L’idée est née d’une anecdote piquante qui m’est restée en mémoire : un jour le général de Gaulle reçoit dans son bureau de l’Elysée un baron politique à qui il compte proposer un ministère. Le futur ministre, évidemment – on l’imagine se tortillant d’aise sur sa bergère Louis XV – s’empresse d’accepter ce poste tant convoité. Mais avant de clore l’entretien, de Gaulle, d’une voix sépulcrale, lui dit : « Etes-vous bien sûr, au fond, de ne pas préférer la vie à tout ça ? » Mon personnage, Tristan Talberg, en fait, est un homme qui préfère la vie à « tout ça » Tout ça étant le Nobel, les ors du pouvoir, les vanités diverses et (a)variées qui nous guettent, nous engluent… Le livre, oui, est aussi une réflexion sur le métier d’écrivain. Qu’est-ce qu’un écrivain peut accepter ? Jusqu’où doit-il aller dans ce qui est la part « non littéraire » de son métier…?
Pour ce qui est du deuil, mon roman est avant tout l’histoire d’un amour fou et je pensais qu’un amour qui se poursuivrait, s’amplifierait, même, après la mort, serait particulièrement fort. Je voulais un élan qui transcende tout, la maladie, même la mort.
L’amour, vrai, profond, vertical, est tout ce qui reste à l’être humain dans cette société matérialiste au dernier degré, enflée de son propre vide. Mon (anti)-héros l’écrit à un moment : il n’existe que trois armes de construction massive : l’art, l’amour, le sacré… En dehors de cela, rien ! Nada ! Oui, je crois, comme l’a écrit Georges Bernanos, dans ce monde où homo pseudo sapiens n’a de cesse d’exterminer voluptueusement son prochain, que « L’enfer, c’est de ne plus aimer »
Ce n’est pas le sujet central, mais le déclencheur, le catalyseur de toute l’histoire. C’est donc très important. Je n’ai rien contre les prix littéraires – j’ai même eu la chance d’en avoir deux ou trois jolis –, mais je n’imagine pas écrire un livre « calibré » en vue d’un prix important, comme certains le font. Ecrire va mieux en écrivant..., sans tirer de plans sur la comète éditoriale. Ensuite, la réception d’un livre – qui est certes primordiale – nous échappe en grande partie…
Je suis pour l’instant un Jacquet contrarié. « Faire » Compostelle, comme on dit, est encore un rêve, mais j’ai arpenté beaucoup des lieux que je décris dans le livre. J’en ai donc fait des bouts avec, toujours, cette fascination du chemin qui m’a saisi très tôt. Comme Talberg, je suis un assez bon marcheur et… il est bien plus âgé que moi, ce qui me laisse encore quelques belles années pour réaliser ce rêve… Compostelle est avant tout, je crois, un état d’esprit et cet état d’esprit, j’y suis parvenu peu à peu, la maturité venant. Ca ressemble à une certaine soif d’élévation, à quelque chose de plus grand que ce monde trop plat. Un jour, on se met en marche. « Il n’y a pas de chemin, c’est marcher qui crée le chemin ». Ce célèbre mot de Jean de La Croix dit merveilleusement les choses.
Je me suis en effet, inspiré – très librement, il est vrai – du mythe de Tristan et Yseult. Les grandes légendes m’ont toujours profondément inspiré (le cycle Arthurien, la mythologie gréco-latine). Ce sont elles qui ont forgé la littérature. Legenda, ne veut-il d’ailleurs pas dire « ce qui doit être lu » ? Oui, ces milliers de chemins intérieurs sont ceux qui nous font, qui nous structurent, nous autorisent la station debout. J’ai passé mes soirées à raconter des légendes ou des mythes anciens à mes deux filles quand elles étaient enfants et je sais que cela a compté pour elles.
J’ai toujours aimé le genre épistolaire, genre classique par excellence, et faire un roman semi-épistolaire permettait de passer du « il » objectivé au « je » subjectif. C’est d’une très grande richesse d’écriture et je crois que les lecteurs y voient aussi une grande originalité. J’aime bien ce côté inactuel, et même réfractaire, oui, de la lettre papier. Comme tout le monde, j’utilise beaucoup les e-mails (ou courriels, en français labellisé), mais régulièrement, je me fends de mots manuscrits. C’est tellement plus fort, d’une distinction tellement plus haute. D’ailleurs, je rédige souvent mes e-mails comme des lettres à l’ancienne, avec formules de politesse etc.
Mon éditeur, avec beaucoup d’humour, m’a « supplié » de l’accepter si jamais il m’était décerné... Entre nous, je pense le risque – je dis bien le risque – assez faible… Ce n’est certes pas rien le Nobel de littérature, il a même couronné quelques œuvres majeures (Faulkner, Gide, Camus, Bergson…), mais depuis plusieurs décennies, à quelques exceptions près, j’avoue que je suis sceptique. Serait-il devenu un prix du littérairement correct ?
Je dirais, très jeune, mes premières lectures : James Fenimore Cooper, Walter Scott, Alexandre Dumas, Théophile Gautier…
Un écrivain, trop méconnu du « grand public », mais qui est probablement un des plus grands écrivains français vivants : Marcel Moreau. Son œuvre est si puissante, si torrentielle, si belle, qu’elle pourrait anéantir tout élan, mais comme c’est un ami très cher, l’effet est inverse chez moi. Son œuvre magnifique me stimule…
Georges Simenon. Très jeune (neuf, dix ans). Ne jamais oublier, comme le disait André Gide, qu’il est (souvent, pas toujours) un grand romancier.
Sans aucun doute Les Pensées, de Blaise Pascal. Le plus grand, pour moi.
Mon journal 50 nuances de Grey. C’est évidemment ironique… Promis, je m’y mets dès le siècle prochain.
L’œuvre de Marcel Moreau – voir ci-dessus –, complexe, exigeante, mais splendide.
Je vais me faire des ennemis, mais allons-y gaiement : Belle du Seigneur, d’Albert Cohen, ou l’Ulysse, de James Joyce . Attention, je ne dis pas que ce sont des impostures, mais « surfaits », j’assume.
Valery Larbaud…: « Ce vice impuni, la lecture »
Je relis Mémoires d`outre-tombe - Texte intégral : Les 5 tomes (Annot..., de François-René de Chateaubriand. Vous voyez, très classique, mais… prodigieux ! Enfin, je lis aussi beaucoup de littérature contemporaine, pour le meilleur et… le pire.
Découvrez l'émission intégrale ici : https://www.web-tv-culture.com/emission/patrick-tudoret-en-marchant-53762.html Voilà un livre qui fait un bien fou, un livre qui prend le temps, qui nous invite à l'introspection et nous invite surtout à marcher pour nous approcher de ce que nous sommes au plus profond de nous. « En marche », c'est le nouveau titre de Patrick Tudoret. Il y eut le politologue, il y eut le chef d'entreprise, l'homme de media et puis il y a l'écrivain, l'écrivain polyformes qui s'exprime aussi bien dans l'essai que dans le roman ou la dramaturgie avec plusieurs pièces à son actifs. Son 1er titre, « Impasse du Capricorne » sort en 1992 aux éditions de la Table ronde. D'autres titres suivront jusqu'en 2015 avec « L'homme qui fuyait le Nobl » paru chez Grasset qui lui permet d'atteindre un public plus large. A travers cet écrivain sélectionné pour recevoir le prestigieux prix et qui préfère partir sur les chemins pour s'en échapper, Patrick Tudoret nous racontait aussi une bouleversante histoire d'amour, de deuil et de résilience. Ce livre reste une référence, le genre de livre qu'on garde précieusement dans sa bibliothèque pour les bienfaits qu'il apporte mais que l'on a aussi plaisir à partager pour ses enseignements. Dans le même registre, mais cette fois-ci sous la forme de l'essai, Patrick Tudoret nous avait aussi séduits avec son « Petit traité de bénévolence » dans lequel il nous rappelait l'importance de l'ouverture aux autres. On l'aura compris, dans notre monde d'urgence, de violence, de repli sur soi, Patrick Tudoret nous apporte par son écriture une salvatrice bouffée d'air frais. Il le prouve cette fois-ci encore avec son nouveau livre « En marchant » paru chez Tallandier. A travers son expérience personnelle mais aussi en convoquant d'autres écrivains, il nous raconte l'importance de ces quelques pas qui deviennent des kilomètres, l'art de la marche qui nous permet de nous recentrer sur nous-mêmes, de revenir à l'essentiel tout en restant attentif à la rencontre et à l'inattendu. Porté par une écriture douce, poétique, riante aussi, ce livre qui mêle étroitement pérégrinations pédestres, vagabondage philosophique et littéraire, souvenirs personnels et interrogations sur le sens de l'existence fait un bien fou. Que vous soyez vous-même adepte de la marche ou que vous vous disiez « un jour je m'y mettrai », emparez-vous de ce joli livre qui est avant tout un acte de vie et aussi un acte de foi. « En marchant » de Patrick Tudoret, est publié chez Tallandier
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