Rencontre avec Pascal Chabot à l'occasion de la sortie de son livre "Avoir le temps : Essai de chronosophie" aux éditions PUF.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2482742/pascal-chabot-avoir-le-temps-essai-de-chronosophie
Note de musique : © mollat
Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
Visitez le site : http://www.mollat.com/
Suivez la librairie mollat sur les réseaux sociaux :
Instagram : https://instagram.com/librairie_mollat/
Facebook : https://www.facebook.com/Librairie.mollat?ref=ts
Twitter : https://twitter.com/LibrairieMollat
Linkedin : https://www.linkedin.com/in/votre-libraire-mollat/
Soundcloud: https://soundcloud.com/librairie-mollat
Pinterest : https://www.pinterest.com/librairiemollat/
Vimeo : https://vimeo.com/mollat
+ Lire la suite
page 57
[...] Fort de cette analyse, on peut mieux comprendre l'hypocrisie de nombreux discours managériaux qui enrobent de grands mots leur objectif cupide, à savoir repousser toujours les limites des individus, pour extraire davantage de profits de leurs efforts. Ces discours ont une trame. Il s'agit de transformer les contraintes adaptatives en valeurs. Cela sonne mieux. Au lieu de dire : "Adaptez-vous", on dira :"Adoptez de nouvelles valeurs". En ces temps où le sens se fait discret, le langage de la valeur garde un lustre réconfortant. Ainsi, pour une femme, concilier vie professionnelle et vie familiale est transformée en une icône valorisée, celle de l'executive woman. Gérer une trop grande quantité de travail est masqué sous la valeur de "stress positif". Passer d'un poste à l'autre est déguisé sous le terme de "flexibilité". Faire face à des contradictions est transcendé par les leitmotive "ouverture d'esprit" et "capacité à penser en N dimensions". Se plier à l'emprise de la mesure s'appelle "évaluation". Répondre à des masses de courriels emplis de sommations et de rappels se nomme "connectivité". Laisser son portable constamment allumé est qualifié de "proximité". Obéir sur le champ aux injonctions est qualifié de "réactivité". S'abimer les yeux douze heures par jours devant des écrans d'ordinateur est rebaptisé "disponibilité". C'est ainsi que des mots étranges vissent les humains à leurs sièges. [...]
L'affinité intellectuelle, comme toute amitié, a quelque chose d'inexplicable. L'amitié n'est pas un exercice d'admiration, ni un aveu d'adhésion. Ces dimensions, bien sûr, peuvent entrer dans la composition de l'amitié, mais elles restent périphériques. Le centre de l'amitié intellectuelle, c'est la sympathie pour la manière dont autrui pense, qui a pour effet d'élargir nos horizons. L'ami, l'auteur qu'on aime lire, c'est celui à travers les yeux duquel on accepte de voir le monde. C'est celui dont le regard nous convient, dont les remarques nous intéressent, dont les problèmes nous concernent, dont les mots nous parlent.
L’humanité vit désormais au rythme de la disruption. La disruption, c’est une innovation radicale qui place son inventeur dans une situation de monopole quasi absolu sur le marché qu’il vient de créer — ce qui lui permet derafler la mise, sans crainte de concurrent. Or, faire preuve de « mentalité disruptive » s’est imposé comme la nouvelle norme ! Certains s’en félicitent, ils oublient simplement que la plupart des activités humaines, pendant des siècles, voire des millénaires, n’ont jamais cherché à être disruptives. Un artisan qui cherchait à fabriquer correctement un vêtement, un agriculteur attaché à protéger sa terre, un cuisinier obsédé par son savoir-faire ne poursuivaient pas des manières de faire radicalement nouvelles. Seuls les artistes — un Michel-Ange, un Flaubert, un Manet — se montraient volontiers « disruptifs » — et, de fait, ils sont à l’origine d’une nouvelle école.
Désormais la disruption est partout. Des pans entiers de l’existence, qui semblaient totalement à l’abri de la commercialisation, deviennent par exemple monnayables. Ainsi le langage. Avec ses algorithmes, Google a créé, entre l’argent et le vocabulaire, un lien qui aurait encore semblé inimaginable il y a quinze ans (sans parler d’il y a trois siècles). Les mots valent de l’argent, des gens se disputent aux enchères le référencement de « restaurant » et « Champs-Elysées » pour être sûrs de sortir en tête des listings sur le moteur de recherche… Ce culte de la disruption me semble profondément dommageable, car il fait l’apologie d’une mentalité fondamentalement non sociale. On est sorti du modèle ancien de concurrence — étymologiquement : « courir ensemble » — pour basculer dans celui du « winner takes all » (le gagnant rafle la mise), et l’on n’est pas obligé de s’en réjouir.
Télérama, publié le 19/03/2018
Aujourd'hui, dans une vie, nous regardons plus la pomme Apple que la vraie pomme.
Du petit peuple qu'il était à l'origine, homo sapiens est devenu une tribu gigantesque dont la passion crée de la différence imprévisible (p.40)
Ce qu'il faudrait pourtant, ce sont des thérapeutes du système, au lieu des rhéteurs de l'ultraforce que l'on voit prospérer.
Dans le système - p. 83
Le système est une création technique avant d'être un monstre idéologique.
Dans le système - p. 27
Je ne fais de la philosophie que depuis quatre-vingt deux jours, je vous le rappelle. Une erreur de perspective entache votre appréciation. Vous aimeriez que le réfléchisse comme un sage vénérable, mais je ne suis peut-être qu'un enfant prodige.
p.54
Avec quoi résister si la raison ne suffit plus ?
Avec la justice. Pas seulement une justice au sens institutionnel du mot,...
Etre juste, c'est continuer à faire exister ce qui est immortel dans la nature et chez autrui .
Dans un monde où l'on attend de l'individu qu'il dépense l'argent qu'il n'a pas pour acheter des choses dont il n'a pas besoin afin d'épater des gens qu'il n'aime pas, la boulimie semble partout, le sens nulle part.