On ne dira jamais assez à quel point Wittgenstein conduit sa vie en fonction de principes. Ses plus grands moments de désespoir interviennent toujours quand il cesse un instant d’aller à la limite de lui-même et qu’il voit comme il trahit les principes inaccessibles qu’il se fixe.
Bien entendu, Dieu entre dans la catégorie des choses dont on ne peut pas parler. Nous ne pouvons pas parler de Dieu puisque le langage ne fait que donner une image de la réalité. Wittgenstein prétend pourtant que des choses telles que Dieu existent : simplement on ne peut ni les dire ni les penser.
« Je lui dis qu’il fera nuit, il me répond qu’il hait le jour. Je lui dis qu’il sera seul, il me répond qu’il se prostitue l’esprit à parler à des gens intelligents. Je lui dis qu’il est fou ; il répond que Dieu le garde d’être sain d’esprit (Ce que Dieu ne va pas manquer de faire. »
Russell
Conséquence de la seconde philosophie de Wittgenstein, les questions jadis posées par les philosophes sont entrées dans le domaine de la poésie. Vu le chemin que prend la poésie, il semble là aussi qu’on ne les posera pas très longtemps. Nous avons appris à nous passer de Dieu et il semblerait que nous allons devoir apprendre à nous passer de philosophie. Elle va rejoindre, hélas, les rangs des disciplines dont on a fait le tour (et qui sont devenues fallacieuses) telles que l’alchimie, l’astrologie, ou encore l’amour platonique et le stylitisme.
Si on ne peut vérifier une affirmation, c’est qu’elle est dépourvue de sens. Voilà qui exclut toute métaphysique, à commencer par des affirmations théologiques telles que : « Dieu existe ». Selon Wittgenstein, à une question comme « Dieu existe-t-il ? » il est impossible de répondre. Non seulement cela, il est même impossible de poser la question puisqu’elle dépasse les limites de la logique et est donc dépourvue de sens.
Russell tente de définir la notion de nombre en utilisant les classes. Certaines classes appartiennent à elles-mêmes, d’autres pas. Par exemple, la classe des êtres humains n’appartient pas à elle-même puisqu’elle n’est pas un être humain. Alors que la classe des non-êtres humains appartient à elle-même. Mais la classe regroupant toutes les classes n’appartenant pas à elles-mêmes appartient-elle à elle-même ? Si oui, elle n’y appartient pas. Si non, elle y appartient.
Nous avons de la chance, car Aristote semble avoir été un brave homme. Pour lui le but de l’humanité est la recherche du bonheur, qu’il définit comme la réalisation du mieux dont nous sommes capables. Mais quel est le mieux dont nous sommes capables ? Selon Aristote, la raison est la plus haute faculté de l’homme. Donc « l’homme le meilleur (et le plus heureux) passe le plus de temps possible à l’activité la plus pure de la raison, à savoir la réflexion théorique ».
Il est ainsi évident qu’une cité précède un individu. Car, si un individu n’est pas suffisant en lui-même pour former un gouvernement parfait, il est simplement à une cité ce que d’autres parties sont à un tout. Et quiconque est incapable de vivre en société, ou n’en éprouve pas le besoin car il se suffit à lui-même, ne peut être qu’une bête ou un dieu. Ainsi chacun est poussé naturellement à se joindre aux autres de cette manière, et le premier à avoir fondé une société civile a apporté le plus grand bienfait à l’humanité. De cette manière l’homme est la plus belle de toutes les créatures vivantes ; tout comme, privé de lois, il en serait la pire. Car rien n’est aussi difficile à éliminer que l’injustice perpétrée par la force. Mais l’homme est né avec cette force – qui est à la fois prudence et bravoure et qui peut être utilisée aussi bien pour des causes justes qu’injustes. Ceux qui abusent de cette force sont les êtres les plus iniques, avides et voraces qui se puissent imaginer. De l’autre côté, la justice est ce qui lie les hommes à l’état, car l’administration de la justice, qui consiste à déterminer ce qui est juste, est le principe d’ordre dans la société politique.
A l’âge de dix ans, Ludwig invente et construit une machine à coudre miniature qui fonctionne avec des bouts de bois et du fil de fer. Dès l’âge de quatorze ans, il est capable de siffler l’intégralité des mouvements d’un bon nombre de symphonies célèbres. Ce sont là ses seules activités qui se rapprochent un tant soit peu des jeux d’un enfant ordinaire.
Dans ses parties pas trop techniques (au sens logique), le Tractatus de Wittgenstein est l’ouvrage de philosophie le plus passionnant jamais écrit. Sa clarté et son audace dans l’ellipse argumentaire frisent parfois le poétique, tout comme beaucoup de ses conclusions. Et l’idée de fond en est facile à saisir.