Les parents de Zoé avaient particulièrement horreur des tatouages depuis que leur neveu Babbi « Babe » Tokas était devenu membre d’une bande de motards criminels tatoués, qu’ils considéraient comme des sociopathes tous taillés dans le même cuir noir. Le lendemain matin, Zoé s’assura donc que sa rose – plus exactement le bandage qui allait la couvrir pendant trois jours – était bien camouflée sous ses vêtements avant d’aller déjeuner dans la cuisine.
-Si tu m'avais laissé distribuer quelques taloches comme le faisait ma sœur, on n'en serait pas là. Ah! elle a toujours eu plus de chance que moi. Un mari qui la soutient inconditionnellement. Et un fils -elle n'en a qu'un, mais quel fils! Ne courant jamais les catins, toujours avec sa maman, l'écoutant et l'honorant comme il se doit.
-Permets-moi de te rappeler, dit son mari, que ton neveu ne court pas les catins parce qu'il a perdu l'usage de ses jambes après un accident de moto, et cloué à un fauteuil roulant, il dépend de sa mère pour tous ses besoins. Est-ce là le fils idéal que tu aurais souhaité?
Tous ses romans commençaient par un meurtre. Celui-là commencerait par un chant. L’idée que le ressort dramatique fût un chant de coq le séduisait. D’autant plus qu’il était convaincu qu’avec son Cock-a-doodle-doo, Cocorico, Kukuruyuk, Ake-e-ake-ake, U-urru-urru, ou quelle que fût la transcription phonétique de son cri, le coq ne chantait pas chaque matin pour annoncer l’aube aux dormeurs et leur donner l’heure solaire. Autant dire que les poules ne pondaient des œufs que pour nourrir les humains et pourvoir à leurs besoins en protéines, vitamine A et phosphore.
"Je ne te crois pas abandonné de Dieu au point de refuser d'accorder dix minutes à celle qui t'a donné la vie et qui t'assiste, assidue et vigilante, depuis ton premier cri, sans rien attendre en retour, pas même un petit déjeuner au lit. Tu me dois une audience, ne serait-ce que pour les douze heures de labeur que tu m'as fais subir à ta naissance."
(...), Moli était convaincue que ceux que la nudité indignait avaient quelque chose à cacher, parce que le corps ne ment jamais, qu'on ne peut le manipuler et le subjuguer comme l'âme avec des faussetés. (...)
-Il est écrit que le Créateur a chassé l'homme et la femme du paradis quand ils ont eu honte de leur nudité et voulu la cacher, disait-elle. Les rigos devraient donc rougir de leurs actes, pas moi. Mon déshabillage -je le répète pour ceux qui n'y ont vu qu'atteinte à la morale-, mon déshabillage n'était ni gaudriole ni provocation, mais un témoignage de reconnaissance rendu à l'artisan de mon corps. Alors, si nous avons la liberté de culte, qu'ils me laissent lui rendre grâce à ma façon. Je les laisse bien, moi, rendre grâce à leur culte à leur manière.
Elle ne portait que son chapeau et des sandales, et une dizaine de perruches bigarrées voltigeaient autour d'elle. Fais-moi un café, criait l'une. Ta gueule, connasse, disait l'autre. Ouvre tes jambes, répétait une troisième.
-Chaque fois que me prends l'envie de vivre en couple, dit la femme à Ari en enfilant un peignoir, j'achète une perruche et lui enseigne une de ces phrases dont les époux sont friands.
-T'es grosse! piailla une perruche.
-Bon, c'est assez, lui dit la femme.
Elle ouvrit la porte de la volière, et quand tous les oiseaux furent rentrés, elle couvrit celle-ci d'une bâche pour les faire taire.
Pour montrer que ses récits n'étaient pas le fruit de son imagination, il gardait un brin de basilic fraîchement cueillis derrière son oreille droite. Il le mâchait, disait-il, pour chasser l'odeur de chatte de son haleine.
Lukas était convaincu que les seules fentes poilues que Nestor avait léchées étaient ses propres aisselles.
L’urne est posée sur la table de chevet. Il la regarde et a l’impression de contempler les cendres de sa vie
-J'ai grandi dans la misère, disait-elle. Je n'avais rien, à part le rêve. Et le rêve est fort chez les gens qui n'ont rien.