Laure Leroy, directrice des éditions Zulma, vous présente l'oeuvre de Paul Wenz "L'Echarde", lors du Salon du Livre de Paris 2010.
Du champagne, c'est par excellence la liqueur joyeuse ; on en boit quand on est déjà un peu gai et elle laisse ni mauvais goût ni tristesse. Le whisky, le brandy, on boit cela souvent pour oublier, pour se consoler, pour s'étourdir, et le lendemain... on a envie de se noyer. [p.150]
Il (Iredale ) aimait les arbres et déplorait le vandalisme de l’Australien qui, comme l’Américain, descend au besoin un bel arbre pour se procurer un cure-dents. Le maniement de la hache est devenu une sorte de mouvement perpétuel et l’un des premiers jouets du gosse australien est un tomahawk, à l’aide duquel il arrive facilement à amputer le pied d’une table ou à descendre les jeunes abricotiers du jardin.
Je crois que la jalousie est surtout bête : les jaloux ne sont pas tous des imbéciles, mais je crois que presque tous les gens bêtes sont jaloux. [p.46-47]
La vie est pleine de tout cela [...] quand vous marchez pieds nus, vous remarquez que ce sont les petits cailloux qui vous blessent le plus. [p.209-210]
Personne ne grogne malgré les privations, la chaleur et le reste. Ils possèdent tous une philosophie de grands enfants, une mentalité faite de patience qui leur permet d'accepter ce qui arrive et d'attendre ce qui ne veut pas venir. [p.22]
On avait quitté la zone des arbres, pour arriver dans la plaine semée de salt bush et de blue bush, des buissons nains au feuillage presque blanc, tant il est gris, et que les moutons mangent quand l’herbe a disparu. De temps à autre, une famille de kangourous, tous campés sur leur queue, regardaient le buggy passer, leurs bras courts ballants, puis, après avoir secoué leurs grandes oreilles, s’éloignaient l’un derrière l’autre en bonds énormes et lents de gros jouets mécaniques. Plus loin, une troupe d’émeus s’enfuyait en des allures grotesques de danseuses en tutus de plumes grises. (…) Le buggy suivait maintenant une de ces clôtures dont la perspective de poteaux semblait aller rejoindre l’horizon. Les cinq fils de fer et leurs poteaux régulièrement espacés figuraient une portée de musique, sans note, obsédante à voir. Puis tout à coup, une des mesures de cette portée sans fin avait une note étrange, une patte d’émeu dont les trois doigts aux ongles formidables montraient le ciel bleu. L’autruche qui fréquemment franchit les barrières en s’aidant du troisième fil de fer avait manqué son coup, et était morte de faim, la patte prise dans l’étau de deux fils croisés.
Susie devenait pour lui une écharde avec sa douleur lancinante, sourde, énervante.
Il était depuis assez longtemps dans le bush pour avoir appris à lire sur le sol comme dans un livre, et vit de suite les empreintes fraîches de quelques moutons conduits par un chien et pressés dans l'angle de la barrière.