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Citations de Norbert Elias (77)


Si l'on compare nos activités de loisir avec celles des époques passées, on voit aisément que seules ont survécu celles qui pouvaient être adaptées, compte tenu de la vive répugnance suscitée par les activités où des êtres humains s'infligent mutuellement des blessures physiques. Les luttes entre gladiateurs, les luttes entre êtres humains et animaux sauvages — qui pendant des siècles réjouirent les populations urbaines de l'Empire romain — et les divertissements médiévaux, comme les pendaisons publiques, les combats de coqs ou le fait de brûler vifs des chats dans des paniers, n'attireraient probablement guère le public contemporain et certains pourraient même les juger intolérables et monstrueux.
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On faisait un art de se moucher il y a quelques années. L’un imitait le son de la trompette, l’autre le jurement du chat ; le point de perfection consistait à ne faire ni trop de bruit ni trop peu.
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À côté de cela, nous avons, dans cette lettre d'un jeune homme de vingt et un ans, un aveu qui restera valable jusqu'à la fin de sa vire : "Je serai plus heureux, puisque j'aurai à composer", et, plus loin : "Il suffit que j'entende parler d'opéra, que je sois au théâtre, écoute des voix — oh, je suis complètement hors de moi." Toute l'existence sociale s'est concentrée, dès cet âge relativement précoce, avec toute sa passion et son intensité, sur le besoin d'entendre et de créer de la musique : "Ce qui est mon bonheur et ma passion."
C'est très étrange pour un jeune homme qui porte en même temps, et ne cessera de porter, un vif intérêt aux femmes. Mais peut-être s'expose-t-il avec la musique à moins de déceptions. Il écrit dans ce sens encore peu de temps avant sa mort, sa situation étant désespérée : "Je travaille encore, parce que composer me fatigue moins que de m'en abstenir."
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Qu'un individu soit un grand artiste n'exclut pas qu'il ait en même temps quelque chose d'un clown ; qu'il soit en fait gagnant, et qu'il ait apporté un gain immense à l'humanité, n'exclut pas qu'il se tienne lui-même pour un perdant, et se condamne par là même à devenir véritablement un perdant.
La tragédie de Mozart, qui était en partie de cet ordre, fut vite éclipsée aux yeux de ses auditeurs ultérieurs par le charme de sa musique. Cet effacement étouffe la compassion. La postérité n'a sans doute pas tout à fait raison de séparer complètement l'homme de l'artiste. N'est-il pas quand même un peu difficile d'aimer la musique de Mozart sans aimer aussi un petit peu l'homme qui l'a créée ?
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Il fait donc antichambre à Paris chez les plus grandes dames et les plus nobles seigneurs qui le traitent comme ce qu'il est effectivement, un serviteur — même s'ils n'en usent pas avec lui de façon tout à fait aussi brutale qu'avec leur cocher, parce qu'il sait quand même très bien faire de la musique. Mais lui, Mozart, sait pertinemment que la plupart de ceux dont il quémande la protection n'ont quasiment pas la moindre idée de sa musique et en tout cas aucune idée de ses dons extraordinaires.
Ces dons, on peut penser qu'il les a reconnus comme tels dès l'époque de ses succès d'enfant prodige. Par la suite, la conscience de son exceptionnelle imagination musicale s'est renforcée progressivement — même si ses doutes ont été nombreux. Et voilà que lui, qui à ses propres yeux n'a jamais cessé d'être un enfant prodige, il doit aller mendier d'une cour à l'autre. Il est assez vraisemblable qu'il ne s'y attendait pas. Ses lettres reflètent un peu sa déception — et son indignation.
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Il est donc tout à fait réaliste de parler aujourd'hui de l'humanité comme unité suprême de survie. Mais l'habitus des individus, leur identification à des groupes restreints - et surtout aux Etats nationaux - reste, répétons-le, en retard sur cette réalité. Et ce sont les décalages de ce type qui font les particularités structurelles les plus dangereuses de la phase de transition dans laquelle nous nous trouvons actuellement.
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Dans son célèbre roman la princesse de Clèves, Madame de La Fayette met dans la bouche du mari, qui sait que sa femme s’est éprise du duc de Nemours, la phrase suivante : « je ne me veux fier qu’à vous-même ; c’est le chemin que mon cœur me conseille de prendre, et la raison me le conseille aussi ; de l’humeur dont vous êtes, en vous laissant votre liberté je vous donne des bornes plus étroite que je ne pourrai vous en prescrire. » […] L’homme sait qu’il ne peut retenir sa femme de force. Il ne s’emporte pas, parce que sa femme en aime un autre, il ne se réfère pas non plus à ses droits d’époux ; l’opinion publique ne permettrait pas une telle attitude ; il s’impose une grande modération : je te laisse ta liberté, dit-il à sa femme, et je sais que ce faisant je t’assigne des limites plus étroite que si je formulais des règles et des préceptes. Autrement dit, il attend de sa femme de la même autodiscipline dont il fait preuve. C’est un exemple typique de la situation nouvelle telle qu’elle découle de l’égalité des sexes.
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De nos jours on traiterait d’« anormale » une personne qui chercherait à satisfaire ses tendance de plaisir en brûlant vifs des chats, parce que le conditionnement normal de l’homme de notre phase de la civilisation substitue au plaisir de la vue de tels actes de peur–inculquer sous forme d’auto contraintes–qui retient l’homme de telles manifestations pulsionnelles. C’est un mécanisme psychique très simple qui provoque la transformation historique de la vie affective : des manifestations pulsionnelles ou des plaisirs considérés comme indésirables par la société sont assorties de menaces ou de châtiment qu’ils investissent de sensations de déplaisir ou à prédominance de déplaisir. Par suite du rappel incessant du déplaisir sous forme de menaces de punition et de l’accoutumance à ce rythme, la dominante déplaisante est obligatoirement associée à certains comportements qui, à l’origine, peuvent être plaisant. Ainsi, il y a tiraillements entre le déplaisir et la peur suscitée par la société–représentée aujourd’hui, mais pas toujours exclusivement, par les parents–et le plaisir caché. Ce que nous avons défini sous divers aspects comme progression du seuil de la pudeur, de la sensibilité aux expériences pénibles, des normes affectives a pu être déclenché par de tels mécanismes. Reste à examiner l’origine des structures sociales ayant déclenché ces mécanismes psychiques ainsi que la nature des contraintes extérieures qui ont provoqué la « civilisation » des manifestations affectives et du comportement.
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...Il est à ce point utile de faire abstraction de la pudeur pour dégager le corps, que, selon l’avis de tous les médecins, serrer les fesses serait faire comme Aethon qui, chez l’épigrammiste, faisait tout son possible pour ne pas péter dans un temple, et saluait Jupiter en serrant les fesses. Ce sont les parasites et les orgueilleux qui disent : j’ai appris à serrer les fesses.
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La notion de « civilisation » représente primitivement, au même titre que la notion de « culture », une arme de l’opposition des classes moyennes et plus spécialement de ces éléments intellectuels dans leur lutte sociale interne. Avec l’accession de la bourgeoisie aux commandes de la nation, elle devient aussi l’expression du sentiment national.
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Mozart était un être simple, il n'était pas particulièrement éblouissant quand on le rencontrait dans la rue, il se montrait infantile dans ses relations personnelles, manifestement aussi, assez sans gêne dans l'emploi de métaphores qui se rapportaient aux excréments anaux.
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On ne voit pas très bien si l'opposition radicale entre "civilisation" et "nature" exprime autre chose que l'oppression des âmes "civilisées", que les déformations de l'économie psychique telles qu'elles existent dans la phase moderne de la civilisation occidentale. Le fait que l'économie psychique des "primitifs" n'est pas moins historique que celle des "civilisés", même si les premiers ont une connaissance fort limitée de leur propre histoire. L'historicité de l'évolution des hommes ignore le "point zéro", de même qu'il n'y a pas de "point zéro" de la sociabilité, c'est à dire de la solidarité sociale des humains. Chez les uns et chez les autres, il y a des interdictions et des contraintes mises en place par la société tout comme il y a, chez les uns et chez les autres, leur substrat psychique, les angoisses, les sentiments de plaisir et de déplaisir, de malaise et de ravissement, façonnés également par la société. On est donc moins clair qu'on ne le pense quand on oppose les normes des prétendus "primitifs" à celle des "civilisés" en qualifiant les premières de "naturelles", d'allant de soi, les secondes d'historico-sociales. Quand des fonctions psychiques de l'homme sont en jeu, il y a interaction indissociable entre processus naturels et processus historiques.
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La société n'est pas seulement le facteur de caractérisation et d'uniformisation, elle est aussi le facteur d'individualisation.
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Les notions de « courtoisie » et de « civilité » subsistaient côte à côte tout au long du XVIe siècle, chacune conservant son caractère mi-chevaleresque–féodal, mi–absolutiste–curial. Dans le courant du XVIIe siècle le terme de « courtoisie » passe, en France, peu à peu de mode. [...] de la même manière, la notion de « civilité » perd progressivement, au XVIIIe siècle, sa vogue dans les milieux absolutistes de cour. [...] Dans la plupart des documents de cette époque, nous voyons [...] le terme de « civilité » céder le pas à celui de « politesse » : on a tendance à désigner le problème dans sa totalité par le terme de « humanité ».
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On accepte le résultat comme l’expression de ses propres talents, que l’on considère comme supérieurs à ceux des autres ; personne ne semble plus intéressé aux problèmes de la « civilisation » conçu comme un processus : la conviction de leur supériorité, de la supériorité de la civilisation nationale sert de justification aux nations conquérantes et civilisatrices qui se hissent ainsi au rang de « couche supérieure » dans de vastes territoires extra-européens ; c’est de la même manière que les ancêtres de la « civilisation », à savoir la « politesse » et la « civilisée », avait servi d’assise à la prédominance de l’aristocratie de cour.
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Contrairement à l’idée que le mot évoquait au moment de sa création, le processus de la civilisation apparaît, aux yeux des nations, comme achevé à l’intérieur de leur propre société ; les peuples se sentent essentiellement comme des apôtres chargés de transmettre aux autres, en leur qualité de porte-bannière, une civilisation existante et achevée. Du processus intérieur la conscience ne garde qu’un souvenir très vague.
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La notion française de « civilisation » reflète la destinée sociale spécifique de la bourgeoisie française, de même que la notion de « culture » reflète celle de la bourgeoisie allemande.
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La création n'est pas l'apanage des Dieux.
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Le sport en tant que combat physique non-violent est né un moment où la société connaissait des transformations inhabituelles : les cycles de violence ralentissaient et les conflits d’intérêts et de croyances trouvaient une solution de sorte que les deux principaux prétendants au pouvoir en vinrent à régler leurs différends non plus par la violence, mais par des moyen confort matériel. p34
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Comme, d'autre part, la différence entre les aspects « publics » et « privés » de l'existence est moins marquée dans la société de cour que dans les sociétés industrielles modernes, la distinction conceptuelle plus rigoureuse entre les domaines de la vie « publique » et « privée », telle qu'on la pratique couramment dans les sociétés industrielles, n'est pas de mise quand on a affaire à l'homme de cour.
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