« LE VERTIGE MARILYN » PAR ISABELLE ADJANI
Conception : Olivier Steiner Installation, scénographie, musique : Emmanuel Lagarrigue
Une femme, Isabelle Adjani, blonde, au centre du plateau. Robe Dior à traîne noire, dos dénudé. Cette même robe portée par Marilyn Monroe lors de ce qu'on a appelé « la dernière séance » photo de Bert Stern. Au-dessus de cette femme en robe noire s'élève une haute structure sur laquelle sont installés vingt-quatre projecteurs, vingt-quatre heures dans la vie d'une femme, un jour et une nuit. La structure s'élève comme une tour de Babel, oeil du cyclone d'un monologue encore à venir : monologue intérieur et extérieur, la voix de Marilyn, d'Isabelle, laquelle ? Les deux. Olivier Steiner est allé puiser dans la dernière interview de Marilyn donnée deux jours avant sa mort et dans divers entretiens écrits d'Isabelle Adjani une matière à réflexion, des correspondances, un dialogue aussi inattendu qu'improbable, la possibilité d'une sororité, un ravissement.
À lire Anne Gorouben & Olivier Steiner, le ravissement de Marilyn Monroe, éditions Metropolis, 2021.
Pour l'occasion la Maison Christian Dior a refait sur mesure pour Isabelle Adjani la robe iconique de Marilyn Monroe.
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Tu ne sais plus quoi faire de ta tristesse, de ton angoisse, et de ta douleur, tu ne sais plus quoi produire avec, tu n'en vois même plus l'intérêt.
A quoi bon ?
A quoi bon, oui.
C'est compliqué, je sais.
Ce qui va mener certains à l'amour ou au sublime dans la création, va emmener d'autres à la mort.
Emile dit que les petites choses vont survivre. Quoi par exemple ? Tes questions. Tes questions, elle vont me survivre. J'entends, je ne vois pas en quoi c'est une bonne nouvelle mais j'entends, je voudrais qu'il développe. Je ne suis toujours pas satisfait. Emile le voit, il dit que les réponses ne me satisferont jamais. Qu'il faut que je m'y fasse, que j'ai tout mon temps pour ça. Il dit qu'il va falloir apprendre à sauter, à glisser. Et ne pas avoir peur.
La fébrilité de l'amoureux, l'angoisse de l'amant, la douleur de l'absent, je chemine sur ces trois territoires qui sont autant de pièges que de raisons de vivre.
Je me méfie des mots. J'ai du mal à les manier. Tantôt faibles, tantôt outranciers : il est si difficile de leur faire dire certaines nuances. Malgré cela, je passe la plupart de mon temps avec ces foutus mots, car c'est ce que je fais, écrire, ou plutôt ce que je veux faire, ce qui revient peut-être au même.
Car si ce que nous nous sommes écrit est si précieux, le plus important, la vie, reste muet entre les lignes. Quoique nous écrivions, nous restons en deça de ce que nous avons vécu.
Ils ne peuvent pas savoir que devant la dépression, c'est toute la volonté qui se dérobe, elle n'est plus qu'un conte pour enfants, la volonté, un souvenir lointain, et le sujet, le moi se désagrère.Il ne reste plus qu'à serrer les dents, attendre que ça passe, si ça passe, supporter l'idée que ça ne passera jamais. Mais parfois, je sors du tunnel et ça me semble définitif, d'un coup tout va mieux, c'est merveilleux, le monde est à ma portée, si vaste et si accueillant, c'est de nouveau l'âge des possibles, mon énergie est immense, j'ai l'envie de tout embrasser,eveything is absolutely beautiful, rien n'y personne ne me résiste.
"J’adore quand les montagnes sont comme ça. – Comment ? Plus grandes, plus proches. Regarde, la plupart du temps elles sont toutes petites, au lointain, parfois comme ce matin on pourrait les toucher. On dit que c’est signe de mauvais temps, il va faire moche demain. Non, répondit Guillaume, il a fait moche hier, c’est ça que ça veut dire. – Comment ça ? – La pluie a nettoyé l’atmosphère des poussières et autres saloperies, c’est pour ça qu’on voit mieux et que ça donne cette impression de rapprochement. – Donc le rapprochement n’est qu’une illusion ? – Non, c’est l’éloignement qui en était une, là on voit les montagnes telles qu’elles sont, brillantes et proches. Pourquoi l’amour de Guillaume m’a semblé si différent des autres ? Que s’est-il passé ? Quelle est l’histoire ? Une histoire de Guillaume et de moi ? Ou une histoire sans Guillaume sans moi ? Quand le metteur en scène avait un problème avec une scène, qu’il ne savait pas la monter, il se concentrait sur l’idée d’un point d’entrée et d’un point de sortie. Tu trouves un point d’entrée, puis un point de sortie, c’est-à-dire que tu choisis, tu inventes, entre les deux c’est le texte, le corps, tu restes au plus près des visages et des corps. Tu écoutes les mots, leur silence, tu cherches le sens, tu le fuis quand il faut, tu travailles, tu construis. De toute façon tu travailles, tu ne t’arrêtes jamais. Tu travailles à ne pas t’arrêter de travailler. On a souvent dit que le metteur en scène était une sorte de spécialiste du chaos magnifique mais il savait simplifier pour mieux avancer, il savait « tracer », dédramatiser. Ce conseil concernant la création et le travail, je l’ai toujours entendu comme un conseil pouvant concerner la vie, vivre, le fait de vivre. Point d’entrée, donc, point de sortie. C’est là. Comme un jour ce garçon fut là, d’un coup complètement là. Entre le point d’entrée et le point de sortie : la vie, se promener, tâcher de rester libre."
(...) je vais m'appliquer à aimer le manque de vous, seul moyen de le bien vivre finalement.
Il n'avait rien prévu concernant la mort
Et je me sens coupable, coupable dans le sens de coupable de tout. Vous voyez ? Je suis compètement mégalo. Si j'étais plus modeste je comprendrais et accepterais que nous sommes finalement très peu responsables. "I'm think I'm paranoid", la chanson de Garbage, vous connaissez ? It's me.