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Critiques de Nikolaj Frobenius (44)
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Branches obscures

Première rencontre avec Nikolaj Frobenius est pas la dernière ! J'ai dévoré Branches obscures et ses 279 pages de suspense.



On fait la connaissance de Jo Uddermann, qui vient de publier son quatrième roman. "Finir un livre, c'est comme emmener un enfant dans la cour et l'abattre, écrivait Truman Capote. J'avais collé la citation sur le mur comme rappel de ce que je n'étais pas seul à penser que conclure l'écriture d'un roman était un crime."

Celui-ci est un peu différent des autres car c'est un roman autobiographique où il évoque un ami d'enfance.

"- Certains disent que le mal est l'absence d'amour, mais plus je pense à Georg, plus je suis sûr qu'il avait un talent destructeur. Un talent pour la destruction. "

Mais peu à peu, des événements étranges surviennent autour de Jo.



Pendant tout le roman, le lecteur se demande si Jo est complétement fou et paranoïaque ou si il est réellement en danger et que personne ne le croit. C'est la toute la clef du roman et qui apporte tant de suspense au thriller.

Juste un petit bémol pour la fin que je ne suis pas certaine d'avoir entièrement saisi ou alors je m'attendais à quelque chose de plus spectaculaire.



Je suis conquise par le style et la plume de l'auteur et je suis maintenant curieuse de découvrir ses autres romans.
Lien : http://missmolko1.blogspot.i..
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Le pornographe timide

376 pages .... combien de fois me suis je dit .... c'est quoi ce texte !

376 longues pages ... combien de fois me suis je dit ... ça va, j'arrête, ce n'est pas possible !

376 très longues pages .... combien de fois me suis je dit .... pourquoi continuer, pourquoi regarder notre monde à travers la pornographie ... pourquoi tout interpréter en fonction de ça !

376 très très longues pages .... un petit détour vers la quatrième de couverture ... combien de fois me suis je dit ..... oui c'est vrai il s'agit bien d'une métaphore du passage de l'enfance à l'adolescence ... mais les voies sont vraiment inclassables, dérangeantes !

Et 376 pages plus tard, quand les mots se sont retrouvés avalés, digérés, que j'ai pu faire la part des choses entre l'obsession, la schizophrénie et la science fiction ... j'ai compris le propos de l'auteur !

376 pages plus tard ... j'admets que l'écriture de Simon, Tobias est un cri face à cette société qu'il découvre, qu'il réprouve, avec laquelle comme tout un chacun on se doit de s'intégrer avec plus ou moins de facilités, de chemins de traverse.

C'est un livre difficile qui nous parle d'identité, quand on vieillit ... on change ? ... reste on le même ?

Que reste il de l'enfant en l'adulte que l'on devient ?

Que reste il de l'adolescent en l'adulte que l'on devient ?
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Branches obscures

Un roman psychologique d'un auteur norvégien que je découvre avec ce livre, Nikolaj Frobenius.



J'ai été séduite par le résumé promettant l'introspection du personnage principal, Jo Uddermann, romancier, et l'exploration des limites entre fiction et réalité. Ces deux aspects sont extrêmement bien traités avec finesse et intelligence. Il y a également dans ce roman une belle réflexion autour de la création littéraire.



C'est un thriller psychologique que je qualifierais d'intrigant et évanescent, c'est en tout cas l'impression diffuse qu'il m'a laissée. Tout est dans l'atmosphère et dans l'écriture qui distille un sentiment de malaise de plus en plus angoissant au fil des pages.



L'écriture est fine et retranscrit parfaitement l'ambiance et le malaise du personnage principal jusqu'au dénouement.



Une belle réussite...
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Je vous apprendrai la peur

Orphelin très jeune, adopté par une famille riche dont il ne s’est jamais senti proche, Edgar Allan Poe a voué sa vie à la littérature, une quête qui s’apparente à la recherche d’une forme de beauté dans les affres de la mort, le mal, les rêves et le monde tel qu’il le voit.

Mais la consécration s'est fait attendre. En ce XIXème siècle en Amérique, ses œuvres sombres et morbides sont souvent mal comprises et son tempérament intransigeant est source de conflits.

Sa relation avec le journaliste et célèbre critique Rufus W. Griswold, homme austère et pieux, est pour le moins ambigüe.

Ce dernier n'a cessé de jouer "le double jeu pervers de l'amitié et de la démolition systématique" voyant en Poe un auteur de génie mais un esprit machiavélique au service du Mal, capable d’altérer par ses écrits « impies et terrifiants » les consciences les plus nobles!

Pour ne rien arranger, l’Amérique se trouve confrontée à une série de crimes horribles dont la mise-en-scène macabre ressemble étrangement à certains écrits de l’artiste, de « Bérénice » en passant par « Double assassinat dans la rue Morgue ».

Poe ne tarde pas à découvrir l’identité de cet imitateur criminel.

Il s’agit de Samuel Reynolds, ancien esclave et ami d'enfance de Poe, qui s'attelle à reproduire dans la réalité les œuvres les plus funèbres du maître.

Ecartelé entre une critique assassine, un meurtrier bien réel croyant aux pouvoirs prophétiques de ses récits, une femme malade, des soucis financiers et une vie miséreuse, Edgar Allan Poe noie le peu de lucidité qui lui reste dans des vapeurs d’alcool et meurt en 1849, le nom de Reynolds aux bords des lèvres.



Depuis la parution en 1999 du Valet de Sade - récit d’un criminel sans état d’âme à la recherche du siège de la douleur - ou celle, plus récente, du Pornographe timide, on connaissait la propension de l’écrivain et scénariste Nikolaj Frobenius à concocter des œuvres originales et inattendues servies par un sens inné pour les ambiances singulières dans des univers sombres et baroques.

Après quelques années d’absence sur la scène littéraire, c'est donc avec grand plaisir que l'on retrouve l'auteur norvégien dans ce nouveau roman mettant en scène le grand poète et écrivain Edgar Allan Poe.

Dans un récit ensorcelant où éléments fictionnels et biographiques se fondent dans les remous d'une Amérique de fange, de boue et de misère où les écrivains, mal considérés, sont trop souvent réduits à l'indigence, Frobenius se penche sur les peurs intimes d’un des plus fameux précurseurs de littérature à suspense.

De Philadelphie à Baltimore en passant par Richmond ou New-York, on suit donc le douloureux cheminement d’un artiste en mal de reconnaissance, angoissé par la totale méprise que ses œuvres inspirent à des lecteurs comme Griswold ou Reynolds, la confusion entre œuvre et personnalité chez l’un, et la fusion entre fiction et réalité chez l’autre.

La biographie romancée de Frobenius se lit alors comme une sorte de réflexion sur le pouvoir de l’écrit et son écho dans le monde réel.

En liant ces trois destinés, l’auteur de "Je est ailleurs" renoue avec ce qui avait séduit son public, à savoir les notes du plus pur thriller dans un récit biographique de haute volée.

Poe, Griswold, Reynolds, trois hommes épris de littérature, trois consciences aussi ferventes qu'égarées, trois âmes violentes pour un récit captivant entre fiction et réalité.

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Le valet de Sade

S'inspirant du valet du marquis de Sade, Latour (trempé avec son maître dans la fameuse affaire de Marseille pour laquelle tous deux ont été emprisonnés au fort de Miolans en Savoie avant de s'en échapper), Nikolaj Frobenius en fait un personnage de roman, toujours non loin de l'oeil de Sade. Fruit dun viol entre une mère -ogresse et un vagabond, d'une laideur peu commune, Latour découvre très vite sa particularité, celle de ne pas ressentir la douleur. Entre crimes et apprentissage scientifique obsessionnel , Latour part à la quête de cette sensation inconnue et lie son destin à celui du maître du sadisme. Roman magistral.
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Branches obscures

Jo Uddermann tient entre ses mains un exemplaire de son dernier roman, tout juste sorti de l'imprimerie. Son éditrice est confiante, les critiques sont favorables, « la craie » devrait être son premier succès. Il y fait le récit de son amitié avec Georg, un garçon aux cheveux blancs qui lui ont valu le surnom de « la craie ». Rejeté par tous les élèves, Georg est un garçon étrange et inquiétant qui éprouve une fascination malsaine pour Katinka, la plus jolie fille du lycée. Il la dessine et n'hésite pas à l'épier et à s'introduire dans sa chambre la nuit. Un matin, Georg met le feu à un bâtiment du collège, il est logiquement exclu et disparaît de la vie de Jo.



Des années plus tard, Jo rencontre par hasard la mère de Georg. Elle lui apprend la disparition de son fils en Irlande. Il décide alors d'utiliser cette histoire pour son prochain roman. Mais des événements inquiétants surviennent rapidement à la sortie du roman. Jo se sent épié, son courrier est ouvert, sa maison est fouillée, il découvre le cadavre d'un chien sur son terrain. Pire, Katinka avec laquelle il avait débuté une liaison extra conjugale est assassinée. Les événements deviennent de plus en plus étranges et angoissants. Si la fiction s'est nourrie de la réalité, son existence devient progressivement confuse, à la limite de la paranoïa. Il y a ces rêves dans lesquels il se noie et ce passé qui ressurgit et dont il est le seul témoin. Son roman a réveillé d'anciens démons, l'auteur devient personnage.



Dans « Branches obscures », Nikolaj Frobenius reprend les codes du thriller. C'est un roman noir, au suspense haletant, qui parvient à faire ressentir au lecteur le sentiment d'étouffement du personnage principal. La réalité de Jo s'écroule comme dans un conte, il a le sentiment de ne plus être cru, il ne sait même plus s'il doit lui-même se croire. le voilà piégé par sa fascination pour cet individu étrange. L'écrivain qui a posé un regard impudique sur la vie d'un homme se retrouve à son tour observé et manipulé. Ainsi, le roman nous questionne sur la mince frontière entre la réalité et le romanesque. Qu'est ce qui est vrai et qu'est-ce qui relève de la fiction ? Un écrivain peut-il remuer impunément un passé trouble?

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Le valet de Sade

Sombre et funeste destinée que celle de Latour.

Quand sa mère, une usurière d’une grande laideur, meurt, il trouve dans sa malle une liste de noms. Convaincu que ces gens ont empoisonné sa mère, il quitte Honfleur pour Paris, décidé à les éliminer.

Devenu valet du marquis de Sade, il exécute son monstrueux projet. Entre Sade et lui s’établit une étrange relation de fascination mutuelle.

C’est dense et concentré, dur ; ça va loin dans l’horreur et dans le détachement de Latour dans ses actes criminels et celui de Sade dans ses débauches sexuelles.

A tel point que malgré l’intérêt ressenti pour cette lecture, certains passages sont oppressants, lourds et longs.

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Je vous apprendrai la peur

Un peu à la manière de Drood (publié en France la même année), quoique dans une optique assez différente, Je vous apprendrai la peur entremêle les biographies romancées de deux écrivains aux rapports complexes, et l’influence d’un troisième personnage imaginaire, un être de l’ombre maléfique et ambigu qui pousse les deux autres à leur perte.



Nikolaj Frobenius en tire un roman sur la puissance de la littérature , sur l'obsession, sur les rapports ambigus entre instinct de survie, morale et connaissance de soi, entre désirs obscurs et conventions sociales, avec en filigrane une peinture du milieu littéraire américain des années 1840. Un roman bourré d’ingrédients intéressants… qui a pourtant peiné à totalement m’accrocher.



Des trois personnages, Reynolds est le seul à avoir suscité mon empathie. Inquiétant, complètement tordu mais étrangement touchant et doté d’une voix assez fascinante, il est une très belle création littéraire, mais j’aurais du coup aimé le voir plus présent dans l’histoire. Lui ou au moins ses actions, dont on parle beaucoup sans m’en faire sentir réellement l’impact, peut-être parce qu’il est surtout vu à travers les deux autres.

Poe m’a essentiellement agacée, et Griswold plus encore. Wilkie Collins et Dickens aussi étaient agaçants, dans Drood, et pourtant l’auteur avait réussi à me plonger corps et âme dans leurs obsessions et leurs névroses. Ici, elles m’ont laissée assez froide – mais, il faut bien l’avouer, les œuvres de Poe me laissent généralement assez froide aussi, malgré mon envie de l’aimer et la fascination que j’éprouve pour nombre de ses thèmes de prédilection.



Peut-être, après tout, est-ce un signe que l’auteur respecte bien son esprit, qui ne colle définitivement guère au mien. Peut-être aussi est-ce que le récit manque un peu d’ampleur par rapport à ses ambitions. Toujours est-il que la fin elle-même m’a laissé une impression mitigée : une prise de conscience intéressante et cruelle, mais trop tardive pour aller au fond des choses et du coup un peu superficielle à mon goût. Ou pas assez abrupte pour prendre tout son poids ?



C’est un livre auquel je trouve pas mal de défauts, donc, mais dont je serais très curieuse de rediscuter avec ceux qui l’ont lu… ou se laisseraient tenter à l’avenir.
Lien : http://ys-melmoth.livejourna..
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Le valet de Sade

Après le dernier crâne et Madame, le valet… Et oui, encore Sade. Cet auteur à la vie et à la personnalité atypique me fascine, et je ne suis pas la seule dans ce cas si j’en crois la bibliographie, critique aussi bien que romanesque, qui lui est consacrée. Nikolaj Frobenius s’est bien informé à son sujet et, tout en prenant quelques libertés pour les besoins de l’intrigue, a représenté assez fidèlement le « divin marquis » selon les traits de sa biographie officielle. Homme de plaisir et de cour, gentilhomme plein de verve et d’à-propos, il souffrira beaucoup de ses enfermements successifs, en particulier ceux ordonnés par sa belle-mère par lettre de cachet, donc sans procès ni date de fin de condamnation. C’est ainsi qu’il s’aigrira et se radicalisera dans ses écrits, sans jamais avoir réalisé tout ce qu’il a décrit.



Le marquis de Sade, ainsi que l’indique le titre, n’est néanmoins pas le personnage principal de ce roman : celui qui l’est est bien plus terrible dans ses actes, au point qu’il est parvenu à horrifier son maître même. Il s’agit du valet de Sade, tour à tour nommé Latour, Martin Quiros ou président de Curval (Nikolaj Frobenius a ici réuni deux valets du marquis et l’un de ses personnages en un seul, afin de créer un nouvel être imaginaire aux côtés de Sade). Le lecteur suit son parcours de sa naissance à sa mort, avec un certain Parfum à l’esprit… Cette référence intertextuelle n’est jamais citée, mais est très présente à travers le personnage de Latour, qui se rapproche par bien des aspects de Jean-Baptiste Grenouille : son histoire est également celle d’un meurtrier à la recherche de ce qu’il ignore/ne possède pas (une odeur pour le personnage de Süskind, le sens de la douleur pour celui de Frobenius). Cet « handicap » semble de même le déshumaniser et l’empêcher de connaître la compassion et la morale (jusqu’à un certain point). Malgré l’horreur qu’il suscite, tant par lui-même que par sa recherche macabre de la source de la douleur, ce personnage est tout à fait fascinant et terriblement intelligent. En un certain sens, il interroge également les limites de la science : ses techniques sont discutables, mais lui ont permis de faire d’importantes découvertes scientifiques ; jusqu’où la science peut-elle aller ? est justement l’un des débats qui agite le 18e siècle des Lumières, dont ce Latour fictif est l’une des faces sombres.



Au-delà de cette histoire et de ce personnage qui m’a fasciné, j’ai également beaucoup apprécié les choix narratifs de Nikolaj Frobenius : les chapitres alternent la narration à la troisième et à la première personne du singulier, de façon à modifier la distance prise vis-à-vis du meurtrier et à impliquer plus ou moins le lecteur. Le style varie de même entre longues phrases élégantes pour la narration générale et de courtes phrases, comme une respiration entrecoupée, qui traduit l’angoisse du personnage.



Un roman fascinant, dans la lignée du Parfum de Süskind, et une belle représentation sadienne. (commentaire rédigé avec une pensée pour immortelle68, en espérant qu'il sera satisfaisant)
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Je vous apprendrai la peur

Nous sommes aujourd'hui le 19 janvier, jour anniversaire du célèbre écrivain Edgar Allan Poe, et c'est par le plus grand des hasards que je referme aujourd'hui ce roman de Nikolaj Frobenius qui nous relate la vie de l'auteur, de manière romancée.



Rufus Griswold est un célèbre anthologiste et critique littéraire, entre autres connu pour son hostilité envers l’œuvre d'Edgar Allan Poe, son contemporain. Nikolaj Frobenius part de ce fait réel pour nous livrer ici une histoire où les vies de ces deux hommes sont entremêlées. Le premier est un fervent croyant persuadé d'être investi d'une mission divine, s'acharnant ainsi sur un Edgar Allan Poe impie, qui laisse transparaître dans son œuvre sa fascination pour la mort, le morbide, la souffrance. C'est ainsi que va naître un mélange de haine et de fascination entre les deux hommes, qui va être le fil conducteur de ce roman, entrecoupé de différents événements de la vie de Poe. Mais un 3e personnage viendra pimenter un peu cette histoire, Samuel Raynolds, un jeune esclave albinos qu'Edgar va prendre sous son aile, et qui va le vénérer au point de considérer les écrits de son "maître" comme des prophéties qui doivent absolument se réaliser...



Nikolaj Frobenius nous décrit ici le portrait d'un génie torturé, incompris, qui attend vainement une reconnaissance qu'il n'aura réellement que bien tardivement. Orphelin très tôt, Edgar Allan Poe grandit dans une famille d'accueil aisée dans laquelle il se sent prisonnier des bonnes manières de la société qu'on lui impose et qu'il fuira afin de pouvoir laisser son imagination et son talent s'épanouir. De désillusion en désillusion, il parcourt les villes à la recherche de la reconnaissance de ses pairs, mais vivra toute sa vie dans la misère et la faim. Je connais très peu sa véritable vie, et je n'ai lu que ses Histoires extraordinaires, je ne suis donc pas à même de démêler le vrai du romancé dans cette biographie. Mais cela ne m'a pas empêché de bien cerner le personnage, et de finir par éprouver pour cet être plein de rage, de colère, de noirceur, une fascination bien réelle.



L'écriture de Nikolaj Frobenius fait très bien ressortir cette ambiance sombre, baroque, pesante, qui a semblé planer sur la vie d'Edgar Allan Poe comme sur ses histoires. Mon seul regret est de ne pas avoir eu le temps de lire quelques uns de ses poèmes avant de me lancer dans ce roman si passionnant.
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Je vous apprendrai la peur

Critique de Laurent Nunez pour le Magazine Littéraire



Le Norvégien Nikolaj Frobenius met en scène Edgar Allan Poe dans Je vous apprendrai la peur (Actes Sud). L'écrivain maudit affronte deux lecteurs terribles : son double criminel et un critique littéraire désastreux mais influent.  Tel qu'en lui-même enfin l'éternité le change, un écrivain devient parfois le héros d'un roman ; et ce qui s'est produit pour Oscar Wilde et pour le marquis de Sade devait bien se reproduire pour Edgar Allan Poe. C'est ainsi que, dans son dernier livre, le romancier norvégien Nikolaj Frobenius retrace la vie de l'écrivain américain ; mais il a assez d'intelligence pour que cette narration ne soit pas première dans son oeuvre. Ce qui le préoccupe avant tout, ce sont les lecteurs contemporains de Poe - et même Poe en proie à la folie de ses lecteurs. Dès lors, son livre n'est vraiment pas une biographie : plutôt un roman insensé, un thriller sur l'intertextualité, un essai sur la lecture. «Je ne puis m'empêcher de penser qu'il existe quelque part un lecteur, un homme qui lit la littérature comme un barbare. Un type qui, pour une raison inconnue, imite les récits de Poe et les prend pour modèles de ses propres forfaits.» Tel est l'admirable point de départ de Je vous apprendrai la peur. Quel est ce criminel qui a décidé de «réaliser» les Histoires extraordinaires de Poe, transformant l'écrivain en prophète ? Qui s'ingénie à reproduire horriblement les crimes de «Bérénice» , du «Double assassinat de la rue Morgue», de «La Vérité sur le cas de M. Valdemar» ? C'est Samuel Reynold, ami d'enfance de l'écrivain, esclave en fuite ; lecteur et assassin - assassin plagiaire. Par cet imitateur, le roman de Nikolaj Frobenius s'allie inévitablement à cette autre nouvelle qu'est «William Wilson», car Poe devra bien sûr affronter ce double blafard et moins doué que lui - ce qui était beau sur le papier devient affreux à l'air libre. «Qu'est-ce qui prime : la littérature ou la réalité ? Qu'est-ce qui prime : le meurtre ou la description du meurtre ? La peur ou la phrase ? Il n'y a pas d'échappatoire.» Non, il n'y a pas d'échappatoire, car l'autre grand lecteur de Poe dans ce roman, c'est Rufus W. Griswold, critique désastreux mais influent, passionné mais dogmatique. Celui-ci croit que Poe est le diable ; que ses contes reflètent exactement sa pensée. (Genet l'aurait peut-être rassuré, lors d'un entretien qu'il accorda à Hubert Fichte en 1976 : «Il ne faut pas confondre les plans : il y a le plan littéraire, et il y a le vécu. L'idée d'un assassinat peut être belle. L'assassinat réel, c'est autre chose.») Qu'importe. Le critique veut plus que tout détruire la réputation de Poe, car il a peur de lire, c'est-à-dire de céder et de devenir quelqu'un d'autre. « En lisant, Rufus pense comme Edgar Allan Poe. Mais sa conscience se manifeste-t-elle dans cette pensée à travers Edgar Poe ou bien périt-elle ? » Un précédent roman de Nikolaj Frobenius s'intitulait Je est ailleurs : tout était déjà dit dans cette phrase qui condensait deux trouvailles rimbaldiennes. Au fil des pages, Je vous apprendrai la peur devient ainsi un conte sur l'ipséité, un drame sur le contresens et un contre-éloge du lecteur, cet apprenti alchimiste qui tente de faire fusionner l'oeuvre et la réalité (comme Reynold) ou l'oeuvre et son auteur (comme Griswold). Le critique assassin et l'assassin illettré : entre ces deux monstres qui prennent tout au pied de la lettre, Poe court de Charybde en Scylla, nous entraînant dans sa Passion et dans son ivresse. Non, vraiment, il n'existe pas d'échappatoire : de bouteille en bouteille, Poe se rapproche de plus en plus de l'hôpital. Qui pourrait le sauver ? Il est seul, ou plutôt délaissé, et c'est bien normal : c'est un écrivain. Tout le monde se trompe en lisant ses oeuvres - et la preuve est que tout le monde pleure en l'écoutant réciter Le Corbeau. Mais la littérature n'est pas de l'ordre de la vérité, et elle n'est pas de l'ordre du réel. Passe la connotation chrétienne, on dirait plus justement qu'elle n'est pas de ce monde ; et par cet éloignement on se rapproche de sa plus franche définition. Alors Poe mourra dans son lit d'hôpital, haï ou adoré, c'est à peu près la même chose. Reynold le regarde au loin, dépité : la police ne le retrouvera jamais. Griswold publie simplement sa nécrologie, mais sous un nom d'emprunt... Le pire est que tous deux admiraient véritablement Edgar Allan Poe - comme l'admireront Baudelaire, puis Mallarmé, puis Valéry, pour des raisons très justes et diverses, et qui s'opposent parfois. Il n'y a rien à ajouter, ni codicille ni conclusion. On ne vit qu'à contresens. On ne lit qu'à contresens. La vie comme la lecture ne filent jamais droit.
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Le pornographe timide

Nikolaj Frobenius est un auteur étrange, que j’avais découvert avec plaisir grâce à « Je vous apprendrai la peur ». Étrange car cet auteur aime installer dans ses romans des atmosphères troublantes et ambiguës, s’amuse à jouer avec son lecteur et à le faire tanguer sur ses repères…

Dans « Le pornographe timide », il est question du sortir de l’enfance, de la perte de l’innocence, celle de Simon. Ce tout jeune adolescent et sa meilleure amie Sara sont témoins du viol et meurtre d'une jeune femme et basculent dans l’horreur. Dans leur fuite pour échapper aux meurtriers, Simon perd la trace de son amie et décide par peur de fuir son foyer, sa ville pour retrouver un des coupables dans l'île de P.

Après un long voyage tout en clandestinité, Simon se retrouve dans un monde totalement dominé et guidé par l'érotisme et la pornographie, affichés de toutes parts dans les rues, les médias, sur les panneaux publicitaires, jusque dans l'intimité des maisons. Je précise de suite, il n'y a dans ce roman aucune vulgarité ni scènes explicites. Non, la pornographie est décrite là comme une arme, un moyen d'asservir la population en ne stimulant que ses instincts, afin qu'ils perdent l'essentiel : la capacité d'aimer.

Cette société pervertie impose de terribles épreuves à ce jeune adulte en devenir, le conduit à des changements de personnalité, de nom ; sa méfiance s'endort petit à petit, le Bien et le Mal finissent par se confondre dans son esprit…

Au-delà d'un roman initiatique, c'est aussi à une critique de notre société que se livre Nikolaj Frobenius, et il l'explique très bien : « J'ai beau avoir construit un monde futuriste et caricatural, rien de ce qui se passe dans «Le pornographe timide» n'est impensable. C'est seulement une légère exagération de nos sociétés de consommation qui célèbrent tant la beauté, en particulier celle des femmes. »

Beau livre d'un auteur norvégien pas comme les autres...
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Le valet de Sade

Voici donc l’étrange et étonnant récit de Latour, véritable monstre humain au sens propre comme au figuré, qui fut entre autre, le valet-copiste du Marquis de Sade. Certes Nikolaj Frobinius signe ici une fantaisie historique, mais elle n’a de fantasque que la véracité autour de la réelle existence du domestique. Par contre, ce qui frappe le lecteur dès les premières pages, c’est l’incroyable et très crédible reconstitution d’un XVIIIème siècle aux esprits pour le moins troublés. Si toute l’intrigue ne repose pas sur la relation de ce sulfureux duo, et nous porte de Honfleur à Paris notamment, c’est bien cette connexion perverse, cette fascination mutuelle que vont se porter les deux hommes, qui font le liant de cet incroyable roman. Latour, être sans scrupule, insensible à la douleur, se met en devoir d’exécuter un dessin sinistre dont lui-même ne connaît ni les tenant ni les aboutissant, jusqu’à une fin qui, l’espère t-il, lui apportera la délivrance. A l’inverse, Sade, libertin notoire abhorre la violence extrême. Elle le fascine, l’excite, mais se contente de ne la pratiquer qu’en mots, son exutoire. Fobrenius joue sur cet étrange dualité, il apporte au roman non pas un jugement de valeur, mais un éclairage sur la perversité avec ses deux protagonistes dont ils cherchent, et nous en même temps, à comprendre les mécanismes. Il se fait l’anatomiste de leurs âmes et confère à son roman un réalisme cru sans être pour autant graveleux. Cette relation est également parabolique d’un monde qui s’effondre et ne trouvera un renouveau qu’à travers une période de terreur. Latour se veut non intentionnellement exécuteur de l’ancien régime dont Sade n’est qu’un symbole de sa déchéance. Latour est aussi un personnage romanesque hors du commun, qu’on pourrait décrire en paraphrasant Raymond Jean (à propos de Sade), il est « un homme profondément enraciné dans son temps, même s’il l’a dépassé par sa démesure ».
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Le valet de Sade

Ce roman norvégien a assurément le gout et le fumet d'un certain Parfum de Süskind, sans en atteindre vraiment le niveau, mais pour peu qu'on veuille bien lui laisser sa chance, et le lire pour ce qu'il est, ce texte vaut incontestablement le détour. J'ai aimé le style, fantasque, déconcertant, et le personnage principal, petit bonhomme disgracieux et antipathique au premier abord, qui en arrive à tuer par amour de la science. La ribambelle de personnages qui gravitent autour, tous avec leurs bizarreries inavouables, apporte beaucoup d'humour dans un texte qui n'est pas si noir qu'il y parait. Parmi les petits défauts, il y a certaines ellipses un peu trop pratiques, dont j'ai d'abord cru qu'elles étaient là pour taire un fait qu'on ne devait connaitre que plus tard, mais qui, au final, ressemblent fort à une combine de l'auteur qui ne savait peut-être plus comment se dépêtrer de sa trame narrative. On suit la vie de Sade, sa vie de libertinage scandaleuse, ou ses démêlés avec la justice, avec sa belle-mère, mais attention, comme l'ont déjà souligné d'autres critiques ici, Sade n'est pas le personnage principal, et il n'existe dans ce roman qu'à travers sa relation avec son marquis. Un objet à découvrir.
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Je est ailleurs

Une histoire de je.

Je ne sais pas qui je suis.

Je ne sais pas que je ne sais pas qui je suis.

J’erre dans ma vie comme un étranger, je ne sais pas ce que je veux faire, je subis les événements et j’agis au hasard.

Je me retrouve à l’autre bout du monde, suite à une décision aléatoire.

Les événements me ramènent à mon point de départ.

Je découvre un pan entier de mon histoire racontée à travers un film posthume de mon père disparu !

Je suis double, je suis Christopher, je suis Robert, je ne sais plus ce que je cherche, mais je cherche.

La question centrale pourrait être celle que l’on trouve quelque part perdue au milieu du livre : « Quand est ce que vous deviendrez adultes et que vous vous mettrez enfin à vivre votre vie ? »

Vous ne comprenez pas grand chose à mon texte … normal … je n’ai pas compris grand chose moi aussi de ce livre … mais … je crois qu’il faut se laisser porter par les mots et ce n’est pas désagréable !
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Branches obscures

La quatrième de couverture nous a prévenu : "les frontières entre le réel et le romanesque s'effrite imperceptiblement jusqu'à ce qu'il n'y ait plus aucune certitude. La limite est franchie....."

C'est bien cela ... une histoire tranquille, un bon père de famille, un couple modèle .... puis ce qu'on croit être un petit écart mais qui finalement n'était pas vraiment le premier, une remontée dans le temps qui nous laisse perplexe et nous trouble .... on ne sait plus rien, on n'est plus sûr de rien, on navigue entre deux eaux, nous sommes au milieu d'un torrent qui nous entraîne là où on ne voudrait pas aller mais c'est trop tard, on flotte, on boit la tasse, on se retrouve remué, chamboulé ....

Qui croire, que lit on, qui écrit, qui invente, on ne sait plus jusqu'au dernières pages, on se laisse aller, on ne cherche même plus à comprendre, à raisonner, on prend les choses comme on nous les présente ....même l'épilogue nous laisse dubitatif... pas oublié ....
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Branches obscures

Un thriller au suspense hitchcockien, très différent sur le fond des polars nordiques traditionnels.


Lien : http://www.lesechos.fr/week-..
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Je est ailleurs

Pendant tout ce temps, il y a eu autre chose, et je n’en savais rien



Un incident, la disparition du père, le moment des questions, « à l’instant où tu dissous un morceau de sucre », les ruptures, et la fuite vers un autre continent.



Les voyages ne sauraient combler l’absence, le doute, l’incompréhension.



Errance, lieux, « Je ne sais pourquoi Londres fit de moi un véritable somnambule », rencontres et fuite ou retour.



Le retour et un voile levé, la double vie. Le livre bascule.



Nikolaj Frobenius, dans une histoire, somme toute banale, introduit une mise en abîme. La vérité se dédouble, deux frères, et un père et un faussaire.



Les faits, les gestes, les phrases, « Elles caquetaient au sujet de choses qui ne s’arrêtent pas : violence et jouissance, destruction et ordre, des sons qui durent indéfiniment, des phrases qui contiennent toutes les choses au monde, toutes les pensées, ce qui n’a pas de fin ». Tout concoure à éclaircir et à rendre opaque. Des vérités dévoilées et toujours moins palpables. Des gestes incompréhensibles.



Hommage à Rimbaud et à son « Je est un autre », le titre du livre renvoie aussi à l’indécidable, à la fracture du récit, au cœur de cette littérature du peut-être.



« Maintenant.

Là.

Enfin je le tiens

Mon début.

J’y suis maintenant. »
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Le valet de Sade

Le valet de Sade roman du Norvégien Nikolaj Frobenius rend hommage à Sade à travers les tribulations de Latour un homme au physique ingrat dans sa quête folle du fonctionnement du cerveau.

L 'écriture est passionnante, épaisse comme la nature de l'intrigue avec cette part de vérité historique, Nikolaj Frobenius utilise certains noms et prénoms comme Latour véritable valet de Sade puis comme Carteron dit Martin Quiros son valet et copiste ayant aussi ces traits de caractères : un éternel coquins ( comme Sade ) et un esprit ingénieux.

Le valet de Sade narre avec beaucoup de maestria la vie de ce valet complexe, laid, perfide, pervers, intelligent, menteur, attachant,solitaire, trouble d'une mére d'une laideur repoussante et d'un père inconnu -La scène de la procréation de Latour est merveilleusement cocasse et surnaturelle.

La construction du livre est machiavéliquement parfaite ou tout commence par la mise au monde de Bou-bou la maman de Latour futur valet de Sade puis de sa vie pour comprendre la destinée de notre héros futur compagnon de Sade. Il y a dans le personnage de Latour un peu de Grenouille dans Le parfum de Patrick Süskind l'un sans odeur l'autre ne ressent pas la douleur pour être en chasse meurtrière vers l'absolu découverte qui bouleversera leur existence. Ses rencontres l 'emmèneront à découvrir la taxidermie puis l'anatomie et enfin la perversité sadisme de Sade.

Nikolaj Frobenius ne juge pas Sade et ses mœurs ni les accable, il relate avec et sans passion la société de cette époque ou la sodomie et le libertinage est punissable de mort ou n 'enfermement et traite de manière subtile le pouvoir des catins pour en faire un métier d'avenir pour les filles ...

Il critique aussi la justice .parle de l'anatomie et de la recherche des émotions dans le cerveau puis de nouvelle méthode d'investigation policière avec l'inspecteur Ramon avec son obstination, plus ou moins Profiler. Tout se passe à une époque ou la vie change, nous traversons le début de la révolution puis les arrestations de Sade puis certains écrits jalonnent ce roman Comme son épitaphe écrit par lui-même.

Latour vivra une vie prise dans la répétition des jeux pervers de Sade dans cet enfermement celui de sa prison celui de la haine, de la vengeance, de la liste de sa mére, de ses victimes, celui du tueur au surnoms de l'anatomiste, celui de la douleur absente cette souffrance invisible, cette solitude tout le long du roman pour finir seul dans un asile avec comme pouvoir le silence; La pitié sera le vecteur de sa fin de sa maladie...

Ce roman est perversement agréable
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Le valet de Sade

J'ai lu jusqu'à la fin et en frémissant d'horreur cette histoire de Latour et du marquis de Sade...Cependant, même si certains passages font dresser les cheveux sur la tête, l'écriture reste belle, et pudique.
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