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Citation de genou


— Quel est ce birbe ? demanda la jeune fille.
— Lui, c’est Altmyz, ministre des Arts et Manufactures et vice-président de la Banque du Centre.
Louise de Bescé eut un geste brusque, et son œil jeta une lueur. Son compagnon la questionna en riant :
— Vous le connaissez ?
— Il vient de me faire des propositions, mais nous en sommes restés là.
— Ah ! Je suis son cousin ; vous me connaissez peut-être aussi : Léon de Silhaque ?
— L’aviateur ?
— Lui-même.
— Alors, dit tranquillement Louise, ce sera plus cher : l’abonnement est porté à deux mille.
Il répondit, la regardant fixement, car il ne pouvait croire qu’elle soit sérieuse :
— Vous savez que j’ai des passions ?
— Je les prends aux conditions dites.
— Vous ne désirez pas savoir lesquelles ?
— Aucune ne me fera reculer.
— Vous me taillez une plume, trois fois par jour, dans l’endroit que je choisis : par exemple dans une cabine téléphonique, au bain, en fiacre.
Elle dit tranquillement :
— Dans la rue…
— Non, mais enfin dans le lieu qui est le plus commode au moment où l’envie m’en prend.
Elle calcula doucement :
— Cela fait vingt et une plumes à tailler et les met à cinquante francs pièce, plus une gratuite. C’est avantageux pour vous.
Ahuri, il la dévisagea, ne sachant s’il devait rire ou se fâcher. Elle continua :
— Vous devez être juif. Vous avez l’habitude de ces marchés malins. Vous deviendrez très riche…
Il éclata.
— Non, mais vous avez fini de vous payer ma tête ?
— Je suis parfaitement sérieuse. De notre temps, avec le prix de la vie, et la hausse de toutes les denrées, cinquante francs la taille de plume, c’est pour rien. Et je vous avertis que ce sera la première fois que je le ferai. Des prémisses… Un honnête homme annulerait le contrat pour ne pas sembler voler le vendeur. Mais vous êtes inexorable.
Il dit :
— Attendez, ma petite. Je vais vous prendre au mot. Voilà un instant que je vous ai accostée et que vous me charriez. Eh bien ! je vais vous mettre devant vos acceptations. C’est entendu, n’est-ce pas ? Vous me taillez une plume tout de suite ?
Elle approuva froidement.
— Je taille !
— Bon ! Si vous vous en acquittez comme dit, vous palperez les deux mille de l’abonnement, sitôt l’affaire faite. Sinon…
Il fit signe à un taxi fermé.
— Montez ! C’est toujours dit ?
— Ah ! vous devenez barbe, dit impatiemment Louise de Bescé. Quand j’ai dit « oui » c’est toujours « oui ».
Ils montèrent dans la voiture et l’homme, amusé, ordonna : « Au Bois ! » Ensuite, sitôt installé dans le capitonnage, il reprit :
— Je vous attends !
Elle s’agenouilla devant lui, puis sèchement :
— Les deux mille francs sur la banquette, derrière moi, que je puisse les prendre quand vous m’aurez expédié votre offrande.
Il posa l’argent à côté. Il restait éberlué et doutait que cette femme étonnante fît vraiment ce dont elle parlait avec tant d’ironie hautaine. Louise murmura cependant :
— Maintenant, sortez vous-même votre objet. Je n’aime pas et ne sais guère mettre ça en vedette. Je ne suis pas comme une amie qui fait jouir son amant sans sortir la chose du pantalon.
Il dit :
— La princesse de Spligarsy agit ainsi avec son amant, Zani de Bescé, le financier.
Elle oublia où elle était :
— Tiens, vous le savez ?
Il la regarda avec stupeur.
— Quoi ? quoi ? Vous connaissez ces gens-là. Mais qui êtes-vous ?
Louise haussa les épaules :
— Je suis une femme qui gagne deux mille francs. Mettez votre bibelot dehors. J’aurais peur de le casser en le retirant moi-même.
Il voulut l’arrêter et la relever :
— Allons, cessons ce jeu, vous êtes une…
— Je ne suis rien. Ah ! puisque vous ne voulez pas ériger cela, je me risque.
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