Pierre Siramy, Invité de l'émission ZERO INFO du Mercredi 24 Mars 2010
Les deux amis discutèrent longuement de la religion et la foi, de leur rapport avec le pouvoir des hommes. Le père Stroem était convaincu que la raison n'avait rien à voir avec la foi. Pour lui, elle était dans le coeur. A partir du moment où la raison s'en mêlait, c'était un marchandage. Le pari de Pascal. Après tout ça ne coûtait rien de croire. Le jésuite s'était trop investi dans une sorte de mystique douloureuse, un combat sur soi-même, pour croire simplement par intérêt. Il était bien possible qu'il n'y ait rien après la mort, le néant quelle importance ! La foi avait donné toute sa force à la vie, n'était-ce pas ça le paradis ?
Le seul luxe était la grande bibliothèque qui couvrait un pan entier de mur. Elle comprenait des livres de théologie, bien sûr, mais de toutes les théologies. Le père Stroem n’était pas jésuite pour rien. Des livres de littérature française et américaine, une littérature noire, dure. Des livres de psychologie et des traités de psychanalyse. Après tout, il avait été professeur de psychologie sur le campus d’Anvers.
— … amen.
Il achevait de se signer. La voix était à peine audible.
Le père Stroem venait de terminer sa dernière prière, celle qui précédait sa nuit de sommeil. Un sommeil profond, sans rêves, sans cauchemars non plus. Depuis sa plus tendre enfance, bien lointaine déjà, il était doté d’un sommeil de plomb, « le sommeil du juste », comme lui disait sa grand-mère. Etait-il toujours un juste ? Il le pensait pour une bonne part.
Dans le monde d'aujourd'hui, dans lequel la transparence s'est imposée comme mode de gouvernance, il était anachronique qu'une administration comme la DGSE reste confinée sous une chape de plomb grâce au sempiternel « secret-défense », dont l'utilisation abusive permet aux petits carriéristes et aux hommes de pouvoir de se retrouver dans des affaires glauques au service de leurs intérêts immédiats.
Pour redevenir un grand service de renseignements, un véritable service secret digne de ce nom, la DGSE devrait enfin abandonner ce qui mobilise une grande partie de son énergie, de ses moyens et de ses talents. Elle continue en effet à vivre sous un double tropisme : celui de l'Afrique, qui continue à relever d'une vraie chasse gardée de la Boîte, pour des raisons historiques évidentes ; et celui du contre-terrorisme.
La psychanalyse n’était finalement qu’une des formes de la confession, une forme laïque.
Dans ce métier, il faut toujours garder un esprit critique. Il manque cruellement chez la plupart qui croient détenir la vérité, c'est-à-dire l'officielle, celle de la « Maison ».