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Citations de Pierre Michon (343)


Roulin […] compta tout cet argent proposé. Il avait un jardinet, les enfants étaient grands ; pour les gnôles, la cuite est vite atteinte à un prix fixe, le salaire y suffisait. Et que peut-on acheter ? Tout, quand on a appris ; ce n'était pas son cas.
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Pierre Michon
Mon approche de l'écriture est nourrie de croyances et de magie. Je ne me mets pas à ma table tous les matins, je ne travaille pas de manière raisonnable. J'attends le texte.
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Par quelle bizarrerie ce qu'il croyait être, et qui était, la peinture, c'est-à-dire une occupation humaine comme une autre, qui a charge de représenter ce qu'on voit comme d'autres ont charge de faire lever le blé ou de multiplier l'argent, une occupation donc qui s'apprend et se transmet, produit des choses visibles qui sont destinées à faire joli dans les maisons des riches ou à mettre dans les églises pour exalter les petites âmes des enfants de Marie, dans les préfectures pour appeler les jeunots vers la carrière, les armes, les Colonies, comment et pourquoi ce métier utile et clair était devenu cette phénoménale anomalie, despotique, vouée à rien, vide, cette besogne catastrophique qui de part et d'autre de son passage entre un homme et le monde rejetait d'un côté la carcasse du rouquin, affamé, sans honneur, courant au cabanon et le sachant, et de l'autre ces pays informes à force d'être pensés, ces visages méconnaissables tant ils voulaient peut-être ne ressembler qu'à l'homme, et ce monde ruisselant d'apparences trop nombreuses, inhabitables, d'astres trop chauds et d'eaux pour se noyer.
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Pierre Michon
Qui dira ce qui est beau et en raison de cela parmi les hommes vaut cher ou ne vaut rien ?

VIE DE JOSEPH ROULIN.
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Je ne crois guère aux beautés qui peu à peu se révèlent, pour peu qu'on les invente ; seules m'emportent les apparitions. Celle-ci me mit à l'instant d'abominables pensées dans le sang. C'est peu dire que c'était un beau morceau. Elle était grande et blanche, c'était du lait. C'était large et riche comme Là-Haut les houris, vaste mais étranglé, avec une taille serrée ; si les bêtes ont un regard qui ne dément pas leurs corps, c'était une bête ; si les reines ont une façon à elles de porter sur la colonne d'un cou une tête pleine mais pure, clémente mais fatale, c'était la reine. Ce visage royal était nu comme un ventre : là-dedans les yeux très clairs qu'on miraculeusement des brunes à peau blanche, celle blondeur secrète sous le poil corbeau, cette énigme que rien, si d'aventure vous possédez ces femmes, ni les robes soulevées, ni les cris, ne dénoue.
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Je me couchais, la lune un instant pénétrait dans ma chambre et très loin dans des clairières perdues caressait des silex que nul ne voit, la pluie furieuse les enfouissait.
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On descendait par trois marches à la salle commune ; elle était enduite de ce badigeon sang-de-boeuf qu'on appelait naguère rouge antique ; ça sentait le salpêtre ; quelques buveurs assis parlaient haut entre des silences, de coups de fusil et de pêche à la ligne ; ils bougeaient dans un peu de lumière qui leur faisait des ombres sur les murs ; vous leviez les yeux et au-dessus du comptoir un renard empaillé vous contemplait, sa tête aiguë violemment tournée vers vous mais son corps comme courant le long du mur, fuyant. La nuit, l’œil de la bête, les murs rouges, le parler rude de ces gens, leurs propos archaïques, tout me transporta dans un passé indéfini qui ne me donna pas de plaisir, mais un vague effroi qui s'ajoutait à celui de devoir bientôt affronter des élèves : ce passé me parut mon avenir...
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Elle éclipsait presque totalement la figure de mon grand-père Eugène – sans pour autant lui opposer cette barrière bavarde et aigrement condescendante dont certaines épouses circonviennent leur mari, lui refusant la parole, puis toute pensée, et au bout du compte la vie - …
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Et sans doute était-ce au printemps, les draps aujourd'hui en poussière fumaient au soleil, les chairs décomposées souriaient dans l’allégresse de mai ; et sous les grappes violemment tendres des lilas, ma mère de quinze ans s’inventait une enfance enfuie déjà.
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Au-dessus de ces trous pendant des années innombrables des rennes transhumèrent, qui de l’Atlantique remontaient au printemps vers l’herbe verte de l’Auvergne dans le tonnerre de leurs sabots, leur immense poussière sur l’horizon, leurs andouillers dessus, la tête morne de l’un appuyée sur la croupe de l’autre ; et là, dans le goulet crapuleux que forment s’embrassant la Vézère, les deux Beune, l’Auvézère, on les attendait avec des limandes, des becs-de-perroquet, des haros ; et les mangeurs de lichen de loin entendaient les tambours, voyaient des feux si c’était la nuit et le jour voyaient la fumée, mais sans dévier ils prenaient vers les tambours, s’étiraient dans les étroitures au bord de l’eau, tremblants ; ils y allaient tout droit ; car si les rennes avaient pu concevoir un dieu ou un démon ils l’auraient prié et pensé là, calendérique et imparable, chaque mois d’avril se levant partout à la fois sur les crêtes, déchaîné sans cause comme sont les dieux, apparaissant dans un corps multiple animé de la volonté unique de les rendre fous, dans des cliques à grandes gueules, des hommes tout en haches, des fosses avec des pieux dedans ; et ils auraient pensé que ce dieu était clément, car après tout ils n’en laissaient jamais là qu’un tiers, et le restant tout l’été jouissait des lichens d’or sur les basaltes, du soleil qui se couche derrière les doux volcans ronds quand le temps est beau et qu’on rumine l’herbe du jour.
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(...) car elle était une reine: c'est-à-dire quelqu'un à qui depuis sa naissance l'amour exclusif n'a jamais failli, et quand on a eu cela tout peut arriver, le ciel et l'espoir peuvent s'écrouler, on peut se perdre dans mille forêts, voir mille fois son coeur sorti de sa poitrine et foulé, la joie est toujours là, dessous, au moindre appel elle va bondir, elle reste là et attend, invincible, éclipsée seulement parfois, mais vivante, éternelle comme on disait quand ce mot avait un sens.
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Pierre Michon
« Ayant, comme tant de nigauds infortunés, pris pour dogme les rodomontades juvéniles de La lettre du Voyant », je « travaillais » à me faire tel, et en attendais qu’un bel ange byzantin, descendu pour moi seul dans toute sa gloire, me tendît la plume fertile arrachée à ses rémiges et, dans le même instant, déployant toutes ses ailes me fit lire mon œuvre accomplie écrite à leur revers, éblouissante et indiscutable définitive, indépassable.

(épigraphe de Grégory Rateau, dans Imprécations nocturnes)
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(A propos de tilleuls) Ces arbres savoureux sont aimés des abeilles ; et leur puissant murmure qui s’amplifiait dans le soir semblait la voix même de l’arbre, son aura de massive gloire : Ainsi devaient vrombir les anges devant Ézéchiel prosterné.
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La jouissance est une phrase. Longue, contournée, obéissant à des rites, des formes.
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Il était né à Lambesc, pas loin d'Arles, vers le milieu du siècle. Je n'y suis jamais allé ; on me dit que c'est aujourd'hui un de ces lieux nuls où l'on s'arrête par hasard manger une pizza terreuse près d'une autoroute, et on ne voit qu'un ciel de poussière, des passants sur le boulevard, un vague dôme qui luit dans le fond et des platanes étêtés devant, rien. Ça n'a pas beaucoup changé.
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Les beaux-arts et la politique sont choses compliquées.
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Pierre Michon
...Shakespeare est un des auteurs à avoir dit sur le mode épique le versant noir du pouvoir, hors de toute idéologie : il est de ceux qui savent comme de naissance que la "mafia" en est la réalité crue. La mafia est la réalité crue des rois, la plèbe est la réalité crue du peuple - et tout cela est paradoxalement " beau ". Revoilà le tragique, sa beauté insensée. Sa beauté " crapuleuse ", puisqu'elle fleurit sur le sang des peuples et des rois - et plus il y a de sang, plus elle fleurit. L'histoire récente ne semble pas démentir Shakespeare. ...
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On me disait aussi qu'à Paris m'attendait, peut être une manière de guérison ; mais je savais hélas que si j'y allais proposer mes immodestes et parcimonieux écrits, on en demasquerait l'esbroufe, on verrait bien que j'étais en quelque façon "illettré"
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Que Vincent eût absorbé du plomb lui aussi, cela ne l'étonna guère. Car ses étonnements il y avait longtemps qu'il les avait dans la peau et qu'ils ne le quittaient plus, qu'il les gardait bien cachés sous le petit plumet de l'alcool et la routine postale comme sa calvitie l'était sous sa casquette, mais inchangés et juvéniles encore, sans qu'il le sût ; sans qu'il sût même que c'était de l'étonnement, c'est-à-dire du vide, la terreur de ce vide et du goût pour cette terreur, car il avait mis dessus des convictions, des idées, garde-fous comme l'absinthe et la casquette.
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Ce bonheur ne devait rien à la force de l’âme, mais il était peut-être, superlativement, bonheur d’homme ; comme la jubilation des bêtes vient qu’elles ne diffèrent pas de la nature dont elles participent, la mienne venait d’exactement coïncider avec ce qui, dit-on, est pour l’homme nature ; des mots et du temps…..
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