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Critiques de Philip K. Dick (1664)
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Ubik

Certaines personnes ont la faculté de lire dans votre esprit ou de voir l'avenir. Mais a toutes ces personnes en répond une autre qui peut bloquer leurs pouvoirs. Glen Runcintre en a fait son busness. Il est donc propriétaire d'une firme qui emploie des anti psys. Sa société en déclin , du a la disparition de nombreux psys est mandé sur la lune pour un travail. C'est donc accompagné de Joe Chips son meilleurs testeur et d'anti psys qu'il va se retrouver dans une affaire étrange.



J'ai littéralement dévoré ce roman et j'ai été complètement été bluffée.

L'auteur nous montre un futur probable lié a une société de consommation qui en demande toujours plus et ou la moindre chose se monnaie. Le capitalisme en prend pour son grade.

Mais Philip K Dick ne s'arrete pas là dans ses idées ; c'est aussi toute un questionnement lié a la vie dans l'au delà et à la mort.

Le tout mené de main de maître avec une imagination débordante.

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Ubik

L'un des plus grands romans de science-fiction, tout simplement.

Ubik, c'est l'histoire d'une descente aux enfers, celle de Joe Chip, archétype du héros dickien, en butte à l'hostilité du monde dès le début du roman car confronté à une porte récalcitrante qui refuse de le laisser sortir de chez lui !

Joe Chip travaille pour une société new-yorkaise spécialisée dans la lutte contre l'espionnage industriel et commercial, Runciter Associates. Cette société emploie des « anti-psy » , recrutés après que Joe en a évalué les capacités, pour détecter les télépathes qui s'introduisent dans certaines entreprises afin d'en découvrir les secrets.

Glen Runciter, Joe et une équipe d'une dizaine d'anti-psy se rendent sur la Lune où une firme a fait appel à leurs services, mais rien ne se passe comme prévu : Runciter meurt à la suite d'un événement dramatique, Joe et les anti-psy reviennent sur Terre avec son cadavre.

A partir de là, tout se déglingue : certains objets subissent de troublantes métamorphoses, Joe reçoit des messages confus qui semblent provenir de Runciter ( ! ), des collègues de Joe meurent d'une manière atroce et inexplicable, et Joe lui-même s'affaiblit dangereusement… Seuls semblent pouvoir lui redonner un peu de vitalité les fameux produits Ubik, tels une moderne eau de jouvence, mais ceux-ci sont particulièrement difficiles à trouver en dépit d'une publicité omniprésente (Ubik vient du latin « ubique » qui veut dire partout !).

Evidemment, le lecteur aura droit à des révélations à la fin du roman, et ces révélations seront vertigineuses et terrifiantes…

On trouve dans ce livre la plupart des grands thèmes de l'oeuvre de Philip K. Dick (un héros dépassé par les événements et qui doit en comprendre le sens pour survivre, un univers en proie à l'entropie, une réalité mouvante et incertaine…), et la maîtrise narrative d'un écrivain au sommet de son art romanesque leur confère une intensité dramatique exceptionnelle.

Indispensable.

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Le maître du haut château

HUE ! CHRONIE...!



Nous sommes dans les années 60. Plusieurs individus (un japonais haut dignitaire commercial de son pays, un faux industriel suédois mais vrai espion allemand de l'abwehr, deux ouvriers doués de leurs mains, dont un juif recherché pour contrefaction d'antiquités, un antiquaire un peu roublard, admirateur des japonais tout autant qu'il les craint et se méfie d'eux, une femme, ex-épouse de l'ouvrier juif, aussi belle qu'insaisissable, un ancien combattant nazi, un mystérieux écrivain auteur d'une invraisemblable uchronie, voila pour l'essentiel) vont croiser ou seulement entrecroiser leurs destins dans ce qu'il subsiste des anciens Etats-Unis d'Amérique, désormais divisés en trois parts inégales : à l'est, un gouvernement américain nazi et pro-germanique (dont on n'apprendra rien de précis, sauf qu'il s'y trouve des camps d'extermination), au centre, un ventre mou et neutre mais sans grande importance, les Rocky Mountains States, car peu peuplé, peu industriel, économiquement et stratégiquement faibles (Ph. K. Dick fait dire à un routier de l'est les traversant que c'est un pays qui est passé à côté de l'histoire), à l'ouest, enfin, ce sont les Pacific States of America - regroupant, peu ou prou, la Californie, Washington States et l'Alaska-, sous domination japonaise, à l'instar de toute la sphère Pacifique, la moitié de l'Amérique du Sud ainsi que tout ce que nous nommons habituellement l'Extrême-Orient. Le reste du monde (Europe, Afrique, Proche et Moyen Orient, l'essentiel de l'ancienne URSS, la partie Atlantique des deux Amérique) sont sous régime nazi allemand ou, moindrement, fasciste italien.



Mais que s'est-il donc passé pour que la face du monde que nous connaissons aujourd'hui en fut à ce point changé ? C'est aussi simple que terrible de conséquence : le 15 février 1933, à Miami, le tout nouveau président élu (à une majorité assez écrasante), celui qui allait devoir sortir son pays du marasme provoqué par le désormais fameux "black Thursday" de Wall-Street, ne réchappe finalement pas à l'attentat (véridique) par arme à feu provoqué par un anarchiste italien, par ailleurs personnage médicalement déséquilibré, du nom de Giuseppe Zangara. Les conséquences, établies avec intelligence et une certaine logique dans le roman de Philip K. Dick, sont incommensurables : Un Républicain fut élu après l'assassinat du Démocrate Roosevelt. Celui-ci appliquant des réformes totalement contraire à celle de la "vraie" histoire, provoqua un repli diplomatique des USA, prônant une politique de non-ingérence absolue tout en maintenant une politique économique libérale de libre-échange sans entrave. Les Etats-Unis ne prirent donc absolument pas part, pour les uns ni pour les autres, lorsque la seconde guerre mondiale se déclencha, laissant Winston Churchill se débrouiller seul en Europe de l'Ouest (et perdre) de même qu'ils n'apportèrent aucun soutien matériel à l'URSS de Staline, qui perdit tout espoir à Stalingrad. Dans le même temps, l'intégralité de la flotte américaine fut bel et bien détruite à Pearl Harbour par les japonais qui purent alors entreprendre la conquête de tout la sphère Pacifique. La guerre s'acheva en 1948 par une défaite totale des alliés et le partage du monde par les membres de l'Axe. Moins de vingt années plus tard, les deux anciens alliés se font de plus en plus front - inaugurant une guerre froide d'un autre genre - mais la suprématie technologique de l'Allemagne semble être écrasante quand l'esprit raffiné et porté aux choses de l'esprit des japonais paraît être bien plus humain, profond que le nihilisme de l'élitisme outrancier des germains. On en vient même à penser que l'auteur estime la philosophie de vie asiatique plus riche que celle prônée par le libéralisme marchand et pragmatique américain... Voilà à quel moment de cette histoire alternative (ainsi que les anglo-saxon la définissent) nous en sommes lorsque débute ce roman, et bien que ces éléments, l'auteur nous les délivre au compte-goutte, au gré des besoins narratifs, des dialogues ou des explications. Une "contre-histoire" qui cède aussi, pour le moins, à une vision légèrement tronquée et autocentrée de l'histoire, faisant des américains les principaux, pour ne pas dire les seuls artisans fondamentaux de la victoire contre les pays de l'axe. C'est sans doute faire bon compte de la résistance héroïque des britanniques et du sacrifice terrible de la population russe, bien plus "payant" qu'on ne le présente souvent à l'ouest, et ce malgré les erreurs monumentales des hiérarques communistes - au premier rang desquels Joseph Staline -, et du manque de moyens matériels tragique de ces centaines de milliers de combattants. Mais nous ne sommes pas ici pour refaire l'histoire de l'histoire. Laissons ce soin à K. Dick !



Car s'il est évident que ce texte est pour une large part une uchronie (en bon français, et selon son inventeur, le philosophe français du XIXème siècle, Charles Renouvier), c'est à dire une histoire qui n'a pas eut lieu, telle qu'elle aurait pu être si... Philip K. Dick n'en demeure pas à cette seule proposition. Il y aborde le sens du beau et surtout du vrai dans l'art, les relations des œuvres à leur histoire, supposée, fausse ou véritable. Il y fait aussi le procès, sans aucune forme de rémission, du nazisme (ce dont on peu évidemment se féliciter), de la volonté de puissance germanique (avec une vision de l'esprit allemand qui confine parfois à la caricature) d'une manière plus générale alors qu'on lui voit un penchant relativement admiratif, une fascination certaine pour le mode de vie des japonais, leur spiritualité, leur civilisation, leur capacité à recevoir autrui avec humilité et une certaine ouverture. Il s'y essaie aussi à une véritable expérience stylistique, certains critiques y ayant même vu la volonté de s'inspirer des haïku pour exprimer ses pensées narratives, souevtn constituées de phrases brèves, radicales et insondables à la fois.

Par ailleurs, un autre "gros" morceau de la pensée asiatique (chinoise à l'origine) y est omniprésente, une oeuvre multi-millénaire parfaitement intégrée dans l'esprit du Tao de la pensée asiatique : Philip K. Dick avait ainsi reconnu s'être incroyablement servi du fameux Yi-King dans la rédaction de ce roman Le maître du haut château (dans la version en deux volumes de Richard Wilhelm du "livre du changement") ainsi que d'une des uchronies américaines les plus célèbres à l'époque, "Autant en emporte le temps", de Ward Moore (celle-ci se passe pendant la guerre de Sécession. C'est le Général Lee qui remporte la bataille de Gettysburg puis la guerre elle-même). Du second ouvrage, il retiendra un modèle fouillé, aussi logique que possible, essayant de voir toutes les implications de la liberté prise à l'égard de l'histoire. Du premier, il parsèmera (à n'en plus finir) notes et narrations, il en émaillera même (plus souvent qu'à son tour) des dialogues entiers. Philip K. Dick n'échappe toutefois pas à la principale erreur des occidentaux par rapport à ce texte tellement étonnant et profond que le grand psychanalyste Carl Gustav Jung en fera même le premier texte traitant du psychisme jamais pensé et rédigé par l'homme, ainsi qu'un sujet d'analyse passionnant. Dick s'attache ainsi beaucoup aux supposées qualités divinatoires du "Livre des mutations " (autre traduction possible de son titre), lui donnant parfois le nom générique de "l'oracle", tandis que d'aucuns estiment que les tirages du Yi-King donnent bien plus une espèce de photographie immanente du présent, qu'un vade mecum des actions futures à accomplir (même si cette approche n'est pas infondée). Cependant, en fin connaisseur de l'ouvrage immémorial, il le relie fort bien avec la philosophie de vie des japonais que sont roman a rendu maître d'une partie importante des USA.

Philip K. Dick s'amuse à perdre un peu plus son lecteur, à le fourvoyer plus exactement, en insérant une uchronie dans l'uchronie. En effet, à côté des innombrables références au Yi-King, on découvre pas à pas, et par le biais de regards de lecteurs successifs, les bonnes pages d'un roman défrayant alors la chronique, interdit en Allemagne et dans tous les pays satellites de celle-ci, qui raconte comment les USA et la Grande-Bretagne ont, en réalité, gagné la guerre. L'art consommé du célèbre auteur de SF américain lui fait prendre la source proto-historique de ce roman dans le roman, non à la date de l'assassinat de Roosevelt, mais à une date légèrement ultérieure. Lequel est intitulé "Le poids de la sauterelle" en référence à ce qui fait suite à la victoire des alliés : le pouvoir de plus en plus hégémonique de la Grande-Bretagne, conduite par un Winston Churchill devenu aussi vieux que despotique, et se conduisant avec les autres nations du monde comme l'Empire le fit dans ses colonies : telle une nuée de sauterelles dans des champs à récolter. Ainsi, ce sont deux dystopies qui se font face, dans lesquelles ont est fort éloigné d'un monde apaisé et libre, tout autant que ce que fut le notre à cette époque.



Il est cependant un problème majeur consubstantiel à ce roman - considéré, par ailleurs, comme l'un des plus grands ouvrages de la SF mondiale, et comme un véritable modèle en matière de référence uchronique. Ce qui doit rendre notre jugement personnel humble, bien que parfaitement honnête, assumé et réfléchi - c'est qu'assez rapidement on peine à trouver son compte dans cet embrouillamini d'une trop grande richesse de thématiques, d'explications, d'histoires parallèles, rapidement jointes, disjointes ou conjointes. Ainsi, beaucoup, parmi les protagonistes du roman, ne se rencontrent-ils non seulement jamais mais n'ont même que des rapports extrêmement indirects, pour ne pas dire inexistant, les uns à l'égard des autres. Les personnages sont campés de manière assez inégale et relativement caricaturale, ce qui empêche d'y croire tout à fait, et puis, surtout, il y cette omniprésence des tirages du Livre des Mutations qui alourdit considérablement le rythme de l'intrigue, le rendant parfois indigeste. Il y a aussi ce maître du haut château dont on imagine l'importance capitale, tandis qu'il n'est qu'un élément parmi d'autres du récit. Il y a enfin qu'on fini par se demander si l'auteur n'a pas hésité entre essai et roman tant le scénario global semble ne fondamentalement mener à rien de précis, de concret, donnant la part belle à la réflexion, qu'elle soit sous forme strictement narrative ou par l'entremise des pensées émises par les différents personnages, laissant souvent la lecture en suspend, sans véritable résolution ni conclusion, dans l'un de ces jeux en miroir permanent, en perpétuelles rupture d'équilibre qui feront le succès ainsi que l'intérêt majeur de son chef d'oeuvre publié sept ans plus tard, Ubik.

Dès lors, l'auteur semble-t-il nous dire : êtes-vous bien certain que ce que vous pensez vivre est la seule et véritable réalité ? Est-il si impossible qu'il n'y en ait aucune autre, que vous ne soyez-pas vous même un peu d'encre au sein d'une histoire inventée ? Si Ubik nous mène, entre autres choses, vers une conclusion de ce genre, ce roman à venir le fait avec une distance légère à l'humour noir consommé. Rien de cela dans Le maître du haut château (en raison même de ses présupposés liés au pire du pire de notre histoire moderne). C'est fort dommage parce qu'arrivé vers la seconde partie du roman, on finit par comprendre que rien ne se déclenchera de fondamental et si l'on ne s'y ennuie pas tout à fait, on peine à y trouver satisfaction et plaisir. On se rassurera en songeant que Le maître du haut château fut une sorte de déclencheur dans le processus créatif d'un plus grands écrivains mondiaux de Science-Fiction (jusque-là boudé par le public comme par la critique), qu'Ubik, Blade Runner / Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? ou encore Total Recall et autres récits sont encore à venir. Qu'il s'en est peut-être fallu d'une suite, prévue (la présente édition chez J'ai lu en donne les deux seuls chapitres jamais entamés par l'auteur) pour que l'ensemble s'éclaire vraiment. On sait que l'auteur devenu culte n'entamait jamais un nouveau livre sans une documentation conséquente ; on en trouve d'ailleurs trace ici, certain détails méconnus mais parfaitement avérés de l'histoire ou des projets nazis s'y trouvant mentionnés. Philip K. Dick ne parvint cependant jamais à se replonger dans l'étude des horreurs nazis pour parvenir à ses fins, et l'on ne peut franchement pas l'en blâmer.
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Blade Runner (Les androïdes rêvent-ils de mouto..

Je me décide enfin à écrire un avis sur cette lecture, faite pour la simple raison que ce livre est à l'origine de ce qui est aujourd'hui encore mon film culte, vu trente ou quarante fois et dont je connais chaque réplique par cœur ou presque (non je n'exagère pas).

Ma surprise a été considérable de constater ce qu'il restait du texte original une fois adapté au cinéma, peut-être 10%, une belle expérience, tout est là, et pourtant tout est si... différent.

En fait, il y a bien un blade runner et des répliquants dans une société où les androïdes sont omniprésents, mais la comparaison s'arrête là, la transformation due au génie de Ridley Scott nous offre quelque chose de grandiose et de définitivement autre.

Le conseil que je pourrais donner est de ne pas aborder cette lecture comme je l'ai fait, c'est à dire avec des a priori et des certitudes, cela vous évitera un choc si vous êtes fan du film.

Par principe je n'aime pas dévoiler l'intrigue ou ce qui pourrait constituer une surprise pour le lecteur, par ailleurs, avec près de 200 avis déjà écrits vous en saurez plus si vous le souhaitez.

Ce qui est sûr cependant, c'est que Philip K. Dick nous propose un roman qui se laisse lire, et plutôt bien même, et que quel que soit la raison qui vous aura incité à lire cette histoire, vous devriez y trouver du plaisir.
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Blade Runner (Les androïdes rêvent-ils de mouto..

Autant déformé que mis en lumière par son adaptation cinématographique « Blade Runner », Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques est un court roman fabuleux de Philip K. Dick que, paradoxalement, il ne semblait pas apprécier.



Se lisant d’une traite, ce livre repose tout entier sur la question contenue dans le titre : les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? Où se trouve alors la frontière entre les humains et les androïdes ? Quelle capacité avons-nous, ont-ils de rêver, de vivre ? Sur une Terre désertée au fur et à mesure par les humains pouvant la fuir, Rick Deckard va devoir affronter non seulement ses questionnements psychologiques et métaphysiques, mais aussi et surtout les quelques androïdes qui cherchent à se cacher parmi les humains restants. Ces nouveaux Nexus-6 semblent parfaits pour ressembler à leurs « modèles », mais le sont-ils vraiment ? Et surtout, quelles vont être les différences persistantes entre ces deux espèces ? Comme à son habitude, Philip K. Dick formule une intense réflexion sur le sens de la vie, les différences entre humains et androïdes et l’ironie de notre existence. Les questions fusent et les pistes métaphysiques foisonnent, pourtant en peu de mots.



Que l’on s’attache davantage à la course-poursuite entre les personnages ou bien aux aspects plus conceptuels de l’auteur, l’édition proposée par J’ai Lu a l’avantage de contenir des propos du spécialiste dickien, Étienne Barillier, qui aident largement à comprendre l’étendue de l’œuvre du maître Philip K. Dick.



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Le dieu venu du Centaure

Il m'est d'avis que Philip K.Dick n'a pas pris que de la verveine pour écrire ce livre « le dieu venu du centaure » en 1964. Son côté délirant est communicatif, je ressors de cette lecture comme si j'avais pris moi-même de bonnes doses de D-Liss, voire pire du K-priss, ces drogues de translation. Hallucinations, visions, mondes parallèles, retour dans le futur, nous suivons l'auteur dans ses délires avec bonheur. Ce livre est dingue…Dingue ces visions, dingue ces descriptions de songes et de pensées au sein même des hallucinations, dingue cet entrelacement de mondes rêvés, fantasmés, imaginés ou réels, dingue enfin cette façon de nous plonger rapidement dans un monde a priori complexe mais dont nous comprenons, sans qu'aucune explication nous soit donnée, vite les ressorts.



Et l'idée n'est pas farfelue, loin de là. La Terre, en proie à un réchauffement climatique spectaculaire (80 degrés à New York), est difficilement habitable. Les plus chanceux, les plus aisés, notamment ceux qui ont pu se faire augmenter en termes cognitifs (et qui arborent avec virilité de beaux gros lobes frontaux), se terrent dans des appartements (conapts) et des moyens de transport ultraclimatisés, les autres sont tout simplement expulsés, contraints, sur la Lune ou sur Mars, balayés par des vents hurlants, où une vie vide de sens les attend, « blottis les uns contre les autres au fin fond d'une tanière creusée au milieu de cristaux de méthane gelés ». Les colons ne peuvent tenir que grâce à l'ingurgitation de doses massives de drogues, la fameuse D-Liss, dont le marché est contrôlé par le richissime Léo Buléro. Or ce commerce lucratif est menacé par l'arrivée de Palmer Eldritch, le « Dieu » venu du système stellaire de Proxima du Centaure (dont on ne sait pas s'il est toujours homme ou s'il est devenu Proxien ou monstre), qui veut proposer une nouvelle drogue, bien plus efficace mais plus dangereuse, le K-priss. Une drogue capable de dispenser la vie éternelle, lorsque la religion ne fait que la promettre, une drogue dans laquelle Palmer Eldritch fait office de dieu omniprésent permettant de reconstruire son passé comme il aurait du être, un poison dans lequel Eldritch contrôle l'intégralité des univers hallucinatoires sous des formes animales, végétales, inertes, variées...Dans tous les cas la drogue est vitale car elle permet aux colons de se projeter dans un monde fantasmé d'une vie normale sur la Terre redevenue habitable.



« Nous sommes ici, reprit-elle bientôt, pour faire ce que nous ne pouvons pas faire à la tanière. Là où nous avons laissé nos corps corruptibles. Et tant que nos combinés resteront en état de fonctionner, tout ceci… -- Elle fit un geste en direction de l'océan, puis toucha à nouveau son corps, incrédule. -- Tout ceci ne peut pas disparaître, n'est-ce pas ? Nous avons gagné l'immortalité.-- Sans crier gare, elle se recoucha sur le dos, contre le sable, puis ferma les yeux, un bras contre son visage. -- Et puisque nous sommes ici, et qu'on peut faire ce qui nous est refusé à la tanière, ta théorie est que nous devrions le faire. Tirer parti de l'occasion.-- Il se pencha vers elle pour l'embrasser sur la bouche ».



Les scènes s'enchainent, bouleversantes, attirantes, séduisantes…des scènes inquiétantes comme lorsque nous sommes avec ce Richard Hnatt et son épouse Emily ligotés sur la table d'Evolthérapie du curieux Dr Denkmal afin de subir cette couteuse intervention permettant de les faire évoluer (ou les faire régresser dans quelques rares cas, un risque à prendre), inquiétude contrebalancée par l'humour noir de l'auteur qui arrive sans crier gare :



« Ils se trouvèrent bientôt devant un vaste laboratoire équipé de tout l'attirail scientifique et de deux tables à la Frankenstein au grand complet, sans oublier les fers destinés à entraver les poignets et les chevilles".



Des scènes hallucinantes comme celle où Léo Buléro, capturé, va prendre contre son gré la drogue concurrente, la K-priss. Nous sommes avec lui dans son hallucination et c'est une véritable expérience de lecture à se demander où se trouve le réel, perdant nous-même tous repères !



Et des clins d'oeil en pagaille insérés avec malice, comme la garçonnière interstellaire de Léo Buléro, demeure au doux nom de Winnie-l'ourson, en passant par les combinés des « Poupées Pat » permettant aux colons de se transformer en Ken et Barbie et de reproduire en miniature les conditions normales d'une cité terrestre d'avant le réchauffement (mais à condition d'utiliser la drogue, la D-Liss, pourtant illégale). Quand un commerce légal en cache un autre illégal… Plein de de pieds de nez aussi pour nous embrouiller aussi dans ce monde où toutes les unités de mesures sont changées et où les paiements s'effectuent en peaux de truffes.



« le glacier principal, Ol'Skintop, s'était encore retiré de 4,62 Grables au cours des dernières vingt-quatre heures. Et la température à New York relevée à midi dépassait de 1,46 Wagners celle de la veille. Sans même parler du taux d'humidité, dû à l'évaporation des océans ; il avait augmenté de 16 Selkirks. Toujours plus chaud, toujours plus humide ; la nature poursuivait sa procession inexorable, et vers quoi » ?



J'ai adoré l'humour de Philip K.Dick, mordant, corrosif, l'air de rien, oui un humour pince-sans-rire qui arrive quand on ne s'y attend pas et qui crée des images délirantes dans nos cerveaux malmenés :



« Écoutez, lui dit-il tout en tapotant sa main, ne vous inquiétez pas ; ce n'est pas dans la nature humaine de se sacrifier pour autrui. Finissez vos croquettes de grenouilles ganymédiennes et retournons au bureau ».



« À l'heure qu'il était, la jeune femme blonde et frêle mais dotée d'une poitrine gigantesque devait graviter à huit cents kilomètres d'altitude dans sa villa-satellite, en attendant qu'il quitte le boulot pour le week-end ».



Bon, j'arrête là, je crois que je suis tombée en Dickolâtrie…Et tout ça, la faute à Dourvac'h qui m'a donné furieusement envie de me plonger dans l'oeuvre de Philip K.Dick ! Cet ami babéliote a fait un travail colossal en regroupant et décrivant dans une liste toute l'oeuvre de cet incroyable auteur sur sa page, je vous invite à aller y faire un tour : https://www.babelio.com/liste/15343/Philip-K-DICK-1928-1982-A-Maze-of-DeathCa



Un grand merci Dourvac'h, vu la bibliographie foisonnante de cet auteur, je vais me régaler !

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Ubik

- Google, dit moi, que faut-il lire en science-fiction ?

- Ubik, me dit-il, va faire un tour sur Babelio. Des lecteurs savent en parler.

- Babelio késako ?

- Babelio dis-moi monsieur Babelio : qu'est ce que c'est Ubik ?

- Ubik est un livre qu'il convient d'avoir lu, regarde la note, regarde le nombre de lecteurs. Trouve-le et fais-toi une idée.

J'ai mis le temps à le trouver, un an en fait…mais je l'ai lu et j'ai compris.

Ubik est la panacée universelle. Tout est Ubik. Ubik est partout, Ubik est en vous. Vous n'en sortirez plus. Ubik ne cessera de vous tourmenter, vous appellera sans discontinuer : telle la boite de jeu dans "Jumanji".

Bienheureux ceux qui ne possède pas Ubik : vous pouvez continuer comme si de rien n'était. Pour les autres le temps s'est arrêté, au pire il commence à régresser.

Tout est payant maintenant, dans cet univers ultra capitaliste : le frigo, la télé, la porte d'entrée … foutue porte d'entrée !

Nous consultons les morts maintenus dans une semi-vie, leurs points de vue pèsent sur notre société.

Nous utilisons des télépathes pour espionner la concurrence, bien que celle-ci se serve d'anti-télépathes, la guerre est sans merci.

J'ai eu du mal à entrer, le passage était exigu, mais à force de me tortiller, j'ai fini par y arriver. J'ai rampé dans un boyau sombre et étroit, me demandant ce que je faisais là. J'ai relu quelques critiques espérant trouver le bon chemin, j'ai découvert que d'autres lecteurs avaient déjà succombé. Puis à force de progresser, le tunnel s'est évasé, je me suis mis à genoux, quelques chandelles au mur l'éclairait, me laissant deviner des fresques incomparables. Je me suis enfin redressé, progressant à demi-courbé, la lumière était plus vive et je découvrais un autre univers que le mien : une richesse de couleurs et des traits au-delà du commun. Enfin la lumière est devenue d'une incroyable intensité et j'ai commencé de courir au petit trop, ne sachant plus ou regarder. J'avais hâte de découvrir cette panacée. Alors j'ai accéléré ... accéléré ... de plus en plus vite ... au sprint ... j'ai continué à courir comme un dératé ... je devenais un être de lumière ... J'entrais dans la vérité ... C'est là que tout à explosé.

Mille mercis à Lyoko, Liligalipette, Myrtille81, Loreleirocks et Ambages … pour leurs magnifiques critiques qui m'ont permis de me maintenir à flots lors du démarrage de ce livre.

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Derrière la porte

Cela fait un moment que je voulais renouer avec Philip K.Dick, j'ai lu deux ou trois titres il y a bien longtemps et je ne saurais plus dire lesquels, je ne prends pas en compte le titre à l'origine du film "Blade runner" tant il est à part.

Donc, un petit recueil de nouvelles me paraissait parfaitement approprié pour des retrouvailles avant de me replonger dans l'œuvre du génial auteur de SF, un recueil sympa bien qu'assez inégal, je propose ci-dessous un résumé ultra light de chaque récit :

Tant qu'il y a de la vie... : Un récit qui nous propose une satire du consumérisme à l'échelle de notre système solaire et à la morale attendue.

L'inconnu du réverbère : Une variation très réussie sur le thème de "L'invasion des profanateurs de ...", on devine donc assez vite la fin, mais le texte est vraiment très bon.

Projet - Terre : Je ne sais pas trop quoi penser de ce récit, il est agréable à lire et on se demande avec curiosité où l'auteur veut nous emmener... pour ma part je ne sais pas, il m'a perdu à la fin ;)

A vue d'œil : Un récit de... quatre pages ! Une série de jeux de mots interprétés au premier degré.

Tony et les bêtes : Une histoire pétrie de morale sur le thème de la colonisation, à l'échelle inter planétaire, cela va de soi.

Le vaisseau arraisonné : Un récit étrange, en trois phases distinctes, d'abord sérieux, puis franchement foutraque, et pour finir étonnant, la conclusion sauve un ensemble chaotique.

Derrière la porte : La nouvelle qui donne son titre au recueil, un récit fantastique sans surprise qui met en scène un "Coucou Suisse" aux caractéristiques très particulières.

La crypte de Crystal : Un récit résolument estampillé SF, des terroristes terriens sur Mars, et un mode d'emploi pour tromper un détecteur de mensonge, tout est dans la nuance ;)

Voilà, pour conclure, il s'agit d'une lecture sympathique dont je doute qu'elle puisse refléter ce qu'on pense connaître et attendre de Philip K.Dick.
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Le maître du haut château

Et si les Allemands avaient gagné la seconde guerre mondiale, et si Churchill avait été assassiné et si les Japonais avait foutu une raclée aux américains... avec des si on refait le monde et c'est ce qu'a brillamment fait Philip K Dick. Il nous livre, ici, une magnifique uchronie.



Les japonais on besoin d'un livre qui les guide dans leurs décisions. La divination est la règle d'or pour chaque choix important ou non de la vie de tous les jours.

Les Allemands restent égaux aux Allemands de l'époque.

Un autre livre circule également en sous mains " la sauterelle pèse lourd" qui est en fait un livre dans le livre mais aussi une uchronie dans l'uchronie puisqu'il raconte l'histoire dans le cadre d'une défaite allemande et d'une victoire des alliés lors de la seconde guerre mondiale.



Je me suis franchement régalée en lisant ce roman. A la fois par la façon d'écrire de Philip K Dick, pourtant assez froide et distante, mais tellement adaptée aux personnages tel que je me représente les nazis allemands. Et puis la vision de la réalité de l'auteur est juste magistrale, que l'on cautionne ou pas.
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Petit déjeuner au crépuscule et autres nouvelles

Un petit recueil pour découvrir P.K.Dick avec des nouvelles qui sont très représentatives de la manière tout à fait particulière de l'auteur de maltraiter la réalité pour la faire parler.

Trois textes brefs ,très teintés d'ironie qui interpellent même si la lecture maltraite le lecteur occasionnèrent. Bousculé ,c'est le mot que j'emploierais pour résumer cette lecture qui est une porte d'entrée assez pertinente dans une démarche de découvrir l'auteur et son oeuvre au coeur du genre SF.

C'est un versant largement métaphorique de la SF qui est convoqué dans ce petit ouvrage .

La troisième nouvelle ,Là où il n'y a pas d'hygiène, est assez incroyable et notablement intense. Dans ce futur la vie politique est polarisée intensivement et de façon simpliste entre les pour et les contre.

La société se déchire autour d'un amendement constitutionnel hygiéniste alors que le débat publique est par ailleurs vide de toute substance . En un rien de page , l'auteur déplace le lecteur au coeur des routines qui caractérisent : la guerre civile, l'embrigadement social et idéologique et les tables familiales polluées par une haine irrationnelle et lancinante. le tout avec le drame de l'eau qui dort et le principe d'incertitude. C'est un texte remarquable ,désespérant , édifiant et brutal.

La première nouvelle , Petit déjeuner au crépuscule , est dramatiquement exquise .Dans ce texte la réalité vient assommer (au sens figuré et au sens propre) une famille dont la petite maison et la petite vie agréable très représentative du bonheur des classes moyenne , part brutalement en fumée car elle devient littéralement un champs de bataille (tranchées et bombes).Le monde vire au cauchemar incompréhensible en quelques secondes. En fait c'est un glissement dans le futur qui projette une famille et son environnement dans un futur belliqueux. Comprendre ce qui se passe est au coeur de la narration et c'est un récit aussi bref que bien posé.

Enfin si le monde ne vous convient pas ,refaites le dans votre cave ,et là ,soyez certain que ce serra vous le chef ! En fait un homme se réfugie dans sa passion de construire des mondes miniatures réalistes. La réalité va glisser encore une fois . La pire ou la meilleure des choses ? Est-ce si important de le savoir finalement ? En tout cas et de toute façon , c'est comme ça !

Des textes où la réalité est aussi glissante qu'une patinoire , c'est un vrai problème la réalité. Cette inconnue ( sourires) …

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Ubik

« Joe avait l'impression d'être comme un papillon de nuit et de se heurter vainement contre la vitre de la réalité – une réalité qu'il ne faisait qu'entr'apercevoir de l'extérieur. »



Le lecteur, à l'instar du héros dickien Joe Chip, se heurte vainement dans ce livre à la réalité, poursuivant inlassablement une chimère en perpétuel mouvement qui lui échappe comme une ombre à mesure qu'il s'en approche. Bousculé dans ses certitudes, croyant enfin, au terme de tâtonnements et d'errements angoissés, saisir une infime parcelle de vérité, il voit celle-ci s'évanouir avant même d'avoir eu le temps de savourer sa maigre victoire. Telle est l'expérience que vit le lecteur de Ubik, renvoyé au niveau des personnages, aussi paumé et perplexe qu'eux, et c'est ce qui fait de cette lecture une expérience sidérante et inoubliable.



Philip K.Dick, dont la soeur jumelle Jane est morte quelques semaines après la naissance, a toute sa vie été hanté par la mort. Pas étonnant qu'il ait inspiré des écrivains qui creusent inlassablement cette question, comme Don DeLillo, dont j'ai eu l'occasion, en chroniquant Bruit de fond, de pointer les similitudes avec Ubik, comme Houellebecq, ou Emmanuel Carrère qui lui consacra une biographie, Je suis vivant et vous êtes morts, et comme tant d'autres encore.

Mais chez Dick, dont la vie psychique extrêmement tourmentée l'a mené à plusieurs reprises aux portes de la mort, cette angoisse prend une tournure assez inhabituelle, se transformant en un rapport schizophrène au réel. Comme le souligne Carrère, autre grand écrivain à la vie psychique tourmentée, de ce côté-ci du miroir, Philip est vivant et sa soeur Jane est morte. Mais de l'autre, c'est le contraire. Il est mort et Jane « se penche anxieusement sur le miroir où habite son petit frère. » Qui peut dire de quel côté du miroir se situe la réalité ? Et c'est cette interrogation vertigineuse qui traverse tout le livre, un livre qu'on serait bien en peine de réduire à un genre. Tout le monde s'accorde à dire que Ubik est un livre de science-fiction, écrit à la fin des années soixante, à une époque où la science-fiction était à peine considérée comme de la littérature. Mais Ubik est aussi un livre philosophique réinterprétant le mythe de la caverne de Platon, un livre métaphysique posant plus de questions qu'il n'apporte de réponses, un livre mystique — l'on peut s'interroger sans fin sur la signification profonde du vaporisateur miracle qui donne son titre au livre — une critique acerbe de la société de consommation… Ubik est le chef-d'oeuvre de Dick, Ubik est un chef-d'oeuvre tout court, Ubik est un livre culte, Ubik est un immense classique de la littérature américaine. Ubik est vertigineux, un puits sans fond, un labyrinthe dans lequel le lecteur aventureux se perd… Bref, Ubik est plus grand que Ubik.



Au début du livre, pourtant, rien ne laisse présager la déflagration qui va suivre. le livre démarre assez classiquement avec la mise en place d'un monde bien réel, le nôtre, plus précisément celui de Dick transposé deux bonnes décennies plus loin dans le temps, en 1992.

Le héros, Joe Chip, impécunieux notoire entretenant une relation chancelante avec le réel, travaille pour une entreprise dirigée par un énergique vieillard, Glenn Runciter, dont la mission est de protéger les lieux sensibles et les cerveaux infiltrés par les psis — télépathes et précogs. Les entreprises comme celles de Glenn Runciter luttent contre des forces insaisissables qui menacent la survie de l'humanité, en ne pouvant compter que sur les aptitudes inégales de leurs agents et sur l'aide dérisoire de flash publicitaires en forme de campagnes de prévention :

«  « Protégez votre vie privée », martelaient-elles toutes les heures et sur tous les supports. « En ce moment même, un inconnu tente peut-être de lire dans vos pensées ! Êtes-vous certain d'y être vraiment seul ? » »

Toute ressemblance avec notre monde interconnecté truffé de cookies et de virus délétères est bien entendu fortuite.

Dans ce monde aux contours bien réels, j'insiste, les morts ne sont pas tout à fait morts, mais maintenus dans un état de semi vie dans un caisson cryogénique. Dans ce monde toujours, les objets de consommation courante sont tous payants et ont la détestable habitude de réclamer leur dû en l'assortissant de remontrances, voire de menaces quand l'infortuné ne s'exécute pas sur le champ. Ainsi l'éternel impécunieux Joe Chip dépense-t-il beaucoup d'énergie à tenter de faire fonctionner les appareils électroménagers qui peuplent son conapt (appartement), en pure perte, d'ailleurs. Cela donne lieu à des scènes hilarantes parfaitement absurdes qui, là encore, ne sont pas sans présenter de troublantes similitudes avec notre monde.



Donc, jusqu'ici, la réalité, bien qu'un peu bizarre, paraît avoir des contours assez nettement définis. Jusqu'à ce que Glenn Runciter accepte une délicate mission sur la lune à la demande d'un multi-milliardaire qui semble être une préfiguration d'Elon Musk. Il s'y rend avec Joe Chip et onze de ses meilleurs agents afin de nettoyer le site prétendument infiltré par des psis. La mission ne se passe pas tout à fait comme prévu…

À partir de là, par petites touches d'abord, le réel voit ses contours se flouter. Des objets de la vie courante sont soudain frappés de sénescence….

« Somnambulesque, submergé par la douleur sourde et persistante du trauma, il sortit de sa poche une cigarette tordue et l'alluma. le tabac était sec, insipide. Il s'émietta entre ses doigts. »

…. tandis que l'insaisissable Glenn Runciter se met à apparaître sous les formes les plus inattendues : c'est sa voix sans aucun doute que Joe Chip entend dans le combiné du téléphone; c'est son nom qui apparaît brusquement dans une publicité sur une boîte d'allumettes; c'est son effigie qui remplace celle de Walt Disney sur une pièce de cinquante cents…

Puis, à mesure que le roman avance, enfin si l'on peut dire, le temps part littéralement en lambeaux, une bouffée de 1939 dérivant en 1992, à moins que ce ne soit l'inverse, tandis que les personnages luttent de façon de plus en plus désespérée contre l'entropie et la mort :

« L'incertitude, la lente avancée de l'entropie, c'est cela, le processus à l'oeuvre ; et la plaine de glace en est la conséquence. Quand je fermerai les yeux pour la dernière fois, l'univers disparaîtra. »



J'ai songé en relisant ce livre au film « Mulholland Drive » de David Lynch. Tant qu'on ne détient pas la clé, en l'occurrence celle qui nous permet de comprendre que ce que nous voyons à l'écran, à partir d'un moment donné, n'est plus la réalité, mais ce que l'héroïne du film, gavée de barbituriques, vit en rêve, on ne comprend absolument rien. C'est la même chose dans Ubik. Sans la clé de décryptage, on ne peut qu'avancer à tâtons, à l'instar du héros, dans ce monde de cauchemar. La tension monte, le parcours du héros relève à la fois du jeu de piste et de la course contre la montre. L'angoisse qui saisit le lecteur serait insoutenable s'il n'y avaient ces bouffées d'humour absurde qui le sauvent de l'asphyxie. Ainsi, alors que Joe Chip parvient à rejoindre son conapt où tous les objets ont régressé à un stade antérieur, l'exaspérante porte d'entrée, elle, n'a pas changé d'un iota, persistant à réclamer son dû avec une égale insistance : « Cinq cents, s'il vous plaît ».



Alors, où sommes-nous? Si le monde halluciné de Ubik semble tout droit sorti d'un mauvais rêve ou d'un bad trip, nous pressentons que ce n'est pas cela, la clé. Joe Chip n'est pas en train de dormir et nous ne sommes pas dans son rêve. Trop simple. Alors, quoi?

Peut-être que l'une des clés se cache dans le graffiti découvert par Joe Chip dans les toilettes de l'entreprise de Glenn Runciter ?



« Sautez dans l'urinoir pour y chercher de l'or.

Je suis vivant et vous êtes morts »



Et peut-être pas.

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Loterie solaire

Je poursuis ma découverte des maîtres de la Science-Fiction, avec cette passionnante Loterie solaire de Philip K. Dick.

L'histoire est prenante, dans ce futur où le hasard fait loi... Vraiment? Pas tout à fait, cependant, dans ce monde aux apparences trompeuses et aux dés quelque-peu pipés!

Nous suivons donc les premiers pas de Léon Cartwright désigné par la bouteille (!) comme Meneur de jeux-Maître du Monde... Aussitôt pourchassé par le premier assassin envoyé pour le tuer!

En même temps, quelques colons quittent la Terre pour atteindre la mythique dixième planète, terre promise par le sanctifié Preston.

Si les deux récits se complètent (La traque et le voyage), ils se marient assez mal et offrent une fin abrupte et un peu bâclée qui gâche l'art narratif de Dick. On sent là les premiers écrits du maître en devenir (le bouquin date de 1955).

Mais je n'ai pas boudé un certain plaisir, et je continuerai de lire Philip K. Dick!
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Ubik

Alors ça c’est du lourd... du très lourd même cet Ubik!



Roman de science-fiction écrit au milieu du siècle dernier par le génial Philippe K. Dick. On est là aussi comme Orwell dans de l’anticipationniste avec une critique sociétale ici plutôt économique (il faut une piece de 50c pour ouvrir la porte de son propre appartement!) sans que cela ne prenne cependant le pas sur le roman en lui même qui reste un roman de science fiction absolument génial.



A lire ABSOLUMENT!!

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Le maître du haut château

Le maître du Haut Château, c’est l’histoire d’un bouquin au résumé très alléchant, au postulat de base plus que prometteur, mais d’un tout extrêmement décevant.

La quatrième de couverture m’avait totalement emballé : un monde dans lequel les Alliés auraient perdu la guerre ; à quoi cela pouvait-il bien ressembler ? J’avais hâte de découvrir ça et les quelques avis négatifs que j’avais aperçus ne freinaient pas mon envie. J’étais persuadé que, même si l’histoire était lente et qu’il en allait essentiellement de la petite vie quotidienne des personnages, j’allais être absorbé par un récit dont la trame de fond promettait d’être riche. J’ai été très patient, mais j’ai néanmoins fini par déchanter. J’ai longtemps continué à espérer un quelconque revirement de situation, rebondissement ou simplement un peu d’action. En vain. De fait, après autant d’espérance, la chute n’en a été que plus rude…

Commençons par le positif, car il y en a. Et du très bon même. Comme je l’ai dit, l’idée de départ est excellente et les passages lors desquels on en apprend plus sur la Seconde Guerre mondiale et comment elle s’est « vraiment déroulée », où on découvre horrifié les actions entreprises par les nazis au terme du conflit, etc. sont réellement excellents. Malheureusement, compilés, ils tiennent sur quinze ou vingt pages… et les 330 autres, sont moins passionnantes, et par moment, c’est peu dire. Mais poursuivons dans le positif. L’univers mis en place par l’auteur est assez recherché et est vraiment passionnant à découvrir. Il était parfois un peu frustrant de n’avoir les informations qu’au compte-gouttes étant donné que les personnages ne font que mentionner des faits qui pour eux sont connus et ne nous permettent donc que d’entr’apercevoir les événements qui ont eu lieu. Toutefois, si ce n’avait été pour en découvrir davantage à ce sujet, je ne suis pas certain que j’aurais achevé ce livre… Enfin, j’ai trouvé assez intéressante la perspective de l’Américain moyen percevant le monde du point de vue de l’opprimé, du colonisé. Encore une fois, malheureusement, j’ai trouvé ce thème un peu sous exploité…

Le gros gros point négatif du livre est qu’il ne se passe absolument rien. On suit le quotidien de plusieurs personnes. On connaît leurs pensées et cela nous permet de découvrir le monde qui les entoure. J’aime assez ce genre de narration, mais lorsqu’il ne se passe rien de rien et que pendant deux pages le protagoniste se perd dans des réflexions métaphysico-philosophiques, ça commence à devenir indigeste. En outre, on attend avec impatience (qui décroît petit à petit) que leurs chemins se rencontrent, mais là encore, non… (ou si peu). Et puis, tous les protagonistes sont si étranges, tant dans leur façon d’agir que de penser, que j’ai eu beaucoup de mal à les comprendre. À leur décharge, j’ai un esprit plutôt cartésien et le Yi-King, j’ai du mal à croire à la véracité de ses prédictions. De plus, les histoires personnelles des protagonistes, au final, ne mènent nulle part, et la fin tombe un peu comme un cheveu dans la soupe, laissant un goût d’inachevé (d’autant plus que je ne suis pas bien sûr de l’avoir comprise). On quitte les « héros » comme ça, au milieu des occupations auxquelles ils vaquaient, ou presque… Enfin, j’ai été assez horripilé par la traduction. On trouve à profusion des tournures de phrases (voire des phrases entières) qui ne se disent pas en français ou qui sonnent faux et dans lesquelles on reconnaît la phrase anglaise qui est tout à fait banale. Du genre, de mémoire, « Diable, oui ! » pour « Hell yes » ou « Et quoi maintenant » pour « And what now ». Sans parler des nombreuses coquilles et fautes de frappe ou d’impression… Il semblerait que je sois tombé sur une mauvaise édition à ce niveau-là.

Vous l’aurez compris, Le maître du Haut Château est pour moi une très grosse déception, car j’attendais beaucoup mieux de ce livre. Les aspects positifs ne compensent malheureusement pas les trop nombreux points négatifs qui entachent le roman. Dommage.
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Le maître du haut château

La première fois que j'ai lu ce roman, je l'ai trouvé correct, sans plus.



Je crois que c'était la première fois que je lisais du Philip K. Dick. Je savais que c'était l'une de ses œuvres les plus connues et qu'il s'agissait d'un classique de l'uchronie. Le pitch est devenu éculé : et si l'Axe avait gagné la Seconde guerre mondiale? Ainsi, dans une ville de San Francisco sous domination japonaise, on suit les destins de plusieurs personnages à peine reliés les un.es aux autres.



J'avais aimé l'ambiance mélancolique, le focus sur la partie japonaise de l'Axe, les petits détails amusants ou grinçants dans la vie de chaque personnage, le miroir inversé entre occupation japonaise et Amérique dominée. Par contre, j'avais été frustrée par l'absence de liens entre les personnages et j'avais trouvé que l'intrigue n'avait ni queue ni tête et ne menait nulle part. D'où un sentiment mitigé...



La deuxième fois que j'ai lu ce roman, je l'ai trouvé bon.



J'avais lu quelques autres classiques de Dick entretemps, notamment Ubik et Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques? Et je commençais à comprendre ce qu'il cherchait à faire. Ses personnages ne sont pas des héros, mais des gens ordinaires, voire un peu losers, qui vivent une vie ordinaire dans un monde ordinaire (à leurs yeux - quoique... j'y reviendrai). Une approche que, jusqu'alors, je n'avais vue qu'en littérature blanche, alors qu'en imaginaire, j'étais plutôt habituée à un.e héros/héroïne qui sauve le monde.



Étonnamment, je me rappelais bien les personnages, alors qu'iels ne m'avaient pas semblé si remarquables - Childan l'antiquaire colonisé/collabo, Tagomi l'homme d'affaires japonais, le couple séparé Frank/Juliana partagé entre tendresse et rancœur l'un.e pour l'autre... Parfois, les gens ordinaires vous touchent plus que les héros.



La troisième fois que j'ai lu ce roman, je l'ai vraiment aimé.



J'ai lu d'autres œuvres plus mineures de Dick et mon interprétation précédente est bancale pour cette raison : les personnages ne trouvent pas leur univers "normal". Au contraire, son côté factice leur saute aux yeux. L'interrogation sur la nature de la réalité revient obsessionnellement chez Dick. Tous les détails qui font le sel de ses univers montrent également à quel point ils sont faits de toc. Même les personnages doutent de leur propre réalité. Sont-ils vraiment censés me toucher? Est-ce que je me foire complètement?



Puis j'ai vu la série télé, que j'ai trouvé bonne quoiqu'inégale par moments. Juliana, en particulier, m'a fait tiquer : son côté "Élue sauveuse du monde" est très anti-dickien et mille fois moins intéressant que le personnage paumé du roman. Bizarrement, les personnages les plus réussis sont des inventions de la série (John Smith et l'inspecteur Kido). Finalement, une adaptation de Dick passe mieux quand elle n'est pas littérale. Ça m'a toutefois donné envie de relire le bouquin...



La quatrième ou cinquième fois que j'ai lu ce roman, je l'ai trouvé excellent. Mais bon, je suis une mordue de Philip K. Dick. Je ne recommande pas forcément de faire la même chose que moi.
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Ubik

Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Ubik, et le Verbe était Ubik. D'ailleurs Jacques Chancel n'a-t-il pas cité cette phrase qui l'a rendu célèbre : « Et Ubik dans tout ça ? »

J'ai trois bonnes raisons qui me font penser que Ubik n'est pas vraiment un pur récit de SF. Voici ma démonstration implacable... Tout d'abord, j'ai presque compris ce dont parle ce roman. Deuzio, j'ai vraiment aimé. Et enfin, j'ai très envie de vous en parler.

Presque compris... Et c'est dans ce "presque" que viennent tous les vertiges d'un lecteur ahuri.

Alors ? On y va ? Vous me suivez... ?

Mais voilà, je suis cependant bien embarrassé pour poser des mots ce soir... J'ai l'impression qu'il me faut user d'ellipses, d'images, de métaphores, d'allégories, de tours et de détours, autant de ponts et de passerelles pour vous inviter vers mon ressenti...

J'aime qu'un livre me résiste un peu, mais pas trop non plus... J'aime qu'un ou deux personnages se détache, pas vraiment le beau héros, mais celui pris à la gorge, happé par quelque chose qui le dépasse, de plus grand que lui, l'étonnement est son chemin, bref quelqu'un à qui je voudrais ressembler. Ici c'est Joe Chip. J'aime qu'un personnage qui paraît sympathique, s'avère méchant, ou l'inverse d'ailleurs... Et se transforme surtout en cours de route. Ici ne serait-ce pas la belle et mystérieuse Pat Conley ? J'aime qu'un personnage qu'on croit mort redevienne vivant. Ici ne serait-ce pas Glen Runciter ?

Je n'aime pas les personnes enfermées dans leurs certitudes. Tenez, au hasard, prenons deux catégories bien distinctes : les vivants d'un côté et les morts de l'autre. Chaque catégorie revendique de manière ostentatoire son identité communautaire qui lui est propre, posant une frontière claire et non négociable avec l'autre comme s'il n'y avait pas le moindre dialogue possible. Posez la question à un vivant, il vous répondra bêtement une réponse de vivant, disant le sens d'être vivant. Posez la même question à un mort, je vous fiche mon billet que la réponse sera exactement la même, c'est-à-dire le sens d'être mort... Et voilà que la richesse de ce récit nous ouvre un autre espace, ou peut-être de multiples autres espaces... Il introduit ici le stade ou le concept, - je ne sais pas comment on peut le désigner, de semi-vie, la possibilité d'arrêter l'agonie de quelqu'un, la possibilité de basculer en enfer aussi...

Ici des femmes des hommes luttent, se protègent contre des ennemis. Nous sommes déjà dans un futur, - j'allais dire à venir, ou peut-être déjà passé. 1992... Oui, car ce livre a été écrit par Philip K. Dick en 1969... Mais peut-être qu'il est préférable avant toute chose que je vous parle un peu de la trame du roman, non ? ...

L'histoire est toute simple, enfin c'est une expression, hein ! Nous sommes dans le futur. Deux sociétés s'affrontent : celle des psys, c'est-à-dire ceux qui viennent vous espionner dans vos affaires et qu'on appelle aussi des télépathes, et les anti-psys qui vous protègent, ces deux sociétés mènent une lutte sans merci l'une contre l'autre dans un monde ultracapitaliste saturé de spots publicitaires aussi loufoques qu'inquiétants, où l'objectif est de tuer l'adversaire.

Tous les lieux communs de la SF sont présents dans les tous premiers chapitres : les machines remplacent les employés, l'humanité a établi des colonies spatiales sur Mars et sur la Lune, on met une heure pour aller sur la Lune, des portes ou des cafetières demandent à être payées pour s'ouvrir ou fonctionner et se fâchent lorsqu'on ne satisfait pas à leurs exigences, on parle à des gens qui sont morts ou en semi-vie...

Nous faisons la connaissance de Glen Runciter, le patron de la firme Runciter Associates, qui emploie des neutraliseurs pour empêcher des télépathes d'espionner les entreprises ou les particuliers.

Mais voilà qu'un complot est ourdi, qui va mener à un attentat visant à tuer Glen Runciter ainsi que ses meilleurs anti-psys. L'attentat a lieu au cours d'une expédition sur la Lune où Runciter est tué.

Joe Chip l'adjoint de Runciter prend alors le relais des opérations et va devenir le personnage principal du récit...

Et c'est là, à ce moment précis, que le roman bifurque, bascule dans tout autre chose et c'est là que j'ai commencé à me dire : tiens, ce roman me plaît.

N'avez-vous jamais senti parfois que c'est dans ces bifurcations que l'existence devient plus palpitante ? Tous comme nos lectures, d'ailleurs.

Et dans cette bifurcation du texte, tandis que Joe Chip commence à perdre pied, à douter, le temps se met à se détériorer. On n'est plus dans la perspective d'un temps universel qui coulerait comme un long fleuve tranquille d'amont en aval, cadencé par le rythme monotone des heures, des jours, des saisons...

On entre dans un processus qui n'est pas seulement irréversible mais qui devient follement réversible, qui reflue en arrière et c'est autour de ce point de bascule que la SF s'arrête ici, que le monde d'Ubik commence et que se construit alors tout le roman.

Des univers bifurquent sans cesse en effet comme dans le film Citizen Kane.

Chaque territoire ici est le contrepoint d'un autre : le réel et le rêve, les vivants et les morts, l'intérieur et l'extérieur, l'absurde et l'angoissant, le passé et le futur... Entre les deux, il y a le présent comme une frontière, comme un passage ténu pas plus large que le chas d'une aiguille...

L'intérieur ou l'extérieur... Ce texte est un miroir, un vertige abyssal sur nos abymes, je me demandais de quel côté du miroir je me situais.

Être un lecteur de SF, - surtout lorsque la SF est pour moi une façon d'entrer dans une zone totale de non-confort, est-ce ressembler aux phalènes, aux insectes de nuit qui se heurtent aux vitres des fenêtres ? Est-ce se heurter aux chimères de la réalité ? Vient alors l'effet aquarium... Et c'est là que la puissance du récit se propulse en posant des questions métaphysiques : sommes-nous vivants ou morts ? Sommes-nous observants ou observés ?

Dans cette immersion, je me suis reconnu dans le personnage de Joe Chip, je le tenais ici enfin mon alter ego...

Le lecteur que j'étais était ramené brutalement à ce que ressentait Joe Chip. C'est l'une des forces et des vertus du roman. Je tâtonnais entre errements, erreurs et errances, je me perdais pour mon plus grand plaisir, j'ouvrais des pages comme des portes d'où surgissaient des vides béants. J'entrais dans une expérience nouvelle et inspirante pour moi...

Une phrase vint comme un écho inlassable, comme une déflagration qui se propulsait à travers les pages :

« Je suis vivant et vous êtes morts ».

Ce livre me semble davantage un récit métaphysique qu'un roman SF.

Ubik propose un monde où il est possible de penser sans exister.

Douter du monde nouveau, du monde à venir.

On ne peut alors sortir de ce rêve que de manière kafkaïenne, comme dans le Château...

J'ai avancé dans ce roman comme on avance devant l'horizon, sachant que tenter de se rapprocher de l'horizon c'était toujours s'en éloigner...

« L'infini c'est ce que je ne peux pas penser », dit Descartes, la porte de sortie est Dieu selon Descartes. Chez Philip K. Dick, cette porte de sortie devient elle-même infinie. La sortie se transforme en labyrinthe : on ne sait plus où on se trouve, jusqu'à la fin, jusqu'à cette page finale.

Philip K. Dick est un visionnaire. Avant l'heure il invente déjà ici les réseaux sociaux, GAFAM, Mediapart, Elon Musk, l'exploitation faite des données personnelles, notre société de surconsommation, bref ! tous les charmes de notre monde moderne... Peut-être que Philip K. Dick a inventé le premier fake new... Mais ce n'est pas pour cela qu'il faut aimer ce roman.

C'est pour autre chose...

C'est un roman labyrinthique qui ne cesse d'ouvrir des portes sur des vertiges chaque fois un peu plus grands et c'est en cela que ce roman m'a fasciné.

Ubik s'est révélé pour moi être un roman vertigineux, déstabilisant, irrésistible et angoissant.

Dire que j'ai tout compris serait une fanfaronnade. Dire que je n'ai rien compris serait une erreur. Entre les deux, j'ai entrevu une porte entrouverte ou passe un rayon de lumière dans lequel je me faufile ce soir pour vous écrire.



« Votre existence est monotone ? Vous souffrez d'ennui ? Vos lectures ne vous transportent plus ? Alors, c'est que vous n'avez pas encore lu le roman Ubik ! Avec Ubik, le roman-culte de Philip K. Dick, venez éprouver votre système limbique. Attention, à utiliser exclusivement selon le mode d'emploi et avec précaution ! »



Un grand merci à toi Anna qui a su m'encourager à entrer dans cette zone de non-confort qui se présentait à moi. Ta critique a été une aide précieuse, ainsi qu'un itinéraire salvateur...

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La Vérité avant-dernière

Paru en 1964, « La vérité avant-dernière » n’a pas l’aura des plus grands succès de Philip K. Dick. Si l’on y retrouve une forme d’obsession pour la seconde guerre mondiale qui irriguait « Le Maître du Haut Château », paru en 1962, ainsi que l’ébauche d’une plongée dans le piège final des réalités qui trouvera son apogée dans « Ubik », paru en 1969, il serait réducteur de définir ce roman très abouti comme une œuvre intermédiaire de K. Dick.



2025. Enterrés dans des abris atomiques depuis quinze ans, des hommes et des femmes triment comme des animaux pour produire le quota de « solplombs » (robots-soldats) que leur demande leur protecteur, Talbot Yancy, afin de participer à l’effort d’une guerre qui n’en finit pas. Leur travail est supervisé par un « pol-com » (commissaire politique) qui s’assure que les consignes définies à la surface sont bien appliquées par ces milliers d’hommes et de femmes qui vivent dans les ténèbres des entrailles de la terre.



Nicholas Saint James, le président d’un abri, doit faire face au décès de son meilleur mécanicien, Souza, sans lequel il est impossible d’atteindre le quota de solplombs qui a été fixé. Un manquement qui pourrait s’avérer lourd de conséquences pour la communauté dont il a la charge. La seule solution pour ranimer Souza dont le corps a été congelé, est de remonter à la surface, afin d’acheter un pancréas artificiel destiné à être greffé au corps du mécanicien congelé par le docteur Carol.



Face aux menaces à peine voilées de ses hommes, Nicholas comprend qu’il n’a pas le choix. Il lui faut regagner la Terre. Là où la guerre fait rage depuis quinze ans, comme en attestent les images effrayantes que leur transmet à intervalles réguliers l’écran de télévision pendant les allocutions de leur dirigeant éclairé. Une surface dévastée par la radioactivité et infestée par les maladies.



Persuadé d’entreprendre une mission qui confine au suicide, notre héros découvre un lieu où la guerre est finie depuis longtemps, où la radioactivité ne touche plus que quelques zones éparses, où une nature luxuriante a repris ses droits. Un monde que se partagent les « yancee », qui règnent sur leurs domaines tels des seigneurs féodaux d’un autre temps, servis par les solplombs que produisent inlassablement les membres des abris souterrains. Un peuple d’esclaves manipulés par un flux d’images et de beaux discours fabriqués afin d’asseoir la domination définitive d’une élite restreinte sur une planète qui a retrouvé la concorde depuis des années.



La sortie mouvementée de Nicholas à la surface marque le début d’une intrigue typiquement dickienne, mêlant complots, leurres et fausses pistes en tout genre. Le procédé narratif aussi simple que saisissant utilisé par l’auteur consiste à nous faire partager les pensées de ses protagonistes, leurs craintes, leurs doutes, leurs suppositions angoissées. C’est ainsi que le lecteur « entre » dans l’esprit de Nicholas Saint James, de Joseph Adams, un yancee mélancolique dont le travail consiste à rédiger les discours du « protecteur », de Webster Foote, membre d’une agence de police privée internationale, doté de facultés pré-cognitives et de Louis Runcible, promoteur qui bâtit des « conapts », résidences aux allures de prisons à ciel ouvert, destinées aux pauvres hères qui remontent progressivement à la surface.



Ces hommes devront faire face aux manipulations démoniaques et paranoïaques ourdies par l’homme qui dirige le monde, un être répugnant dénommé Brose, vieillard obèse de quatre-vingt ans, dont tous les organes sont artificiels à l’exception de son cerveau. À moins que Lantano, un jeune rédacteur extrêmement brillant de vingt-trois ans, dont le teint très sombre proviendrait des radiations résiduelles émises aux alentours de la villa dont il vient de faire l’acquisition, ne vienne redistribuer les cartes...



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Si l’intrigue de « La vérité avant-dernière » se déroule en 2025, ce roman post-apocalyptique a été écrit en 1964 et porte en lui la grande angoisse de l’époque : la peur du déchainement du feu nucléaire qui anéantirait l’humanité. Une manière de nous rappeler que le futur souvent très sombre imaginé par les auteurs de S.F. n’est au fond qu’une projection des craintes de leurs contemporains.



L’exercice littéraire exerce ici une fonction cathartique et peut s’envisager comme une manière d’exorciser les menaces entrevues par un auteur aussi génial que paranoïaque. C’est d’ailleurs ce second niveau de lecture, tentant d’appréhender les inquiétudes et les questionnements de K. Dick qui confère au roman une puissance spéculative époustouflante.



La possibilité de l’assujettissement d’une majorité de pauvres hères condamnés à vivre en enfer au profit de quelques nantis est l’une des clés du roman. Au cœur des trente glorieuses et de l’avènement d’une classe moyenne de plus en plus aisée, K. Dick avait perçu la fragilité du rêve américain et la possibilité de son anéantissement absolu. Mais le plus intéressant est ailleurs, dans la manière « douce » dont s’opère cet assujettissement : la manipulation des esprits.



Une apocalypse nucléaire a bien eu lieu, et l’on a envoyé les foules se réfugier dans des abris souterrains. Lorsque la guerre s’est terminée, les nouveaux maîtres du monde ont inventé un protecteur fantoche, Talbot Yancy, et ont fabriqué une réalité alternative, celle d’une guerre qui n’en finit plus, diffusée au travers d’écrans à une foule crédule et assortie de discours fabriqués à l’aide d’une machine nommée Mégavac.



« Ce qu’on introduisait dans le Mégavac 6-v sous forme de simples éléments linguistiques finirait par en émerger comme une allocution parfaitement structurée qu’enregistreraient caméras de télévisions et micros, un exposé définitif dont nul individu lucide - surtout après avoir passé quinze années de sa vie bloqué sous terre - ne viendrait à mettre en doute la véracité ».



Tout le génie de l’auteur consiste à faire remonter cette manipulation aux années quatre-vingts, en imaginant la création de fausses archives offrant une relecture pour le moins iconoclaste de la seconde guerre. Une relecture monstrueuse dont le but est de blanchir totalement l’Allemagne de ses actes. Une manière de légitimer la division du monde en deux blocs. « Dém-Ouest » face « Pacif-Pop ». Les démocraties de l’ouest intégrant l’Allemagne face au bloc communiste de l’est. Un effacement d’une ironie terrifiante de la part de l’auteur du « Maître du Haut Château », une uchronie dans laquelle les nazis et leurs alliés nippons ont remporté la seconde guerre, et ont continué à semer le Mal à travers le monde, une uchronie tellement documentée que K. Dick, écœuré par ses recherches, a renoncé à lui donner une suite.



Le romancier fait ici sienne la célèbre maxime énoncée par George Orwell dans 1984, « Celui qui a le contrôle du passé a le contrôle du futur. Celui qui a le contrôle du présent a le contrôle du passé ». Ce slogan est sans doute l’une des clés de compréhension du titre cryptique du roman, « La vérité avant-dernière ». Tout comme Orwell avant lui, K. Dick a compris qu’une entreprise de propagande massive ne saurait se limiter à une manipulation du présent. Il faut également réécrire le passé, pour légitimer ce présent alternatif et prendre ainsi une main mise absolue sur les esprits.



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« Joe, tente le coup, essaie de pondre ton discours sans cet auxiliaire ; avec tes mots à toi. (...) Honnêtement, songea-t-il, je ne crois pas pouvoir y arriver sans cette machine ; je dépends complètement d’elle à présent »



Hanté par les angoisses propres à son époque, « La vérité avant-dernière » est paradoxalement parsemé de prémonitions absolument géniales que nous observons, atterrés, en 2023. Creusement sans fin des inégalités, avènement d’une oligarchie capitaliste au détriment de gouvernants démocratiquement élus, entrée dans l’ère de la post-vérité, réécriture du passé dissimulée derrière les oripeaux de la « cancel culture », apparition d’une Intelligence Artificielle en passe de supplanter l’intelligence humaine dans la rédaction de contenus, la liste des intuitions dickiennes ne laisse pas d’inquiéter.



Ce roman vertigineux revisite l’allégorie de la caverne de Platon, emprunte à Orwell les clés d’analyse de la mise en œuvre d’une manipulation absolue des esprits, et nous emporte dans un dédale labyrinthique où les apparences sont toujours trompeuses, que n’aurait pas renié Borges. Platonicien, orwellien, borgésien, il préfigure la dissolution du réel qu’interrogera quelques années plus tard le célèbre « Ubik ».



Au-delà de ce questionnement métaphysique qu’envisageait déjà Pedro Calderón de la Barca dans « La vie est un songe » au XVIIe siècle, « La vérité avant-dernière » frappe le lecteur contemporain par la résonance troublante des obsessions dickiennes avec notre « réalité ». La réalité d’un monde à nouveau confronté à l’éventualité du feu nucléaire, où la possibilité d’une manipulation du réel prend jour après jour une ampleur saisissante, et qui devra affronter les défis proposés par le développement exponentiel d’une Intelligence Artificielle tout droit sortie d’un cauchemar dickien.

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Substance mort

Paru en 1977, « Substance Mort », roman majeur de l’œuvre foisonnante de Philip K. Dick a pour titre original « A Scanner Darkly », en référence à un passage de la première épître de Saint Paul aux Corinthiens : « for now we see through a glass, darkly... ». Une métaphore de la manière dont les protagonistes dickiens appréhendent une réalité insaisissable.



« Substance Mort » est un roman atypique de K. Dick qui délaisse les tropes propres à la Science-Fiction. Cet opus tardif évoque davantage un ouvrage légèrement dystopique et franchement paranoïaque, tant il s’affranchit des codes du genre qui fit la célébrité de son auteur.



Dans une Amérique située dans un futur proche et incertain, dont les habitants vivent dans la paranoïa constante qui hante une société placée sous surveillance technologique, les derniers survivants de la contre-culture des années 60 achèvent de brûler leur cerveau en utilisant une drogue terrifiante, la Substance Mort.



« Pour survivre dans cet État policier fasciste, réfléchit-il, faut toujours être en mesure de sortir son nom, son propre nom. À tout instant. C’est le premier signe qu’ils guettent pour savoir qu’on est accro : pas être foutu de se rappeler qui on est. »



Fred travaille incognito pour la brigade des stups, le corps dissimulé sous « un complet brouillé » qui en brouillant son image, sa voix, son odeur, le rend absolument méconnaissable. Lorsqu’il ne travaille pas, Fred reprend sa véritable identité, celle de Bob Arctor, un toxicomane qui a quitté femme et enfants, pour partager son appartement et son quotidien avec deux autres drogués.



Arctor espionne Donna, une jeune dealeuse, dont il est secrètement amoureux. Une mission qui n’est pas de première importance et ne nécessite pas le port du fameux « complet brouillé ». Le but n’est évidement pas de faire tomber la jolie jeune femme, mais de remonter la filière de la Substance Mort.



« Tant qu’à espionner quelqu’un, autant choisir un sujet qu’on fréquenterait de toute façon ; ça paraissait moins suspect et on se faisait moins chier. »



Toujours vêtu d’improbables chemises hawaïennes, Bob Arctor est un personnage avenant, doté d’un humour décalé qui fait souvent mouche. Sa cohabitation avec Barris, bricoleur en électronique au génie incertain et Luckman, trentenaire effacé, est plutôt bon enfant. Les conversations des trois hommes sont truffées d’anecdotes mêlant une paranoïa et un humour typiques des toxicomanes.



Si la consommation constante de Substance Mort d’Arctor, n’augure pas de lendemains radieux, c’est la nouvelle mission que lui confie son supérieur qui va emporter notre héros dans un voyage sans retour au bout de la schizophrénie. Ce dernier ordonne à Fred d’abandonner la surveillance de Donna pour espionner un homme que les Fédéraux ont identifié comme un dangereux toxicomane.



Après un début modérato, « Substance Mort » prend une ampleur typiquement dickienne lorsque le personnage principal Fred est chargé d’espionner le dénommé Bob Arctor qui n’est autre que lui-même. Cette mission sera le début de la descente aux enfers du héros, qui, en plus de devoir affronter une mission à fort potentiel schizophrène, découvrira que Barris n’est pas tout à fait celui qu’il prétend être, et que les inquiétudes qu’il attribuait à la paranoïa qui hante chaque drogué étaient fondées...



« Étrange comme, de temps à autre, la paranoïa peut coïncider avec la réalité. »



La plongée au cœur des ténèbres de « Substance Mort » évoque les ouvrages d’Henri Michaux, qui comme K. Dick fit un usage « approfondi » de différentes drogues, qu’il relate dans « Misérable Miracle » ou « Connaissance par les gouffres ». Le titre français est pourtant trompeur. « Substance Mort » ne se limite pas à une description de l’enfer des paradis artificiels. C’est une œuvre singulièrement ample et ambitieuse qui nous dépeint une Amérique cauchemardesque où les drogués sont constamment traqués pour être placés dans des centres de désintoxication dont nul ne revient.



« A Scanner Darkly » est surtout, comme souvent chez K. Dick, un roman où les êtres et les institutions, ne sont jamais ce qu’ils paraissent être. Le verset 13:12 de l’épître de Saint Paul aux Corinthiens, auquel fait référence le titre original, est nettement plus éloquent : « Maintenant nous voyons dans un miroir, d’une manière obscure, mais alors nous verrons face à face. »



Ce verset résume en quelques mots tout le roman. Pendant l’essentiel de l’intrigue, le héros Fred/Arctor et le lecteur n’ont qu’une vision inquiète, tronquée, faussée de la réalité. Le dénouement réalise, en la détournant, la prédiction de Saint Paul et dévoile la Vérité dans son hideuse nudité. Finis les faux-semblants, les fausses pistes, les intuitions paranoïaques. Place à une Réalité devenue Cauchemar ou à un Cauchemar devenu Réalité.



S’il n’atteint pas la perfection formelle d’« Ubik » qui explorait la dissolution du réel avec une maestria époustouflante, « Substance Mort » est peut-être Le chef-d’œuvre de K. Dick. Plus incarné, plus sincère, moins joueur, le roman est touché par la grâce de la mélancolie lorsqu’il donne une âme à son héros (qui évoque un double romanesque de l’auteur), un homme qui continue de vivre alors même qu’il est déjà mort.



« There's more to the picture

Than meets the eye

Hey hey, my my

Out of the blue and into the black »

Neil Young



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Blade Runner (Les androïdes rêvent-ils de mouto..

Et bien chose rare chez moi…. j'ai détesté un roman.

Je suis grande fan du film Blade Runner depuis… bhen qu'il est sorti. Je connais toutes les scènes par cœur… je n'ai pas tenu les comptes mais je l'ai sans doute vu plus de 500 fois.



Cela faisait un moment que je cherchais donc le roman qui avait inspiré ce film culte…. mais même si j'ai beaucoup aimé Philip K Dick sur d'autres romans, ici rien n'y fait.

Je pense que cela fait bien 6 mois que je suis sur ce roman de 210 pages.



D'habitude je déteste les films tirés des romans ( a de rares exceptions près) et là le film m'a tellement marqué que c'est le roman que je déteste. Je n'y ai rien retrouvé de ce que j'attendais et c'est sans doute pour cela que je ne l'ai pas apprécié.



L'écriture de K Dick a son habitude est froide et distante. Mais j'ai persisté mais sans grande réussite , sauf peut être quand même celui d'être arrivé au bout.

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Le maître du haut château

Ce n'est pas la première fois que ça m'arrive avec Philip. K. Dick, ce ne sera sans doute pas la dernière : j'ai été très dérangée par son style très froid - est-ce un problème de traduction ? je n'en ai pas l'impression - qui donne un ton tellement factuel et haché au récit que c'en est franchement bizarre. Là aussi ce n'est ni la première ni la dernière fois : j'ai ressenti un malaise pressant, dû à l'écriture de K.Dick, tout au long de ma lecture. Les personnages ne m'en sont apparus que plus inaccessibles, presque inhumains. Est-ce un hasard de la part de celui qui écrira "Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques" ? Là-dessus, ressort donc un personnage, M. Tagomi, pourtant pas d'emblée spécialement sympathique, mais finalement celui qui possède la personnalité la plus humaine, et qui sera le seul capable de traverser... de traverser quoi, exactement ? Les mondes, les apparences, la frontière entre la fiction et la réalité, la réalité telle un voile qui nous aveugle ? Quelque chose de ce style, j'imagine, bien que je sois complètement certaine de n'avoir pas bien saisi le but de l'écrivain et d'être carrément passée à côté de quelque chose. Que se disent Juliana, celle qui perce le mystère du "Poids de la sauterelle", livre dans le livre, et son auteur, à la toute fin du roman ? Que se passe-t-il exactement à ce moment-là ? Flou le plus total pour moi. Là aussi, impression de déjà-vu. Mmmmh, serais-je donc coincée dans une matrice ???



K. Dick a, à plusieurs reprises, utilisé une matière philosophique et/ou spirituelle qu'il a intégrée à ses récits. Or, je ne possède pas le dixième (et je suis gentille avec moi-même) de son érudition en la matière, ce qui me pousse par moments à me demander si je suis capable de saisir le sens de ses écrits avec de telles lacunes. Ici, la philosophie orientale est prégnante, à travers notamment un livre dans le livre (encore un!), des oracles répétés, des références au Yin et au Yang. Mais, autre déficience de ma part, je ne possède pas non plus l'expérience de K.Dick en matière d'usage de drogues diverses et variées (le fait que ce soit dit ici haut et fort évitera peut-être que la NSA me fiche comme danger potentiel pour la société). Et bon, lire Philip K. Dick, je me demande si ça ne devrait pas exiger d'être sous l'influence de stupéfiants (et donc là, je perds tous les points que j'avais gagnés et je deviens hautement suspecte pour avoir incité publiquement la population à se droguer, et par écrit, en plus)...



Voilà donc un livre dont je me suis dit aussitôt après l'avoir refermé : "Bon, j'ai plus qu'à le relire, maintenant". Dérangeant, déstabilisant, malaisé, provoquant nausée et questionnement constants, "Le Maître du Haut Château" n'est pas forcément un roman très séduisant, mais c'est aussi là, je pense, - et j'écris cette critique des mois après l'avoir lu, donc j'ai un peu pris de recul depuis - sa force. Chef-d'oeuvre ou pas, telle n'est pas la question pour moi : j'y reviendrai un jour prochain, forcément.
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