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4.33/5 (sur 3 notes)

Nationalité : France
Biographie :

Pierre Dulau est agrégé de philosophie et professeur au lycée international de Strasbourg.

Source : 4e de couverture du livre "Une journée de philosophie"
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Bibliographie de Pierre Dulau   (6)Voir plus

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Citations et extraits (32) Voir plus Ajouter une citation
La grâce de posséder cela même qu'on renonce à posséder suppose toutefois que soit admise une chose : nous ne sommes pas les propriétaires de ce qui fait la saveur de nos vies.

Cette lueur du soir d'été, cette fleur épanouie d'avoir bu tant de soleil, l'éclat joyeux du rire de l'enfant, la parole qui fait sens, la beauté du monde et la bonté des hommes : rien de tout cela ne nous appartient.
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Même lorsque les machines s'en mêlent, il faudra toujours des hommes pour inventer, régler, entretenir, réparer ces machines.
C'est donc parce qu'il est un être de besoin et de désir que l'homme sait qu'il devra sans cesse travailler.
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Windows (fenêtres), Safari, Explorer, Vista (la vue), Outlook (la vue, la perspective) ... Notre ordinateur est imprégné du vocable de l' "ouverture".
Celui-ci symbolise à la fois l'intelligence (l'ouverture du regard qui comprend) et la liberté (l'ouverture d'un espace sans frontières). La machine informatique nous promet donc, par les mots mêmes dont on l'a baptisée, une exploration, une sorte de voyage.

Rentré chez nous après le travail, nous sommes assis à notre bureau et nous pouvons commencer ce curieux safari. Un voyage par des fenêtres fines qui nous emportent dans un monde où les images, les sons, les textes, les choses, les gens, se mêlent et se concentrent en une simple surface.

Une surface qui est un écran. Un écran, c'est-à-dire quelque chose qui masque, qui rend opaque (comme on parle, à propos d'une crème solaire, d'un "écran total"). L'écran d'ordinateur, lorsqu'il prétend ouvrir l'œil de notre intelligence et satisfaire notre besoin d'évasion, que masque-t-il donc ?
Notre environnement perceptif immédiat.

C'est à la condition de ne plus regarder par la fenêtre de notre appartement que nous pourrons jouir de ce que nous promettent Windows et Explorer.
C'est à la condition de ne plus entendre les bruits de la rue au dehors que nous entendrons les sons de l'ordinateur.
C'est à la condition de nous absenter du monde réel que nous pourrons pénétrer ce monde informatique virtuel.
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Qui ignore le pourquoi de son lever regrette déjà son lit. (...)
Délaissez cette question, "Pourquoi ?", laissez-la résonner à vide et vous la verrez bientôt se muer en cette autre question, plus terrible : "A quoi bon ?"
(...) La dépression, malnutrition de l'âme, ce n'est au fond rien d'autre que l'appréhension lucide de ce qu'il y a de contingent dans la station verticale.
Etre dépressif, c'est être allé au bout de la pensée que rien de sensé ne légitime qu'on soit là, debout, entouré d'hommes debout.

C'est en quoi la philosophie est rien moins que vitale, afin que le "pourquoi" trouve en cette vie l'écho d'une réponse. (...) Comme on le voit, se pose au petit matin la question des questions : celle de l'absolu qui donne à la vie humaine son sens. Car répondre à la question "Pourquoi se lève-t-on le matin ?", c'est entrevoir la réponse à cette autre question, trop massive ou trop terrible pour qu'on ose se la poser franchement : "La vie a-t-elle un sens ?"
Et si oui, lequel ?
La réponse que nous donnons à cette simple question "Pourquoi vous levez-vous le matin ?", raconte qui nous sommes, selon quel projet nous entendons mener notre vie, sous quel absolu nous plaçons notre existence entière.
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Les Anciens pensaient que le monde était un organisme, un grand corps vivant qui avait une "âme". Par ce mot, ils désignaient deux choses : d'une part un principe de liaison entre toutes les choses composant le monde, quelque chose qui les identifie et les rapporte à une même instance ; d'autre part un principe de mouvement qui permet l'évolution de l'ensemble des choses, un facteur dynamique qui permet la transformation.

A la lumière de cette définition de l'âme, il n'est pas absurde d'affirmer qu'Internet, pour le meilleur et pour le pire, est l'âme du monde contemporain, en tant que ce monde est devenu un univers surnaturel composé d'artefacts techniques qui tendent tous à l'unification. Le grand vivant est devenu un grand automate. Les choses sont devenues des images de choses. La liaison entre ces choses n'est plus une liaison harmonique ou sympathique mais numérique. Le dynamisme mobile est devenu un programme de services.
Mais le fait demeure égal : Internet identifie et relie chaque élément de l'univers contemporain dans un bouillonnement de données qui en fait apparaître le caractère mobile et incarné, pour ainsi dire vivant.
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Prenez des tranches de pain mou, empilez entre elles la sauce, les légumes tranchés (salade, cornichon, tomate, oignons), de la viande déjà hachée, mâchée par des machines pour soulager la mâchoire qui doit aller vite, des tranches de fromage prédécoupées et vous obtiendrez un généreux hamburger - sandwich de Hambourg que commencèrent à manger jadis les Allemands en partance pour le Nouveau Monde dans les bateaux qui les y acheminaient en masse.

Jetez de surcroît des morceaux de pomme de terre dans un bain d'huile bouillante pour une cuisson rapide et arrosez cela d'un digestif non alcoolisé, d'un soda, précisément, d'une boisson pétillante à la soude qui aidera à dissoudre ce qui sans cela restera sur l'estomac comme une chose indigeste, produisant chez l'homme une forte somnolence s'il n'était soutenu par la coca ou la caféine du liquide.

Mordez directement la nourriture, debout ou assis, en marchant ou en restant sur place, n'importe où, n'importe comment, avec n'importe qui, mangez directement avec vos doigts qui ainsi exhaleront des heures une généreuse odeur de ketchup et de mayonnaise, de friture et de steak haché.

Ce n'est pas sans raison qu'un tel menu puisse apparaître comme un symbole.

On y verra tantôt une chose bonne où les conventions sont un temps suspendues pour vivre les relations amicales qui semblent pouvoir s'en passer, dans la spontanéité et la bonne humeur.
On y goûte alors le fait d'être en phase avec l'esprit du temps, qui est à la liberté dit-on.

On y décryptera tantôt une présence hostile qui menace le bien humain, symbole qui pourrait bien rappeler à quel régime est soumis le citadin moderne, l'habitant des bourgs peinant à vivre bien dans la ville où il devrait vivre mieux. (...)

La fast food apparaît comme celle du monde de la vitesse (la temporalité moderne par excellence, à moins que ce ne soit la simultanéité), le mode d'alimentation ultramoderne, individuel, fonctionnel et consumériste (...)
Voilà peut-être la logique de la fast food, de la nourriture rapidement produite et rapidement ingérée, qui équivaut à sauter toujours le moment du repas, à le différer en croyant le ramener à l'essentiel dans l'horizon d'une nutrition pourtant dérisoire.
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Recevoir du courrier, c'est donc bien constater pour chacun qu'on pense à lui.
(...) Il n'est pas certain alors que le courrier signale toujours l'existence d'une relation intime. Loin s'en faut.
Les publicités d'abord qui s'accumulent si vite attestent que l'on pense à nous de manière impersonnelle ... mais intéressée. Qu'on pense à nous comme à n'importe qui. Un monsieur normal, une dame ordinaire. Ce qui n'est déjà pas si mal. C'est à des acheteurs potentiels qu'on s'adresse alors, comme à des sujets ayant des désirs consuméristes, relativement standard, qui peuvent être entretenus, suscités, intensifiés par des moyens divers, des plus sommaires au plus sophistiqués (...)
En suggérant que quelque chose manque au bonheur et qu'une satisfaction possible est à portée de main, les réclames commerciales suscitent en nous mille inclinations. Désir de sécurité, de confort, de plaisir, de découverte facile ou de nouveauté, d'évasion, de reconnaissance sociale ou de prestige, de puissance : la gamme sur laquelle jouent les chants des sirènes publicitaires pour s'adresser au désir immédiat en quête perpétuelle de satisfaction. (...)

Certains hommes alors, fatigués d'avoir trop froissé le papier glacé à peine lu, refusent ce harcèlement. (...) ils prieront, exigeront même parfois, qu'il ne leur soit plus déposé aucun prospectus publicitaire (...) "Pas de publicité SVP"
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Le ménage est, on l'a vu : lutte contre la nature en tant qu'extériorité spatiale (les microbes), lutte contre le temps (la mort), et enfin lutte contre le désordre (la poussière).
Positivement compris, il permet d'éclaircir des zones pour qu'elles deviennent des lieux : là où les actions ont du sens, là des décisions deviennent possibles.

Mais il est aussi, d'un point de vue symbolique, lutte contre la culpabilité.
En effet, passer de l'eau sur son environnement est le contrepoint physique d'un problème spirituel : laver ses fautes, débarrasser son être propre de toute ce qui le souille, laver son esprit de tout ce qui l'entache.

Il y a bien une corrélation entre ces deux niveaux de sens qui prend racine dans la conviction que tout ce qui est intérieur est extérieur et vice versa.
Dans leur désordre ou leur ordre, nos demeures nous ressemblent, elles gardent physiquement l'empreinte de nos vices et de nos vertus.

Agir sur elles, c'est, dans l'espoir qu'il y ait bien une rétroaction de l'extérieur sur l'intérieur, essayer d'agir sur soi. Et il est vrai que tout ce qui contribue à discipliner notre présence au monde finit par discipliner notre présence à nous-mêmes dans le monde. Ainsi, "faire le ménage dans sa vie" peut commencer, très trivialement par faire le ménage chez soi, réellement, effectivement.
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L'homme aime ce qui lui ressemble et lorsque la technique paraît pouvoir l'engloutir dans l'uniformité de son efficacité, il cherche toujours, néanmoins, à réintroduire de la particularité, de la singularité, à rendre plus saillants les traits qui le distinguent en propre.
Ainsi l'homme reproduit son image à l'infini : son occupation de l'espace passe par la démultiplication industrialisée, normalisée, de sa propre figure, et toute voiture n'est alors, au fond, qu'une métaphore mécanisée du regard humain.

De la même manière que n'importe quel ordinateur est une métaphore de la mémoire et de la pensée.

Une "métaphore" parce que l'on pourrait proposer une lecture poétique et mythologique de l'apparition de la voiture. Elle participe de la légende humaine de l'appropriation continue de l'espace. Elle est une partie importante de l'idéologie contemporaine, parce qu'en elle se cristallisent presque toutes les attentes et les contradictions de l'individu moderne.
Le désir d'aller plus vite, le désir de domination, le désir de séduction ; bref, tous les avatars du désir de liberté qui se trouve ici complètement artificialisé
(...) l'individu prend sa "monture", avec l'ensemble de symboles que cela comprend : identification de la classe sociale, du rang, des aspirations, des goûts, etc.
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Des traits d'un rouge éblouissant se dessinent sur un fond noir, opaque, abyssal. De la même incandescence sont faits les deux petits points qui, simultanément, disparaissent puis reparaissent. Soudain une voix. Une voix qui prononce les mots du monde, d'un monde dont je me suis absenté - il y a combien de temps déjà ? Une voix qui clame, avec une insupportable fraîcheur : "Il est six heures et vingt-huit minutes. Merci de votre fidélité. Tout de suite, les titres de l'actualité ..." (...)

Le réveil, toujours, nous prend en flagrant délit : décoiffé, fatigué, drôlement fichu dans ce pyjama d'éternel enfant, pas même certain d'avoir rejoint le monde. Le réveil surprend notre abandon. (...)

Rien n'est plus essentiel, en effet, que de se réveiller.
Nul ne voudrait d'une vie tout entière passée dans le coma, ou sous anesthésie. Pas même, si l'on tient au mouvement, d'une vie de somnambule.

Du réveil dépend toute chose. S'il n'a pas pour lui l'apparat de la grâce, il faut bien avouer que, sans lui, toute activité, même des plus sublimes, se perdrait dans le néant de l'inconscience. Amour, amitié, plaisirs et joies, tout cela veut nous trouver, sinon debout, du moins éveillé. La mort se dit : un sommeil éternel.
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