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Critiques de Pascal Manoukian (297)
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Le paradoxe d'Anderson

Concept économique, le paradoxe d'Anderson se définit par le constat qu'aujourd'hui l'acquisition de diplômes supérieurs à ceux de ses parents n'assure pas nécessairement une position sociale plus élevée. Un principe inique que décortique Pascal Manoukian dans ce roman sensible et envoûtant.



La nouvelle tombe un soir d'automne, le poste qu'occupe Aline dans son usine de textile va être délocalisé. Contremaître de toutes nouvelles machines qui faisaient sa fierté, celles-ci vont être envoyées « en Afrique ou peut-être en Asie, là où s'envolent les machines des usines de la région, laissant les hangars vides de bruit et les ouvriers les mains pleines de gestes qui ne servent plus à rien. »

Comme si une mauvaise nouvelle ne suffisait pas, Christophe Boîtier, son mari, contremaître chez Univerre, une manufacture de bouteilles, verra son usine fermée. Délocalisée.



Aline ne fabriquera plus de chaussettes. Elle devra se contenter d'accrocher celles qu'il lui reste sur les branches de l'arbre de Saint Gilles, figure tutélaire païenne de la région, mâtinée de christianisme.

Éloigner le mauvais sort, à commencer par repousser la visite de l'huissier, maître Gaston, qui, elle le sait, finira par frapper à sa porte, lorsqu'elle n'aura plus assez d'air pour respirer, plus assez d'argent pour payer ses traites qui l'enchaînent et qu'elle n'a plus les moyens d'honorer : « la voiture, la maison et cette connerie de revolving pour leur semaine aux Baléares ».

Elle était prête à faire des concessions pour conserver son travail, mais c'est sans compromis qu'on lui sommera d'aller pointer chez Pôle Emploi. Avec son salaire de 1489€ brut, elle peut espérer 900€ net d'indemnités au chômage, « 250 euros en moins, dix ans d'augmentation du SMIC rayés d'un trait ».



Les comptes vont devenir de plus en plus rouges et les soleils de plus en plus noirs pour cette famille qui vit au Nord de l'Oise, avec leurs enfants Mathis, le petit dernier atteint d'une maladie orpheline, et la grande, Léa, qui passe son bac cette année.



Candidate au bac ES, Léa observe à travers les concepts qu'elle étudie en Sciences Économiques et Sociales les soubresauts d'un monde qui change : « paradoxe d'Anderson », « déclassement social », « destruction créatrice », avec sa « casse marginale », qui est une marge d'erreur entre nouveaux emplois créés et emplois détruits. Elle se demande de quoi sera fait son avenir, sans se douter que ses parents en sont victimes. Ils ont décidé de tout cacher à leurs enfants, afin de les protéger. Insouciante, entre la chaleur réconfortante du foyer et celle des premiers émois, elle rêve de lendemains meilleurs, sociaux, écologiques et responsables, dans un monde qui n'existe pas, ailleurs. « Je rêvais d'un autre monde » comme le chantait Téléphone, et comme le danse toujours sa mère, entretenant le désir de son père.

Comme La Fontaine, dans sa fable « Les animaux malades de la Peste » : « Ils ne mourraient pas tous, mais tous étaient frappés / Selon que vous serez puissant ou misérable / Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir ». Les puissants dominent et peuvent vous écraser. Dans le souvenir de la véhémence communiste de son grand-père, Aline ne s'en laisse pas compter. Elle inculque à sa fille le passé glorieux des luttes ouvrières, tandis que les collègues se réveillent et résistent : « on n'est pas du bon côté du manche. C'est pour ça qu'il faut s'emparer des outils. » Et si certains sont soumis à l'ISF, c'est en tant qu'Intérimaire Sans Fin. « Les huissiers, les banquiers, les sociétés de recouvrement, les impôts, EDF » n'y suffiront pas : « submergés, noyés comme des taupes au fond de leur galerie », mais « serrés l'un contre l'autre ». C'est ensemble que l'espoir reviendra. Et même si à eux seuls, ils ne pourront changer le monde, ils essaieront au moins d' « en arrondir les angles afin qu'il ne blesse plus personne ».



Colérique, poétique et avant tout sensible, Pascal Manoukian nous livre ici un texte émouvant et envoûtant. Journaliste, réalisateur, photographe et écrivain, l'auteur des Échoués ou de Ce que tient ta main droite t'appartient, nous offre à nouveau un texte bouleversant et lucide sur les laissés-pour-compte et les ressorts de notre société. Actuel, on ne peut plus actuel... indispensable !



Retrouvez cette chronique sur le conseil des libraires Fnac :


Lien : https://www.fnac.com/Le-para..
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Le cercle des hommes

Poétique et mystique, la fable écologiste et humaine de Pascal Manoukian fascine aussi bien pour sa spiritualité que son actualité.



L’immensité de la forêt amazonienne peut renfermer des trésors inespérés : cette boucle presque parfaite du plus puissant fleuve du monde qui draine le poumon de notre planète en est une. Seulement ouverte par une étroite bande terre à l’Ouest, cette figure remarquable attire immanquablement ceux qui par hasard l’apercevraient par les airs. «  À l’intérieur, une beauté primaire, unique, presque irréelle, un reste d’Eden oublié là, posé intact depuis des millénaires au milieu de l’immensité  », c’est la vision romantique qu’en a Gabriel depuis son avion privé avant de s’y écraser. Cet industriel à hautes responsabilités n’a le temps de rien, mais a les moyens de tout se payer. Son crash dans ce qu’il croit être le paradis perdu lui révélera la beauté d’une nature très différente de celle qu’il pensait y trouver : celle d’une autre humanité.

L’homme d’affaires survit à l’accident, retenu par l’épaisseur de la forêt tropicale, mais aura sérieusement endommagé son appareil. Dans sa carlingue cabossée, son corps inconscient sera bientôt retrouvé. Car la région est habitée par une tribu isolée encore inconnue des civilisations industrialisées. L’apparence de roman d’aventures se transforme alors en véritable étude ethnologique. Reconstituant la culture, les croyances et le quotidien de ce peuple imaginaire, Pascal Manoukian nous offre aussi une véritable réflexion sur nous-mêmes. Car chez les Yacou on connaît cinquante-sept mots pour décrire les nuances de vert, mais aucun pour évoquer le profit, la science ou le bonheur. Chacun a son double animal comme un «  indispensable équilibre entre toutes les vies  » chez ce peuple nomade, qui refuse de s’arrêter, car s’installer reviendrait à prendre possession et à devoir défendre ses biens. «  La nature n’a pas besoin de l’homme, il doit se faire petit et discret  » pourrait résumer les mœurs de ces hommes originels.

Mais de cette « Chose » à la peau blanche étrangement vêtue, que vont-ils pouvoir en faire ? Bien que Gabriel ressemble à un être humain, ils ne sont pas certains qu’il en ait pour autant une âme. Cette Controverse de Valladollid inversée amuse autant qu’elle interroge, nous poussant dans les derniers retranchements de nos certitudes.

Un conte captivant et original, porté par une plume où affleure la poésie et spiritualité. Alors que le seul lien des Yacou est le bruit des bulldozers rasant leur précieux or vert, quel doit être le rapport entre l’homme et la nature animale ou végétale ? Une très belle réflexion sur la nature humaine.
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Le paradoxe d'Anderson

Quand on tutoie la misère, on peut bien tutoyer Dieu... Pourtant ni Dieu ni Karl Marx ni les grands dirigeants n’auront que faire de cette famille de laissés pour compte à travers Aline et Christophe tous deux ouvriers dans une usine en proie aux fracas économiques.

Avec leurs deux salaires, ils remboursent le crédit de la maison, celui de la voiture, remplissent le frigo, paient l’électricité, l’eau, ils arrivent même à épargner un peu pour les loisirs et les vacances. Pourtant, sans crier gare, l’usine de textile d’Aline est délocalisée, même un salaire de misère c’est encore trop pour ces ogres de dirigeants. Quant à Christophe, le profil de son usine n’est pas meilleur et la grève gèle le salaire des ouvriers. Comment continuer à vivre avec un seul salaire minimal, un salaire indécent qui conduirait n’importe qui aux portes de la misère.



Ventres affamés, cœurs décharnés, rêves enterrés, chaque minute sonne le glas de la survie pour redresser cette famille à la dérive. Il faudra compter, oublier la quatre roues, mettre un masque parce que les enfants dans ce monde de prolétaires restent la seule richesse, alors il faut se taire, faire semblant, faire comme avant même si plus rien ne sera comme avant. Léa prépare ses études économiques. Elle se questionne, repense à son grand père Staline pour qui les ouvriers méritaient tout. Elle poursuit sa route vers le paradoxe d’Anderson sans s’imaginer la toile nauséabonde qui se tisse sur les siens. Mathis, le benjamin souffre d’une maladie mal définie, il s’étouffe dans des crises d’asthme qui nécessitent une surveillance quotidienne. Son salut, c’est l’arbre de Tarzan sur lequel il aime se balancer. Arbre qui aura plus d’une symbolique ici, entre insouciance et désespoir.



Le paradoxe d’Anderson de Pascal Manoukian est un roman brillant où l’auteur n’aura de cesse de dépeindre la société où les pauvres doivent être toujours plus pauvres quand les poches des riches débordent de tout ce qui est pris aux pauvres. Triste réalité noire et amère sous une excellente plume vivante et combien réaliste.
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Les échoués

C'est encore les yeux humides et le cœur qui bat plus vite que je viens vous livrer mon coup de cœur pour ce roman magnifique...

C'est avec regret et déjà une pointe de nostalgie que je quitte les personnages forts, courageux et touchants : Virgil, Chanchal, Assan et Iman...

On croit connaître le quotidien des clandestins, on pense imaginer leur long et difficile parcours pour arriver dans un pays malheureusement tout aussi brutal et dangereux... Mais Pascal Manoukian possède incontestablement ce petit supplément d'âme qui touche, sans comprendre pourquoi, au plus profond de soi. Aucun pathos, aucun cliché, juste une rencontre avec des hommes qui tentent de rester debout, alors que tout les fait plier...
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Les échoués

D'aussi loin que je me souvienne, je sais que j'ai souvent pleuré en terminant un livre. À six ans, avec « Cendrillon ». À douze ans, avec « Sans famille ». À quatorze ans, avec « La nuit du sérail ». À quinze ans avec « Le journal d'Anne Frank ». À seize ans, avec « Les noisettes sauvages ». À dix-sept ans, avec « Tchao Pantin » (Coluche venait de nous quitter)…

Je crois que je n'ai jamais pleuré en commençant un roman. Jamais jusqu'au début du mois de novembre dernier. Dès les premières pages des « Échoués », les larmes sont venues, sans que je ne m'en rende seulement compte…et comme je ne veux surtout pas que vous me voyez pleurer, je n'écrirai pas de chronique sur ce livre poignant.

Je vais en profiter pour écrire une petite lettre à ma fille, ma chère petite fille, mon trésor, mon bébé de 10 ans.

À plus tard….

« Ma Chérie,

Tu sais que je t'adore, que je t'aime de tout mon être. Même si parfois je te gronde parce que la patience est une vertu qui me fait terriblement défaut, tu sais que je ferais tout pour toi. Comme n'importe quelle maman, je te lis des histoires (maintenant, c'est plutôt toi qui m'en lis !) même quand j'ai très envie de bouquiner ou de naviguer sur mon Babelio. Je t'achète tous les livres que tu lorgne des yeux chez le libraire du Leclerc du coin. Je te fais du spaghetti bolognaise trois fois par semaine, si tu en a envie, même si je finis par en avoir ras le bonbon. Papa, lui, est encore « pire » que moi : il te décrocherait la lune et te l'apporterait sur un plateau d'argent, si tu la lui demandais. Nous vivons pour toi et par toi. Tes désirs sont des ordres et tant pis si nous te gâtons, si nous te passons tes caprices. Tant pis si, parfois, nous nous boudons l'un l'autre parce qu'il cède beaucoup plus vite et facilement que moi à tes envies que j'essaye de refréner sur le moment, mais que je finis toujours par satisfaire…dans son dos, en plus !

Bref, nous t'aimons et tes simples mais sincères « Merci, Maman ! Tu es la meilleure… Merci, Papa, tu es mon héros ! » suffisent à nous rendre, au centuple, ce que nous te donnons de tout coeur.

Seulement, ma chérie, je voudrais t'avouer une chose : ce que nous faisons, nous le faisons par amour pour toi, bien sûr, mais c'est bien peu de chose. Il existe dans notre monde de fous, gouverné par des lunatiques tous plus dingues les uns que les autres, des papas et des mamans qui SE donnent bien plus que ce que je ne te donnerai jamais. Ces papas et ces mamans vivent dans des pays où les guerres, les traditions, les religions, les moeurs musèlent les coeurs, les têtes et les corps des êtres jusqu'à les étouffer, à les meurtrir, à les anéantir. Beaucoup subissent, acceptent et souffrent. D'autres, comme « Les échoués » du roman de Mr. Manoukian, partent vers d'autres horizons, luttent, refusent de se soumettre. Tout ça, au nom de leurs enfants. Pour qu'ils aient un futur différent, pas forcément plus facile, mais moins dur, beaucoup moins dur, qu'en restant dans leur pays.

« Les échoués » raconte précisément quelques-unes des tranches de vie de ces « lutteurs ». Des papas-mamans qui risquent tout : leur santé, leurs rêves, leur dignité, leur foi, leurs vies…Et dans le monde d'aujourd'hui, je te jure que c'est affreusement difficile…Parfois, ça vaut le coup. Après moult combats, la famille réunie réussi à survivre et le bonheur se construit, au prix d'autres luttes qui sont autant de conquêtes.

Mon papa et ma maman ont fui en 1971 d'un Portugal de dictature qui perdait (heureusement) ses colonies (jamais compris pourquoi un pays devait appartenir à un autre...). Clandestins, ils ont tout risqué, tout abandonné. Grâce à leur courage, j'ai grandis en France et je suis la passionnée de littérature, de cinéma, d'art que tu connais. Je suis bilingue et je me sens franco-portugaise ou luso-française (c'est selon) avec fierté. Ils n'ont pas vécu les horreurs des « Échoués » mais je ne les remercierai jamais assez pour tout ce qu'ils m'ont donné et appris grâce à leur « simple » fuite.

J'espère que jamais je n'aurais besoin de fuir, de tout risquer pour te donner un bel avenir. J'espère que notre petit Portugal (petit, parfois, dans tous les sens du terme) suffira à ton bonheur. Nous ne serons jamais des Rothschild mais j'espère que tu seras heureuse dans notre simple bien-être et notre douce tranquillité.

….Mais sache que s'il le fallait…je le ferai.

Ta maman qui t'aime (et à ton Papa aussi).

P.S. : si un jour tu découvres une traduction des « Échoués » ou si tu apprends suffisamment de français pour cela, ne lis pas ce grand roman. Il est tellement triste…C'est ma manie de te protéger à tout prix qui reprend le dessus. Je ne veux pas que tu pleures….

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Le paradoxe d'Anderson

Le paradoxe d'Anderson est le fait que, malgré un niveau de diplôme supérieur à celui de leurs parents, les enfants ne parviennent pas à atteindre un statut social plus élevé que le leur. Il est au programme de terminale ES et Léa ne se doute pas encore de sa réalité.

Magnifique roman sur la condition ouvrière que le paradoxe d'Anderson, de Pascal Manoukian qui m'a parfois fait songer à Gérard Mordillat. Une famille : la famille Boitier, la mère, Aline, travaille chez Wooly, une usine textile, le père, Christophe, bosse chez Univerre, une manufacture de bouteilles. Ils ont deux enfants : Léa, 17 ans, qui prépare un bac ES et Mathis, 6 ans, fragile, sujet à des convulsions. Ce sont « leurs sources de lumière ». Ils vivent à Essaimcourt, au nord de l'Oise, dans un petit pavillon. Pour eux, c'est presque le bonheur et ils peuvent même faire quelques projets. Hélas, cela ne va pas durer.

Wooly décide de délocaliser et Aline va être licenciée. Elle décide de n'en rien dire aux enfants, surtout pour protéger sa fille qui doit absolument réussir son bac pour avoir un bel avenir.

Mais le drame ne va pas s'arrêter là… et c'est une véritable tragédie que va vivre cette famille. C'est ce que vivent les ouvriers qui perdent leur emploi du jour au lendemain, suite aux délocalisations, se retrouvant au chômage, endettés par des crédits à rembourser, broyés et acculés au désespoir que décrit si bien cet ouvrage.

Ce roman bouleversant sur les laissés pour compte est rythmé par les mois de l'année. Il débute en août, avec la fin des vacances scolaires, pour se terminer en mai de l'année suivante. Un personnage haut en couleur qui, bien que mort, est présent tout au long de ce livre. C'est Léon, dit Staline, communiste véhément, arrière-grand-père maternel de Léa.

De plus, le Jeu des 1000 euros de France Inter auquel, justement, a participé Léon d'une manière inoubliable, clôturera ce roman en juxtaposant les questions du jeu avec les réponses entrecroisant Léa et Paul, son petit ami, avec les événements qui se passent à l'extérieur.

Pascal Manoukian nous tient en haleine d'une façon extrêmement puissante avec ce procédé. Ce livre d'un auteur que je découvrais, a été pour moi un véritable coup de coeur. Captivant du début à la fin, ce livre dur mais combien réaliste et bouleversant m'a pris aux tripes et je l'ai lu d'une traite.

C'est dans la vie avec toute sa fougue, toutes ses péripéties, toute sa noirceur mais aussi tout son burlesque que Pascal Manoukian nous entraîne jusqu'à nous faire perdre pied.


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Le cercle des hommes

Un voyage magique au coeur du poumon de la planète, celui-là même que l’âpreté au gain d’humains imbéciles est en train de détruire sans vergogne. Destruction de la nature, et ce serait un moindre mal, si cette inconséquence ne nettoyait avec la même désinvolture les tribus indiennes que l’Amazonie abrite, pour combien de temps encore.



Pour Gabriel, qui est l’un des responsables de l’exploitation de ces terres, l’atterrissage est rude, au propre comme au figuré, puisqu’il est survivant d’un accident d’avion. Recueilli par une tribu, il devra faire ses preuves afin qu’on lui reconnaisse sa vraie nature : homme ou cochon. L’un d’entre le, le chaman aveugle sait.



On vit avec cette tribu, ces us et coutumes qui peuvent paraître incompréhensibles et qui pourtant sont tellement en communion avec la nature qui l’entoure, pourvoyeuse de tout ce dont ils ont besoin, c’est à dire peu de choses : un peu de chasse et de pêche, de la cueillette, et du feu. Gabriel apprend peu à peu le dénuement, lui qui s’enorgueillissait de sa monte à 250000 euros, qui en plus de donner l’heure, le confortait dans son sentiment d’importance.





Cette immersion au coeur de la forêt avec les Yacous est un récit extraordinaire, qui allie le spirituel et l’analyse pointue de dérives stupides de notre société dite civilisée.





J’ai adoré ce voyage et la transformation progressive de Gabriel qui est allé chercher sur les lieux même de ce qu’il, était entrain de détruire, un sens à sa vie.



Superbe.



Merci à l'auteur et aux éditions du Seuil pour leur confiance.
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Le paradoxe d'Anderson

Ce roman se déroule dans l'Oise, de nos jours, dans une région durement touchée par la mondialisation, les délocalisations d'entreprises, le chômage, la misère, le désert culturel....Un cadre qui, hélas , aurait bien pu, lui aussi, être délocalisé sur une grande partie de notre territoire.

Aline et Christophe travaillent tous deux en usine. Si leur vie ne respire pas l'aisance, ils réussissent à payer les crédits, celui de la maison, celui de la voiture, tout ne va pas trop mal pour eux mais l'épée de Damocles pend toujours au-dessus de leur tête. Ils ont deux enfants, Mathis, atteint d'une maladie mal définie et Léa, bonne élève de terminale qui s'apprête à passer son bac ES, un bac qui la conduit à analyser en permanence les théories et pratiques économiques du monde actuel.

Soudain, sans préavis , la catastrophe: Aline perd son emploi et, un malheur ne venant jamais seul, la grève paralyse l'entreprise de Christophe. Commence alors une autre histoire, une histoire dans laquelle Christophe et Aline vont se débattre contre le malheur qui les accable et se lancer dans une lutte dont on aimerait bien qu'ils sortent vainqueurs.....

L'auteur a connu, par ses parents, le monde ouvrier, il sait de quoi il parle quant au contenu, aux descriptions, à l'analyse des peurs, de la colère , de la désespérance. On "plonge, on se débat, on appelle au secours, on se noie , avec ces deux personnages émouvants de dignité.

Et dire que nous connaissons TOUS des gens qui se trouvent dans cette situation désespérée alors que leur seul souhait est de vivre décemment.

Je regrette un peu l'épisode dans lequel on voit évoluer "Bonux and Tide"( je vous laisse découvrir ) un peu "tiré par les cheveux"si je puis m'exprimer ainsi.

J'ai été atterré par certaines méthodes d'embauches et la brutalité des démarchage à domicile...

Ce roman social est sans concession , hélas.. Sans concession car je crois qu'il décrit avec justesse la vie désespérante du monde ouvrier. C'est un livre dur qui devrait nous interpeller sur le monde qui est le nôtre aujourd'hui. Pas vraiment beau, tout ça, pas très encourageant non plus. Et nous sommes au XXIème siècle ,ce livre n'a pas été écrit par Zola,et pourtant...

Il ne faut pas faire l'impasse sur ce livre, pas fermer les yeux, respecter le courage de l'auteur, ne pas baisser les bras...







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Le paradoxe d'Anderson

Voilà un livre qu'il faut lire pour tenter de comprendre tous les drames qui se produisent un peu partout en France depuis tant d'années avec ces délocalisations, ces fermetures d'usines qui marchaient bien, dont les carnets de commandes étaient fournis, entreprises souvent vendues à l'étranger et dont la fermeture cause d'impressionnants dégâts humains.

Gérard Mordillat a déjà bien montré le mécanisme de tels massacres, notamment dans Rouge dans la brume, François Bégaudeau l'a fait aussi récemment dans En guerre et, portant le même titre, le film de Stéphane Brizé avec un Vincent Lindon impressionnant, ont tenté d'éveiller nos consciences, comme d'autres que j'oublie sûrement.

Pascal Manoukian ajoute sa pierre à l'édifice, à sa manière avec le paradoxe d'Anderson, ce paradoxe mis en valeur par un économiste américain qui a démontré que des enfants ayant un diplôme supérieur à ceux de leurs parents, n'atteignent pas forcément une position sociale plus élevée. D'ailleurs, Léa, la fille d'Aline et Christophe, travaille cette notion pour préparer le bac ES.

Tout va bien pour cette petite famille même si Mathis, le petit frère de Léa, inquiète avec une maladie difficile à soigner. Aline est ouvrière tricoteuse devenue responsable d'équipe chez Wooly, et Christophe réussit bien dans l'usine Univerre où les fours tournent à plein pour produire beaucoup de bouteilles.

Un jeu radiophonique célèbre intervient, Jeu des 1 000 francs, en 1973, à l'époque du grand-père de Léa, Léon, surnommé Staline pour ses opinions politiques tranchées. Lui succèdera le Jeu des 1 000 euros pour la scène finale extraordinaire.

Coup sur coup, Aline et Christophe se retrouvent au chômage, se battent avec leurs collègues de misère mais je n'en dis pas plus pour laisser au lecteur la découverte de l'engrenage infernal avec coups de théâtre et scènes magnifiques. Pascal Manoukian que je découvre avec ce roman, se révèle un auteur qui sait parler de notre époque, annonçant finalement toutes ces semaines de luttes et de manifestations que nous connaissons.


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Le paradoxe d'Anderson

Une belle claque , qui a le mérite de rendre palpable la détresse humaine qui se cache derrière les trop banals sujets d’actualités que sont les licenciements, délocalisations et mise au chômage d‘équipes à qui l’adversité permet de croire pour un instant au pouvoir d’une fragile solidarité.



Et on les apprécie immédiatement, ces deux parents qui travaillent chacun dans l’une des deux entreprises locales, qui d’historiques et familiales sont devenues des pions sur l’échiquier de l’économie globale. Ils sont attendrissants dans leurs illusions de toujours croire en un avenir meilleur, et de se persuader que le pire est derrière eux. Alors on commence par de petits mensonges, par omission puis par auto-persuasion, pour mettre à l’abri les enfants et leur permettre de rester dans les clous de la société de consommation.



Malgré tout les efforts , les renoncements , qui atteignent plus que la résignation de laisser tomber des désirs futiles, et blessent l’amour-propre tout en activant un sentiment d’injustice. C’est alors que les passages à l’acte deviennent inéluctables.



Le récit met bien en évidence elle cynisme et l’absence de compassion qui animent les responsables de telles absurdités. Même si le ton n’est pas misérabiliste , et que l’humour allège le propos, c’est tout de même noir très noir et désespérant. Car ils ne manquent pas d’air , les prisonniers du système qui terminent leurs missives signifiant le licenciement d’un « cordialement »,



«  Tu parles! Va dire ça aux enfants… »Le patron de maman l’a renvoyée du fond du coeur ». « Il nous abandonne chaleureusement » « Toute l’équipe de direction, vous met dans la merde en toute amitié »



Quelle issue à ses situations tragiques, où le surendettement accentue la condition de proie?

La fin est bouleversante et tellement probable.



Réflexion humaniste sur les aberrations de notre système, version moderne du roman naturaliste, c’est une belle réussite.
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Les échoués

Un roman qui laisse sans voix. Et pourtant, il va falloir trouver les mots pour dire à quel point il est important de le lire. Pour remercier l'auteur aussi de ce texte fort qui transporte son lecteur bien au-delà de l'émotion. Pour lui offrir toute l'exposition qu'il mérite. Parce que ce genre de livre, on le voudrait entre toutes les mains, on le voudrait au programme de toutes les écoles, on le voudrait disséqué et discuté sur tous les plateaux de télévision.



Ses années de journalisme de terrain souvent dans des zones de conflits irriguent la plume de Pascal Manoukian d'où jaillissent des images sans fard. Une réalité à l'état brut, pour camper le décor et faire connaissance avec les trois héros de ce roman. Dans le contexte actuel où "le drame des migrants" est le sujet favori des médias et des comptoirs, l'auteur choisit de raconter l'histoire de trois clandestins arrivés en France en 1992, bien avant les vagues qui suscitent désormais autant de craintes que de haines. Aucun d'entre eux n'a eu le choix. Ni Virgil, le moldave au pays broyé par des années de dictature communiste. Ni Assan le somalien, déterminé à sauver sa fille, le seul membre de sa famille rescapée d'une sauvage guerre civile. Ni Chanchal, le bangladais réduit à la misère comme tous les paysans ruinés par les catastrophes climatiques et obligés de s'entasser dans les usines textiles de la capitale. Tous ont voyagé dans des conditions effroyables, endettés jusqu'au cou, simplement animés d'un instinct de survie qui leur a fait tout supporter. Les passeurs, les caches où l'on peut à peine bouger, la peur d'être arrêté ou tout simplement tué par un chauffeur peu scrupuleux, les violences. Pour enfin arriver en France sans pour autant voir la lumière.



"Il avait mis du temps avant de trouver un peu de chaos dans cette forêt dessinée pour les rois. C'est en suivant un chevreuil qu'il avait découvert l'endroit. Les animaux et les clandestins ont des besoins communs : vivre cachés au milieu des vivants, à proximité d'une source d'eau et de deux lignes de fuite".



Clandestin, cela équivaut à ne pas exister. On n'est rien, on est vulnérable, exposé à toutes les violences et malversations. On est hors-la-loi, sans aucune protection. Porte ouverte aux mafias, aux exploiteurs, aux patrons véreux, aux salauds en tout genre. Les routes de Virgil, Chanchal et Assan se croisent sur un chantier de Villeneuve-le-roi et ces hommes qui n'ont que la misère en commun vont s'entraider pour tenter de remonter à la surface et exaucer les vœux qu'ils ont formé en venant ici au péril de leur vie - faire venir sa famille, envoyer de quoi nourrir la sienne, offrir à sa fille une vie meilleure.



Comment ne pas s'attacher à Virgil, le costaud, tellement remonté contre le communisme qu'il envoie paître le délégué CGT qui tente de les aider ? Comment ne pas être touché par la détresse d'Assan, qui ne comprend plus l'islam dans lequel on veut l'enfermer, si différent de celui que son père lui a transmis ? Comment ne pas être ému par le courage de Chanchal sur les épaules duquel reposent tous les espoirs d'une famille ? Pascal Manoukian dresse des portraits teintés d'un réalisme dramatique et porte ses personnages à bout de bras comme s'il voulait les faire émerger du marécage d'horreurs dans lequel tout les renvoie.



Un roman peut-il changer le monde ? Peut-il faire réfléchir ceux qui ne parlent que de "trier les migrants" ? Peut-il ouvrir les yeux sur le vaste marché de l'exploitation de ces clandestins dont personne ne veut sauf pour exercer les travaux les plus immondes et faire gagner encore plus d'argent à ceux que l'on peut qualifier de négriers modernes ?



Difficile d'être optimiste. D'ailleurs, l'auteur ne l'est pas vraiment. Le combat est si déséquilibré qu'il broie les bonnes volontés et décourage les bonnes actions. Pourtant, ce sont des histoires d'hommes et de femmes. Pascal Manoukian leur offre une voix, un coup de projecteur, une reconnaissance.



Ce livre est une grosse claque, un énorme coup de poing dans l'estomac. Moi, j'ai juste envie qu'il bouscule un maximum de monde. Alors, s'il vous plaît, lisez-le !
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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Les échoués

♥ Parcours poignants de quatre migrants au tout début des années 90 : Virgil le Moldave orthodoxe, Chanchal le Bangladais hindou, Assan le Somalien ex-musulman, et sa fille Iman.

Ils sont arrivés en France, enfin ! A Paris !

Dire qu'ils sont sains et saufs serait exagéré, la survie reste une lutte de chaque instant, et ils en ont bavé pour en arriver là. Ils ont fui des conditions difficiles, ont laissé des morts derrière eux, ont été exposés à de nombreux risques au cours du trajet. Ça laisse des traces.

Et c'est pas fini ! Clandestins, ils doivent se cacher dans les bois, comme des bêtes, ou dans des squats, avec d'autres sans-papiers, et trouver des petits boulots. La menace d'être renvoyé à la case départ est réelle.



J'ai longtemps eu l'impression de lire un roman post-apocalyptique où ces exilés sont les rares survivants de l'espèce humaine, où les prédateurs sont aussi bien les 'blancs français de souche' cramponnés à leur confort, que d'autres immigrés plus anciens qui ont appris à bouffer les nouveaux pour ne pas se faire écraser.

Ce sentiment teinté de honte s'estompe un peu lorsque quelques mains se tendent. Le récit reste néanmoins triste à hurler du début à la fin. Et le plus révoltant est de savoir que la situation n'a fait que s'aggraver depuis vingt-cinq ans : davantage de guerres à fuir, montée de l'islamisme... tandis que parallèlement, l'hostilité de l'Occident, "terre d'accueil", se renforce, au moins dans des discours de politiciens français qui présentent l'équation simpliste (et erronée) du 'nettoyage' à faire pour redonner du boulot aux 2,8 millions de chômeurs...



* * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * *



A méditer :

► Quelques messages/slogans de la Cimade (Comité inter mouvements auprès des évacués) :

- Il n'y a pas d'étrangers sur cette terre.

- La liberté n'a pas de frontières.

- Réinventons l'hospitalité.

► Cette phrase de Maxime Leforestier : 'Etre né quelque part, pour celui qui est né, c'est toujours un hasard'. ♪♫ [alors vraiment, y a pas de quoi se glorifier d'être 'français de souche', et aucune légitimité à se barricader]

► Ces paroles de JL Aubert (Les plages) : 'Sur toutes les plages du monde, sur toutes les plages y a des mômes, qui font signes aux bateaux (...) Et si pour toi, là bas c'est l'paradis, dis-toi qu'dans leur p'tite tête l'paradis, c'est ici ...' ♪♫

► Et puis celles-ci de Soan, qui nous remettent à nos petites places, yo mon frère, yo ma soeur : 'Quelles que soient tes racines, tu proviens d'une graine...' ♪♫ (ou deux graines, mais on va pas chipoter)...



Voir le film 'Welcome' (Philippe Lioret), lire 'Eux, c'est nous' (collectif), et ce petit guide : http://www.lacimade.org/publication/petit-guide-lutter-contre-les-prejuges-sur-les-migrants/

etc.
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Le paradoxe d'Anderson

Une petite ville de l'Oise, aujourd'hui.

Les représentants d'extrême droite sourient sur les murs en promettant une France meilleure : sans étrangers, sans délocalisations et sans chômage. 60% des votants veulent y croire.

Léa prépare son bac (série Economique et Social). Elle est douée et ambitieuse, elle pourrait aller loin…

Pendant ce temps, dans ces Hauts-de-France, maman et papa sont 'en bas' ♪♫ triment de leurs quatre bras ♪♫ – Aline ouvrière dans le textile, lui dans le verre…



En 1961, le sociologue Anderson a formulé ce paradoxe : l'acquisition par un étudiant d'un diplôme supérieur à celui de ses parents ne lui assure pas nécessairement une position sociale plus élevée.

Ce principe se vérifie, il suffit de regarder autour de soi.

Et de voir tous ces jeunes sur-qualifiés par rapport à l'emploi qu'ils occupent.

La crise économique et le chômage n'arrangent pas les choses.

Pour Aline, qui espère que sa fille sera bachelière (la première de la famille), le handicap des enfants d'ouvriers se résume à cette image : « On leur fait prendre le départ d'un cent mètres avec un sac à dos. »



Voilà pour le paradoxe d'Anderson, si bien illustré par Pascal Manoukian dans ce roman.



Mon paradoxe du jour : j'ai dévoré ce livre, je ne m'y suis pas ennuyée une seconde, j'ai relevé plein de passages qui m'ont touchée. Et pourtant cette lecture m'a agacée, et même de plus en plus.



J'adhère totalement aux idées de l'auteur, à sa vision de la société, des dérives du capitalisme - exploitation, inégalités, précarisation, chômage, frénésie consumériste, malbouffe... Et foutage de gu3ule des politiques de tous bords.

Les situations décrites ici par Manoukian sont criantes de vérité(s), ses observations et analyses très pertinentes – et pourtant…



Aussi intéressant, sordide et révoltant que du Zola, que 'Les Misérables' de Hugo, c'est plus facile à lire.

Mais l'intrigue a beau être crédible (on a même vu pire IRL), trop c'est trop et ça me semble truffé d'invraisemblances...



De cet auteur, j'ai préféré 'Les Echoués' : parcours de trois hommes qui ont espéré des jours meilleurs en s'exilant en France.



Sur les sites industriels économiquement sinistrés du Nord et de l'Est, on peut aussi lire des romans de Pascal Dessaint, Sorj Chalandon, Gérard Mordillat… pour se faire pleurer à s’en arracher la gorge.



• Merci à Babelio et aux éditions du Seuil.
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Ce que tient ta main droite t'appartient

Les faits se déroulent à Paris dans un passé très proche.

- Karim, jeune musulman s'est détourné de la mosquée car il est rebuté par les discours des extrémistes salafistes. Il vit avec Charlotte, d'éducation chrétienne. Elle est enceinte et décide d'aller fêter l'heureux évènement avec deux copines dans le 11ème arrondissement, à la terrasse du "Zébu blanc".

Karim la rejoindra après avoir informé l'imam de sa mosquée de sa décision d'élever son enfant en dehors de la religion.

- Chanchal est un émigré bangladais. Il vit en France avec sa femme Iman. Il vend des roses aux terrasses des cafés et se croit en sécurité à Paris.

Son destin va rejoindre celui des victimes.

- Aurélien a grandi dans la même école que Karim. Son parcours scolaire s'est déroulé sans problème. Il vit dans une cité à Aubervilliers. Son père est mort mais sa mère est bien présente. Il tourne mal et vend de la drogue puis se fait happer ensuite par les extrémistes de Daech. Il part en Syrie, puis revient avec des intentions de tuer de façon barbare. Ce soir-là, il se prépare à rejoindre la terrasse où Charlotte fait la fête avec ses amies, où Chanchal va passer vendre ses roses. Il est accompagné de l'assistant de l'imam de la mosquée de Karim. On se doute qu'il ne vient pas boire un verre.

C'est le drame. sanglant. de nombreuses personnes perdent la vie dont Charlotte.

Karim arrive après la tuerie, il ne sera plus jamais le même. Il va remonter jusqu'à la source du mal en s'infiltrant parmi les monstres.

Pascal Manoukian a fait un remarquable travail de radioscopie du terrorisme , du recrutement parmi les jeunes et de leur adhésion.

En attendant, la lecture est percutante. J'ignorais que j'allais avoir affaire à un livre aussi fort. L'auteur est journaliste et pourtant le style est loin d'être technique. Il emploie des images comme la paille symbolisée par Karim pour évoquer l'imam et les recruteurs qui gobent littéralement les pensées personnelles.

Une seule scène me paraît être en-dehors de la réalité. A l'enterrement de Charlotte, le prêtre accuse Dieu de lâcheté. Jamais vu, jamais entendu!

Il faut avancer plus loin dans le livre pour comprendre le vrai sens du titre qui est une citation du Coran.

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Le cercle des hommes

Qui sont les Yacou ? Inutile de lancer votre moteur de recherche pour vous faire une idée plus précise sur la question. Ils n'existent que dans l'imagination de Pascal Manoukian, qui en fait les principaux protagonistes de son roman : Le cercle des Hommes. Mais ils ont très probablement, au fin fond de l'Amazonie, à l'endroit où la boucle d'un fleuve forme un cercle presque parfait, des cousins germains qui leur ressemblent comme deux gouttes d'eau... Et vivre à leurs côtés tout au long du roman a été pour moi un vrai bonheur de lectrice, grâce à la magie langagière de l'auteur, son imagination et son humour.

Imaginez un petit groupe d'hommes et de femmes invisibles à tout regard humain survolant la canopée, où chaque enfant qui naît a un double animal qui partage avec lui les tétées, où chaque jour, la chasse et la pêche qui assurent la suivie du clan, ne se conçoivent pas sans un dialogue préalable avec l'esprit de l'animal qui va être tué. Car chez les Yacou, le mot "homme" se décline de trois façons : "les hommes pieds", "les hommes sans mots" (les animaux), "les hommes enracinés" (les plantes).

On ne peut donc imaginer choc culturel plus total que celui qui va se produire le jour où, dans ce petit Eden, va tomber du ciel, au sens propre du terme, puisqu'il s'agit d'un accident d'avion, Gabriel, fraîchement nommé à la tête d'un des plus importants consortiums miniers d'Amazonie.

La découverte de Gabriel par les Yacou est pour moi un des meilleurs moments du roman, car grâce au comique de décalage dont l'auteur va user très subtilement, notre fameuse supériorité d'homme blanc en prend un sacré coup ! Ces Yacou qui possèdent cinquante-sept mots pour désigner la couleur verte mais pas un seul pour le profit, vont considérer avec beaucoup de circonspection, ce qui vient de leur tomber du ciel.

Il faut dire que Gabriel, notre fringant héros, n'est plus qu'un amas de chairs sanguinolentes qui vont d'abord faire douter de son humanité et ils ne vont pas hésiter à le nommer "la Chose qui pue". Puis il accèdera au rang de "l'homme cochon" après un long séjour en compagnie des cochons sauvages capturés par les femmes du clan, chargées de la chasse. Enfin il deviendra "un demi Yacou", comme il le dit lui-même, le jour où il sera capable de prouver sa virilité en faisant un enfant à une jeune femme du clan, Reflet. L'odyssée de cet affairiste est vraiment jouissive et rocambolesque, car avant de devenir le "Moïse" qui sauvera le clan d'une façon que je me garderai bien de dévoiler, il va passer par tous les stades d'une initiation où vont se mêler le merveilleux et l'horrifique, sous la guidance d'un chaman, tour à tour "Homme-Tigre", "Homme-Jaguar" ou "Homme-Cendre", selon l'apparence qu'il revêt. Ce qui va donner lieu à de merveilleux passages oniriques ou cauchemardesques, où Gabriel va plonger dans le monde aquatique et devenir un dauphin rose pour revenir survoler l'espace et assister, impuissant au spectacle d'une humanité qui pille, détruit la planète et la souille de ses déchets de toutes sortes.

La force de ce roman est pour moi de poser le problème de l'urgence climatique et de la biodiversité d'une autre façon. Je suis entrée de plain-pied dans l'univers des Yacou grâce aux légendes, à tous ces passages qui nous font passer du réalisme le plus cru, à un réalisme magique où les Caterpillar qui quadrillent la forêt amazonienne et la dévastent, deviennent les "boas jaunes" qui "font pleurer les arbres".

Ce roman m'a marquée par sa force de dénonciation mais aussi par sa poésie et sa grande empathie pour ces Yacou "qui rient des fesses" et " applaudissent des cuisses". Je les ai quittés avec regret...
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Ce que tient ta main droite t'appartient

A travers les destins de Karim, Aurélien, Lila, Adam et de quelques autres plus ou moins anonymes, l'auteur dresse un tableau très sombre de l'Etat Islamique, de leurs têtes pensantes/dirigeantes à leurs exécutants. Approche et recrutement par internet, départ de jeunes volontaires ultra-motivés, combats en Syrie, implication de petits enfants (qui doivent s'entraîner à tuer en éventrant des peluches, en égorgeant des volailles...), embrigadement d'adolescentes, au 'mieux' pour être soldates, au pire pour servir de putes à qui-n'en-veut.



Pascal Manoukian n'épargne pas grand chose à son lecteur. J'avais pu le constater dans son excellent premier roman 'Les échoués', consacré au parcours de quelques migrants arrivés clandestinement en France au début des années 90.



Ce dernier ouvrage est très instructif, certes, et il montre bien le pouvoir des images et des baratins de propagande véhiculés via le net, mais cette vision apocalyptique m'a dérangée, même si elle correspond à la réalité - je n'en doute pas.

Le portrait de cette organisation terroriste est tellement terrifiant qu'il risque de rendre parano le lecteur occidental 'non averti'. L'auteur a beau souligner à quel point les jeunes recrues de l'EI sont les premières victimes, on peut craindre que certains confondent ses véritables intentions avec un discours prônant un repli franchouillo-nationaliste, un appel à une méfiance accrue à l'égard de l'islam et des étrangers (du genre 'attention, les terroristes sont partout !').



J'ai préféré les approches plus nuancées d'Ingrid Desjours dans 'Les fauves', et de Thierry Jonquet dans 'Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte'.
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Le paradoxe d'Anderson

Un roman social qui parle des ouvriers, du déclassement social et des fractures sociales qui s'étendent...partout ! Une chronique sociale dans l'air du temps, me direz-vous ...

mais ce roman a une résonance plus large lorsqu'on prend connaissance des 1ères lignes dédicatoires de l'écrivain, en exergue:



" A mon père, ouvrier gaulliste,

à ses années chez Renault.



A ma mère, ouvrière à 13 ans.



Aux communistes,

qui m'ont fait découvrir les vacances. "



Cette dédicace nous exprime à quel point l'auteur est bien immergé et familier de son sujet...issu lui-même du monde ouvrier...ayant construit ses valeurs, et les fondements de sa vie sur le monde ouvrier où les êtres les plus chers de son milieu familial.., ses parents , ont évolué toute leur existence...



Je connaissais de nom , le photographe, le journaliste et le réalisateur...mais

jusqu'à ce jour, je n'avais jamais eu l'occasion de lire ses écrits...

Lacune à demi réparée et j'en suis très heureuse, car j'ai apprécié grandement la sensibilité et l'oeil acéré de l'auteur sur notre monde, en bouleversement complet et faillites humaines diverses !!..



Je débute cette fiche de lecture en donnant la signification du titre choisi,

qui à lui seul, suggère les thématiques abordées...:



"Le paradoxe d'Anderson est un paradoxe empirique selon lequel l'acquisition par un étudiant d'un diplôme supérieur à celui de son père ne lui assure pas, nécessairement, une position sociale plus élevée."



Dans le Nord de l'Oise... les paysans ont été remplacés par les ouvriers...

Nous sommes dans une famille unie, où les parents, Christophe et Aline, la quarantaine,(issu tous les deux du milieu paysan) travaille chacun dans une usine: le père dans une manufacture de bouteilles,la mère, dans le textile...





Deux enfants, Mathis, le cadet, qui a besoin de toutes les vigilances, ayant une sorte de maladie orpheline, Léa, qui prépare un bac "économique et social"...les parents travaillent beaucoup... sont très soudés et veulent le mieux pour leurs enfants...



Et puis deux cataclysmes surviennent quasiment simultanément: les deux usines de la région licencient...et c'est le drame absolu de ces travailleurs qui ont donné des années au monde de l'usine, contre des salaires minimum...en bataillant en permanence avec les crédits...



Dans leurs luttes, ces parents ont régulièrement à l'esprit un grand-père

modèle de rebellion et de courage, surnommé "Staline", qui se battait

envers et contre tout, contre les injustices immenses faites déjà aux

plus modestes !!...



Christophe et Aline déploient des trésors d'imagination pour protéger leurs

enfants , surtout Léa, qui révise son bac , se trouvant au seuil de sa vie

d'adulte et professionnelle.... Aline l'aide , trouve la pilule amère, en

parcourant les cours d'économie de sa fille... entre les mots et la réalité

sur le terrain, il y a un monde.... impitoyable, entre le travail des ouvriers,

de moins en moins considéré [ et le travail manuel, tout court]...



Les profits qui vont aux mêmes,le capitalisme triomphant qui broie désormais sans vergogne "les classes laborieuses" !!...Les inégalités sociales qui se démultiplient, et se propagent comme une véritable épidémie !!!



les délocalisations, la mondialisation, la course au profit...la crise économique où le travail n'est plus acquis, même en se qualifiant, en poursuivant des études...



Depuis des années , déjà, une période charnière où les anciennes valeurs basculent... et où le monde nouveau émergeant reste précaire, anxiogène...où "Plus rien n'est acquis. Plus rien ne protège. Pas même les diplômes"...



On s'attache à cette famille vaillante, combattive, qui se transforme en pieds- Nickelés... pour tenter de rééquilibrer les inégalités criantes...tenter

d'agir...pour ne pas subir les événements...ni baisser les bras. Mais la

machine capitaliste est sans états-d'âme... Je n'en dirai pas plus!!!...



J'ai choisi de transcrire quatre extraits parmi les plus significatifs de ce roman social, éminemment bouleversant...aussi plein d'acuité que d'empathie de l'auteur pour ses "anti-héros"...qui ne veulent surtout pas baisser les bras...



"Depuis, comme un cyclone, le chômage a déforesté sa vie, plus un de ses arbres ne tient debout, on dirait les montagnes pelées d'Haïti, rien pour arrêter l'érosion, personne, un Sahel affectif." (p. 222)



---------------------------------------------------

"Elle se demande ce que vont devenir tous ceux qui travaillent avec leurs mains. Où vont disparaître leurs gestes, dans quels musées ? Les terrils et les mines sont déjà classés au Patrimoine de l'Unesco. Quel avenir pour toutes ces usines mortes ? Des cars scolaires y emmèneront peut-être les enfants pour observer des des ouvriers faisant semblant de travailler en tournant en rond autour des machines débranchées comme les singes des zoos font semblant de vivre libres." (p. 222)



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"Aline vient de comprendre la mondialisation : c'est lorsque son travail disparaît dans un pays dont on ne connaît rien. Il n'y a pas mieux aujourd'hui pour enseigner la géographie aux enfants que de leur apprendre où sont passées les usines de leurs parents, se dit-elle." (p. 52)

-------------------------------------------------------------------------------------------

"Il ne s'agissait pas de faire le casse du siècle, mais, plus modestement, de riposter symboliquement à un manque d'équilibre dans la répartition des richesses. c'était essentiellement ce qu'elle avait retenu de ses révisions avec Léa. le capitalisme avait été une formidable machine à produire du bonheur pendant deux générations, inventant entre autres merveilles (...) les contrats à durée indéterminée, la Sécurité sociale, les congés payés ou l'assurance-chômage (...) Bref, à vouloir mondialiser l'économie pour continuer à accumuler des profits, le capitalisme tel qu'il nous avait rendus heureux s'était euthanasié, sans laisser de testament à la génération censée l'enterrer. "(p. 245)



Une très émouvante lecture... qui laisse inexorablement des masses de points d'interrogation sur l'avenir des enfants de Christophe et d'Aline...parents aimants et combattifs, mais dont l'impuissance grandit.. le système économique les pressurant, les maltraitant avec une

violence glacialement bureaucratique...En dépit du désespoir grandissant des personnages, on ne peut être qu'admiratif devant leur courage, leur ténacité "à rester debout", à redoubler d'efforts pour trouver un moyen de s'en sortir , et de ne pas subir leur sort !



Je vais regarder rapidement et attentivement les thèmes des autres ouvrages de Pascal Manoukian, me précipiterai dans un premier temps à ma médiathèque pour emprunter, si ils les possèdent, " Les Echoués" et " le Diable au creux de la main"...

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Le paradoxe d'Anderson

Pascal Manoukian, ex-reporter, sort sa loupe et son crayon, et nous décrit ce qui se passe derrière les "plans sociaux" (puisqu'on ne dit plus "licenciements") annoncés par la presse.

Sur 10 mois et autant de chapitres, il raconte le déclassement d'une gentille famille de la classe moyenne. Les parents occupent des postes de contremaitres à l'usine, leur fille va passer le bac, leur fils se prend pour Tarzan, et tous mènent une vie modeste mais heureuse dans une jolie maison d'un tranquille village de l'Oise. Rien d'extraordinaire, mais c'est déjà trop prétentieux et ringard pour une start-up nation comme la nôtre : les usines qui emploient les parents ferment l'une après l'autre, et à charge pour eux de rebondir, à 40 ans passés, sans diplômes et avec tous leurs crédits en cours, dans une région désindustrialisée ; bah, comme dirait l'autre, il suffit de "traverser la rue" pour retrouver du travail.

De façon un peu plus réaliste, Manoukian raconte comment on gère une situation aussi pourrie -ou plutôt, comment on ne peut pas la gérer, et comment on s'enfonce dans le mensonge pour épargner ses enfants, comment on sacrifie tout ce qu'on a aimé pour se chauffer et manger, comment on apprend à arnaquer des plus pauvres que soi pour gagner quelques euros, comment on jette ses rêves par-dessus bord pour rester à flot. Comment on se révolte, aussi. Mais surtout, Manoukian raconte la France de ce début du XXIe siècle, ravagée par le néolibéralisme et rongée par le RN, résignée sous le joug de l'obsolescence des compétences (sur les 25 dernières années, la durée de vie d'une compétence professionnelle est passée de 30 à 2 ans, et cette durée se réduit encore).

C'est donc un roman social qui fait mal à lire, qui frappe en plein plexus et qui pourtant raconte une histoire devenue tellement banale que je m'étonne de m'en émouvoir encore (au moins, cela me rassure sur mon humanité). Je pense que chacun peut s'y retrouver, ou y retrouver une personne de sa connaissance, et en cela ce livre apporte une espèce de réconfort en forme d'hommage à la classe ouvrière. Mais la teneur est désespérément sombre et lucide, on n'en sort pas indemne.

A lire, pour mieux comprendre ce qui arrive à notre pays. Prévoir ensuite une p'tite vodka pour s'en remettre.
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Ce que tient ta main droite t'appartient

Mais quel deuxième roman !!! Pascal Manoukian vous êtes un auteur, un vrai... Vous avez ce don, ce petit supplément d'âme qui font de vos mots une magie... Et pourtant le sujet de votre livre n'en est pas une... Bien au contraire...



Paris, à la terrasse d'un café, alors qu'elle fête avec ses amies sa toute nouvelle grossesse, Charlotte meurt sous la bombe d'un terroriste. Et avec elle, c'est tout l'univers de Karim, son conjoint, qui s'effrite. Il doit trouver un sens à tout ça, des réponses à ses questions et surtout un coupable. Il part alors pour la Syrie avec la ferme intention de tuer celui qui lui a tout pris...



Dès les premières pages, on sait que ce roman ne nous laissera pas indemne. Sans aucun jugement, Pascal Manoukian décrit avec précision l'embrigadement, la propagande et la perte de repères de tous ces hommes et ces femmes qui partent pour un meilleur Islam. Mais Karim est celui qui sauve cette religion de partage et de paix. Il est la figure qui nous raccroche à l'espoir de voir un jour l'intelligence revenir. Il est la force de croire en ce Dieu qui n'a jamais prôné la guerre et les tueries...



Ce livre est essentiel... Il ne cache en rien la réalité, il n'apporte aucune solution, mais il a le mérite de nous faire réfléchir, de nous faire ouvrir les yeux, sans baisser la tête...
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Le cercle des hommes

Seul dans la jungle amazonienne



Avec son nouveau roman Pascal Manoukian nous offre bien plus qu’une fable écologiste. En suivant les pas d’un chef d’entreprise dont l’avion s’écrase au cœur de la forêt amazonienne, il touche à l’essentiel, à la raison de notre présence sur cette terre.



Que ce soit au cinéma, à la télévision ou en littérature, la recette a déjà été souvent utilisée avec succès: la rencontre de deux mondes qui à priori n’ont rien de commun. Si la variante que nous propose ici Pascal Manoukian est également très réussie, c’est que derrière le roman d’aventure se cache une profonde réflexion sur l’écologie au sens large, allant puiser jusqu’aux questions fondamentales, sur le sens même de notre vie sur terre.

Dans la forêt amazonienne vivent encore quelques poignées d’êtres humains totalement isolés de la civilisation. Appelons-les les Yacou. Ils sont à la fois extrêmement forts pour avoir survécu à des conditions extrêmes et très fragiles, car leur territoire est à la merci des «exploiteurs» qui rongent jour après jour la forêt amazonienne pour ses ressources naturelles, son bois, son or ou qui défrichent pour implanter des cultures extensives et rentables à court terme, faisant fi de la biodiversité et des équilibres naturels. Tout l’inverse des Yacou qui, au fil des ans, ont appris à composer avec la nature et à la respecter. Le secret de la longévité de la tribu tient du reste dans ce respect de tous les instants pour leur environnement naturel: «ils veillaient perpétuellement sur son inventaire, remettaient chaque feuille déplacée à sa place, dispersaient la cendre des feux et les restes des repas.» Une discrétion aussi rendue possible par les règles de la communauté qui n’autorisent que des groupes de huit personnes au maximum, hommes, femmes et enfants compris. Ils ont eu l’intelligence de s’adapter au milieu plutôt que de vouloir le détruire. S’ils ne se donnent jamais de rendez-vous, ils se retrouvent toujours. Un cri suffit à se signaler. Leur langage est sommaire, mais primordial. Si pour eux l’argent et tout son vocabulaire n’existe pas, ils ont en revanche une quarantaine de mots pour définir la couleur verte, dans toutes ses teintes.

Au-dessus de leurs têtes, Gabriel est aux commandes de son petit avion. À la tête d’une grande entreprise de prospection minière, il vient de célébrer ses fiançailles avec Marie et est en passe de conclure de juteuses affaires. Seulement voilà, un vol d’oiseaux va brusquement le plonger dans le monde des Yacou. Les volatiles se prennent dans les réacteurs, causant la perte de l’appareil. Gabriel échappe à la mort, mais ni aux blessures physiques, ni aux blessures psychiques. Choqué, il ne se souvient de rien lorsqu’il se réveille. Le Yacou qui le découvre est intrigué par cet être qui lui ressemble un peu, mais dont les différences physiques sont telles qu’il se méfie et le jette dans un enclos avec les cochons.

C’est au milieu des animaux qu’il va devoir survivre, se nourrir, guérir. Au bout de quelques jours de souffrance, il va pouvoir se mettre debout indiquant qu’il n’est pas comme les animaux qu’il côtoie et intriguant les Yacou qui décident de lui laisser sa chance. «Il ne faisait plus partie du monde des porcs, mais il ne faisait pas non plus complètement partie de celui des hommes».

Alors que la mémoire et les forces lui reviennent, il lui faut constamment s’adapter et, avec chaque jour qui passe, apprendre et se perfectionner, contraint à franchir les rites de passage mis au point par sa tribu, gardant désormais dans un coin de sa tête l’idée de pouvoir un jour fuir et retrouver les siens.

Pascal Manoukian, le baroudeur, a dû se régaler en imaginant les épreuves auxquelles Gabriel est confronté, en intégrant aussi dans son récit la situation du pays qui a élu Bolsonaro avec ce chiffre terrifiant – qui est malheureusement tout à fait juste – depuis son arrivée au pouvoir, de juillet 2018 à juillet 2019, la déforestation de la forêt amazonienne a atteint 278%!

Sans dévoiler l’épilogue de ce formidable roman, disons que les Yacou vont aussi se rendre compte du danger qui les menace. En filigrane, le lecteur comprendra qu’en fait, lui aussi fait partie de ces Yacou, de ce cercle des hommes. Un roman vertigineux et salutaire !




Lien : https://collectiondelivres.w..
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