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Citations de Mona Ozouf (198)


Mona Ozouf
La manifestation du 11 janvier a montré une France qui renouait avec la libre discussion, qui est dans son ADN, à la fois historique et littéraire. Une foule qui brandit des crayons, ce n'est pas mal...
Bibliobs le 15/03/2015
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Mona Ozouf
Celui qui a la maîtrise des mots est immédiatement suspect d'enrubanner la réalité. Il se livre à "l'enfumage". Expression extraordinaire. L'enfumage c'est la fumée des mots, le brouillard verbal qui dissimule volontairement la réalité crue. Cette suspicion pour le langage argumenté peut mener très loin.

Cité par Frédéric Joly, page 265 de La langue confisquée, lire Victor Klemperer aujourd'hui.
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Peu disposée à réserver ses récits aux nobles infortunes des dames à crinolines, elle ne croit pas une seconde devoir se soumettre au diktat de choisir des héros hors du commun. Et si elle plaide la cause des gens ordinaires, c'est qu'à ses yeux l'ordinaire n'est jamais simple. Aux communs, aux laids, à ceux qui n'ont pas été désirés, l'existence réserve aussi des joies et des tristesses. La variété des situations humaines est suffisante à assurer leur complexité. Se souvient-elle de la George française ? Celle-ci jugeait également superflu — ainsi, dans Lucrezia Floriani — d'aller chercher au loin l'extraordinaire. Car « la vie est assez fantasque : il y a assez de désordres, de cataclysmes, d'orages, de désastres et d'imprévus ».
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Pour ces procureurs qu'un bras nu rend fous, pareille condamnation morale appelle irrésistiblement l'image de l'autre George. Mais c'est souvent pour ajouter que si Sand est souvent immorale, elle est toujours « magnifique ». C'est dire — ainsi John Ruskin, le plus féroce des détracteurs d'Eliot — que la George anglaise a le tort supplémentaire de loger le désir, la passion et la tragédie dans la vie étroite et laide des gens ordinaires, personnages « pris derrière le comptoir et sortis du caniveau ». Touche sordide ajoutée à l'inconvenance du propos.
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On comprend mieux, du même coup, pourquoi se presse dans les romans d'Eliot cette foule de personnages secondaires. Elle inspire à Brunetière un intéressant parallèle entre la littérature française et la littérature anglaise. Les Français, peuple révolutionnaire, sont restés trop aristocrates pour décrire les gens de peu. Le plus souvent, ils s'en passent. Quand ils s'exercent à les représenter, ils les transforment en Bouvards et Pécuchets. Les Anglais, et plus encore les Anglaises, savent, eux, leur faire une place équitable. Et rien n'illustre mieux pour Brunetière cette disposition insulaire que la tendresse de George Eliot pour les vies ordinaires, décrites avec une surabondance de détails qu'on peut juger tantôt vulgaire, et tantôt superflue.
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L'objet du roman est bien moins de capter l'événement historique éclatant que de faire sentir l'invisible travail de la durée : celle-ci oublie et retient à la fois, dans un équilibre instable, et toujours à recomposer, entre l'être et le devenir, la fixité et le mouvement, l'ancien et le nouveau.
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Elle avait beau user du français avec moi, elle ne m'en communiquait pas moins, par ce français calqué sur les tournures du parler breton, le génie de cette langue vigoureuse, expressive, anthropomorphique : la brume du matin est la «pitance» du soleil, les vagues sont «les chevaux de la mer», le confluent est «le nez des deux eaux»; et on achève une lettre de condoléances en recommandant à l'endeuillé : «Dalc'hit mad an taol» («agrippez-vous à la table»
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Dans le véhément procès intenté au communautarisme, on n'entend pas beaucoup la voix de l'avocat de la défense. Il pourrait pourtant explorer les raisons qui poussent les hommes à rechercher la protection et l'abri du groupe : il peut s'agir de pauvreté, de solitude, d'indifférence, de désespérance. Se sentir, ou se savoir, condamné à vivre dans une zone disgraciée, loin de l'emploi, du logement, de l'éducation, engendre nécessairement le repli communautaire. Repli frileux, dit volontiers le procureur. En effet, les hommes cherchent à se tenir chaud quand ils ont froid. L'insertion communautaire est parfois tout ce qui reste d'humain dans les vies démunies. La défense pourrait ajouter que l'individu invité à s'affranchir triomphalement de ses appartenances y est souvent ramené sans douceur par le regard d'autrui, renvoyé à sa communauté, sa race ou sa couleur.
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Pour se refermer sur elle-même à la manière sèche d'un éventail qui claque, la maxime doit exclure les correctifs et la nuance. (...) Quand on sème son discours de《souvent》,de《presque》, de《la plupart du temps》, on émousse sa pointe, on met de l'eau dans son vin corrosif, on trahit l'esprit féroce de la maxime.

"Le mensonge des vertus humaines", 30/07/1992
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La mauvaise humeur des commentateurs du roman ["Le Moulin sur la Floss"] à l'égard de Stephen s'est étendue à la pauvre Maggie : la découverte de la sensualité de la jeune fille, cachée jusque- là par sa vie ascétique, suffisamment indiquée toutefois par la romancière, a indigné la pudibonde critique victorienne, si soucieuse de ménager la vertu des jeunes filles, et reconnaissante à Walter Scott de n'avoir fait place dans son oeuvre à aucun baiser. (p. 36)
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Tenir à la liberté, c'est accepter le conflit et la division, et rien ne le montre mieux que le débat à la chambre sur le bon usage de la lecture. Les adversaires du ministre de l'Instruction publique s'inquiètent des ravages moraux que pourrait engendrer l'accès généralisé aux livres. Car leurs bienfaits, pour les catholiques, résident dans la transmission des saines doctrines : le livre n'émancipe que si son contenu est bon. Les républicains, eux, dit fièrement Ferry, tiennent que le contenu du livre importe peu : l'acte de lire est en lui-même l'instrument de l'émancipation.
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L’histoire du corbeau et du renard me sera longtemps opaque. Que fait au juste cet archevêque dans l’arbre du corbeau ? « Il ouvre un archevêque », c’est l’abracadabra que j’entends, et j’ai beau tenter de restituer un peu de cohérence à l’affaire en imaginant qu’il laisse tomber sa « croix », l’histoire me paraîtra obscure jusqu’au jour où le texte écrit me sera – enfin – une illumination.
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En juin 1834, quand il reçoit sa nomination au titre d'inspecteur des Monuments historiques, Prosper Mérimée ne sait pas qu'il vient de s'enrôler pour vingt-six ans dans une immense infirmerie: après le séisme révolutionnaire, les monuments français sont des gueules cassées.

"Le médecin des pierres", 24/11/1988
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Les hommes selon lui (Jules Ferry) , doivent être laissés libres d'errer, car la liberté, fût-elle payée par l'erreur, est plus désirable que le bien.
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[A propos du "Moulin sur la Floss "] (...) et il ne chicane pas sa compassion à Maggie quand les objets qu'elle pleure sont des livres : eux aussi sont des trésors de mémoire, paragraphes soulignés, coloriages enfantins, tulipes séchées entre les pages. Mais ils sont tout autre chose encore : la chance de l'ubiquité , la promesse de l'évasion, la découverte d'autres mondes. C'est la disparition de ses livres qui arrache à Maggie la plainte décisive, en laquelle est enclose la tragédie du roman : " Il n'y aura rien dans notre vie qui ressemblera au début" (p. 26)
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(...) dans l'oeuvre d'Eliot, Fernand Brunetière voyait "le plus bel épanouissement littéraire" apès -La Comédie humaine, Charles Du Bos égalait -Middelmarch à Anna Karénine, Proust disait ne pouvoir lire deux pages d'elle sans pleurer. Et je plaiderais pour apporter quelques fleurs à cet immense génie. Car aujourd'hui ces voix louangeuses se sont tues, en France du moins. Et beaucoup de mes amis, grands lecteurs pourtant, parmi lesquels une très fine romancière, me demandant perplexes, après s'être enquis de mon travail : mais qu'est-ce qu'il a écrit, au juste,ce George ? (p. 19)
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Le XVIIIe siècle avait fait de Fénelon un quasi-saint, et la Révolution elle-même le fera entrer, comme héros sinon comme saint, dans son calendrier républicain, pendant qu'elle campe Bossuet en apologiste de la servitude.
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Tout ici dit la méfiance qu'inspire la mer, dont les paysans n'usent que comme d'une prairie à goémon, rude à faucher, quand il faut entrer à mi-corps dans l'eau glacée, ramener avec le "rastell", le large râteau, les lourdes masses flottantes, charger les charrettes.(...) Quand, bien plus tard, au collège, on me demandera de composer un sonnet sur les travaux de la campagne, c'est aux laboureurs de ces champs amphibies que je songerai et j'ai encore en mémoire les deux alexandrins du dernier tercet, que j'espérais de facture hugolienne: "Et leur regard aigu de ramasseurs d'épaves/ scrute l'horizon noir que l'écume blanchit."
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Son souci constant est la dignité .. sa règle morale essentielle est de ne jamais se mettre dans une situation telle qu'on puisse en avoir honte. "Gand var vez" , "avec la honte" est l'expression qui, pour elel englobe tout ce qu'il est inconvenant de faire et même de penser.
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"Est-ce la raison pour laquelle j'aime tant l'école ? J'aime tout de ce qu'on y apprend, et tous les exercices : la dictée, avec la voix lente, persuasive et solennelle de la maîtresse qui s'attarde généreusement aux liaisons et cherche à suggérer les bons accords ; les récitations, pour lesquelles il est si facile de triompher sur l'estrade; les rédactions, où nous devons si souvent raconter ce que nous n'avons jamais expérimenté : un pique-nique au bord de l'eau, une fête de famille, une promenade en forêt, une tempête en mer; mais rien de tout cela n'est embarrassant, puisqu'on peut loger dans un récit de pure fiction toutes ses lectures.
Quelque chose, par ailleurs, nous chuchote que ce n'est pas la vérité qu'on nous demande à l'école. Nul n'attend de nous un constat réaliste ; on nous fait mettre en dimanche pour « chanter », comme nous savons qu'il faut le dire dans les rédactions, des travaux et des jours imaginaires, et c'est bien ce qui nous convient."
(page 113)
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