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Critiques de Patrick Grainville (178)
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Les yeux de Milos

Ça foisonne, ça pullule, ça déborde… Patrick Grainville que je lis pour la première fois, s'est déchaîné, réalisant une peu ordinaire avalanche littéraire avec Les yeux de Milos.

En fait, si Milos s'exprime beaucoup en étant le porte-parole de l'auteur, c'est la peinture la vedette du roman et avant tout, Pablo Picasso.

Les yeux de Milos sont d'un bleu si profond, si unique que le pauvre garçon est obligé de les cacher derrière des lunettes noires car, en plus, le soleil le fait beaucoup souffrir. Zoé, sa toute première amoureuse, n'a pas eu d'autre idée que de lui jeter une poignée de sable au visage, déclenchant d'atroces douleurs. Suite à cette agression, le garçon doit changer d'école, à Antibes où il habite, et c'est Marine, sa nouvelle petite amoureuse qui entre dans sa vie.

À ce moment précis du récit, je crois être lancé dans une histoire familiale. Mais c'est alors que la peinture et les peintres entrent en scène. L'auteur commence à parler du musée Picasso d'Antibes puis de Nicolas de Staël qui s'est suicidé, dans cette même ville, en se jetant du haut d'une terrasse surplombant la mer, le 16 mars 1955. Il avait 41 ans.

Ces deux grands artistes sont alors les deux stars du roman avec, quand même, un net avantage à celui qui a vu le jour à Málaga, en 1881. Bien sûr, il y a l'abbé Breuil en « vedette anglaise », ce passionné de préhistoire qui inspire beaucoup Milos travaillant au Musée de l'Homme à Paris puis effectuant des recherches ou visitant des lieux préhistoriques mythiques un peu partout dans le monde.

Enfin, l'amour et le sexe sont omniprésents avec des scènes souvent torrides, Patrick Grainville démontrant un talent certain pour exciter son lecteur. Hélas, avec les femmes de la vie de Milos, le drame est toujours imminent après des mois de fol amour.

Imbriquez tout cela avec les femmes de Picasso que je renonce à citer et vous obtenez un récit souvent lassant fait de beaucoup de répétitions, de redites. L'histoire de Milos devient vite accessoire même si l'auteur sait la relancer habilement de temps à autre.

Le tableau de la jaquette – portrait de Marie-Thérèse Walter, 1937, Musée Picasso à Paris – mis à part, j'ai été souvent frustré de ne pas avoir à portée de main le catalogue des oeuvres évoquées, parfois disséquées. Qu'elles soient de Pablo Picasso, de Nicolas de Staël ou d'un autre – beaucoup d'artistes sont cités - les oeuvres d'art déferlent et donnent envie de les voir ou de les revoir.

Au style soyeux, précieux parfois, des première pages, a succédé une écriture percutante, très crue, nommant les organes sexuels par leur nom – vulve arrive largement en tête devant couilles et trou du cul… -, suivant l'oeuvre de celui qui s'éteignit à Mougins en 1973, à 91 ans. de plus, les mises au point politiques ou sociétales de l'auteur sont toujours bien senties.

Si Les yeux de Milos n'est pas une biographie de Picasso, le roman s'en rapproche beaucoup. L'auteur termine d'ailleurs par un rêve extraordinaire conté par Milos. Il retrace un enterrement fantastique du plus grand artiste du XXe siècle, une fresque formidable, pleine de surprises et de scènes surréalistes vraiment réussies.

Avec Les yeux de Milos, Patrick Grainville a réussi un grand roman mais, à mon avis, il a voulu plaquer trop de choses, mettre en scène beaucoup trop de personnages et de lieux divers. C'est à la fois la richesse et le trop-plein du roman. Si, tout ce qu'il apporte dans son récit vise un même but, cela a embrouillé ma lecture, la rendant parfois pénible, ce que je regrette, tant le talent d'écriture de l'auteur est certain. En tout cas, je remercie Babelio et les éditions du Seuil pour cette belle découverte.


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Falaise des fous

La « Terrasse à Sainte Adresse » (1867) qui orne la couverture de la « Falaise des fous », m'évoque mes arrières grands parents. le siège du Havre en 1870 fut la première tragédie de mon grand père, alors nouveau né, qui connut plus tard les affres de la grande guerre. Mes parents sont nés entre les deux guerres mondiales dans le Pays de Caux et j'ai grandi dans le triangle Rouen, Dieppe, Honfleur où Patrick Grainville nous emmène sur la trace des impressionnistes...



Autant dire que ma critique est forcément biaisée par mon attachement à la Normandie et l'éblouissant talent avec laquelle l'auteur évoque les falaises d'Etretat, Fécamp et Varengeville, les plages de Deauville et Trouville, les pluies et les brumes normandes et nous restitue l'animation du Havre et de Rouen à la charnière entre le XIX et le XX siècle. La peinture qu'il brosse est exacte, détaillée et superbe … les galets ne changent guère au fil des millénaires … renouvelés par la falaise qui recule progressivement.



« Jadis, j'ai embarqué sur la mer un jeune homme qui devint éternel.

J'ai du apercevoir Claude Monet aux extrémités de la grève, au pied de la falaise d'Aval. Mais ce n'était pas le premier peintre que je voyais hanter Etretat ».

Ce génial et mémorable incipit ouvre 643 pages qui couvrent les soixante années 1868-1927 et dessinent ce que la Normandie et Etretat ont apporté au monde des arts, dans un univers bouleversé par la technologie, les moyens de transport et l'évolution des mentalités.



L'invasion et la Commune revivent avec Bazille, Courbet et Victor Hugo. L'affaire Dreyfus avec Zola et Péguy. La grande guerre avec Alain Fournier et Apollinaire. La révolution russe et l'ascension de Hitler. Mais aussi le Titanic, les tragédies minières et les grèves ouvrières. Blériot, Nungesser et Coli puis Lindbergh.

Et, dans ce contexte, nous accompagnons Boudin, Degas, Flaubert, Hugo, Maupassant, mais aussi Paul Durand-Ruel et François Depeaux qui les firent connaitre dans l'ancien et le nouveau monde.



Cette fresque est intéressante, instructive, mais parfois laborieuse avec des chapitres non titrés qui s'étirent et se répètent. Cette oeuvre est plus proche des « choses vues » de Victor Hugo que d'un roman … car il n'y pas d'intrigue et le narrateur Charles Guillemet et les femmes qui l'entourent ne sont guère emphatiques.



Mais ce livre est une véritable mine d'or de citations extraites des correspondances ou des articles d'Aragon, Breton, Cendars, Clémenceau, Courbet, Degas, Hugo, Lorrain, Léger, Monet, Poughon, etc. qui montrent les évolutions de leurs pensées, voir leurs contradictions, au fil des mouvements de l'opinion publique dominante…



Regrettons enfin que l'éditeur n'ait pas relu sérieusement ce texte et laissé passer en page 363 une manifestation à « Barre-le-Duc » … de quoi faire sursauter Michel Bernard dont, à mon humble avis, « Les deux remords de Claude Monet » restent la plus merveilleuse évocation du grand artiste.
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Les yeux de Milos

Pensum coquin.

Mes paupières sont lourdes, oscillent et cillent entre hypnose et gros roupillon. C'est beau la mer à travers les yeux d'artistes, la méditerranée attirent autant les peintres que les retraités, mais à la longue, comme dit Benabar, cela doit quand même être un peu chiant d'être une mouette.

Deux semaines pour venir à bout de ce roman de Patrick Grainville. L'impression que ma montre retardait après chaque page. J'avais déjà failli sauter de la « Falaise des fous », son précédent livre. Amères impressions. Et bien la transhumance de l'académicien sur la côte d'azur m'a valu une bonne insolation. Pas de bronzette sur la serviette. Musée le matin, expo le midi et sites archéologiques le soir. A l'ombre du guide vert.

Pour autant, Patrick Grainville prouve encore dans ce roman qu'il reste un incroyable écrivain de scènes de sexe. Il métaphorise bien la chose. Si l'époque est au minimalisme, à la phrase stringuée, notre académicien très vert verse toujours dans l'opulence charnelle, pas d'économie d'énergie ou de mots. Ces passages, nombreux, ont le mérite de tirer le lecteur que je suis de sa somnolence face à tant d'érudition.

Obsédé aussi d'art, chaque phrase savante de Patrick Grainville interroge la création artistique à travers les destins opposés du Minotaure Picasso et du romantique suicidaire Nicolas de Staël, les deux commandeurs de cette oeuvre exigeante. La fureur de peindre réunit les deux artistes mais pendant que l'un capte la lumière, l'autre la reflète.

Le récit suit Milos, prénom d'héros mythologique ou de guide sur une ile grecque, et ses amours contrariés. le jeune homme est un Apollon insatisfait chronique, apprenti paléontologue qui cache sous ses lunettes de soleil des yeux d'un bleu absolu qui charment et terrorisent toutes les femmes. Les bras m'en tombent, pourrait commenter les Vénus de Milos, prénommées ici Marine, Samantha ou Vivie. Overdose d'états d'âmes qui ont saboté mon plaisir de lecture, Caliméro agaçant qui ne choisit jamais son camp, slalomant entre l'ombre et la lumière, la vie et la mort, l'euphorie et le désespoir. Toujours à se plaindre, à geindre entre deux gémissements érotiques qui le maintiennent à la vie.

Milos vit à Antibes et raconte le Château Grimaldi, bâti sur l'ancienne acropole de la Ville grecque d'Antipolis devenu le musée Picasso. C'est l'occasion de remonter le temps, de suivre le destin de Pablo P, génie narcissique qui vampirisa les femmes de sa vie et de ressentir l'insatisfaction chronique de Nicolas de Stael, cet écorché vif qui fit le grand saut sur les remparts de la ville. Grainville décrit les oeuvres majeures des deux peintres comme les poètes racontent les rêves. C'est plus charnel que figuratif.

Milos suit ensuite les traces de l'abbé Breuil, le prêtre préhistorien, Champollion de la grotte de Lascaux, jusqu'en Namibie, fasciné par l'art pariétal et nos ancêtres les tagueurs de grottes. Sauvageons.

Il séjourne aussi à Paris et à Londres, pour fuir ses chagrins d'amour et pour se perdre dans les plus grands musées.

Roman au style baroque sauvé par ses siestes crapuleuses mais au propos trop répétitif à mes yeux, moins bleus que ceux de Milos mais devenus vitreux par ennui. Merci quand même à Babelio pour cette masse critique car je sors de cette lecture avec une meilleure compréhension de certaines oeuvres majeures, de « Guernica » à « la Pisseuse », « des Footballeurs » au « Concert ».

Habité, Je me sens capable de repeindre... la girafe.

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Trio des Ardents

J’ai un peu hésité avant d’entamer la lecture du dernier roman de Patrick Grainville.

Il faut dire que cet auteur avait de quoi m’impressionner : Lauréat du Prix Goncourt en 1976 pour Les Flamboyants, il reçoit en 2012 le Grand Prix de littérature Paul-Morand pour l’ensemble de son œuvre et est élu à l’Académie française en 2018 !

Mais, dès les premières pages du Trio des Ardents, ma réticence s’est envolée.

Je me suis trouvée plongée dans la vie de trois personnages hors-normes Isabel Rawsthorne, Alberto Giacometti et Francis Bacon.

Si je connaissais Alberto Giacometti, seulement en tant que sculpteur et non en tant que peintre, et Francis Bacon, j’avoue avoir découvert Isabel Rawsthorne, créatrice d’une œuvre picturale secrète et méconnue, égérie et confidente de Epstein, Balthus , Derain et Picasso, ayant posé pour ces artistes majeurs.

Artiste, nomade, radicalement libre pour l’époque et d’une beauté flamboyante, mariée trois fois, elle a entretenu avec Albert Giacometti et Francis Bacon, ces deux monstres sacrés de la peinture, des rapports amoureux, devenue la muse solaire du « montagnard des Grisons » et l’unique amante de Bacon, homosexuel. Elle a cependant souffert d’un grand effacement par rapport à ses deux amis-amants, « deux outrances incontournables ».

Des années 30 à la fin du siècle, Patrick Grainville s’emploie à décrire ces années de chassés-croisés de ce trio passionné.

C’est avec un immense intérêt que j’ai pu suivre les changements qui se sont opérés dans les œuvres de ces deux monstres sacrés de la peinture qui partagent une cause commune, la figuration, au moment même où triomphe l’abstraction.

Une révélation bouleversante va s’opérer pour Giacometti après une séance de cinéma. Des lilliputiennes figurines qui reflétaient la distance à laquelle il avait vu son modèle, il va alors

réaliser sa nouvelle expérience de la distance en créant des sculptures extrêmement longues et élancées.

Il sera toujours en quête d’une ressemblance impossible : « Mais je n’ai quand même jamais pu réaliser vraiment ce que je vois. »

Quant à Bacon, asthmatique, maltraité par son père, l’esprit hanté selon ses dires par le vers d’Eschyle « l'odeur du sang humain ne me quitte pas des yeux », souvent qualifié de peintre de l’insoutenable, personne ne pouvant rester indifférent face aux visages déformés et aux corps mutilés qui caractérisent son œuvre, il affine son style tout au long de sa carrière, délaissant les images de violence crue de ses débuts.

Patrick Grainville sait à merveille faire revivre la destinée de ce trio débridé, d’une extravagance inédite, leur vie trépidante, comme si nous étions à leurs côtés. Il nous fait également pénétrer dans les ateliers de ces génies, ateliers, qui à leur mort seront reconstitués à l’identique, mais resteront orphelins de leur présence.

Ce qui confère au roman encore plus de saveur, c’est la pléiade de personnages que côtoient ces artistes, Picasso, Sartre, Beauvoir, Lotar, Leiris… et qui nous procurent de savoureux dialogues.

De plus, l’auteur n’oublie pas d’insérer son récit dans le cadre historique, offrant au lecteur des réflexions souvent ironiques et mordantes mais aussi des portraits très imagés des politiques qui ont traversé cette période, que ce soit De Gaulle, Churchill, Mao ou Thatcher pour n’en citer que quelques-uns.

Pour apprécier au mieux ce roman, j’ai dû maintes fois avoir recours à la toile pour visualiser les chefs-d’œuvre de ces artistes, notamment ceux de Francis Bacon qui m’ont littéralement fascinée et que l’auteur a su si bien sublimés. Dommage que les photos de ces œuvres d’art ne figurent pas dans l’ouvrage…

Seul un passionné de peinture comme Patrick Grainville pouvait faire jaillir de par son écriture et une verve prodigieuse un texte aussi flamboyant où la vie, la couleur, l’alcool, l’érotisme, une exubérance en tout sont exprimés avec autant de crudité et de réalisme.


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Falaise des fous

Bon, c’est du lourd. Une fresque à la jointure de deux mondes, la fin du XIXº, le début du XXº, avec comme fil conducteur l’art, la peinture et comme lieu emblématique la Normandie, plus précisément les falaises d’Etretat.

En fait, malgré quelques fulgurances et une chronique impeccable de la guerre 14-18, ce roman représente assez bien ce qui m’insupporte, la littérature feuille-de-route.

Je crois que Proust a fait une métaphore là-dessus, en décrivant ces fleurs japonaises qui de bouton sec et rabougri éclosent au contact de l’eau. Un (bon) roman c’est ça : le projet de départ s’est métamorphosé en un truc pas complètement prévu, bousculé par les mots toujours plus connotés qu’on ne le croit, l’inconscient jamais assez bridé et ce relou de lecteur capable de voir des trucs que l’auteur n’avait pas mis et qui y sont pourtant.

Un roman feuille-de-route, c’est l’inverse: l’auteur part de la fleur déployée parce que c’est celle-là qu’il a en tête et pas une autre et il la rentre à grands coups d’écrabouillages dans le bouton d’origine pour que le projet et l’œuvre finale soient identiques comme si le romancier était un maître d’œuvre consciencieux arc-bouté sur son devis.

Le résultat est une œuvre laborieuse, aux effets soulignés à grands traits, sans espace de liberté.

Par exemple, le narrateur n’existe pas. Il n’a pas de vie propre. Il n’est là que pour servir les plans de l’auteur. Il naît en 1847 pour pouvoir évoquer la guerre de 1870. Il passe son temps à se promener sur les plages, ce qui lui permet de rencontrer Monet à dates fixes, ce grand dadais ne va qu’une seule fois au bordel, c’est pour y croiser Maupassant, il fournit moult détails de ses exploits sexuels, c’est pour mieux évoquer Courbet et l’origine du monde, sa voix s’exalte à décrire les Meules de Monet en un pastiche des Illuminations, tiens c’est Rimbaud qui se radine, il déteste son père, il est vrai que Freud a découvert l’inconscient en 1900...

Et pour être sûr que le lecteur a bien compris qu’il s’agit pour Grainville d’exalter l’art de la Belle Époque, le roman multiplie les citations, les pastiches, les connotations, les références, les clins d’œil appuyés et l’entre soi. Il faut dire, et ça c’est drôle, que le narrateur s’apelle Guillemet. La description d’une plage ? C’est « Pierre et Jean » de Maupassant. Un accouchement bien saignant ? Piqué à Zola. Une phrase réunissant éventail, miroir et cygne (« effleuré par un éventail, reflété dans un miroir, vacillant, vieux cygne incliné, raffiné que peignit, jadis, Manet »), on tourne la page en soupirant : bien sûr, le narrateur croise Mallarmé. Un cattleya surgit au détour d’une phrase, pas de surprise, c’est bien Proust qui vient faire coucou. On se croirait dans les quizz culturels du Nouvel Obs d’été.

L’histoire parfois pose problème. Bien sûr, l’affaire Dreyfus c’est du nanan: Zola peut débarquer en majesté. La Commune aussi est facile à caser: il suffit de faire la liste des artistes qui l’ont défendue et de ceux qui l’ont honnie. Mais pour rester dans le thème jusqu’au bout, quelques acrobaties sont souvent nécessaires. Comment relier la catastrophe de Courrière et les peintres impressionnistes ? Fastoche: « Le feu. Pendant des jours et des jours, sans repères, sans le soleil levant, sans le couchant, sans aube. Le plein air de Boudin, de Monet, tu parles ! » L’éruption du Vésuve , quelques mois après, peut-elle trouver sa place dans cette évocation de la peinture au tournant du siècle ? Grainville ne recule devant rien : « C’est un Vésuve de couleurs que font jaillir les nouveaux trublions de l’art, les fauves ». Blériot traverse la Manche ? « Impression, soleil levant : à ma montre, il est 4 h 30. Le moteur est en marche. Blériot lance : « Lâchez !  » . Un navire est coulé par un sous-marin allemand ? « Ainsi, nos eaux sont hantées par la présence allemande, son ubiquité. La Vague de Courbet masque les torpilleurs ». Lindbergh vole au-dessus de l’Atlantique? De Lindbergh à Monet, il n’y a qu’un pas: « Plus au nord, l’océan encore et toujours, semé de glaçons bleus et roses, de nénuphars de porcelaine immaculée »... Etc.

Ce matraquage systématique est pourtant loin de nous raconter l’époque. Les faits sont là, les personnages historiques aussi, mais leur intimité est celle de nos contemporains. Le narrateur gifle sa maîtresse qui l’accuse d’avoir violé des kabyles. Mais on est au XIXº! Y’avait pas de hashtag « Balance ton porc »! Quelle femme en voulait à un homme d’avoir lutiné une Indigène ? Quel homme se sentait humilié d’être ainsi accusé ? Ou bien, on se retrouve à lire des affres de nouveau père: « Je dus m’avouer que je n’étais pas tout à fait sur la bonne voie. Je m’étais aperçu qu’en cas d’angoisse Charlotte rejoignait toujours les bras de sa mère. De ce donjon, elle me regardait et me repoussait d’un geste d’une grande injustice. Aline me disait avec douceur que je ne pouvais pas tout à fait être un compagnon de jeu d’égal à égal et détenir l’autorité d’un père. ». Crédibilité zéro, Aldo Naouri, sors de ce texte!

Et je passe sur les évidences assénées d’un ton pénétré (« L’homme aime la guerre, Charlotte ») ou les capacités divinatoires des personnages (genre demain les postiers n’existeront plus ou bien l’Allemagne va vouloir se venger et déclenchera une nouvelle guerre).

Quant au style... oui, c’est vrai que parfois il nous emporte. D’autre fois (assez souvent) j’ai baillé. Et de temps en temps, je me suis demandée si Grainville atteignait le sublime ou s’il barbotait dans le pur grotesque: « un gros grain de beauté sombre tel le caca d’un cake planté dans le pli des seins… » ou alors c’est qu’il ne s’est pas relu (et je le comprends: une fois suffit): « La Manneporte n’a pas le maniérisme gothique de l’Aval. Elle n’est pas une métaphore. Elle ne rampe pas comme la porte d’Amont biscornue. La Manneporte se carre, plein cadre. Large et trapue. Campée sur son châssis tellurique. C’est une basilique. » Ah ben non, Patrick, si l’arche d’Etretat n’est pas une métaphore, elle ne risque pas d’être une basilique.

Maintenant, je suppose qu’en cas de vacances sur la côte d’Albatre, c’est une lecture qui se tente. Ou pas.





















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Falaise des fous

J'avais lu des critiques dithyrambiques. J'ai donc voulu m'en faire ma propre opinion. Et je m'étonne : tout ça pour ça ? Certes, le littérateur a eu envie de parler de nombreux artistes, du changement d'époque, des écrivains. Tout cela entremêle de quelques histoires d'amour et d'un narrateur fade. Trop de culture tue le plaisir. Dans un langage trop soutenu, l'auteur s'étale sur des pages interminables de tout ces artistes connus qui ont peint à Etretat. Pour les lecteurs qui ne sont pas férus de peinture, ils seront découragés dès le départ. J'apprécie Monet, mais voir ce personnage perpétuellement grimper sur les falaises et peindre. Une fois, deux fois, fallait-il remplir un quota de page pour en arriver à une telle logorrhée ? Mais il n'y a pas que Monet, rassurez-vous, vous aurez aussi droit au fameux nu de Courbet, vu et revu, des passages et repassages. Pendant que notre narrateur prend pour maîtresse la femme de son voisin, et ensuite la fille. Lui de même doit égrener ses conquêtes et gonfler le nombre de lignes.
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Falaise des fous

Ou comment un livre qui possède tous les ingrédients pour me plaire se révèle finalement plutôt ennuyeux et décevant… L’époque (dernière moitié du 19ème siècle et début du 20ème), le thème (les peintres, l’art, la passion…), les lieux (Etretat, la Normandie, les paysages immortalisés par Monet, Courbet, Pissaro…), tout conspirait à me faire acheter ce livre, y compris la magnifique illustration choisie pour sa couverture (Terrasse à Sainte-Adresse de Claude Monet, toile peinte en 1867). Et puis ça commençait bien avec ce superbe incipit : « Jadis, j’ai embarqué sur la mer un jeune homme qui devint éternel ».



Alors, que s’est-il passé ? Rien de désagréable à vrai dire. L’auteur met en scène un narrateur, Charles, qui entreprend de raconter sa vie, une vie passée en Normandie, notamment à Etretat. Revenu blessé d’Algérie dans les années 1860, il accepte la proposition de son oncle de s’occuper de ses différentes propriétés normandes et mène une vie assez oisive, ne se lassant de contempler les magnifiques paysages offerts par les falaises, y compris depuis la mer sur laquelle il navigue avec son petit voilier. Il est bientôt fasciné par les peintres et les personnalités qui se succèdent dans la région, Monet, Courbet, Boudin mais également Maupassant, Flaubert et Hugo. La liaison qu’il entretient avec Mathilde, une femme plus âgée que lui, mariée et habituée au grand monde parisien contribue à forger sa culture et à lui ouvrir des horizons artistiques. Plus tard, ce sera Anna, la belle-fille de Mathilde qui prendra le relai. En 1927, au crépuscule de sa vie, Charles a vécu les belles années de transformation dans tous les domaines artistiques, architecturaux, industriels et économiques mais également deux guerres meurtrières alors qu’une autre se profile mais qu’on n’en connait pas encore les monstruosités à venir.



Je crois que le manque d’intrigue est venu à bout de mon intérêt premier. J’ai commencé par être agacée par cette concentration de célébrités, cette impression de « name-dropping » qui laisserait penser qu’il n’y avait pas d’autres promeneurs à Etretat que des peintres et des écrivains. Un agacement que j’avais déjà ressenti avec le livre de Gaëlle Nohant, Légende d’un dormeur éveillé mais qui s’était dans ce cas rapidement dissipé parce que l’intrigue avait vite pris le dessus, portée par la magnifique figure de Robert Desnos. Là, ça n’a pas été le cas. Je n’ai pas réussi à m’intéresser au personnage de Charles ni à sa façon de traverser la période. Surtout, pour avoir beaucoup lu à la fois sur la période, sur les peintres (qui sont des personnages de roman que j’affectionne particulièrement) et ceux qui les entourent, j’ai eu l’impression à chaque moment de ne rien apprendre et surtout d’avoir lu des choses bien meilleures sur chacun des grands hommes dont il est question. Je pense, entre autres, au merveilleux livre de Michel Bernard, Deux remords de Claude Monet ou encore à celui de Judith Perrignon, Victor Hugo vient de mourir qui possèdent une force bien plus convaincante. Enfin, le style quelque peu désuet ne contribue pas à dynamiser la lecture.



Ce fut donc une lecture décevante malgré la qualité littéraire certaine de ce texte qui pour moi manque surtout de modernité, ceci expliquant peut-être cela.
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Les yeux de Milos

C'est un portrait de Marie-Thérèse Walter peinte en 1937 par Picasso qui orne la première de couverture de ce dernier roman de Patrick Grainville.

Les yeux de Milos est ma première incursion dans l'univers de cet écrivain.

Aux premières pages inondées du soleil de la Méditerranée, j'ai découvert ce personnage de Milos qui grandit dans une sorte d'enfance baignée dans l'art.

Nous sommes à Antibes. Milos grandit, devient un jeune homme, étudie la paléontologie. Milos a cette particularité de posséder un regard envoûtant, d'un bleu mystérieux, quasi surnaturel, qu'il cache derrière des lunettes épaisses.

Bleu lumineux, bleu excessif, bleu perdu qui résonne avec le bleu de la mer, le bleu du ciel au-dessus de la Méditerranée.

Découvrant les gestes d'amour, et les sentiments peut-être, tour à tour par son amie Marine et son amante Samantha, Milos entrevoit à travers l'érotisme que suscitent ces deux rencontres, un chemin d'apprentissage non seulement pour mieux comprendre l'art, mais creusant un peu plus loin vers l'origine de l'Homme, puisque tel est le sujet qu'étudie Milos, et peut-être plus largement en quête du mystère de l'être.

C'est Samantha qui va l'initier à la découverte de Picasso, elle écrit un essai sur l'artiste. Derrière le génie du grand artiste, elle soulève devant les yeux bleus de Milos le rideau scintillant et montre un spectacle bien moins reluisant : un "nabot grotesque", un sorcier, un ogre, un chaman, un Minotaure, un tueur en série...

Le lieu, Antibes, mais aussi la rencontre avec Samantha, femme expérimentée en amour, érudite en art, sont l'occasion pour Milos de rendre visite aux deux peintres fantômes que sont Pablo Picasso et Nicolas de Staël, visiter aussi d'autres territoires plus intimes... Deux peintres, deux artistes antithétiques, qui n'ont rien en commun sauf ce lieu géographique qui les unit un moment donné et désormais un autre lieu, un musée,- tiens donc dénommé Musée Picasso, dans le château érigé face à la Méditerranée, qui expose notamment le Concert, dernière oeuvre inachevée de Nicolas de Staël et La Joie de vivre de Picasso.

Ce roman initiatique réhabilite la mémoire de Nicolas de Staël ; Milos et son amie Marine vont sur ses traces, cherchent à entendre les démons intérieurs qui l'ont dévoré, rencontrent celui qui l'a vu peut-être pour la dernière fois...

L'écriture de Patrick Grainville est flamboyante, elle est solaire, charnelle, exigeante aussi ; elle affolera sans doute les âmes les plus chastes, mais éveillera la curiosité et le désir d'autres lecteurs, le désir d'en savoir plus...

Cela dit, le sexe écrit de cette manière si échevelée, si follement incandescente, rend toutes images vaines...

Les pages promènent l'idée de l'amour et de la mort tout au long du récit dans une quête, à force de chercher, qui s'avère ressembler à la recherche du sens même de la vie...

À ce moment-là, Picasso vivait à Antibes des moments paradisiaques avec la jeune Françoise Gilot, alors que Nicolas de Staël, esseulé, ne parvenait pas à achever son ultime oeuvre, le Concert , en proie au doute, enjambant son corps par-dessus le vide depuis la terrasse de son atelier. Ces deux destins opposés – la tragédie précoce d'un côté, la longévité triomphante de l'autre – obsèdent Milos. Il veut comprendre. Il met brusquement sa vie et,- notamment sa vie amoureuse, sous l'emprise de ces deux artistes mythiques. Tout le récit, tissé de chassés-croisés, se tient à cette recherche, comme une quête parfois douloureuse, dont certains n'en reviendront pas indemnes...

Au premier abord, on pourrait croire que les personnages principaux s'appellent Milos, Myriam, Loïc, Zoé, Marine, Samantha, Jeanne ou Vivie... Et puis brusquement, d'autres personnages surgissent comme des fantômes, faisant revenir l'été 1937 à la Garoupe, tout près de là, tout près de sa maison de Mougins. Alors d'autres noms viennent : Dora Maar, Nusch la femme de Paul Éluard, Ady Finelin, Man Ray qui les photographie dans des poses lascives et libertines, les saisissant dans cet amour libre...

D'autres femmes peuplent ce livre : Marie-Thérèse Walter, Françoise Gilot, Geneviève Laporte, Jacqueline Roque, icônes brûlées au soleil du dieu artiste et vampire... J'en oublie forcément.

C'est un livre envahi de fantômes. Des fantômes féminins au destin tragique pour certaines... Pas une ne semble en avoir réchappé, même celles encore vivantes... Il semble qu'elles aient fait comme Nicolas de Staël, enjamber un parapet pour se perdre dans le vide, tandis qu'un "nabot grotesque", adorateur de soleil, de sexe et de corridas, qui leur avait fait croire au rêve et à la gloire, et peut-être même à l'amour tant qu'à faire, "mufle à faire peur", continuait de barbouiller dans son antre de manière frénétique.

Même Samantha se laisse doucement prendre dans la nasse du génie cannibale... "Je suis le Minotaure d'un été de bonheur, l'été de Guernica".

Été 1937 à la Garoupe, ce fut l'été qui suivit Guernica. On assimile à tort la dimension sacrée de ce tableau au personnage de Pablo Picasso. Oui c'est bien Picasso qui a peint ce tableau entré dans la postérité. Mais Picasso était loin d'être un humanitaire, il n'avait rien d'un militant, ni d'un partisan. Encore moins d'un rebelle. Il ne pensait pas. Il peignait de manière convulsive. Il baisait. Il vivait dans la joie. Il prenait le soleil. Il ne pensait qu'à lui. Malgré ses accointances avec le régime nazi, tandis que ses proches le priaient d'intervenir, il ne fit rien pour sauver son ami le poète quimpérois Max Jacob qui mourut à Drancy dans d'horribles souffrances, se contentant d'ironiser, en lançant cette blague que "Max était un malin, qu'il filerait à travers les barreaux"...

Le texte de Patrick Grainville est érudit. Il est nourri de sources historiques très riches et d'anecdotes foisonnantes. Il remet en abyme au travers des yeux de Milos les deux fantômes d'un lieu, aux destins contraires.

C'est le regard de Milos qui se voile et se dévoile à travers ses yeux particuliers, de manière hallucinante. S'aveugle aussi à la lumière du désir, posant ses yeux sur la courbe des femmes qu'il étreint, sur des Vénus impudiques et rieuses, sur le ciel de Méditerranée ou de Deauville dont la lumière est aussi éblouissante, mais d'un éclat différent...

Le regard de Milos, c'est un regard hors du commun, qui suscite tour à tour amours et inimitiés. Dans cette quête effrénée, Milos a l'impression de perdre ses amours, les unes après les autres...

J'ai aimé les pérégrinations de Milos et de Marine pour suivre et découvrir en Namibie les traces de l'abbé Breuil, surnommé le « pape de la Préhistoire ». Ce fut pour moi ici une magnifique découverte.

Ce roman est l'aventure d'un regard...

Au bord de la nuit, ce texte m'a bousculé dans ses folles et riches digressions, tandis que certains personnages sombrent dans l'obscurité.

Au printemps 1955, à Antibes, Nicolas de Staël s'est suicidé, précisément un seize mars, tandis qu'à quelques lieux de là, Pablo Picasso peignait sans doute ce jour-là dans une joie totalement débridée, insouciante, avachi dans son art et sa personne.

Au final, je me suis attaché aux personnages qui émergent du second plan, fantômes d'un passé encore récent : Dora Maar, Marie-Thérèse Walter, Françoise Gilot, Jacqueline Roque...

Les yeux de Milos m'ont fait entrevoir l'insondable de l'art, Éros et Thanatos, tenter de comprendre ce qui ne peut être compris, le mystère du génie, "l'injustice fabuleuse"...

Je remercie Babelio à l'occasion de son opération Masse Critique ainsi que les éditions du Seuil, pour m'avoir permis ces rencontres multiples.
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Falaise des fous

1927: Un vieil étretatais nous livre ses mémoires...

Tous ces fous, ces barbouilleurs de couleurs: Monet, Courbet et quelques autres originaux scribouillards face à l’océan et au ciel infini: Maupassant, Hugo, Flaubert...



Ce roman est un livre d’images, une rétrospective picturale d’amoureux de la Normandie, de ses ciels, de la mer, du travail des hommes. On y parle de couleurs tout azimut, d’Histoire de l’Art au plus près des artistes. On s’immerge dans le tourbillon créatif d’une Belle Époque coincée entre deux guerres (70 et 14/18), ses progrès technologiques, ses soubresauts sociaux et politiques. La période est une manne romanesque pour composer une intrigue, dessiner un décor, comprendre les mentalités de modernité.



Il est donc bien dommage qu’en dépit d’un fort intérêt pour l’époque, je me retrouve à besogner pour avancer dans un récit dont l’érudition au burin casse le plaisir de lecture. Dans cette photographie de groupe de célébrités, il manque de la matière, une consistance des personnages, un liant romanesque pour les faire vivre et non les énumérer ou les décrire. Le livre semble hésiter en permanence entre roman et essai. À mi-parcours, constat pour ma part de ne rien apprendre de nouveau, je passe l’éponge...



Car Grainville, c’est un style!



Impertinent et bourratif, foisonnant et lyrique, un sens de la formule, un jeu de plume où les mots s’amusent d’expressions détournées et de clins cocasses littéraires ou artistiques. On déguste (ou pas) l’écriture avec gourmandise jusqu’à l’indigestion, tout en saluant la connaissance historique. L’auteur en fait malheureusement un peu trop et on peine à le suivre dans ses envolées, à se demander s’il ne cherche pas à coller à son titre de « Fous » par cette frénésie débridée.



Juste mon avis...



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Falaise des fous

Le sujet m’intéressait puisqu’il y parle des peintres, surtout de Monet et d'écrivains. C’est à croire qu’à l’époque, à Etretat, ne déambulaient que des gens connus. Quelle lecture pénible ! Etalage d’érudition, de connaissances, de remplissages sans intérêt. Ecriture à l’ancienne qui ne cadre plus avec ce que l’on a l’habitude de lire de nos jours où souvent on a envie que l’auteur aille à l’essentiel. Abandon à la page 70 sur 643 longues pages.



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Les yeux de Milos

«L’ Œil, c’est l’imagination»



Avec la même écriture sensuelle que dans Falaise des fous, Patrick Grainville a suivi la trace de Picasso et Nicolas de Staël. Deux peintres qui vont bouleverser le jeune Milos du côté d’Antibes.



Il n’y a pas à chercher très loin pour trouver la genèse de ce roman flamboyant. À l’été 2016, Patrick Grainville publie une nouvelle dans le magazine 1 d’Éric Fottorino intitulée «Balcon du bleu absolu», elle met en scène Picasso et Nicolas de Staël à travers deux de leurs œuvres exposées au Musée d’Antibes: La joie de vivre et Le Concert. Un lieu et des œuvres que nous allons retrouver dans Les yeux de Milos, ce roman qui fait suite à Falaise des fous qui nous faisait découvrir Monet, Courbet, Boudin du côté d’Étretat.

Cette fois, c’est le soleil du sud et la Méditerranée qui servent de décor à un roman toujours aussi riche de beauté, de sensualité, de passion. Et qui dit passion, dit souvent tragédie.

Quand Milos naît, son entourage découvre avec fascination son regard étonnant, ses yeux d’un bleu à nul autre pareil. Des yeux qui vont envoûter la petite Zoé, première amoureuse du garçon, lui aussi prêt à partager avec elle ses premiers émois. Mais un jour se produit l’impensable. Zoé jette du sable sur les yeux de Milos, un geste fou qui mettra fin à leur relation. Ce n’est que bien plus tard qu’il en comprendra la signification: «Le bleu lumineux, le bleu perdu, le bleu qu’elle avait attaqué, parce qu’il était d’une excessive, insupportable pureté, qu’elle le désirait et que la seule façon pour elle de s’en saisir, alors, avait été de tenter de le détruire, de le tuer, de l’enfouir sous le sable de la plage. Deux yeux crevés sur lesquels des enfants viendraient dresser un château de sable que le bleu de la mer emporterait, ravissant dans son reflux les yeux éteints.» Frustré, Milos doit cacher son regard derrière des lunettes des soleil, change d’école et part avec ses parents à la découverte d’Antibes, le château-musée Picasso sur la corniche et à côté le dernier atelier de Nicolas de Staël d’où il s’était jeté pour se suicider. «Alors Picasso et de Staël établirent dans son imaginaire une figure double, antagoniste et presque sacrée, inhérente à Antibes où il était né, au génie de la cité dont il ne savait s’il était bienfaisant ou secrètement maléfique. C’était une sorte d’envoûtement des possibles.»

Avec Marine, sa nouvelle conquête, il va tenter d’en tenter d’en savoir davantage sur les deux peintres. Mais c’est Samantha, l’amie de sa mère, qui va lui permettre de mieux connaître Picasso, sa «grande affaire». Pour les besoins d’un livre, elle rassemble en effet anecdotes et documentation, fascinée par l’artiste autant que par l’homme et ses multiples conquêtes. Une fascination qui va rapprocher Milos et Samantha au point de coucher ensemble, même si pour Milos il ne saurait être question d’infidélité, mais plutôt d’un marché passé avec son amante, le plaisir contre son savoir.

Visitant des grottes avec Marine, il va trouver sa vocation et son futur métier: la paléontologie. Pour de ses études, il va suivre les pas de l’Abbé Breuil, le «pape de la préhistoire», et partir pour Paris où il ne va pas tarder à trouver un nouvel amour avec Vivie. Même s’il ne peut oublier Marine à Antibes. «La belle Vivie l’a arraché à sa solitude, au sentiment de l'exil. C'était une surprise du désir. Mais Vivie n'est plus la même. Ce qui l’a séduit, en elle, est son autonomie, son chic, son toupet devant la vie. Sa manière de mener son affaire avec agilité, de compartimenter deux amours, de masquer son délit de volupté. Milos l’a d’abord admirée. Puis la loi du plaisir s’est imposée. Mais voilà qu’il se sent indisponible pour une autre dimension. Ses yeux l’ont piégé une fois de plus.» Dès lors, le parallèle entre sa vie amoureuse mouvementée et celle de Picasso saute aux yeux, si je puis dire.

Patrick Grainville a fort habilement construit son roman autour des passions. Celles qui font prendre des risques et celles qui donnent des chefs d’œuvre, celles qui conduisent à un bonheur intense, mais peuvent aussi vous plonger dans un abîme de souffrance. Une mise en perspective qui, mieux qu’une biographie, nous livre les clés permettant de mieux comprendre la vie et l’œuvre de Picasso et de Nicolas de Staël, parce qu’il est enrichi du regard du romancier qui sait qu’«un récit privé du pouvoir de l’imagination ne peut scruter la profondeur et le diversité du réel. L’œil, c’est l’imagination.»




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Les yeux de Milos

En dépit des lignes qui vont suivre, mes sincères remerciements aux éditions du Seuil et à Babelio, pour l'envoi du dernier ouvrage de Patrick Grainville… Roman, où l'art a une nouvelle fois une place prépondérante et dynamique dans la narration.. .



Toutefois, je suis affligée de devoir exprimer « réserves, résistances et exaspération certaines » en dépit de tous les efforts déployés ! Au secours monsieur Pennac … me viennent avec soulagement Les droits imprescriptibles du lecteur que vous avez eu la très bonne idée de nous proposer dans « Comme un roman » … et je m'y accroche, ce jour, avec force, pour tenter d'exprimer au plus près les raisons possibles de mon abandon, aux 3/4 de l'ouvrage !!



« 1. le droit de ne pas lire.



2. le droit de sauter des pages.



3. le droit de ne pas finir un livre. (…) «



Ce n'est pas faute d'avoir désespérément persévéré, car tout semblait réuni pour me passionner : Deux figures mythiques de l'Histoire de l'Art, les couleurs de la méditerranée, certains lieux familiers, l'évocation d'une personnalité érudite et atypique de l'histoire de l'archéologie…Tout cela nous offre des passages flamboyants et des plus enrichissants, pour tous les curieux d'Histoire de l'Art !



Je reviens « au pitch »… et au fil de mon cheminement de lecture, lecture en montagnes russes :



Milos, jeune homme d'une très grande beauté, au regard bleu aussi extraordinaire que perturbant vit sa jeunesse, ses études d'archéologie et ses passions amoureuses sous le ciel de la Méditerranée, à Antibes, avec les figures tutélaires de deux peintres, Pablo Picasso et Nicolas de Staël ; Deux artistes qui ont hanté, vécu, peint dans ces paysages méditerranéens aussi inspirants que destructeurs, pour l'un!



Ainsi dans cette dernière fiction : deux artistes : Picasso et Nicolas de Staël, à Antibes, deux destins aux antipodes … Ces créateurs mythiques, vus, appréhendés par des personnages du présent. Milos, notre personnage central se forme pour devenir archéologue…Il aime Marine, entretient une passion charnelle avec Samantha, femme plus âgée, obsédée par l'oeuvre et la personnalité de Picasso…Mais « le bellâtre » est dans le mal-être, l'indécision, une sorte d'incapacité à vivre…dans une frénésie sexuelle, sensuelle, qui à contrario, finissent par le rendre mortifère…et de plus en plus désincarné ( par excès, justement de carnation !!)



Les scènes sexuelles surabondent… s'intégrant parfaitement dans un premier temps : sensualité aussi torride que cette ambiance méditerranéenne, que cet ogre amoureux, Picasso. le sexe et la mort, se mêlant… à juste raison…



La réticence , l'ennui exaspéré, ne tiennent pas à une censure primaire mais à une sur-sur abondance de ces descriptions, finissant par lasser, affadir , nous coupant brusquement et trop souvent dans le récit, lui , dynamique et enrichissant des existences de « nos artistes », dont le troisième larron : l' archéologue, l'abbé Breuil et ses innombrables aventures, pérégrinations…ayant capté, eux, toute ma curiosité !



Des multiples éléments lucides et finement analysés comme cette idolâtrie générale et obsessionnelle envers Picasso, dont notre auteur n'est pas totalement exempté, lui-même, même si il apporte de nombreuses analyses de cette idolâtrie universelle, « horripilante » :

« Elle avait vu, à Arles, le vieux photographe, Lucien Clergue, qui ne parlait que de son ami Picasso, des photos qu'il avait prises de lui, des conférences qu'il donnait sur lui. Sans citer tous les autres biographes, historiens de l'art, conservateurs de tous les pays captés, scotchés, engloutis et digérés dans l'oeil du cyclone, ses arcanes cannibalesques. (...) Vénérer ou décapiter le Totem. Etre ou ne pas être, à travers lui. l'Ogre de vie. (p. 45) »



Remarques acides et lucides sur le monde mercantile de l'art, l'obséquiosité ou l'indifférence des marchands, selon les modes…la création artistique et ses affres, les questions existentielles, la sensibilité exacerbée des créateurs, des chercheurs…L'omniprésence de la mort, du mal de vivre, du « Pourquoi vivre »…peindre, inventer, imaginer, pour conjurer les doutes, la peur, le désespoir, le vide…



.« - L'Etreinte- [Picasso ] de 1972, la dernière. Car il nous faut tous mourir, prolétaires et milliardaires. Amoureux. Névrosés ou pas . Pfft ! La dimension métaphysique des chefs-d'oeuvre est la plus essentielle. (p. 329)”



Des passages flamboyants, magnifiques pour camper ces artistes aux personnalités si contrastées… Picasso et Nicolas de Staël : le Jour et la Nuit ; la Lumière et les ténèbres, etc.



« N'empêche que sa peinture "dégénérée", selon les canons de l'esthétique hitlérienne, fait de Picasso l'artiste de la liberté, il rafle la mise. L'éternel embusqué de génie à résisté dans sa peinture. Pas de vagues dans sa destinée politique. L'art exige de la tranquillité... Calme et volupté. Qui lui jetterait la pierre, qui oserait ? Il ne sera jamais un héros, un Thésée, mais le Minotaure, la star de son dédale. Un monstre de flamboyance noire, de gaieté égoïste et cannibale. le roi des étés de Mougins et de Juan-les-Pins. Une gargouille discrète de Paris occupé. Un vampire en retrait, collé au plafond de son grenier. Un ogre planqué dans sa caverne, attendant que ça passe. « (p. 190)



Un aveu: j'ai , depuis bien longtemps, et malgré moi, des résistances quant au style et à l'atmosphère de l'univers de cet écrivain. En fait, j'ai éprouvé à chaque essai de lecture, des résistances aussi fortes que les éloges majoritaires de son lectorat, totalement justifiées pour un style foisonnant, prodigue, flamboyant… Ce qui , justement, me bloque pour ma part. L'impression de manquer d'air, de m'asphyxier, au fur et à mesure de la lecture !

J'espérais dépasser, avec ce nouveau roman, aux abords et thématiques des plus attractifs, cette difficulté. Un style magnifique, exubérant, en feu d'artifice…qui au fil, dévore de façon difficilement explicable mon espace de « lecteur »… Comme une raréfaction progressive de l'air !...



Appréciation des plus subjectives, arbitraires, que je me dois d'exprimer, au vu de ma lecture , qui fut d'une lenteur incompréhensible, inhabituelle. Je « tente » d'assumer cette appréciation à contre-courant, mais le regrette cependant ; j'aurais préféré être emportée sans réserve par ce roman, qui a plus d'un titre, regorge de qualités ,d'érudition.. et d'attraits!!



Le positif de cette lecture fut que je me suis plongée plus avant dans l'oeuvre et le parcours de Nicolas de Staël (que je méconnaissais) ainsi qu'une curiosité éveillée pour des recherches complémentaires sur l'abbé-archéologue, Breuil , dont je ne connaissais les prospections que dans les grandes lignes!

Un enrichissement certain pour tout passionné d'Histoire de l'Art, comme d'archéologie et questionnements sur les débuts de l'espèce humaine.....

Je ne résiste pas à citer cette phrase magnifique qui clôt le roman et remet au centre, l'esprit créatif de l'Humain :

"J'aime quand tu inventes. Inventer nous revêt de pourpre et d'or". (p. 342)



Alors ne vous focalisez surtout pas sur ces lignes, et l'aléatoire de toute « critique » et faites-vous votre opinion par vous-même !.

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Les yeux de Milos

Les yeux de Milos de Patrick Grainville est un roman foisonnant, nourri d’images et de sensations, un roman qui se donne des libertés pour raconter la vie des peintres prodigieux qu’ont été Nicolas De Staël et Pablo Picasso. C’est bien d’un roman qu’il s’agit, et non de biographies, même si le récit est parfaitement documenté, nous donnant à voir l’intimité de ces deux icônes de la peinture.



Le fil narrateur, c’est Milos, ce jeune homme dont les yeux sont du « bleu de la beauté absolue et de la folie » et qui attirent irrémédiablement l’attention et une certaine cruauté.

Tout d’abord attiré par Nicolas De Staël, peintre de génie trop tôt disparu et dont il admire l’œuvre inachevée le « concert », Milos est vite subjugué par les photos de Picasso « ses yeux ronds, noirs, brillants, écarquillés, injectés d’une énergie frénétique, dionysiaque »

Il est beaucoup question de regards, de mythes anciens et de lieux emblématiques dans ce roman métaphorique où la peinture est très présente. Outre les deux peintres cités, Milos, qui va devenir paléontologue, se passionne pour l’abbé Breuil, découvreur de l’art pariétal. Milos s’éprend de la Vénus de Lespugue « Rien que le nom de Lespugue lui donnait le frisson », car la sensualité de la statuette est intacte. Picasso ne s’y était pas trompé, lui qui en possédait deux répliques parmi tous ses trésors amassés. D’autres « vénus impudiques » vont émouvoir le jeune homme qui les fait découvrir à son amante Marine avec qui il chemine sur les traces de Nicolas de Staël et de Picasso. Outre Marine, il y aura d’autres amantes, toutes entrainées par Milos sur les sentes de la vie amoureuse des deux peintres et la contemplation de leurs œuvres ; L’abbé Breuil, lui, n’a pas eu de vie amoureuse, l’amour charnel s’entend, mais il aura vécu pour sa passion des peintures rupestres. Sur les traces de Breuil, Milos et son amante Vivie vont communier dans le secret des grottes avec ces représentations fantastiques « le grand tourbillon des bisons. Un tohu-bohu de masses ocrée. Cul par-dessus tête »

S’il est bien question de peinture, celle-ci est aussi la porte d’entrée de l’amour ou plus exactement des amours tant celles-ci prennent leurs aises de page en page. Il y a, bien sûr, les découvertes sexuelles de notre jeune héros, plus ou moins induites par ses passions picturales et paléontologiques, mais aussi les amours débridées, teintées de perversité de Picasso qui aura quatre enfants nés de trois femmes. Il s’en occupera peu, voué tout entier à son art et à ses désirs orgiastiques. Le peintre est ce minotaure assoiffé de sexe, il peint ses amantes qui sont ses muses : Olga, Dora, l’athlétique et blonde, Marie-Thérèse, la très jeune Françoise Gilot et d’autres, de passage. Il les peint, les sculpte et les dévore. Et quand il s’agit de décrire les scènes de sexe, Patrick Grainville nous trousse des séquences à la sensualité débridée.

Si la vie de Nicolas de Staël est moins présente car il s’est suicidé à 41 ans, celle de Picasso, qui a vécu jusqu’à 91 ans et qui a laissé une œuvre considérable, est omniprésente tout du long.



Enfin, il y a ce bleu, qui nous intrigue, celui, incroyable, des yeux de Milos qui nous emmène vers les bleus picturaux, ceux de Nicolas De Staël, mais aussi les cobalts de Turner l’impressionniste, ceux de Renoir, Dufy ou encore Van Gogh. Le bleu du regard, c’est aussi l’œil du peintre mais « l’œil de la peinture est intérieur »

L’histoire se termine sur une vision surréaliste, le rêve que fait Milos ou se mêlent dans une succession de scènes débridées et baroques où s’entrechoquent les corps des amantes de Picasso, celles de Milos, où on croise peintres, matadors, et même Brigitte Bardot, bousculés par les bisons d’Altamira et c’est comme un feu d’artifice pour clore ce roman de la démesure, coloré, luxuriant où éclatent pulsions de vie et de mort.



L’écriture est puissante, métaphorique et débridée. Elle exige du lecteur beaucoup d’attention, elle se mérite mais quel plaisir au final, même si certains passages trainent en longueur.

Au vu de toutes les œuvres citées, je conseille vivement d’aller consulter sur la toile pour admirer ces œuvres et mieux appréhender le texte, le livre se contentant, sur sa couverture minimaliste, d’une reproduction d’un portrait de Marie-Thérèse Walter que Picasso a peint en 1937.

Je remercie Babelio et les éditions du Seuil pour cette découverte.



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Trio des Ardents

Amour, gloire et beauté



Patrick Grainville poursuit avec gourmandise son exploration de l'histoire de l'art. Après Falaise des fous et Les yeux de Milos, voici donc un trio composé d'Isabel Rawsthorne, la peintre la plus méconnue des trois, d'Alberto Giacometti et de Francis Bacon.



«Elle, la plus belle des femmes de son temps, car l’hyperbole lui va. Tous les témoins de l’époque subjugués. Par l’ampleur souple de son pas, sa baudelairienne manière. Sa crinière, son flux. Elle est solaire, élancée, avec des fonds de mélancolie mouvante. Mariée à un reporter de guerre, Sefton Delmer, mais nomade, artiste, radicalement libre, rebelle. Un charme violent jaillit de ses grands yeux en amande, de ses pommettes de cavalière des steppes… Elle est sauvage, exubérante, dotée d’une génialité vitale… » Isabel Rawsthorne est l’étoile au cœur de la superbe constellation qui compose ce Trio des ardents. Elle a un peu plus de vingt ans quand elle croise Alberto Giacometti à Paris où elle est venue parfaire sa peinture. Pour financer son séjour, elle pose pour les peintres auxquels elle se donne également.

«Derain vient de la peindre, brune, vive, ravissante, ruisselante de gaieté. Picasso rôde autour d’elle et la désire. Elle a probablement été le modèle de Balthus pour La Toilette de Cathy, peignoir ouvert, sinueuse ménade au mince regard effilé. Moue animale, chevelure d’or peignée par une gouvernante. Elle accompagnera bientôt le peintre et son épouse Antoinette en voyage de noces à Venise. Trio amoureux. Elle sera la maîtresse de Bataille… Égérie éclectique? Non, elle peint, elle va accomplir une œuvre bizarre et profonde, un bestiaire de hantises.» Mais ne sera jamais reconnue à son juste talent et passera d’abord à la postérité comme modèle, voire comme amante, que comme peintre. Avec sa plume étincelante, Patrick Grainville raconte ces années parisiennes d’avant-guerre où tous les arts se croisent et s’enrichissent les uns avec les autres du côté de Montparnasse. Quand la Seconde Guerre mondiale éclate, Giacometti rejoint sa Suisse natale et Isabel retournera en Angleterre. «Il faut fuir la peste nazie». C’est durant le Blitz que la belle anglaise se lie avec Francis Bacon. L’homme tourmenté, qui avouera plus tard qu’elle a été la seule femme avec laquelle il a fait l’amour, mêle alors Éros et Thanatos, la chair et le sang qui trouveront une grande place dans son œuvre.

La création et la passion se mêlent dans les années d’après-guerre où l’effervescence culturelle reprend de plus belle. Les existentialistes, autour de Sartre et Beauvoir, y côtoient Man Ray et Hemingway. Isabel, de retour à Paris, renoue avec Giacometti, divorce et se remarie avec le musicien Constant Lambert, mais ne tarde pas à se jeter dans d’autres bras, sauf ceux de Picasso. L’auteur de Guernica sera sans doute l’un des seuls à ne pas obtenir ses faveurs. Car elle entend avant tout rester libre. Elle divorce à nouveau et repart en Angleterre où elle retrouve Bacon et s’amuse à organiser une rencontre avec Giacometti.

Après Falaise des fous qui suivait Gustave Courbet et Claude Monet du côté d’Étretat et Les yeux de Milos qui, à Antibes, retraçait la rencontre de Picasso et de Nicolas de Staël, cette nouvelle exploration de l’histoire de l’art est servie avec la même verve et la même érudition. Dès les premières pages, on est pris dans cette frénésie, dans ce tourbillon qui fait éclater les couleurs et briller les artistes. Durant ces soixante années très agitées mais aussi très riches, la plume de Patrick Grainville fait merveille, caressante de sensualité. Avec toujours de superbes fulgurances qui font que, comme le romancier, on s’imagine attablé au Dôme ou chez Lipp, assistant aux ébats et aux débats. Un régal !




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Les yeux de Milos

Olalalalalala je suis très très en retard pour rendre mon avis sur ce livre que j'ai obtenu grâce à une masse critique particulière de mon cher Babelio !



Oui, 17 jours de retard c'est beaucoup et je m'en excuse... Mais j'ai des circonstances atténuantes, si si, tout d'abord et bien cette lecture a été pour moi laborieuse. Je n'avançais pas dans ce style très pompeux, bavard, ou un je ne sais quoi d'un auteur de l'Académie Française ???...



Gloups, ben oui désolée mais moi je suis une lectrice basique et quand le style est trop trop riche et appuyé ça me gène, ça me coupe dans mon élan et je me mets à pester et à survoler les lignes. Quand les phrases sont à ralllooonngeeee, longues, ennuyeuses, répétitives, imbuvables, lourdes, interminables, soporifiques et j'en oublie ... Vous avez compris ?



Alors vous me direz qu'en survolant on peut lire vite si on n'aime pas. Oui c'est vrai, mais je n'étais pas non plus dans l'abandon de ce livre qui a su m'accrocher sur certains aspects.



Par les femmes qui transitent autour de Milos et cette écriture érotique qui pointait comme des seins caressés et un peu pincés ... Il y a aussi tout le côté paléontologie au côté de l'Abbé Breuil et par la revisite par Milos et ses femmes des hauts lieux de l'origine de l'homme et de l'art.



Dans ce livre la volonté de dresser un vilain portrait de Pablo Picasso, l'homme aux conquêtes innombrables est pour le moins répétitif et entêtant. L'auteur a bien sur réussi à me le faire détester cet artiste pourtant éblouissant et foisonnant dont l'œuvre force tout de même le respect.



De l'autre côté, le portrait de Nicolas de Staël dressé par Patrick Grainville, on le sent bien est mis en valeur en tant qu'homme, romantique, profond et torturé. Il y a davantage de respect pour cet artiste dans les lignes de l'auteur.



Pourquoi cette volonté de parallèle entre les deux artistes... Pour avoir deux prismes de la création sans doute et deux styles de vie ?



Ainsi vous l'aurez compris cette lecture ne m'a pas vraiment plu dans son ensemble car trop appuyée !



Quelques fulgurances érotiques et quelques épisodes de découvertes des origines de l'art auront permis que je ne l'abandonne pas et que j'en vienne à bout 17 jours trop tard.



Merci à Babelio pour sa confiance, merci aux éditions du Seuil !



Quant à vous et bien c'est vous qui voyez !



Portez-vous bien et lisez !
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Falaise des fous

Le fou c'est Monet. Avec Grainville on gravite autour de la vie du maître, gambergements sur les falaises, sur les artistes de l'époque, Courbet, Flaubert, Maupassant, Baudelaire, Degas, Rimbaud, Boudin, Picasso..., gambergements sur les guerres, les faits divers, cortège funèbre d'Hugo, Dreyfus et l'antisémitisme français, ersatz d'intrigue avec les aventures amoureuses du narrateur...



Je suis plein d'admiration pour ce travail colossal et d'une écriture impeccable mais cette overdose de Monet est loin de m'inciter à revoir ses tableaux... découvrir Étretat peut-être?
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Les yeux de Milos

Je développe depuis quelques temps le concept de la page 100.

Il est la chance laissée à un(e) auteur(e) pour me convaincre de continuer son livre, portée par le postulat d'une vie devenue trop courte pour la perdre dans des pages qui ne m'accrochent pas. Ce cota me donne assez de matière pour découvrir une écriture, une thématique, un intérêt pour la chose racontée.

Je n'abuse en général pas du concept, étant plutôt bon public, éclectique dans mes choix, et laissant souvent une seconde chance à un auteur qui ne m'a pas convaincue précédemment.



Vous me voyez donc venir...j'ai pourtant tenté de la dépasser, cette 100e !



Patrick Grainville me pose vraiment problème. Bien que toujours attirée par les romans ou documents artistiques, je cale sur ce Milos comme j'ai calé sur sa Falaise des fous.

Au risque de passer pour une prude, les sempiternelles élucubrations de sensualité concernant le jeune homme au regard bleu m'ont rapidement lassée et la documentation érudite abordant Picasso et Nicolas de Staël n'a pas contré cet ennui.



L'écriture de l'auteur est aussi très personnelle, chargée, alambiquée. D'aucuns diraient qu'il se regarde un peu écrire.



Dommage pour moi. Peut-être pas pour d'autres.

Regret d'une lecture ratée, et remerciements pour ce partenariat de lecture Babelio/ Seuil.

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Les yeux de Milos



Ceux qui ont lu Falaise de fous de Patrick Grainville ont déjà été séduits par son écriture flamboyante et connaissent son goût pour la peinture, la mer et les mots, «  ses seules armoiries ».



Dans ce roman on change de cadre, on quitte la Normandie pour la côte d’Azur, Antibes, cette ville dominée par le château Grimaldi, qui abrite le Musée Picasso, et où on peut admirer des sculptures de Germaine Richier.Sa terrasse ouverte offre une vue panoramique sur « La corne d’abondance de la Méditerranée qui dégorge sa jarre de lumière ». Éblouis, nous sommes, aveuglés même par ce « bleu de démiurge, bleu de Cyclades... ». Quoi de plus naturel de s’intéresser aux sommités de sa ville natale pour les protagonistes du roman.

L’Académicien met en scène Milos qui doit son prénom à une île des Cyclades où sa mère Myriam a vécu sa première aventure amoureuse initiatique. Le titre met en exergue les yeux du protagoniste, car à 10 ans, il était considéré comme « un phénomène » à cause de ses yeux bleus d’une beauté absolue, de son regard foudroyant «  d’un bleu royal, d’azur irréel « qui «  happait l’attention ».

On suit sa scolarité, il est placé en établissement privé à la suite d’une agression. Excellent élève.

Le bac en poche, il s’oriente vers des études d’archéologie et de paléontologie. Marine choisit des études d’anglais.



Beaucoup de mystère quant à l’impact de son regard, à son port de lunettes fumées. Il prend conscience de son rayonnement lors d’une chute/glissade et croise le sourire d’une douceur angélique de Marine dont il tombe amoureux.Marine qui devra s’accommoder d’être «flanquée de ce mystère d’homme masqué » ou parfois se résoudre à porter elle-même un masque.

Milos est présenté par sa mère comme doté d’ un caractère intempestif, susceptible. Les séances de psy sont un échec.



On accompagne le jeune couple dans ses baignades, dans ses promenades et visites au château Grimaldi, au fort. Lieux associés aux deux peintres que Patrick Grainville évoque en les opposant : Picasso ( 1881- 1973 ) , «  nain et trapu, chauve, narcissique , des yeux injectés d’une énergie frénétique », Nicolas de Staël (1913-1955), grand, très beau, «  fort comme un batelier ».

Pour Milos, ils forment « une figure double, antagoniste et presque sacrée, inhérente à Antibes ».

Selon les connaissances du lecteur sur ces artistes, ce roman lui permet d’approfondir leur biographie et de mieux cerner leur œuvre, leur style. La curiosité est éveillée par les descriptions minutieuses, évocatrices de certains tableaux. Celui qui est omniprésent, c’est Guernica, cet été 37 , alors que la guerre gronde en Espagne. Un été où Picasso convie plusieurs couples célèbres dont Eluard, adepte de l’échangisme pour un pique-nique sur l’île Sainte-Marguerite.Roland Penrose et Dora Maar immortalisent la bande, Picasso réalise des portraits de Nusch , l’égérie des surréalistes.





Le coeur de Milos, aux lunettes d’aveugle, est écartelé entre deux femmes, l’amie d’enfance Marine et Samantha, amie de sa mère. Samantha, qui a rédigé une thèse d’histoire de l’art sur Picasso, nous dévoile une facette peu sympathique du Minotaure, amateur de femmes, au nombre pantagruélique de maîtresses . Elle cherche à débusquer une histoire secrète sur cet « Andalou ithyphallique ». Elle relate ses frasques, « les cages dorées de ces héros de la libido ». C’est une galerie d’inconnues qu’elle a rassemblée dans un album qu’elle commente à Milos. Elle présente Picasso comme « un monstre, un démiurge, un vampire tentaculaire, mais aussi comme un génie ». Génie dans la cruauté, note le narrateur. On croise ses épouses et ses amantes et Muses les plus célèbres : Dora Maar qui partage «  le grand Pan » avec la sensuelle Marie-Thérèse. La couverture du roman représente le portrait de Marie-Thérèse Walter que l’on peut voir au Musée Picasso de Paris.



Le mouvement #metoo aurait eu de quoi réagir quant aux différences d’âge (70 ans pour lui , 20 , 19 ans pour elles). Femmes que le prédateur irrévérencieux a souvent broyées, poussées au suicide.

Milos, qui se soumet aux désirs sexuels de Samantha a peur de perdre Marine ! Celle-ci, fatiguée par les incartades de son amant, le somme de choisir et décide d’aller enseigner Outre -Manche.

Son job au musée de l’Homme, lui permet de découvrir où Picasso et Nicolas de Staël ont vécu et peint et où ils sont exposés. «  La tour Eiffel lui fait du bien », tout comme la Vénus de Lespugne.

L’éloignement de Marine avait d’abord provoqué chez Milos un grand tsunami,mélancolie, dépression. Mais très vite il se laissera envoûter par Vivie , «  Minoenne de charme », qui le blessera gravement par jalousie une fois Marine revenue vers son cher Milos.



Certains peuvent être mal à l’aise devant la pléthore de scènes d’alcôve. Patrick Grainville n’a-t-il pas été catalogué comme «  l’Académicien le plus priapique » par les critiques du Masque et la Plume ?!



Le romancier excelle dans la peinture /la poétique des paysages. : « La corne d’abondance de la Méditerranée dégorgeait sa jarre de lumière ». Il y a des lieux où on aimerait se poser, comme sur la terrasse ouverte du château Grimaldi. Pour Serge Joncour « il y a des paysages qui sont comme des visages, à peine on les découvre qu’on s’y reconnaît. »

Suivre Milos sur les traces des peintres, «  Pic et Nic », c’est s’éloigner d’Antibes pour faire halte à la plage de Garoupe, à Mougins, à Vallauris, Nice, passer par Paris. Milos et Marine enquêtent pour connaître le lieu exact où Nicolas de Staël a peint Concert, l’ultime tableau avant son suicide.

Ils nous embarquent à Londres, dans les musées de la capitale comme la Tate Britain et le colossal British Museum , se prélassent dans St James’s park , longent la Tamise et partagent leur bonheur. Nouvel éblouissement devant les toiles de Turner, «  le roi des peintres modernes » aux « paysages hallucinatoires ».



En tant que futur archéologue Milos explore le Périgord, les grottes, s’envole jusqu’en Namibie sur les traces de l’abbé Breuil pour voir « l’archive brute de la fresque de la Dame Blanche » dont il relate le mythe,il participe également à des fouilles à Monaco. En Espagne, il visite Altamira.





Dans cet ouvrage qui sent bon le midi s’exhalent des odeurs citronnées, de menthe, d’eucalyptus.

Pour profiter pleinement de ce roman foisonnant, truffé de descriptions de tableaux de deux maîtres, des lieux qu’ils ont fréquentés, il est vivement conseillé de se procurer des livres sur les œuvres des deux peintres, afin de les voir de visu et de faire une escapade en images à Antibes et dans les autres lieux évoqués. Si vous nourrissez , comme Milos et Marine, « une fringale d’échappées, d’espace, d’extases inédites », vous serez comblés. Ils nous entraînent même à Java !



L’auteur multiplie les références artistiques, mythologiques et littéraires , il glisse du Baudelaire ( Ordre et beauté luxe calme et volupté ») et du F.Scott Fitzgerald ( « Tendre est la nuit »).

Le récit se termine par le rêve «  farfelu » et délirant de Milos, qu’il a consigné « pour le fixer ».



Patrick Grainville signe un roman érudit où sont déclinés les portraits et destins de Picasso et de Nicolas de Staël de façon chorale, où se mêlent érotisme et lyrisme, servi par une langue recherchée et une écriture riche. Beaucoup de phrases nominales.Profusion de couleurs. Prodigieux.Lumineux !

On connaît le bleu Klein, il y a maintenant le bleu « séraphique » de Milos et le bleu de Staël !



Une invitation à déambuler dans les Musées. Un appel urgent à les voir nous ouvrir leurs portes !





Last not least, un immense merci à Babelio et aux éditions du Seuil pour m’avoir permis de m’évader, de m’immerger dans les tableaux de «  Pic et Nic » et d’accompagner Milos dans ses multiples pérégrinations, ainsi que Marine, «  thérapeute de son errant hypersensible ».
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Les yeux de Milos

Je remercie Babelio et les éditions du Seuil pour cette masse critique spéciale.

Milos est un jeune étudiant en paléontologie, vivant à Antibes, ville où les peintres Pablo Picasso et Nicolas De Staël ont vécu. Le Château Grimaldi -devenu le Musée Picasso en 1966- expose les œuvres de ces deux artistes.

Milos a des yeux bleus, si clairs que les autres sont envoutés par son regard. Rapidement il va en être gêné au point de le cacher sous des lunettes fumées.

Sa mère l’a appelé par ce prénom en souvenir de son séjour en Crète avec son premier amant, sur l’île du même nom. Elle avait même pensé à l’appeler Minos, roi de Crète dans la mythologie grecque.

C’est une amie de sa mère, Samantha -historienne d’art- obnubilée par Picasso et ses relations amoureuses- qui va faire naître son intérêt pour les peintres Pablo Picasso et Nicolas de Staël.

Picasso, 1m63, mort en 1973 à l’âge de 91 ans et De Staël, 1m97, mort en 1955 à l’âge de 41ans. Picasso le roc égocentrique, sûr de lui, que rien n’ébranle, multipliant les œuvres aussi vite que les conquêtes (et vice-versa). De Staël, passionné et angoissé, plus lent à créer comparé à Picasso, comme il le dit lui-même et qui, notamment en raison de l’éloignement d’une femme, se suicide en se jetant de la terrasse de son atelier. Deux hommes aux caractères et destins si différents (ou « antithétiques » comme aurait mieux dit Grainville)… Picasso et Œdipe. Picasso qui a peint le Minotaure aveugle, qui lui-même est un Minotaure, génie démiurge manipulateur, qui séduit les femmes, les délaisse, les quitte sans un regard, ou presque.

Cela va amener Milos (en compagnie de différentes femmes) à s’intéresser à l’œuvre de ces deux hommes, d’Antibes à Paris en passant par la Namibie, et chercher la matrice des origines de l’homme.



Appréciant l’art, ce livre sur ces deux peintres avait un réel attrait pour moi. Ajouté à cela, la possibilité de découvrir un auteur que je n’avais jamais lu (connu pour « Falaise des fous » ou encore « Le baiser de la pieuvre »).

Les multiples conquêtes de Picasso (Olga, Dora, Françoise, Marie-Thérèse, Jacqueline, etc., etc.) font bien entendu partie de l’image médiatique du peintre tandis que Nicolas de Staël est moins connu du grand public.

Si on connait déjà le pouvoir de séduction de l’artiste espagnol, l’attitude peu ‘’sympathique’’ de Picasso envers les femmes l’est peut-être moins (il les use, les manipule, les trompe, les remplace, les rend folles- au sens premier-). Ce n’est pas forcément facile de lire tout cet étalage sur son triste comportement. Tout comme, pour moi, est dérangeante cette Samantha fascinée par cet homme qui envoutait et malmenait tant de femmes. Tellement obnubilée à faire la liste des muses dont il abuse.

Pour ma part, je crois que cela a définitivement rangé Picasso dans la catégorie des hommes peu appréciables, voire détestables. Même si j’aime ses œuvres des périodes bleues et roses, ses sculptures et ‘’Guernica’’ que j’avais pu admirer en Espagne, après avoir lu ce roman, je ne suis pas prête à retourner voir de sitôt une exposition qui lui est consacrée. Il m’est parfois difficile de ne pas mêler l’œuvre et l’homme. A l’inverse, Grainville aura su éveiller ma curiosité pour les peintures et l’évolution artistique de de Staël.



Le style de Patrick Grainville est plutôt agréable. Encore faut-il toujours le comprendre. Bien entendu, il est normal, pour faire référence à l’art et la paléontologie, d’user des mots les plus appropriés, même si peu usités par tout un chacun. D’ailleurs, ce n’est pas pour rien si la langue française possède un vocabulaire si riche. Pourtant, à la longue, ça peut quelque peu démotiver un lecteur lambda (j’ai passé beaucoup de temps à rechercher la définition d’adjectifs et de termes techniques et j’ai rarement lu un roman où se multiplie des termes comme phalanstère, stéatopyge, palimpsestes, dolichocéphale et j’en passe).

J’ai apprécié son style, notamment ces changements de rythme, ces passages de conversations ou longues descriptions à des phrases courtes, parfois hachées, d’autres musicales (« Et la voilà, le fer à la main, saisie d’une frénésie de va-et-vient pour aplatir le pli rebelle barrant le frêle maillot à bretelle »).

J’espère avoir un minimum de connaissances en mythologie grecque et ne pas être complètement néophyte en termes d’art et d’artistes.

De toute évidence, cela ne m’a pas toujours suffi. Des passages entiers sont restés abscons pour moi. J’ai été à diverses reprises perdue ou perplexe dans ce labyrinthe, véritable dédale de pensées, de références, d’images et d’allégories en majorité sexuelles, d’analyses et d’interprétations sur ces peintres et la vie des artistes de l’époque (Vie libertine avec Eluard, Man Ray, etc.) (Petite digression : le ‘’lien’’ entre l’affaire du Dahlia Noir et certaines œuvres de surréalistes comme Man Ray avait aussi calmé mon intérêt pour les photographies de l’américain).

Le fil d’Ariane pour me guider tout au long des nombreuses pérégrinations de cet écrivain était parfois trop mince pour que je ne me perde pas fréquemment. Et à force de se perdre, certains pourraient s’épuiser (les yeux notamment).

Lecture ardue pour celui qui ne connait pas à un niveau de détails quasi universitaires la vie personnelle et artistique des deux peintres (même après avoir fait l’étudiante studieuse en prenant le temps de refaire la chronologie de leurs relations amoureuses, par exemple). Lecture voilée, énigmatique lorsqu’on ne comprend pas tout des envolées lyriques et fantasmagoriques de l’auteur.

Quoi qu’il en soit, ce roman est une mine d’informations, d’anecdotes sur Picasso et de Staël pour le lecteur intéressé par l’art et la peinture. Grainville fait référence à tous ces personnages qui ont gravité autour d’eux (les amantes, les mécènes ou amis artistes, comme George Bataille, René Char, Lee Miller jusqu’à Lacan) ou encore certains noms de la paléontologie, notamment l’abbé Breuil. Il énumère les œuvres majeures de ces deux peintres pour étayer son discours, fait mention de bon nombres d’autres artistes (les impressionnistes, ceux du bateau-lavoir, etc.) et on en ressort bluffé et étourdi par sa culture.

Roman cérébral et parfois sibyllin sur la vie orgiaque d’un Picasso démoniaque. Mais par la rencontre avec de Staël et son « Ciel à Honfleur », j’ai retrouvé un peu de mon humeur.

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Falaise des fous

Bonsoir à vous tous et toutes.

De retour , après une bîen longue abscence, votre serviteur est.



Ce soir, votre serviteur décide de traiter d'un ouvrage qui pour le moins, a pris une volée de bois vert en ces lieux.



N'ayez crainte, votre serviteur n'a pas changé sa conception d'une chronique, et ne vous fera point le récapitulatif de ce qu'il se passe dans cet ouvrage, cette habitude étant pour le moins détestable.



Si votre serviteur avait dû se baser sur les "chroniques" présentes ici, il aurait pris la fuite devant cette oeuvre ....

Il convient de se demander si celles et ceux qui ont enfoncés es cette oeuvre en ces lieux, l'ont vraiment lu...

Votre serviteur l'a fait.



Alors oui, il est vrai qu'une oeuvre pareille, en une époque où les livres doivent êtres romancés à l'extrême, où un livre doit être lu en un claquement de doigt, cette oeuvre ne peut qu'être un choc ...

Comment ??!!

Cet auteur n'accorde qu'une place minime au romanesque ??!! Et qui plus est, son livre demande un effort de lecture à celles et ceux qui s'en approchent ??!!

Vite, vite, allons sur Babelio pour décharger notre fiel sur ce soit disant auteur, qui ne nous donne nullement ce à quoi nous avions droit !!!

Votre serviteur se gausse devant ces comportements bien puérils...

Oui, cette oeuvre demande un effort au lecteur, et alors ?

Où est le drame ??!

Un lecteur ne devrait donc n'avoir aucun effort à produire pour lire un livre ??!!

Quelle mentalité ....

Oui, cette oeuvre demande un effort conséquent, ne serait ce déjà que par le fait que son style est hallucinant sur la quasi totalité de l'ouvrage ....

Comment ??!! Un auteur ose éditer un livre qui demande au lecteur de relire une page parce qu'il n'a pas totalement saisi le propos, du fait que celui ci est d'une complexité rare, du fait que l'auteur laisse s'exprimer sa passion dévorante de la peinture avec des mots, des tournures de phrase, des envolées quasiment lyriques ??!!!

Mais quelle horreur !!!!

Votre serviteur a du relire certaines pages, oui, il a dû lire cette oeuvre avec un dictionnaire et des ouvrages sur la peinture à portée de main, et il a joui de cela.

Oui, cette oeuvre est une jouissance pour l'esprit ....

Oui, le cerveau reçoit cette oeuvre comme une décharge, et il s'accroche, et il s'envole avec l'auteur, en tentant de percer le mystère de la peinture....

Votre serviteur était quasiment néophyte en matière de peinture avant de lire cette oeuvre, hormis quelques connaissances sur les artistes contemporains, et il a pris une leçon sur le sujet, venant d'un homme dont l'érudition en la matière est telle, que tout un chacun doit se sentir une petite fourmi devant celle ci ...

Alors certains et certaines diront : il aurait dû faire un essai au lieu d'un roman !!!

Pourquoi donc ?

Ne pas comprendre que l'auteur a voulu replacer les oeuvre dans le contexte de l'époque de leur création, afin de faire comprendre au lecteur l'évolution de l'art de la peinture par rapport a l'époque et ces bouleversements, c'est grave ....

Ne pas voir que l'auteur critique à mots couverts le marché de l'art qui détruit le sens, l'essence même de la création, bradant celle ci devant les pieds des sirènes du mercantilisme, c'est grave ....

Comment un essai aurait il pu faire ressortir la folie de ces créateurs, qui se sont sacrifiés es pour leurs œuvres, emportés par leur folie créatrice ?



Il est un constat que malheureusement l'on doit faire, au jour d'aujourd'hui, où tout est dans l'immédiateté, où une personne peut se croire savant parce qu'il a vu une video sur internet qui traite de la peinture, les audacieux tels M.Grainville avec cette oeuvre hallucinante et hallucinée, traitant d'êtres eux mêmes hallucinés, ces audacieux qui osent braver ce que le bon peuple à déclarer comme la "parole sacrée", ces audacieux sont condamnés à êtres métaphoriquement broyés par ces petits esprits qui du haut de leur médiocrité, jugent et condamnent l'audace qui leur renvoie en pleine face leur médiocrité....



Merci d'avoir pris le temps de lire ce texte.

Je précise que le fait d'écrire à la 3 eme personne n'est en aucun cas de la prétention pour moi, mais un jeu auquel je prends beaucoup de plaisir.

Prenez soin de vous.
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