Patrick S. Vast

Palpitant

_Non, vous ne savez pas, vous ne savez plus. Voilà où cela mène de subir...

Cette proposition radoucit Alain. Il avait envie de se perdre dans l'alcool. Pourquoi pas avec un suicidaire, du moment qu'il payait son coup.

Ben, si je voulais donner dans le second degré, je dirais qu'en presque trente ans de carrière, c'est la boîte la plus nickel qu'il m'ait été donné de voir. Tout semble baigner. Les salariés ne se plaignent jamais. Les filles doivent porter des minijupes et des chemisiers transparents, mais c'est de leur bon vouloir, il y a deux cents salariés et aucun élu du personnel, mais c'est parce que personne n'en voir l'utilité... (p.33)

Et tu vois, cher collègue, la bonne pâte, le bon gros ballot de Nanard, il a décidé de prendre sa revanche.

...je suis sans doute quelqu'un qui n'a pas une très haute opinion del'espèce humaine, qui a tendance à voir le mal partout, mais étant donné mon expérience, c'est la deuxième solution que je retiens. Je vous arrête donc pour complicité, en vous faisant quand même grâce de ne pas vous considérer comme la meurtrière. Si vous voulez bien me suivre…

Elle s'était trompée à propos de Bernard. Jusqu'à présent, elle le voyait comme un garçon à protéger, avec lequel il fallait être attentionné. Elle vient de découvrir un être sans scrupule : le genre d'individu avec lequel il est nécessaire d'user de la plus grande diplomatie.

De ce drame, il gardait une cicatrice à la joue droite et une autre plus profonde.

décevant

Gisèle se sent revivre. Solange a raison. Elle n'a pas d'autre choix que de ne jamais avouer. Elle serait forcément accusée du meurtre d'Alain. L'horrible chantage de Bernard verrait son aboutissement.

En quelque sorte, Francis était également un être qui subissait. Le poids d'une culpabilité qui n'était pas fondée. Il portait une cicatrice sur le visage. Mais celle-ci n'était rien à côté de la cicatrice de son cœur, de son âme. Il voulait se faire pardonner en aidant les autres, dans la crainte de culpabiliser encore et toujours. Cela l'a mené loin. Jusqu'à aller cacher le cadavre de votre mari et vous empêcher de ce fait de mettre un terme à cette spirale infernale qui vous épuise.

Par jalousie, un homme tue son collègue et va se suicider sur une plage déserte ! Et par-dessus le marché, pendant ce temps-là, le directeur de l'agence meurt d'une crise cardiaque chez lui, tandis qu'il téléphonait ! Chacun y est allé de sa touche, lyrique ou sordide selon les goûts ou les cas. Solange restera celle pour qui deux hommes sont morts.Mais elle ne veut être qu'une anonyme qui assiste, le cœur lourd, aux funérailles.

Solange, c'était sacré, il ne fallait pas y toucher. Il aurait été furieux que Francis couche avec elle mais il avait été rassuré puisqu'il semblait ignorer ses avances. Qu'il l'ait soumise à sa volonté au point de la faire mentir est peut-être pire. Il va donner une bonne leçon à ce Francis, afin qu'il laisse sa Solange tranquille. Elle retrouvera sa liberté et n'ira pas témoigner qu'elle avait passé la nuit avec lui alors qu'il chargeait le cadavre d'Alain Lefage dans son coffre avec sa maîtresse. Il allait voir ce qu'il allait voir ! Tandis qu'il roule sur la route de Saint-VenantBernard ne pense qu'à sa vengeance.

Quand elle passe à sa caisse, elle ne se soucie guère de l'attitude qu'elle peut avoir. Elle exhibe presque fièrement sa bouteille de whisky. Elle assume sa condition, celle d'une femme qui sombre dans l'alcool, avec un réel plaisir. Et si elle a pris une boîte de conserve, c'est parce qu'elle n'a rien mangé depuis deux jours et qu'il faut penser à se nourrir.

Depuis que sa femme l'a lâchement plaqué, il n'éprouve plus aucun scrupule à avoir recours à l'amour tarifé. Seulement, la dernière fois qu'il s'est risqué dans les environs du parvis, il a failli tomber sur Bernard Lefèvre. Un comble !Il va retrouver sa voiture et décide de quitter Lille. Mais il n'a pas abandonné son projet de s'encanailler et songe à un petit bar tranquille qu'il connaît bien : un endroit sympathique, en pleine campagne, où l'on ne risque pas de rencontrer Bernard Lefèvre !

Après tout, tuer un mort est chose commode et je dirais même, tentante. Surtout pour deux amants qui veulent ramasser un sacré magot et partir filer le parfait amour au soleil. Mais bon, pour ça, je vous laisse l'autre moitié du pactole. Reconnaissez que j'ai du cœur. Vu l'ampleur qu'a prise l'affaire avec les tout derniers événements, je serais en droit de demander beaucoup plus pour me taire et vous permettre d'être tranquilles jusqu'à la fin de vos jours, ou du moins de votre idylle.

Malgré le mauvais temps, elle a conservé une tenue sexy, dont un bustier très décolleté. Francis réalise qu'il a été injuste avec elle. Il a repoussé ses avances pour rester fidèle à son pacte et l'a rompu cette nuit avec la veuve d'un ami. Quelle inconscience, se dit-il : amour et mort étroitement mêlés, un effroyable duo.

Gisèle est rassurée, mais Francis a des remords. Non seulement parce qu'il a rompu le pacte qu'il s'est imposé lors de la disparition de celle qui lui était chère, mais aussi parce qu'il a l'impression d'avoir profité de la mort d'Alain.Il est pris entre deux feux. Il a envie de Gisèle, elle l'attire, mais il ne peut pas déroger à son principe : une relation amicale.

Instinctivement, elle se blottit contre lui. Il est d'abord réticent puis, petit à petit, devient réceptif. Gisèle ne peut le cacher : elle est en manque d'affection, après toutes ces années où elle a été négligée et plus encore après les épreuves des deux dernières semaines… Elle transmet son désir, son besoin, à Francis qui bientôt l'enlace et l'embrasse. Elle s'abandonne et il la débarrasse de sa robe de deuil, de ses sous-vêtements. Elle s'offre. En cette nuit de folie, la vie reprend ses droits et ils s'aiment ardemment.

Elle a besoin de boire, de sentir la chaleur de l'alcool. Francis est parti sans lui dire s'il allait revenir. Elle se demande ce qu'il va faire : enterrer le corps d'Alain près de sa maison ou le jeter dans le puits qui se trouve au bout de son terrain. Francis possède une propriété que lui ont léguée ses parents. Elle a eu l'occasion de s'y rendre un dimanche avec Alain.