Au cours de ma vie errante, il m’est arrivé une fois de m’arrêter dans un château enchanté, chez une fée. Le son lointain du cor dans les bois a le pouvoir de faire revivre pour moi les moindres souvenirs de ce séjour.
C’est que le château de la fée était situé au milieu d’une forêt profonde
dans laquelle on entendait constamment des trompettes militaires
au timbre grave se répondre comme de très loin. Ces sonneries étrangères,
inconnues, avaient une mélancolie à part, semblaient des appels
magiques, dans l’air sonore qu’on respirait là, — l’air silencieux, vif et
pur des cimes…
La musique a pour moi une puissance évocatrice complète ; des lambeaux
de mélodie ont conservé, à travers le temps, le don de me rappeler
mieux que toutes les images certains lieux de la terre que j’ai habités,
certaines figures qui ont traversé mon existence.