- Qu'est-ce qui se passe? demanda-t-elle, impatiente d'en finir.
Il frotta sa main sur sa nuque comme embarrassé.
- Écoutez, je pense qu'on a commencé sur de mauvaises bases. Je ne voudrais pas que vous ayez de moi une mauvaise impression.
- C'est déjà le cas, ne put-elle se retenir de dire.
Xénès grimaça.
Il resta sur le seuil contemplant ce merveilleux tableau. Sa femme était si heureuse. Ses beaux yeux violets étaient lumineux, dynamiques, en accord avec son caractère fort et pétulant. Son sourire éclairait son visage poupin.
Elle brûlait de l’intérieur. L'élancement dans sa tête enflait, pressurant son cerveau. L'invasion, horrible, âpre, violente et sans pitié rongeait son être. Elle ne réussit que pathétiquement à rouler, la bouche dans la poussière, les yeux humides et la chair amollie. Faiblement, elle gratta le sol de ses doigts gourds, en pure perte. Son combat lui sembla durer une éternité tout en étant si court. Des larmes d'humiliation, empreintes de défaite, ruisselèrent sur ses joues. Ses membres s'engourdirent puis se figèrent totalement. Elle se sentit partir à jamais. Sa respiration s'arrêta et ses yeux perdirent leur mobilité pour ne fixer que le vide.
Je suis le roi et je le resterai. Même si pour cela je dois me débarrasser de mon propre sang!
Ses yeux se remplirent de larmes et elle se maudit pour ça. Elle détestait pleurer. Elle se sentait tel un seau percé qu'on avait mal colmaté. Qu'importait le trou bouché, le liquide continuait de fuir.
- Ma belle, si ma haine m'a maintenu en vie tout ce temps, ton amour me rendra immortel.
- Prétentieux, lança-t-elle.
- Amoureux je dirai, contra-t-il.
Mon souhait le plus cher était d’assister à ton accouchement, serrer notre enfant dans mes bras et de voir grandir nos filles à tes côtés. Je sais au fond de moi que tu as raison, tu as toujours eu raison. Ce sera une fille n’est-ce pas ? Mais peu importe. Fille ou garçon je désire juste qu’il soit en santé et en sécurité.
Je caressai sa joue du dos de la main, désormais assaillie par des larmes silencieuses. Je m'engageai à ne pas le rejoindre avant que le Ciel ne m'arrache à cette planète. Je ne savais pas comment je tiendrais cette promesse, mais je la lui devais.
Soudain, les cris dans sa tête se firent plus intenses au point d'en avoir mal au crâne. Oui c'était ça. Elle devait sortir de sa prison afin de les retrouver ou elle ne les reverrait plus jamais. Méthodiquement, elle essuya la dague sur son vêtement, laissant des traces sombres sur le devant. Elle ne s'en soucia pas, pas plus que du corps à ses pieds. Obnubilée par ses pleurs, elle quitta sa prison, hagarde, ne s'étonnant pas de l'absence de garde ou de l'heure qu'il était. Sa raison telle qu'elle l'avait habitée jadis n'existait plus. Il n'était pas certain qu'elle en fût encore dotée. Elle s'éloigna de l'horreur de la réalité, préférant refouler.
Un koshi se posa sur la branche d’un appala géant et joua dans ses plumes d’un bleu royal. Cet oiseau de grande taille n’était pas très apprécié dans la contrée. Les anciens racontaient qu’entendre son cri était signe de malheur à venir.