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Citations de Philippe Forest (329)


Quand joue-t-on le plus la comédie ? Lorsque, aimant, on fait semblant de ne pas aimer tout à fait ? Ou bien quand n'aimant pas, on fait semblant d'aimer malgré tout ? Lou ne me demandait rien concernant notre avenir. Moi, je me taisais. Nous avions peur que la première parole prononcée ne nous rende au néant dont la chance nous avait sortis.
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Le sentiment du "déjà-vu" ne se comprend pas autrement : toute son existence à venir, chacun l'a rêvée enfant et c'est pourquoi, devant tout événement vécu, quelque chose nous avertit obscurément que cela, nous l'avons déjà connu. Chaque expérience nouvelle vient vérifier l'un ou l'autre des vieux récits que le cerveau s'est, il y a bien longtemps, raconté à lui-même dans la nuit. Il faut bien qu'il en soit ainsi. Si secrètement il n'en savait déjà tout, comment l'esprit pourrait-il, le jour venu, soutenir le spectacle de l'affolante réalité sans s'anéantir tout à fait ? La longue répétition nocturne des rêves d'enfance était nécessaire à la survie : comme une éducation lente au néant qui, inévitablement, viendrait. Ou plutôt : tout a déjà eu lieu. Et la vie adulte, elle-même, n'est que l'étirement d'un songe d'enfant depuis longtemps révolu, son lent affadissement inquiet dans le matin indifférent du temps (pp. 22-23).
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Que dit la poésie ? Elle dit le perpétuel désastre du temps, l'anéantissement de la vie auquel seul survit le désir infini.
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On dit de ceux qui s'aiment qu'ils sont seuls au monde. Et c'est vrai. Il suffit d'un seul pas de côté. Et l'on bascule sans scrupule dans le formidable esseulement du bonheur.
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J’en arrivais à penser de l’oubli qu’il n’est pas le contraire du souvenir mais qu’il en constitue peut-être la condition. Aussi paradoxal que cela puisse paraître. Seul l’oubli conservait sauf le souvenir, le mettait à l’abri des mensonges dont la mémoire le menace lorsqu’elle métamorphose le passé en toutes petites histoires. Il en allait du souvenir comme il en va du rêve. C’est pourquoi l’on ne peut jamais se saisir de l’un que sous la forme que l’autre lui donne. Ce que l’on se rappelle prend l’apparence d’un songe que l’on a fait dans son sommeil. Ce dont on rêve paraît semblable au souvenir que l’on croit conserver d’un événement que l’on a authentiquement vécu.
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On sait bien que rencontrer un écrivain n'est rien, que sa présence, sa conversation ne révéleront aucune vérité - même minuscule, anecdotique - en rapport avec son œuvre. [..]
Ce qui vous conduit chez l'un ou chez l'autre de ceux que vous avez lus est d'une autre nature. On désire simplement retourner à quelqu'un le signe que ses livres vous ont adressé, comme un salut amical en passant, une main agitée pour rien comme le font de derrière la fenêtre d'une voiture ou d'un train des enfants, à l'adresse d'un inconnu qu'ils ne reverront pas, qui hésite puis lève à son tour la main, sourit, bouge un peu les doigts et dont au loin la silhouette s'évanouit déjà. Et si puéril que cela puisse paraître, on peut s'émouvoir de la gratuité splendide, de la beauté désintéressée d'un tel geste, de la vitesse vaine et bouleversante de ce signe tracé dans le vent et le vide.
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La curiosité est un "vilain défaut". Je n'ai jamais très bien compris pourquoi. Je l'ai toujours tenue, au contraire, pour une vertu majeure. Et je crois bien que c'est elle qui souvent m'a sauvé la vie.

Curiosité
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Il n’y a de roman que d’amour. On veut apprendre d’où vient cette aimantation des corps aimants qui les attache les uns aux autres et fait soudainement exister entre eux ce lien que rien ne déliera jamais plus. Ce désir de savoir n’a pas de cesse. Rien ne l’altère. Même le temps qui passe et où l’énergie s’use, même la grande routine d’avoir déjà vécu ne peuvent rien sur lui. On se dit que le récit continue, le même au sein duquel toutes les histoires n’en font plus qu’une : le long tourment tournoyant d’aimer où sont pris tous les amants et qui les fait identiques. L’âge avance et la curiosité de l’enfance, étrangement, ne s’efface pas.
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Faire l’amour doit toucher au miracle, sinon à quoi bon. Un miracle ? Oui, tout à coup, chaque fois, malgré la répétition, l’irréfutable manifestation de l’impossible, une révélation de rien se suffisant splendidement à elle-même. Non, il n’y a pas de vérité à attendre de l’amour. Laquelle ? Juste l’éclatante évidence d’un signe soudain surgi du fond le plus enfoui de la vie et qui ne signifie que la certitude d’être subitement vivant comme jamais.
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J'en avais eu souvent l'impression dans le passé : lorsque la réalité se manifeste, le plus souvent elle prend l'apparence de la fiction. Étrangement. C'est pourquoi, si absurde que cela paraisse, on mesure la vérité à l'aune de sa ressemblance avec le mensonge.
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C'est comme ça toujours que tout commence : lorsque vient la certitude d'avoir touché le fond, d'en avoir fini pour de bon avec le fatigant commerce des pensées, des émotions, des sentiments et qu'il n'est plus possible de se vouer à rien sinon au vide en soi. J’en étais parvenu à ce point très précis de ma vie. (..)
Écrire avait été ma façon de partir, de disparaître en plein jour. Et j'avais réussi. J’avais réussi au-delà de toutes mes espérances. Nulle part n’existait plus où me figurer que ma vie m’attendait.
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On ne sait jamais quand une histoire débute. À défaut, on la fait commencer avec le dernier récit raconté. Sans même imaginer que celui-ci prend la suite d'un autre, et puis d'un autre avant lui, et qu'il s'insère ainsi comme un élément parmi d'autres encore dans la série de tous les précédents. Par manque de mémoire ne se représentant pas tout ce qui a été auparavant. Depuis très longtemps. Remontant aux temps originels dont parlent les légendes.
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L'histoire, quand on en prend conscience, a toujours déjà commencé.
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Vue depuis son envers, la société de consommation dans laquelle nous vivons est aussi une société de consolation. La même industrie fonctionne pour rendre le plaisir obligatoire et pour déclarer la douleur interdite.
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Je me rappelle la fascination banale qu'a causée chez moi la lecture adolescente du célèbre conte de Borges : "La bibliothèque de Babel". L'écrivain imagine une bibliothèque qui contiendrait tous les livres susceptibles d'être engendrés par la combinaison arbitraire des signes de l'alphabet. L'hypothèse est vertigineuse. Elle réduit à rien la croyance que l'on peut porter à la littérature : puisque tout a déjà été écrit, le sensé et l'insensé, le vrai comme le faux, le réel autant que le fictif, le bon comme le mauvais, indistinguables, pareillement produits et au même titre par la mécanique aveugle qui assemble aléatoirement les lettres sans souci de ce que vaut ou signifie le résultat. Cependant, elle la ressuscite aussi : car dans cette bibliothèque immense où prolifèrent le mensonger, l'indifférent, l'inintelligible, il se trouve nécessairement - perdu parmi la somme de ses contrefaçons - un volume qui livre la clé de l'ensemble auquel il appartient. Sans que nul puisse savoir avec certitude sous quelle forme il le fait.

Bibliothèque
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La sieste est le moment que les songes préfèrent. L'heure qu'ils choisissent pour vous rendre visite. Celui qui dort flotte, suspendu parmi des milliers de monde emmêlés à la consistance si fugitive qu'ils se confondent dans sa conscience sans qu'il y ait aucun moyen de les distinguer. Le grand tournis du possible.
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Je voulais changer d'espace, pas pour me délivrer de ma peine mais pour en éprouver ailleurs et autrement l'inépuisable et pathétique profondeur. J'ai donc écrit ce roman. Je l'ai fait au hasard : comme on s'enfonce dans un rêve. Je voulais m'en aller, tout laisser derrière moi, tourner le dos au monde où j'avais vécu. Je pensais que n'importe quel récit me délivrerait, me conduisant loin de moi.
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Extrait :
«Attraper un chat noir dans l'obscurité de la nuit est, dit-on, la chose la plus difficile qui soit. Surtout s'il n'y en a pas.
Je veux dire : surtout s'il n'y a pas de chat dans la nuit où l'on cherche.
Ainsi parle un vieux proverbe chinois à la paternité incertaine. Du Confucius. Paraît-il. J'aurais plutôt pensé à un moine japonais. Ou bien à un humoriste anglais. Ce qui revient à peu près au même.
Je crois comprendre ce que cette phrase signifie. Elle dit que la sagesse consiste à ne pas se mettre en quête de chimères. Que rien n'est plus vain que de partir à la chasse aux fantômes. Qu'il est absurde de prétendre capturer de ses mains un chat quand nul ne saurait discerner, même vaguement, sa forme absente dans l'épaisseur de la nuit. »
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Il n'y a pas de dernier mot. Tant que la vie dure, tout peut recommencer.
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Comme si : c'est le mot des savants; c'est celui des enfants et celui des poètes, aussi. Tout se passe comme si ce monde dans lequel nous vivons était à la fois le même et un autre, contenu dans la boîte obscure où, comprimées, se tiennent toutes les virtualité de la vie de sorte que chaque chose et son contraire y sont côte à côte à leur place. Un conte ? Il était une fois. Plutôt : il était deux fois. Et puis deux fois deux fois. Ainsi à l'infini, le même vieux récit se multipliant dans la nuit de toujours tant que quelqu'un se trouve là qui lui accorde la créance qu'il faut pour que s'éparpille partout le perpétuel pluriel de tous les possibles.
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