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Citations de Patrick Chamoiseau (332)


Patrick Chamoiseau
(...) j'ai fini par me dire que nous avions des continents, des océans, un soleil et une atmosphère, mais que nous sommes désormais plongés dans une chose que l'homme a crée de toutes pièces, qu'il domine, qu'il infecte à sa guise, et qu'il mène à sa perte. Voilà mon sentiment. Et cette chose se répand dans les écrans de télé et les jeux portatifs, les films et les clips, les portables, les radios, les ordinateurs, et c'est elle qui élève nos enfants et qui nous dicte sa loi, sa musique, sa cuisine McDonald's, ses foutus Nike, ses lunettes qui vous font ressembler à une abeille, ses tatouages, ses centres commerciaux et ses supermarchés, ses automobiles et ses valeurs bidons, et tout cela nous emporte, jeunes comme vieux, dans l'inutile, le faux et le dérisoire. Une sorte d'abîme, inspectère, dans lequel nous avons basculé sans nous en apercevoir !
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La sève du feuillage ne s'élucide qu'au secret des racines.
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Patrick Chamoiseau
Il n’y a pas et il n’y aura jamais d’aboutissement global, pas d’aube définitive aux quêtes que nous menons. Je suis optimiste parce que je n’attends pas de Grand Soir ; je guette simplement des intensités du vivre, des épiphanies de la perception, des moments de grâce qu’il faut apprendre à deviner, et surtout à vivre. Fréquenter des utopies sert à cela : vivre au rêve, à l’idéal, à la beauté, tendre vers eux sans pour autant les atteindre… Au bout, il n’y a d’inévitable que les dragons de la vieillesse, de la mort, de la souffrance, et de la disparition. C’est le cheminement vers eux qui détermine la position que nous aurons individuellement face aux derniers dragons. C’est pour tout cela que je me déclare parfois « Guerrier de l’imaginaire ». « Guerrier », cela veut dire : à jamais vigilant et toujours désirant.
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Patrick Chamoiseau
il faut entrer dans une espèce de sincérité, dire ce qu’on aime, dire ce
qu’on craint, vivre ce qu’on a à dire et essayer de se mettre en situation dans ce qu’on a à dire, c’est
ainsi selon moi que l’on frappe des imaginations, pour permettre le rêve et non l’entrée dans l’illusion
dominante.
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"j'avais conscience que ma perte de mémoire avait effacé tout rapport à ma propre personne, mais cette altérité si radicale, qui surgissait dans ce que mon moi-même avait de plus fondamental, m'était très difficile à vivre ; j'habitais un étranger;"
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A force de vivre seul, j'étais devenu d'une sensibilité semblable à un champ de ruines;
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Patrick Chamoiseau
"Porter la liberté est la seule charge qui redresse bien le dos."
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- Bien. Maintenant, Papa, tu vas parler en français pour moi. Je dois marquer ce que tu vas me dire, nous sommes entrés dans une enquête criminelle, donc pas de charabia de nègre noir mais du français mathématique... Comment on t'appelle, han?
- Onho.
- Ca, c'est ton nom des mornes. Je te demande ton nom de la mairie, de la Sécurité sociale...
- Bateau Français, articula Congo comme s'il mâchait un lambi chaud.
- Raconte-moi en français ce qui est arrivé à Solibo là...
- Han pa jan halé fwansé.
- Tu ne sais pas parler français? Tu n'es jamais allé à l'école? Donc tu ne sais même pas si Henri IV a dit "Poule au pot" ou "Viande-cochon-riz-pois rouge"?...
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Patrick Chamoiseau
Frères Migrants
DéCLARATION DES POèTES
© EDITIONS DU SEUIL, 2017 – INSTITUT DE TOUT-MONDE
1 - Les poètes déclarent : Ni orpheline, ni sans effets, aucune douleur n’a de frontières !
2 - Les poètes déclarent que dans l’indéfini de l’univers se tient l’énigme de notre monde, que dans cette énigme se tient le mystère du vivant, que dans ce mystère palpite la poésie des hommes : pas un ne saurait se voir dépossédé de l’autre !
3 - Les poètes déclarent que l’accomplissement mutuel de l’univers, de la planète, du vivant et des hommes ne peut s’envisager que dans une horizontale plénitude du vivant — cette manière d’être au monde par laquelle l’humanité cesse d’être une menace pour elle-même. Et pour ce qui existe…
4 - Les poètes déclarent que par le règne de la puissance actuelle, sous le fer de cette gloire, ont surgi les défis qui menacent notre existence sur cette planète ; que, dès lors, tout ce qu’il existe de sensible de vivant ou d’humain en dessous de notre ciel a le droit, le devoir, de s’en écarter et de concourir d’une manière très humaine, ou d’une autre encore bien plus humaine, à sa disparition.
5 - Les poètes déclarent qu’aller-venir et dévirer de par les rives du monde sont un Droit poétique, c’est-à-dire : une décence qui s’élève de tous les Droits connus visant à protéger le plus précieux de nos humanités ; qu’aller-venir et dévirer sont un hommage offert à ceux vers qui l’on va, à ceux chez qui l’on passe, et que c’est une célébration de l’histoire humaine que d’honorer la terre entière de ses élans et de ses rêves. Chacun peut décider de vivre cette célébration. Chacun peut se voir un jour acculé à la vivre ou bien à la revivre. Et chacun, dans sa force d’agir, sa puissance d’exister, se doit d’en prendre le plus grand soin
.6 - Les poètes déclarent qu’en la matière des migrations individuelles ou collectives, trans-pays, trans-nations et trans-monde, aucune pénalisation ne saurait être infligée à quiconque, et pour quoi que ce soit, et qu’aucun délit de solidarité ne saurait décemment exister.
7 - Les poètes déclarent que le racisme, la xénophobie, l’indifférence à l’Autre qui vient qui passe qui souffre et qui appelle sont des indécences qui dans l’histoire des hommes n’ont ouvert la voie qu’aux exterminations, et donc que ne pas accueillir, même pour de bonnes raisons, celui qui vient qui passe qui souffre et qui appelle est un acte criminel.
8 - Les poètes déclarent qu’une politique de sécurité qui laisse mourir et qui suspend des libertés individuelles au nom de l’Ordre public contrevient au principe de Sûreté que seul peut garantir l’exercice inaliénable indivisible des Droits fondamentaux.
9 - Les poètes déclarent qu’une Constitution nationale ou supranationale qui n’anticiperait pas les procédures d’accueil de ceux qui passent qui viennent et qui appellent, contreviendrait de même manière à la Sûreté de tous.
10 - Les poètes déclarent qu’aucun réfugié, chercheur d’asile, migrant sous une nécessité, éjecté volontaire, aucun déplacé poétique, ne saurait apparaître dans un lieu de ce monde sans qu’il n’ait — non pas un visage mais tous les visages, non pas un coeur tous les coeurs, non pas une âme toutes les âmes. Qu’il incarne dès lors l’Histoire de toutes nos histoires et devient par ce fait même un symbole absolu de l’humaine dignité.
11 - Les poètes déclarent que jamais plus un homme sur cette planète n’aura à fouler une terre étrangère — toute terre lui sera native —, ni ne restera en marge d’une citoyenneté — chaque citoyenneté le touchant de ses grâces —, et que celle-ci, soucieuse de la diversité du monde, ne saurait décider des bagages et outils culturels qu’il lui plaira de choisir.
12 - Les poètes déclarent que, quelles que soient les circonstances, un enfant ne saurait naître en dehors de l’enfance ; que l’enfance est le sel de la terre, le sol de notre sol, le sang de tous les sangs, que l’enfance est donc partout chez elle, comme la respiration du vent, le salubre de l’orage, le fécond de la foudre, prioritaire en tout, plénière d’emblée et citoyenne d’office.
13 - Les poètes déclarent que la Méditerranée entière est désormais le Lieu d’un hommage à ceux qui y sont morts, qu’elle soutient de l’assise de ses rives une arche célébrante, ouverte aux vents et
ouverte aux plus infimes lumières, épelant pour tous les lettres du mot accueil dans toutes les langues, dans tous les chants, et que ce mot constitue uniment l’éthique du vivre-monde.
14 - Les poètes déclarent que les frontières ne signalent qu’une partition de rythmes et de saveurs, qui n’oppose pas mais qui accorde, qui ne sépare que pour relier, qui ne distingue que pour rallier, et que dès lors aucun cerbère, aucun passeur, n’y trouvera à sévir, aucun désir n’y trouvera à souffrir.
15 - Les poètes déclarent que toute Nation est Nation-Relation, souveraine mais solidaire, offerte au soin de tous et responsable de tous sur le tapis de ses frontières.
16 – Frères migrants, qui le monde vivez, qui le vivez bien avant nous, les poètes déclarent en votre nom, que le vouloir commun contre les forces brutes se nourrira des infimes impulsions. Que l’effort est en chacun dans l’ordinaire du quotidien. Que le combat de chacun est le combat de tous. Que le bonheur de tous clignote dans l’effort et la grâce de chacun, jusqu’à nous dessiner un monde où ce qui verse et se déverse par-dessus les frontières se transforme là même, de part et d’autre des murs et de toutes les barrières, en cent fois cent fois cent millions de lucioles ! — une seule pour maintenir l’espoir à la portée de tous, les autres pour garantir l’ampleur de cette beauté contre les forces contraires
Patrick CHAMOISEAU
Paris, Genève, Rio,
Porto Alegre, Cayenne,
La Favorite,
Décembre 2016
© EDITIONS DU SEUIL, 2017 – INSTITUT DE TOUT-MONDE

Cette déclaration est téléchargeable en PDF sur le site INSTITUT DU TOUT-MONDE directement avec ce lien :
http://www.tout-monde.com/downloads/fre300res-migrants-chamoiseau-de301claration.pdf
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On ne quitte pas l'enfance, on la serre au fond de soi. On ne s'en détache pas, on la refoule. Ce n'est pas un processus d'amélioration qui achemine vers l'adulte, mais la lente sédimentation d'une croûte autour d'un état sensible qui posera toujours le principe de ce que l'on est.
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On raconte l'histoire d'une vieille dame à qui ni les rides, ni les souffrances de l'âge, ni même la solitude ou les ingratitudes, n'avaient enlevé le cœur. Il est des gens comme ça : leur chair est bonté, leur regard de tendresse, et leurs mains sont saisons de caresses.
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Porter la liberté est la seule charge qui redresse bien le dos
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Je fus très vite conscient d’un phénomène étrange : mes lectures n’avaient pas épuisé toute ma bibliothèque. Certains livres étaient restés pour moi endormis : je n’avais pas rencontré leur auteur, souvent des créateurs qu’on ne saurait négliger. Une conversation, un article de journal, un bout de phrase qui flotte dans une indication les rappellent à votre bon souvenir comme le ferait un éclat de jasmin. On se précipite dans ses rayonnages, on les trouve, on s’y plonge, et… ce qui ne s’était pas passé avant se produit ! De ce point de vue, les bibliothèques relèvent de la caverne d’Ali Baba, du labyrinthe inépuisable et du grand cimetière. On y entasse par gourmandise, l’entassement creuse des angles morts ; les lectures trop avides qui deviennent des réflexes traversent de longs couloirs inertes ; dès lors, on peut s’y perdre, mal peser des merveilles, aller aux verroteries… Néanmoins, même endormi, même oublié, même resté invisible, un livre important intègre votre univers sensible, il vous nourrit et nourrit les moments de l’Écrire durant lesquels votre être en son entier acquiert une densité d’étoile.
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C'est pourquoi mon désir n'est pas de raconter ni de témoigner, mais de considérer ce qui m'est arrivé afin que cette vie que j'ai su vivre, et dévivre, puisse rester disponible dans le monde, telle une récitation à portée d'un besoin...
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Ninon semblait contente de cette absence d'enfant. Pourtant sans mentir, mon Esternome déployait en savant, la pharmacie du coqueur merveilleux: bois bandé en liqueurs, jus-lonyons pris au miel, bouillie farine-mnioc, pistaches aléliron, coeur ananas-nains, herbes à charpentier...et bien entendu chaque matin il buvait trois oeufs mols battu dans du mabi ancien. Qu'il ait ainsi soigné ses graines (ou sa fertilité) lui permis un cumuil de vies, d'atteindre l'âge des grandes paix.
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Demain, c'est un autre pays...
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L'homme connaît aujourd'hui un faible mélancolique pour les temps de pluies, les vents humides et les nuits advenues en rivière. Peut-être même eut-il été poète s'il n'y avait pas eu autant de mauvais goût dans ces préférences trop évidemment belles.
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« Le point-virgule s’est imposé, je ne sais pas pourquoi, peut-être l’idée du flux de conscience, de l’instabilité mentale, de la saisie qui ne raconte pas. Ce n’est pas le point-virgule de Flaubert. » (p. 239)
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Il connut l'émoi quand le conseil municipal de Fort-de-France se déplaça vers lui en grande pompe, le député-maire en tête. Voyant Aimé Césaire lui-même marcher à sa rencontre, l'embrasser, le déclarer Martiniquais fondamental, Pipi devint ababa. Bégayant, transpirant, il ne comprit plus rien à ce qu'on lui demandait et se révéla incapable d'expliquer ses méthodes. La machinerie du jardin lui fut soudain indéchiffrable. Césaire, patient, questionnait gentiment.
- Mais comment faites-vous pour conserver les tubercules d'ignames aussi longtemps sans qu'ils ne germent ?
- Hein ? Quoi ? Kesse ti di misié limè ? (Que dis-tu ?)
Pipi grommelait. Bafouillait. Tentait de haler un bon coup de français. Rectifiait sa tenue. Se rangeait les cheveux, doigts en éventail. Derrière, Marguerite Jupiter l'achevait à haute voix :
- Eh bien, Pipi, fiche que tu es couillon aujourd'hui, Papa-Césaire ne va pas te manger eh bien tout de même quand même, fout...
Cette visite du conseil municipal fut un fiasco. Les conseillers s'égarèrent dans le jardin miraculeux. Ils butèrent contre les fûts, mirent le pied dans les braises, passèrent au mauvais moment sous des bambous d'arrosage, s'enfoncèrent jusqu'aux genoux et durent chercher la sortie de cette jungle en une reptation pleine d'épouvante. Césaire, qui ne s'était pas trop avancé, regagna rapidement sa voiture officielle après avoir confié à Pipi :
- Cher ami, je défendrai personnellement toute entreprise à grande échelle employant vos méthodes...
Installé derrière son chauffeur, il baissa la vitre arrière et fit un signe à Pipi qui le regardait en agoulou devant un canari :
- Je vous en prie, dites-moi, lui demanda Césaire, ce qui vous a motivé, qui vous a insufflé suffisamment d'énergie pour trouver tout cela ?...
Percevant vaguement le sens de la question, Pipi cette fois oublia ses cheveux, son français, sa tenue, pour souffler rapidement :
- Ebyen misié limè, séti manmay la té fin, danne !...
Phrase que le soir au journal télévisé, après un dossier sur le Loir-et-Cher, le speaker de service traduisit par : Monsieur le Maire, les enfants avaient tellement faim !... C'est pourquoi au marché, durant une charge de temps, tout le monde crut Pipi docteur en langage de France.
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L'écriture s'étant installée chez moi telle une sale manie, j'étais devenu sensible à la question de la langue employée. Ma mère négresse était plutôt de langue créole, c'était son naturel. Mon père s'était construit une "manière de mulâtre à beaux-airs" à grand renfort de langue française; il exhibait la chose en récitant de mémoire appliquée les impressionnantes merveilles d'un signalé monsieur Jean de La Fontaine. J'étais sans doute bien plus à l'écoute émotionnelle de ma mère, car, dans ma tête où s'entrechoquaient les deux langues, le créole s'accrochait au vif et au sensible. (p. 46)
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