savoir plus , un livre comme je les aime qui m'ouvre au monde .
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Les retrouvailles des compagnons d'armes

Mémoires d’outre-tombe, un soldat chinois retourne dans son patelin et revit des moments de son passé.



Les compagnons d’armes se racontent : la vie dans leur petit village avec sa misère, l’entrainement dans l’Armée Rouge et l’espoir de devenir des héros, les situations cocasses, les amours et les horreurs qui ont parsemé leur existence.



C’est parfois tragique quand l’un évoque de son enfant presque mort de faim, parfois léger quand les autres racontent un numéro de cirque, mais c’est surtout un peu étrange quand on comprend que ces compagnons sont pensionnaires du cimetière…



Un roman plutôt court et de lecture facile, avec des descriptions de la société chinoise, de la vie de soldat et des aléas de la guerre.



On peut être nostalgique de sa jeunesse, peu importe ses difficultés, c’est la seule jeunesse qu’on aura vécue…

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Le maître a de plus en plus d'humour

C'est mon premier roman du prix Nobel 2012. Il date de 1999 et fait 108 pages.

Ding ("Robuste gaillard") Shikou s'effondre quand il est licencié de l'usine de l'Etoile rouge pour cause de faillite. A un mois de la retraite, lourdé sans indemnités. Lui, l'ouvrier modèle qui éprouvait une extrême gratitude envers cette usine d'état car elle l'avait tiré de la condition de paysan. Et, pour couronner le tout, il se fracture une jambe en rentrant chez lui sur sa vieille bicyclette "Défense nationale". Toutes ses économies passent dans les frais médicaux. Comment une vieille baderne comme lui peut-il s'en sortir ? Faire le siège de la mairie en continuant de pleurer comme le suggère son jeune ex apprenti ? Non ! le maître ne perdra pas la face, il a de la ressource, du bon sens et va trouver une idée...qui respire la joie de vivre.

J'ai beaucoup aimé ce court roman, très bien construit, qui évoque avec la pudeur de l'humour une vie et des valeurs qui s'effondrent. Il rend également hommage à la débrouillardise des humbles qui doivent se réadapter au nouveau monde capitaliste. La traduction est très bien avec des notes utiles et pas envahissantes.

Je poursuivrai avec plaisir mon exploration de l'univers de Mo Yan ( il a écrit plus de 100 nouvelles paraît-il) .

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