Le néant n'est point si terrible que cet état désolant de vivre sans ce qu'on aime.
Si mon propre esprit était ma Raison ou ma lumière, mon esprit serait la raison de toutes les inteligences car je suis sûr que ma Raison ou la lumière qui m'illumine est propre à toutes les inteligences. Personne ne peut sentir ma douleur; tout homme peut voir la Vérité que je contemple. Donc, ma douleur est une modification de ma propre substance, et la Vérité est un bien commun à tous les esprits.
(Ma traduction du roumain, faute de la variante française)
Comme les yeux ont besoin de lumière pour voir, l'esprit aussi a besoin d'idées pour concevoir.
L’attention est la prière naturelle de l’âme.
Le néant n'est point si terrible que cet état désolant de vivre sans ce qu'on aime.
Le néant n'a point de propriétés.
Je pense. Donc je suis.
Mais que suis-je, moi qui pense, dans le temps que je pense.
Suis je un corps, un esprit, un homme ?
Dans les animaux il n'y a ni intelligence, ni âme, comme on l'entend ordinairement. Ils mangent sans plaisir, ils crient sans douleur, ils croissent sans le savoir, ils ne désirent rien, ils ne craignent rien, ils ne connaissent rien; et s'ils agissent d'une manière qui marque intelligence, c'est que Dieu les ayant faits pour les conserver, il a formé leur corps de telle façon qu'ils évitent machinalement et sans crainte tout ce qui est capable de les détruire. Autrement il faudrait dire qu'ils a plus d'intelligence dans le plus petit des animaux, ou même dans une seule graine que dans le plus spirituel des hommes; car il est constant qu'il y a plus de différentes parties et qu'il s'u produit plus de mouvements réglés que nous ne sommes capable d'en connaître.
I. Des causes occasionnelles de l’erreur, et qu’il y en a cinq principales. — II. Dessein général de tout l’ouvrage, et dessein particulier du premier livre.
Nous venons de voir qu’on ne tombe dans l’erreur, que parce que l’on ne fait pas l’usage qu’on devrait faire de sa liberté ; que c’est faute de modérer l’empressement et l’ardeur de la volonté pour les seules apparences de la vérité, qu’on se trompe, et que l’erreur ne consiste que dans un consentement de la volonté qui a plus d’étendue que la perception de l’entendement, puisqu’on ne se tromperait point si l’on ne jugeait simplement que de ce que l’on voit.
I. Mais, quoiqu’à proprement parler il n’y ait que le mauvais usage de la liberté qui soit cause de l’erreur, on peut dire néanmoins que nous avons beaucoup de facultés qui sont cause de nos erreurs, non pas causes véritables, mais causes qu’on peut appeler occasionnelles. Toutes nos manières d’apercevoir nous sont autant d’occasions de nous tromper. Car puisque nos faux jugements renferment deux choses, le consentement de la volonté, et la perception de l’entendement ; il est bien clair que toutes nos manières d’apercevoir nous peuvent donner quelque occasion de nous tromper, puisqu’elles nous peuvent porter à des consentements précipités !
Or, parce qu’il est nécessaire de faire d’abord sentir à l’esprit ses faiblesses et ses égarements, afin qu’il entre dans de justes désirs de s’en délivrer, et qu’il se défasse avec plus de facilités de ses préjugés, on va tâcher de faire une division exacte de ses manières d’apercevoir, qui seront comme autant de chefs à chacun desquels on rapportera dans la suite les différentes erreurs auxquelles nous sommes sujets.
L’âme peut apercevoir les choses en trois manières, par l’entendement pur, par l’imagination, par les sens.
Elle aperçoit par l'entendement pur les choses spirituelles, les universelles, les notions communes, l’idée de la perfection, celle d’un être infiniment parfait, et généralement toutes ses pensées lorsqu’elle les connaît par la réflexion qu’elle fait sur soi. Elle aperçoit même par l’entendement pur les choses matérielles, l’étendue avec ses propriétés ; car il n’y a que l’entendement pur qui puisse apercevoir un cercle et un carré parfait, une figure de mille côtés, et choses semblables. Ces sortes de perceptions s’appellent pures intellections, ou pures perceptions, parce qu’il n’est point nécessaire que l’esprit forme des images corporelles dans le cerveau pour se représenter toutes ces choses.
Par l'imagination, l’âme n’aperçoit que les êtres matériels, lorsqu’étant absents, elle se les rend présents en s’en formant des images dans le cerveau. C’est de cette manière qu’on imagine toutes sortes de figures, un cercle, un triangle, un visage, un cheval, des villes et des campagnes, soit qu’on les ait déjà vues ou non. Ces sortes de perceptions se peuvent appeler imaginations, parce que l’âme se représente ces objets en s’en formant des images dans le cerveau ; et parce qu’on ne peut pas se former des images des choses spirituelles, il s’ensuit que l’âme ne les peut pas imaginer ; ce que l’on doit bien remarquer.
Enfin l’âme n’aperçoit par les sens que les objets sensibles et grossiers, lorsqu’étant présents ils font impression sur les organes extérieurs de son corps et que cette impression se communique jusqu’au cerveau, ou, lorsqu’étant absents, le cours des esprits animaux fait dans le cerveau une semblable impression. C’est ainsi qu’elle voit des plaines et des rochers présents à ses yeux, qu’elle connaît la dureté du fer, et la pointe d’une épée et choses semblables ; et ces sortes de sensations s’appellent sentiments ou sensations.
L’âme n’aperçoit donc rien qu’en ces trois manières ; ce qu’il est facile de voir si l’on considère que les choses que nous apercevons sont spirituelles ou matérielles. Si elles sont spirituelles, il n’y a que l’entendement pur qui les puisse connattre ; que si elles sont matérielles, elles seront présentes ou absentes. Si elles sont absentes, l’âme ne se les représente ordinairement que par l’imagination ; mais si elles sont présentes, l’âme peut les apercevoir par les impressions qu’elles font sur ses sens ; et ainsi nos âmes n’aperçoivent les choses qu’en trois manières, par l’entendement pur, par l’imagination et par les sens.
I. Les esprits doivent avoir des inclinations, comme les corps ont des mouvements. II. Dieu ne donne aux esprits du mouvement que pour lui. III. Les esprits ne se portent aux biens particuliers que par le mouvement qu’ils ont pour le bien en général. IV. Origine des principales inclinations naturelles qui feront la division de ce quatrième Livre. Il ne serait pas nécessaire de traiter des inclinations naturelles comme nous allons faire dans ce quatrième Livre, ni des passions comme nous ferons dans le suivant, pour découvrir les causes des erreurs des hommes, si ’entendement ne dépendait point de la volonté dans la perception des objets : mais parce qu’il reçoit d’elle sa direction, que c’est elle qui le détermine et qui l’applique à quelques objets plutôt qu’à d’autres ; il est absolument nécessaire de bien comprendre ses inclinations, afin de pénétrer les causes des erreurs auxquelles nous sommes sujets.
LES ESPRITS DOIVENT AVOIR DES INCLINATIONS COMME LES CORPS ONT DES MOUVEMENTS
Si Dieu en créant ce monde eût produit une matière infiniment étendue sans lui imprimer aucun mouvement, tous les corps n’auraient point été différents les uns des autres. Tout ce monde visible ne serait encore à présent qu’une masse de matière ou d’étendue, qui pourrait bien servir à faire connaître la grandeur et la puissance de son Auteur : mais il n’y aurait pas cette succession de formes et cette variété de corps, qui fait toute la beauté de l’univers, et qui porte tous les esprits à admirer la sagesse infinie de celui qui le gouverne. Or il me semble que les inclinations des esprits sont au monde spirituel, ce que le mouvement est au monde matériel ; et que si tous les esprits étaient sans inclinations, ou s’ils ne voulaient jamais rien, il ne se trouverait pas dans l’ordre des choses spirituelles cette variété, qui ne fait pas seulement admirer la profondeur de la sagesse de Dieu, comme fait la diversité qui se rencontre dans les choses matérielles ; mais aussi sa miséricorde, sa justice, sa bonté, et généralement tous ses autres attributs. La différence des inclinations fait donc dans les esprits un effet assez semblable, à celui que la différence des mouvements produit dans les corps ; et les inclinations des esprits, et les mouvements des corps font ensemble toute la beauté des êtres créés. Ainsi tous les esprits doivent avoir quelques inclinations, de même que les corps ont différents mouvements. Mais tâchons de découvrir quelles inclinations ils doivent avoir. Si notre nature n’était point corrompue, il ne serait pas nécessaire de chercher par la raison, ainsi que nous allons faire, quelles doivent être les inclinations naturelles des esprits créés : nous n’aurions pour cela qu’à nous consulter nous-mêmes, et nous reconnaîtrions par le sentiment intérieur, que nous avons de ce qui se passe en nous, toutes les inclinations que nous devons avoir naturellement. Mais parce que nous savons par la foi que le péché a renversé l’ordre de la nature, et que la raison même nous apprend que nos inclinations sont déréglées, comme on le verra mieux dans la suite, nous sommes obligés de prendre un autre tour. Ne pouvant nous fier à ce que nous sentons, nous sommes obligés d’expliquer les choses d’une manière plus relevée ; mais qui semblera sans doute peu solide à ceux qui n’estiment que ce qui se fait sentir.
Je n’avais garde de parler dans ce chapitre de la mémoire ni des habitudes spirituelles pour plusieurs raisons, dont la principale est que nous n’avons point d’idée claire de notre âme. Car quel moyen d’expliquer clairement quelles sont les dispositions que les opérations de l’âme laissent en elle, lesquelles dispositions sont des habitudes, puisqu’on ne connaît pas même clairement la nature de l’âme ? Il est évident qu’on ne peut pas connaître distinctement les changements dont un être est capable, lorsqu’on ne connaît pas distinctement la nature de cet être. Car, si par exemple les hommes n’avaient point d’idée claire de l’étendue, ce serait en vain qu’ils s’efforceraient d’en découvrir les figures. Ce serait en vain qu’ils tâcheraient de rendre raison de la facilité, par exemple, qu’acquiert une roue à tourner autour de son essieu, par l’usage qu’on en fait. Cependant, puisqu’on souhaite que je parle sur une matière qui ne m’est pas connue en elle-même, voici le tour que je prends pour ne suivre en ceci que des idées claires.
Je suppose qu’il y a un Dieu qui agisse dans l’esprit et qui lui représente les idées de toutes choses, et que, si l’esprit aperçoit quelque objet par une idée très claire et très vive, c’est que Dieu lui représente cette idée d’une manière très parfaite.
Je suppose de plus que, la volonté de Dieu étant entièrement conforme à l’ordre et à la justice, il suffit d’avoir droit à une chose afin de l’obtenir. Ces suppositions qui se conçoivent distinctement étant faites, la mémoire spirituelle se peut expliquer facilement et clairement. car l’ordre demandant que les esprits qui ont pensé souvent à quelque objet y repensent plus facilement, et en aient une idée plus claire et plus vive que ceux qui y ont peu pensé, la volonté de Dieu qui opère incessamment selon l’ordre représente à leur esprit, dès qu’ils le souhaitent, l’idée claire et vive de cet objet. De sorte que, selon cette explication, la mémoire et les autres habitudes des pures intelligences ne consisterait pas dans une facilité d’opérer qui résultât de certaines modifications de leur être, mais dans un ordre immuable de Dieu, et dans un droit que l’esprit acquiert sur les choses qui lui ont déjà été soumises, et toute la puissance de l’esprit dépendrait immédiatement et uniquement de Dieu seul, la force ou la facilité d’agir que toutes les créatures trouvent dans leurs opérations n’étant en ce sens que la volonté efficace du Créateur. Et je ne crois pas qu’on fût obligé d’abandonner cette explication à cause des mauvaises habitudes des pécheurs et des damnés. Car, encore que Dieu fasse tout ce qu’il y a de réel et de positif dans les actions des pécheurs, il est évident par les choses que j’ai dites dans le premier Éclaircissement que Dieu n’est point auteur du péché.