Le virus H1N1 ? N’ayons pas peur des mots, celui-là a été un méga flop. Une grosse bombe qui finit en pétard mouillé, une bonne blague qui tombe à plat, rien que des paroles et zéro acte.
Passe devant une équipe de nuit en train de faire un truc chelou, une bouche d'égout est ouverte, le ruban jaune est de sortie, les projecteurs aussi, une grosse tente rouge a été montée et les types se déplacent comme s'ils étaient en apesanteur, dans leur combi spatiale - celle qui fout le jetons, i.e : pas la blanche mais l'orange avec le picto "risque biologique" dans le dos.
À cent cinquante mètres au-dessus des eaux toxiques de l’East River, j’avise une silhouette en train de faire de la varappe sur un des trois câbles encore fixés aux ruines du pont de Brooklyn.
Il avance un coup, s’arrête. Il est peut-être à cinq ou six mètres du sommet.
Avec ces jumelles d’époque – doivent bien dater de la moitié du XXe siècle –, impossible de déterminer si le mec a ne serait-ce qu’un baudrier pour grimper. Je vois qu’il a une salopette orange, la tête nue, mais c’est tout.
Vois pas non plus d’équipe avec lui, on dirait bien qu’il se tape l’escalade en solo. À empoigner le câble comme ça, à la force des bras et des cuisses, il doit avoir la peau complètement à vif, le pauvre.
En plus y’a du vent, aujourd’hui. Les fenêtres du bureau où je me trouve, au dix-huitième étage du 100 Centre Street, vibrent et frémissent.
Je me dis OK, le mec en peut plus. Il va sauter. Encore un type parti pour faire le grand plongeon.
Ca me débecte sérieusement, les gens qui débinent les autres alors qu’ils ne savent rien d’eux. Qui font un tas de suppositions.
Enfile une autre paire de gants. J'adore cette sensation poudrée qu'on a, la première fois qu'on les met, ça vous chuchote "propre" si vous tendez bien l'oreille. Et moi, je suis du genre à le faire.
Quand j’étais gosse, j’étiquetais tout dans ma chambre, même mon petit aquarium : Poisson rouge. Au cas où j’oublie.
Bribes d’une vie que je suppose être la mienne, avec des gros trous dedans.
J’ai une carte de la ville tatouée à l’intérieur de mes paupières. En deux dimensions, en couleurs, un peu comme la carte diffusée par la régie de New York, avec ses lignes qui courent comme des veines vertes, bleues, rouges, jaunes, oranges.
Cette carte est à ma disposition en permanence.
Si vous pouviez la voir, le Système dont je vous ai parlé deviendrait limpide. Tout est là, sous mes paupières, vivant. Ses règles et ses fonctions sont strictes, précises, pures comme le Purell®.
Mais comme je l’ai dit, j’ai aussi mon Système, élaboré, dans ses moindres détails, le classement des livres n’étant qu’une pièce d’un puzzle beaucoup plus grand ; et donc, j’ai l’ordre. Sinon : le chaos.
Le Système a un principe de base, qui reprend essentiellement celui qu’on vous martèle à l’armée. Si vous êtes perdu, faites l’inventaire de ce que vous savez.
En me servant d’une technique du Système, je bloque les interférences produites par les humains pour réfléchir à mon planning de la journée.