Je n’ai rien fait de mal, je suis une personne innocente et irréprochable, un professeur d’histoire d’une honorable université dans une des grandes villes du monde. Pourquoi devrais-je m’inquiéter que les autorités contrôlent mes habitudes, mes communications et transactions financières si je n’ai rien à cacher ? Un étudiant ou une étudiante m’a dit, il n’y a pas si longtemps, que la confidentialité est utile aux criminels, que seul un criminel penserait à demander la confidentialité de ses communications. Je ne suis pas un criminel et je réclame pourtant la confidentialité. Je réclame le droit d’être laissé tranquille d’être oublié, d’être une non-entité
Je te supplie de ne rien mettre de tout cela dans l'un de tes livres. Ce que nous nous sommes dit ne concerne que toi et moi. ça ne concerne pas les autres. Je veux que personne d'autre ne le lise, quelle que soit la manière dont tu essaierais de le déguiser. N'invente pas un personnage qui fasse quoi que ce soit de semblable à ce que j'ai fait à Laura, pas même de loin. Ne consigne pas la confession que je t'ai faite dans des journaux ou des écrits intimes que les gens pourraient lire après ta mort. N'emprunte ni mon histoire ni mes mots. Ce sont mes mots à moi. P 420
On ne peut pas se mettre à écrire le matin sans soupeser l’implication de chaque lettre, parce que l’esprit censeur, grammairien et rigoriste, est à la recherche d’un sens jusque dans l’orthographe et la ponctuation. Et c’est là qu’on sait que le censeur a gagné, parce que, en fin de compte, ce qu’il veut le plus ce n’est pas le contrôle total de l’information, c’est que tous les écrivains s’autocensurent.
Pour un écrivain qui essaie d’écrire dans les conditions de répression et de censure qui existaient dans ce pays sous l’ancien gouvernement, chaque instant, de nuit comme de jour, imposait une forme de brutalité artistique et intellectuelle. Comme pour la femme battue qui choisit de rester avec son mari violent et croit qu’elle ne peut pas lui échapper sans risquer sa vie ou celle de ses enfants. Elle tremble et supplie, pèse chacun de ses mots et de ses actes, anticipant – parce qu’elle connaît intimement son tortionnaire – les répercussions de ses moindres faits et gestes, de sorte qu’elle parle et agit toujours de façon calculée, visant tel ou tel effet, voire l’absence de conséquences.
Un guerrier n’écoutait pas de musique sauf quand il allait au combat, un guerrier entraînait son corps à réduire ses besoins, à manger seulement une fois par jour, deux fois tout au plus. Un guerrier connaissait la psychologie de son ennemi.
Les gens comme vous ne choisiraient jamais d’être censeurs, parce qu’il ne pourrait y avoir travail plus pénible que d’être obligé de lire des écrits – livres, magazines, articles, poèmes – qu’on n’a pas choisis. Et on pourrait également penser que ce serait abominable pour un écrivain – comme vous particulièrement – d’avoir à dénicher des œuvres subversives pour empêcher leur publication.
Nous savons tous à quel point on souffre de la mort inattendue et violente d’un membre de sa famille. Ce n’est pas fondamentalement différent pour la famille de la victime innocente d’un meurtre que pour celle d’un criminel exécuté. C’est de la vivisection. C’est la perte d’un membre. Aucune prothèse ne peut le remplacer. La famille est mutilée.
Rien n'est plus suspect qu'un homme seul marchant dans des rues de banlieue.
Je voudrais crier pour que tout s’arrête, pour que le monde humain se taise, pose sa tête collective sur la table de notre ruine autoproduite et laisse la terre guérir.
L'espoir n'est pas un oiseau, les plumes sont trop fragiles pour l'espoir. L'espoir est un vieil arbre encore capable de lâcher sa graine dans un monde stérile.