AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Richard Millet (149)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Le goût des femmes laides

En une confession cynique et douloureuse un homme au physique repoussant fait le récit de son existence vouée à la solitude.

A défaut de pouvoir accéder à la Beauté, c'est dans les bras de femmes laides qu'il trouvera un semblant de consolation et dans le refus de l'Amour un rempart contre la souffrance.

La compagnie de sa soeur, vieille fille prude et cultivée, adoucira au fil des ans l'intransigeance de cet homme qui a fait de sa disgrâce une manière d'être, une élégance du pire.



Dans ce très beau roman de Richard Millet, la douleur s'inscrit à chaque instant, à chaque phrase, dans chaque mot, sans jamais verser dans le mélo ou le larmoyant.

A l'inverse, le cynisme et la lucidité du narrateur soulignent encore davantage toutes les souffrances ressenties, le rejet inspiré ou l'Amour refusé.

Des phrases très longues (propres à Millet) mais au rythme enlevé et à la puissance d'évocation admirable.

Brillante analyse des sentiments, un texte fort et poignant.

Commenter  J’apprécie          310
Le goût des femmes laides

Ce roman "Le goût des femmes laides" ne tient pas toutes ses promesses, car le narrateur plutôt que de se pencher sur des cas cliniques de femmes laides, se concentre sur sa propre laideur dont il a pris conscience pendant son enfance. Une étude psychologique, disant le mal de vivre lorsqu'on est laid et reconnu comme tel. Un livre qui n'est absolument pas léger, ce qui se confirme non seulement par le sujet abordé mais aussi par la longueur de certaines phrases. Il y a décalage entre le titre et le sujet du roman, qui est plus "La confession d'un homme laid".
Commenter  J’apprécie          280
Petit éloge d'un solitaire

Un texte court, formidablement bien écrit, qui nous fait faire une plongée dans la vie d'un solitaire... Etude très intéressante, bien construite. Un bon livre.
Lien : http://araucaria.20six.fr/
Commenter  J’apprécie          170
Ma vie parmi les ombres

Il m'est difficile de parler de Ma vie parmi les ombres sans le mettre en parallèle avec l'oeuvre de deux autres auteurs limousins.

Il s'agit de "Miette", par Pierre Bergounioux, corrèzien lui aussi, comme Bergounioux, et de "Vies minuscules", par Pierre Michon, qui est creusois.

Apparemment les trois écrivains se connaissent, mais n'appartiennent pas à une "école" ou à un mouvement littéraire plus ou moins provincial, comme l'école dite "de Brive". En tout cas, leur écriture n'a rien de "provincialiste" au sens péjoratif où ce courant est parfois considéré -à tort - en France. En tout cas, si l'on entend par provincialiste une littérature exhaltant le terroir, une France profonde dans laquelle il faudrait chercher des modèles de comportements vertueux, on est loin de ce tableau idyllique dans les trois livres en question. Non que les personnages d'origine paysanne aient des comportements amoraux ou soient corrompus, bien au contraire parfois. Mais il semblerait que le terroir, enferme plus qu'il ne libère, empêche les êtres de se réaliser, de s'épanouir. Il y a bien chez certains, une noblesse de comportement à l'intérieur de leur communauté, mais il y a aussi une résignation à être enchaîné par le lieu où ils sont nés et ont vécu.

Bergounioux est né à Brive. Comme Millet, il est rapidement monté à Paris. Il est prof de lettres modernes en banlieue et sculpteur... Sa pratique professionnelle et ses prises de position le situent à gauche.

Millet gagne sa vie de ses romans et de son travail chez Gallimard. C'est lui qui a conseillé à l'éditeur de publier les Bienveillantes, après avoir lu les 300 premières pages seulement et alors que le futur Goncourt avait été refusé par plusieurs maisons d'édition. Quelqu'un qui a un tel flair de lecteur ne peut pas être totalement nul...... Il est plutôt conservateur, passéiste, voire carrément réac diront certains. Il énerve en effet beaucoup de gens par sa posture de dandy, de dernier Mohican de la belle langue française.

Michon est originaire de la Creuse. Il fut Mao en 68. Il a fait des études à Clermont, a appartenu à une communauté qui rêvait de changer le monde en inventant un théâtre révolutionnaire, avant de sombrer dans l'alcoolisme, puis de se quasi clochardiser, selon ses propres dires. L'une de mes amies l'a connu lorsqu'elle était étudiante à Clermont......... Elle s'en souvient comme d'un garçon torturé, complexé, conscient du manque d'attraction qu'il exerçait sur les femmes......

En tout cas, les trois compères nous parlent d'une d'une époque pas si lointaine et pourtant à jamais révolue, d'un monde paysan ayant subi une rupture qualitative dans ses modes de vie , comme s'il s'agissait d'une "civilisation" disparue en moins de trente ans, englouti par les vagues modernistes des trente glorieuses.. Bergounioux fait remonter ce début de la fin à plus tôt, et le dit admirablement à propos des bouleversements sociaux et économiques qui allaient causer la première guerre mondiale: "C'est 1910. Le temps monte des plaines. Il s'insinue dans les vallons, gravit les pentes comme un ruisseau remontant à la source, l'éveillant. Il infiltre l'arène pâle, esquisse les lointains. La guerre précipite son cours...."

Ce qui m'interpelle à la lecture des ces trois écrivains, c'est :

- La proximité du style. La phrase se fait (se veut diront ceux qui n'apprécient pas..) Proustienne. Par ces détours et circonvolutions, cette syntaxe tente de rendre, je crois, l'immobilité ou plutôt le caractère cyclique du temps dans lequel évoluent les personnages, avant que leur société rurale ne soit emportée par le maelstrom linéaire de l'Histoire.

- Le fait que les trois auteurs s'intéressent à la vie des petites gens des hauteurs de la Marche et du plateau de Millevaches, scandée par des événements, gestes et attitudes immémoriaux, se dupliquant à l'identique, depuis toujours. Chez bergounioux, pourtant non soupçonnable de sympathie pour des thèses neo-racistes, ls types humains et les faciès semblent être façonnés par le paysage et le climat, dans le granit qui brise le soc des charrues et condamne les êtres à un sort de serf sur leur propre sol.

- Le fait que les trois écrivains tentent, à leur manière, de rendre compte de la difficulté qu'ont les êtres nés dans ces "hauts" inhospitaliers, mêmes ceux qui ont fait des études, à s'arracher à la tourbe, au milieu confiné de leur naissance, qui condamne les hommes (et surtout les femmes...) à inscrire leur vie dans le rayon limité du hameau qui les a vus naître, ou à y retourner inexorablement, après leurs aventures, leurs études ou à la fin de leur vie, comme la plupart des personnages principaux, qui ne peuvent s'arracher à leur terre, ne serait-ce que par la pensée. On peut avoir l'impression, en lisant ces oeuvres parallèles, que ces contrées austères, influencent le style de ceux qui les décrivent. Pas d'envolées lyriques à la Pourrat sur les monts du Forez ou la chaîne des Puy ici. Ces sommets lumineux et majestueux , que les protagonistes aperçoivent parfois au loin, sont porteurs, eux, d'un espoir d'échapper au cercle étroit dans lequel s'inscrit leur petite vie. Les plateaux limousins ou creusois, plantés d'alignements sombres et réguliers de résineux destinés à la coupe, semblent induire une vision pessimiste du monde chez les êtres peuplant leurs écrits. (il faudrait dire les ombres, à l'instar de Millet) C'est un peu comme si le même regret nostalgique de huis-clos culturel, de cloaque familial et social étouffant, qui a pourtant opprimé les enfants et adolescents, les jeunes hommes et femmes qu'ils furent, hantait leurs souvenirs, suintait dans les détours méandreux de l'écriture..

Certains personnages arrivent bien à fuir définitvement, mais cette extraction est toujours douloureuse, jamais vraiment bénéfique, ni pour eux, ni pour leur entourage. C'est le caspour la mère du narrateur de Millet, qui fait le malheur de son fils en allant vivre à la ville, en quittant le père et en abandonnant son petit à ses tantes, le lais sant pour toujours ressasser, sa rancoeur d'enfant mal aimé. C'est aussi le cas d' Adrien dans "Miette", qui va travailler à la RATP à Paris pendant quarante ans, mais qui revient finir ses jours au village, abandonné de sa femme, sans enfants. C'est enfin le sort du personnage de la première des nouvelles du recueil de Michon (André Dufourneau), qui part en Afrique, pour devenir quelqu'un, ne plus être un paysan, une ombre parmi d'autres ombres, ou faire fortune (comme Rimbaud, le modèle inaccessible de Michon. Pour l'auteur de Vies minuscules, l'exil n'et pas géographique. Il réside dans l'écriture. De Dufourneau, qui est une sorte de Rimbaud presque illettré, on dit au village qu'il a pu être tué par les noirs dont il exploitait la sueur pour devenir un monsieur. On dirait que les autochtones, en en faisant un bouc émissaire sacrifié symboliquement par la rumeur, est coupable d'avoir déserté le village, d'avoir trahi la communauté en s'éloignant. Il en va de même parfois, pour les écrivains, qui osent partir pour mieux parler ensuite de leur terre natale, pour la peindre sans concession. Comme Rimbaud de sa ville et de son square et de ses bourgeois. On pense aussi à Pierre Jourde qui fut agressé, physiquement lui, et pas seulement symboliquement, caillassé par les gens du village du Puy de Dôme dont il est question dans son livre pays perdu, pour avoir eu la plume trop cruelle à l'égard des habitants du plateau du Cézalier..

- On retrouve la même vision tragique de la destinée chez ces trois romanciers, la même que chez un Duneton, lui aussi corrézien (tiens tiens, un autre !!). Dans ses romans (Le monument par exemple, sur la grande guerre..) et dans des écrits plus biographiques ou pédagogiques, il parle aussi très bien de sa condition d'enfant de paysan qui ne peut, malgré ses succès scolaires, se sentir en harmonie avec les citadins et les bourgeois, tous ceux qui parlaient le français à la maison, qu'il coitoiera ensuite dans sa vie d'adulte, de prof, d'écrivain...

Je me dis d'ailleurs qu'il serait peut-être intéressant d'aller voir du côté de Giraudoux (autre limousin...) pour vérifier si ces thèmes apparaissent chez lui.

Je ne me souviens pas avoir rencontré de telles problématiques chez l'auteur de Siegfried et le limousin, mais il y a si longtemps, et à l'époque, j'étais bête et peu préoccupé de la disparition des modes de vie ruraux.............et de la nostalgie qui pouvait étreindre les "croûlants" à l'idée que leur monde disparaissait........

Enfin et surtout, ces trois auteurs m'émeuvent car j'ai des aïeux creusois, j'ai vécu ces atmosphères d'après-guerre dans la campagne du centre de la France, je connais ces paysages pour les avoir parcouru avec ma famille en allant rendre visite à des parents proches ou éloignés. Quand on a passé ses vacances de toussaint dans la Creuse, dans un hameau perdu du côté d'auzances, dans une ferme glaciale habitée par un oncle veuf et sa soeur aveugle, bigote et radoteuse, on s'identifie facilement aux narrateurs des trois romans qui décrivent ce monde déclinant, en train de disparaître.




Lien : http://jcfvc.over-blog.com
Commenter  J’apprécie          160
Le renard dans le nom

Il y a longtemps, j’ai lu « Ma vie parmi les ombres » de Richard Millet. Pour le titre, magnifique, pour la région décrite puisqu’elle est proche de celle de mes origines. Et pour l’enchantement de cette lecture. Et puis j’ai découvert, par des articles, par des polémiques, la personnalité de Richard Millet. Son arrogance, sa xénophobie, ses prises de position, ne me plaisaient pas. Je ne lirais plus de Richard Millet.

Sauf qu’un jour, passant devant l’étal en vrac d’un bouquiniste de rue, je me suis fait héler par un petit livre, d’une collection inconnue, avec une couverture racoleuse : « Le renard dans le nom ». Il était presque donné. J’ai oublié ma résolution…

Et j’ai été de nouveau subjuguée par l’écriture de Richard Millet.

La question est maintenant : qu’est-ce que je fais de mes principes ? Je m’en tiens là ou je les jette aux orties ? Et je vais chercher « L’amour des trois sœurs Piale » ?

Commenter  J’apprécie          145
De l'antiracisme comme terreur littéraire

En même temps que Langue fantôme, Richard Millet a publié aux Editions Pierre-Guillaume de Roux cet autre essai, De l'antiracisme comme terreur littéraire, sa défense contre les accusations de racisme qu'on lui fait.

Il démontre que notre temps n'est plus régi par les totalitarismes qu'étaient le stalinisme ou le nazisme, mais par un nouveau qu'il appelle la Propagande : il y a un monde capitaliste qui tend à uniformiser les sociétés, à effacer les différences entre les individus quels que soient leurs sexes, leurs races (le mot n'est d'ailleurs plus prononçable, rappelle-t-il), leurs origines, leurs cultures. L'esprit gauchiste hérité de Mai 68 a une grande part dans ce nivellement, cette façon de se récrier dès que quelqu'un avance une idée différente de celle qui a droit de circuler. La nouvelle terreur, c'est l'antiracisme ; l'argument à tout ce qui dérange, c'est : "Tu es raciste". Comme il l'écrit, ce mot est devenu "la balle destinée à la nuque de ceux qui ont le souci de vérité".

Selon lui, le "Nouvel Ordre politico-racial" a été mis en place par le "capitalisme mondialisé" et le "médiatico-culturel". C'est en le lisant qu'on comprend très aisément (pas comme ses détracteurs qui dégainent plus vite que leur ombre sans ouvrir le livre ou en piochant les mots qui les arrangent) qu'il n'est en aucun cas désireux d'une épuration ethnique! Ses ennemis (même lui se refuse à les appeler ainsi) aiment utiliser cet argument, et c'est le fond de cette terreur exercée sur autrui : tu ne penses pas comme moi, tu es un raciste, tu es un nazi. Sa réflexion porte sur la culture européenne dénaturée par l'immense flux migratoire ; il s'interroge sur l'identité culturelle, défendant l'idée que l'immigré est le bienvenu s'il a l'envie de s'intégrer à cette culture qui l'accueille, et non de rester en parallèle à cette culture qu'il va jusqu'à rejeter. Millet a le droit de dire qu'il reste ahuri devant la construction des mosquées en Europe, symboles de cette non-intégration. Mais il ne fait pas de politique et n'appartient pas à un parti (là aussi, attaque facile que de lui dire tout de suite : "Tu es FN", terreur de l'antiracisme...) Il se demande quelles sont les incidences de ces arrivées d'étrangers extra-européens sur la langue française.
Lien : http://edencash.forumactif.o..
Commenter  J’apprécie          140
L’enfer du roman

Richard Millet traque l’imposture littéraire et les notoriétés surfaites. En fait, la mort du roman remonte pour lui au début du XXe siècle, quand les écrivains modernes ont commencé à détricoter le roman classique pour le vider de ses substances vitales en le réduisant à n’être que le porteur exclusif de la subjectivité de l’auteur. D’autres griefs viennent s’agripper à cette perversion générique.

A cette brochette de stars qui écrivent une littérature sans estomac, comme l’écrivait Pierre Jourde il y a quelques années, il appelle à la rescousse le Gargantua de l’écriture romanesque, l’inépuisable et prolifique Honoré de Balzac. La grande entreprise de sa vie littéraire intitulée La Comédie humaine a montré, selon lui, la voie par laquelle peut être défini l’art du roman.



Au-delà des positions philosophiques ou politiques de cet auteur, son essai montre que le roman est en crise dans toutes les littératures du monde. Mais il existe encore, fort heureusement, et en dépit de leur rareté, des textes qui sont des fulgurances qui réconcilient les lecteurs avec le vrai roman.
Commenter  J’apprécie          130
Langue fantôme : Essai sur la paupérisation de l..

L'Eloge littéraire d'Anders Breivik n'est pas ce dont on l'accuse : une justification des crimes de Breivik. Millet s'en défend dès le début du livre. En revanche, il explique ce qui a pu pousser un homme tel que lui à agir en son nom seul en allant au-delà de la facilité de dire : "C'est un fou, c'est un psychopathe". Je rejette d'emblée l'ironie du titre. Il n'est pas ironique, il est plutôt métaphorique de ce que l'auteur a exprimé dans la première partie de Langue fantôme.

Il n'y a pas le racisme bien pratique qu'on accole à Millet dans ce livre, et ce n'est pas seulement de la rhétorique ou de la sophistique. Sa question est simple, sa réflexion est la suivante : l'Europe est-elle en train de perdre ses racines chrétiennes, de l'accepter, et de perdre sa langue, donc sa littérature, du même coup?



Un passage sur le multiculturalisme et ce culte de l'exotisme chez soi est assez parlant, qu'il appelle "l'exotisme à domicile", quand quelqu'un se réjouit et admire la mosquée qui se dresse sur le sol norvégien au nom de la beauté du multiculturel.



En tout cas, ce passage résume assez bien ce qu'il a voulu dire :



“Breivik nous rappelle, d’une manière dont la signature dessert la pensée (ou même l’abolit), qu’une guerre civile est en cours en Europe. Mais quelle distance, par exemple, avec le suicide, non moins spectaculaire, qu’un Mishima opposa à la décadence du Japon moderne! Ainsi Breivik serait-il un symptôme de notre décadence plus qu’un révélateur de sens - ce sens de l’histoire dont l’Europe est en train de s’abstraire. Et la récente islamisation politique du Maghreb, de l’Égypte et bientôt de tout le Proche-Orient vient nous le rappeler, après que d’iréniques “experts” en géopolitique ou des écrivaillons fascinés par les révoltes salafistes, en Libye comme en Syrie, eurent prédit la renaissance démocratique et laïque de ces nations, tout en oubliant la puissance de la servitude volontaire autant que le discrédit que l’idéal démocratique ne cesse de jeter sur lui-même, dans une Europe qui a renoncé à l’affirmation de ses racines chrétiennes.”



Il relève aussi certaines contradictions de nos sociétés, qui ne condamnent pas tous les terrorismes de la même façon :



"Cesare Battisti, reconverti en écrivain "français", soutenu par la gauche caviar et étalant ses états d'âme, s'autoamnestiant avec autant de complaisance que le journaliste [du Monde] en met à l'interroger, l'extrême-gauche jouissant en Europe, notamment en France, le plus socialiste des pays européens, d'une faveur et d'une indulgence qui ne posent de problème de conscience à personne mais qui expliquent aussi l'acte d'un Breivik - notamment sa volonté de lutter contre la "marxisation" de l'Europe."



Millet évoque aussi, sans le développer, "l'illusion oxymorique d'un "islam modéré"".



Il est vrai qu'il se sert surtout de Breivik pour montrer qu'il est le symptôme de cette Europe en perte de repère. On reprochera tout de même qu'il évacue totalement la folie du personnage, de l'assassin. On peut rendre abstraite la figure de Breivik en en faisant le révélateur de ce malaise, mais cela est forcément pris pour de la provocation par la majorité des gens qui préfèrent, plutôt que de penser à la question qu'il soulève, se ruer sur le mot de "facho" et "raciste" qu'on applique à l'auteur pour oser parler d'un personnage qui en est un, de facho ou de raciste, sans hésitation, et dont je ne lirai pas la prose de 1500 pages qui doit être un déversement de haine sans nom. La maladresse est peut-être d'avoir osé utiliser métaphoriquement cette figure d'assassin et de se servir de son nom pour un titre.

Mais il valait mieux crier au loup pour ne pas être exclu de la bulle médiatique et bien-pensante, ce qu'ont fait Annie Ernaux et Tahar Ben Jelloun en tête! L'écrivaine est à l'origine d'un texte/pétition qui demande quand même la tête de Millet. Elle incarne, par cette action, tout ce qu'on peut dénoncer à propos du prêt-à-penser sur certains sujets tabous (bien que son texte soit une prise de position cohérente) :



La lettre-pétition d'Annie Ernaux contre Richard Millet dans Le Monde du mardi 11 septembre 2012 a paru accompagnée de 109 noms de personnes que le journal, par une sorte de prudence atavique gagnée au fil des années, se garde bien de qualifier d'écrivains. Les signataires déclarent simplement :

"Nous avons lu le texte d'Annie Ernaux et partageons pleinement son avis." Il s'agirait donc d'une liste de lecteurs dont le premier d'entre eux est, par ordre alphabétique, Olivier Adam. Suivi de Philippe Adam. Il y a donc deux Adam, comme il y a deux Besson. Une troisième chose qui me rapproche d'Olivier, avec l'enfance en banlieue et les échecs au Goncourt. Du reste, il n'y a aucun Besson dans cette liste. Les Besson et la délation, ça fait deux. Parmi les 107 noms qui restent, il y en a pas mal qui ne me disent rien, alors que depuis l'enfance je passe beaucoup de temps dans les librairies et les bibliothèques, la lecture étant une passion plus facile à assouvir que l'écriture : on n'a pas besoin d'avoir de talent. Qui est, par exemple, Patrick Bard ? Vu le prénom, ça doit être un quinquagénaire. Poète, essayiste ou romancier ? Tahar Ben Jelloun, je sais qui c'est : un ancien ami d'Hassan II bien connu dans les prisons marocaines pour son esprit démocratique. Mais Laurence Cauwet - la soeur du comique Cauet qui a modifié son nom pour éviter toute confusion ? -, Jean-Patrick Courtois, Céline Curiol, qui est-ce ? Si ce ne sont pas des écrivains, ce dont je suis presque sûr, il aurait fallu indiquer leur profession à côté de leur nom. Chloé Delaume, je sais qu'elle écrit parce qu'elle est mon écrivain préféré, mais je n'aurais jamais cru qu'elle signerait un jour un texte d'Annie Ernaux, qui est un écrivain lamentable, ainsi qu'il le sera démontré dans mon "Précis incendiaire de littérature contemporaine" à paraître chez Fayard en janvier 2013. Michèle Gazier, elle, je sais qui c'est : elle était naguère dans un état critique à Télérama. Bertrand Leclair, je l'ai rencontré à L'Idiot international de Jean-Edern Hallier, où il était secrétaire de rédaction. Il y a un livre de lui que j'ai bien aimé, il sera dans mon précis. Mais qui sont Bernard Desportes, Lydia Flem, Arlette Farge ? Liliane Giraudon, Jean-Louis Giovannoni, Jérôme Lambert ? Ce n'est pas possible que je ne connaisse pas leurs noms. C'est troublant. Ah, quelqu'un que je connais : Alain Mabanckou, écrivain congolais vivant et travaillant aux Etats-Unis. C'est l'un des rares, sinon le seul, signataires africains de cette pétition où ne figurent ni Emmanuel Dongala, ni Tierno Monénembo, ni Henri Lopes, ni Scholastique Mukasonga : le quatuor d'élite de la littérature francophone. Tito Topin a écrit des romans policiers, c'est un peu normal qu'il veuille faire la police de la pensée. Surprise : Didier Daeninckx absent de cette liste exhaustive de dénonciateurs qui restera dans l'histoire des lettres françaises comme la liste Ernaux. Je ne vois qu'une explication : Didier est décédé. Je présente toutes mes condoléances à sa veuve. Il y a une autre signature que je connais, c'est celle de Jean-Noël Pancrazi, le plagiaire de Jean Ferrat : "La montagne", chez Gallimard. Le même éditeur que Millet, par surcroît. Jean-Noël appartient au jury Renaudot. L'autre jour, chez Drouant, il nous a expliqué que c'était la première fois qu'il signait une pétition, sans que je parvienne à comprendre si c'était une excuse. Il aurait pu en choisir une qui ne soit pas dirigée contre un écrivain auquel la justice de notre pays n'a manifestement rien à reprocher. Pourtant, que la montagne est bête.



Extrait du Point, signé Patrick Besson



En aparté : Olivier Adam, le neuneu de service avec sa littérature sociale qui fait pleurer dans les chaumières. C'est devenu son fond de commerce...

Parmi les signataires connus et non cités: Agnès Desarthe, Stéphanie Hochet, Le Clézio, Mazarine Pingeot, Delphine de Vigan et beaucoup d'autres...) Peut-être qu'ils s'offusquent plus des attaques contre le roman contemporain, duquel ils participent, que du texte sur Breivik? Il est permis de le penser, surtout quand on sent comme une revanche la participation de Le Clézio à cette pétition (lui qui s'en prend plein la tête dans Langue fantôme ; sa signature devient là aussi illustration de ce qui est dénoncé dans cette disparition de la littérature).



Le texte d'Annie Ernaux peut se lire ici :



http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/09/10/le-pamphlet-de-richard-millet-deshonore-la-litterature_1758011_3232.html



Richard Millet ne réclame pas le débat, peut-être parce qu'il sait déjà que le débat sur cette question est impossible et n'amène à rien. A-t-on juste le droit de chercher à savoir pourquoi le roman est devenu ce qu'il est aujourd'hui, cette facilité, ce consommable? A-t-on le droit de s'interroger, sans être raciste, sur la civilisation européenne, son identité? Je veux bien admettre ceci, dit par Annie Ernaux :



"Balayons d'abord la prétendue ironie du titre que, selon l'auteur, les lecteurs, bouchés à l'émeri, n'ont pas perçue. Et pour cause, elle n'y est pas et on en chercherait en vain une once dans la suite du texte. On soupçonne l'adjectif "littéraire" de n'être là que pour la douane – la loi –, comme la précaution liminaire, réitérée plus loin par deux fois, dans laquelle Richard Millet déclare ne pas approuver les actes d'Anders Breivik. Et pour se mettre solidement à couvert, il ne craint pas d'user d'un sophisme tellement aveuglant qu'il a ébloui ses défenseurs : 1. La perfection et le Mal ont toujours à voir avec la littérature ; 2. Anders Breivik, par son crime, a porté le Mal à sa perfection ; 3. Donc, je me pencherai sur "la dimension littéraire" de son crime. Inattaquable. Saluez l'artiste qui se flatte d'isoler et d'extraire d'un criminel de masse sa seule "dimension littéraire"."



Il est vrai que la deuxième partie de l'essai ne traite pas spécialement de la littérature, mais le mot "littéraire" du titre n'est pas pour autant un prétexte si on le replace dans l'ensemble de l'essai : Annie Ernaux doit bien voir que c'est la deuxième partie de Langue fantôme, que l'exemple de Breivik vient illustrer socialement ou politiquement ce qui a été montré dans la première partie. Ce n'est pas un texte autonome, il se lit dans la perspective de la première partie, provocateur, oui, mais qui énonce des pistes de réflexion qu'on interdit de prononcer à voix haute.
Commenter  J’apprécie          123
Le goût des femmes laides

Pas un roman inoubliable, mais pas un roman inintéressant pour autant. Ça sent du vécu, ça vibre la vie. À travers des aventures amoureuses, l’auteur nous partage une certaine souffrance d’un personnage qui se trouve moche. Mocheté, somme toute semble-t-elle bien subjective et là se trouve le point fort du récit, tout en souffrance, en émotion, en nous partageant une laideur mal vécue, dans un besoin d’extériorisation.
Commenter  J’apprécie          110
La confession négative

« La confession négative » est un récit et non un roman. La mère de l’auteur a affirmé que la guerre avait un rapport avec l’écriture, Richard Millet est allé au Liban. Il nous révèle dans ce livre son passé abjecte de mercenaire et d’assassin dans les milices chrétiennes du Liban.



La mode est aux dictionnaires amoureux. Voila – extrait de « La confession négative » – ce qui pourrait être l’amorce de celui du criminel de guerre :



A gros : « Je regrettais presque qu’il ne se soit rien passé d’autre, au barrage, et que le conducteur de la 404, un homme rondouillard et tremblant, un peu ridicule aussi, s’en soi tiré à bon compte. (…) ces Palestinien, tout comme le type rondouillard, un chrétien probablement, me semblaient minables. Le bruit de l’arme automatique, en revanche, m’avait plu.



A petit : « Je l’avais regardé en silence, détestant qu’un inconnu m'adresse la parole, surtout plus petit que moi, qui suis plutôt grand, ce qui force les gens de taille moindre à lever la tête, parfois à se dresser sur la pointe de leurs pieds et à se mesurer à moi avec aigreur, et celui-là avait un air déterminé qui me déplaisait tout en me dissuadant de lui répondre avec hauteur, ce qui fait que je me suis contenté de lui dire que je ne parlais jamais à la légère. »



A paix : « Cette même solitude, lorsque je voulais plaire ou que je plaisais malgré moi, me poussait à des paroles excessives qui était une manière d’atteindre à la vérité par la violence, car j’étais persuadé que la vérité est violence. C’était la raison pour laquelle j’avais, à l’intention de l’inconnu plus que pour mon camarade d’université, qui me semblait déjà quantité négligeable, tout juste une oreille complaisante, clamé que la littérature souffrait de ce qu’il n’y avait plus de guerre, que l’écrivain n’y était plus confronté, qu’il n’y aurait plus de guerres en Europe, et que nous étions condamnés à nous regarder le nombril au sein d’une paix à la longue aussi ennuyeuse qu’un mariage de raison.



A poils ou espèce humaine : « Ces cheveux, je me les étais fait couper fort court avant de partir pour le Liban, estimant que l’allongement excessif du poil, une caractéristique de cette décennie (celle des années soixante-dix, la plus laide, assurément, sur le plan esthétique), était le propre des gens de gauche, pour l’un desquels il me répugnait d’être pris, moi qui trouvais déjà vulgaire le grand sérieux militant et dérisoire la croyance selon laquelle l’humanité est innocente, bonne, perfectible. « L’espèce humaine n’est pas digne d’estime », m’avait dit ma mère, et mon travail au cimetière de Vincennes avait achevé de me monter qu’elle n’est rien. »

« (…) décennie poilue, époque de décadence, me redisais-je, comme toutes celles où le système pileux des hommes est à la mode, la supériorité des Romains se traduisait par des cheveux courts et la rareté des barbes ; quant aux barbus de l’ère victorienne ou du second Empire, ils sont l’étrange paradoxe d’une époque qui allait conduire à la Première Guerre mondiale, et le peu de goût que j’avais pour Karl Marx, et pour Trotski par exemple venait en grande partie de l’horreur que m’inspirait la pilosité et les hémorroïde du premier et la ressemblance du second avec un méchant boutiquier des Buiges (…) »



A journalisme : « Je n’étais pas un journaliste ; je ne ferais pas puer les mots, je ne mentirais pas ; je ne donnerais pas à la démocratie sa prière quotidienne. »

« Elles demeuraient à l’entrée d’un autre domaine : celui de la violence, ma mère et ma sœur ignorant que j’allais surtout dans ces manifestations pour le moment où, après la dispersion, celles-ci dégénéraient, comme le disaient les journalistes dont je ne lisait pas plus la prose que celle des romanciers contemporains, ayant déjà compris, ou du moins eu l’intuition (quoique incapable de le formuler aussi précisément), que le journalisme n’est qu’une prodigieuse entreprise de falsification, sous couvert d’informer et d’analyser, l’information ne parlant en vérité que d’elle-même et l’analyse servant les intérêts propres à renforcer l’ignorance et la déchéance spirituelle des hommes. De là mon soucis, qui irait croissant de n’être plus informé. »



A armes : « Les Palestinien, les Libanais, Les Syriens, les Israéliens, les chrétiens, les musulmans, les druzes, tout ça m’intéressait médiocrement ; si quelque chose me requérait c’était le bruit des armes, persuadé que la guerre et l’écriture sont sœurs. »

« Il fallait courir plié en deux, tout en lâchant des rafales de kalachnikov ou se poster à un carrefour et s’exposer un instant, sans bouger, pour lancer une roquette ou un RPG ou une Energa, grenade enfilée au bout d’un fusil d’assaut, armes dont la puissance donnait, plus encore que le mortier, un sentiment de souveraineté, puisqu’elles pulvérisaient quasi instantanément la cible, procurant tout à la fois la mort et le jugement dernier (…) »



A violence : « J’aimais le déclenchement de la violence, le temps d’infime silence où elle va survenir, le moment où les choses s’enclenchent : elle avait à voir avec la littérature, je le devinais, et avec la grâce créatrice, le trouble sexuel, les émotions supérieures données par les cris, l’odeur de gaz lacrymogène, le bruit des lance-grenades, des cocktails Molotov, du piétinement des chaussures lourdes (…) l’homme aime le défi, le bruit des armes, la guerre autant que l’amour, le silence ou le ciel étoilé. »

(…) je me suis demandé pourquoi la violence n’allait pas plus loi, pourquoi on n’entrait pas dans la dimension meurtrière du sacré, pourquoi un meurtre gratuit n’était pas possible, pourquoi je ne tuais pas, moi, ce gauchiste à qui me liait déjà ce meurtre potentiel, pourquoi je n’allais pas au bout de ma propre violence, par delà de toute haine idéologique ou instinctivement animale (…). »



A idéologie : « Elevé dans la haine du communisme et le mépris de tout ce qui peut ressembler à la philanthropie, soit dans ce mélange de socialisme bourgeois et de christianisme social qui s’est mis en place au XIXe siècle, je ne m’intéressais à aucune cause, pas même à ce dont on pourrait penser que j’étais partisan : je ne sais quel conservatisme, quelle catholicité momifiée. (…) j’étais, dès cette époque, persuadé que le progrès n’est qu’une version dérisoire du passé, que l’homme est ignoble, que la chute du christianisme entrainerait la fin de l’Europe, ce désenchantement serait encore, pour moi, une manière de vivre dans la lumière de l’affirmation. »

« (…) je n’étais que sérieux, moi qui ne croyais à rien, en tout cas pas à la bonté naturelle des hommes, et qui n’avais pour le moment d’autre raison de me battre que la haine du marxisme-léninisme.

(…) je n’aimais pas les discussions, les disputes, les idées générales, ce qui relève de la psychologie immédiate, de la sociologie et de la psychanalyse, lesquelles ne sont que des théologies dévoyées. Seules m’importaient la méditation, plume en main, et l’action, fût-elle la sœur douteuse du rêve, et la formidable poussée donnée par la ville qui avait enfin accouchée de sa guerre, laquelle avait la dimension idéale, humaine, joyeuse, de ce que j’aimais tant au cinéma et dans les récits que les hommes du haut Limousin me faisait de la Grande Guerre et des combats d’Indochine et d’Algérie.



A meurtre : « Qu’avais-je à faire, me redirais-je, des chrétien du Liban, et des musulmans, des Palestiniens, des progressistes, des fascistes, de tout à ce quoi la phraséologie de gauche donnait des figures séduisantes ou infâmes, au nom d’un idéal que tous trahiraient un jour ou l’autre, autant par lassitude que parce que la trahison est un principe politique majeur et l’iniquité un besoin humain fondamental, inévitable, sinistre, ou joyeux, comme le meurtre ? »

« Tout meurtre est rituel, même dans sa folie abstruse, ou dans ce que l’on appelle pudiquement le feu de l’action. C’est pourquoi, d’une certaine façon, il n’y a pas de criminel de guerre, ni de crime contre l’humanité – cette dernière étant coupable dès l’origine et ne cessant de choir, l’homme restant une abomination pour l’homme. »

« Tuer est un art, et non seulement l’apanage du bourreau ou du boucher, mais aussi du guerrier, ce qui m’a bientôt amené à penser qu’il n’y avait pas, dans le geste d’ôter la vie de différence quant au destinataire, homme ou animal (…) parce que je m’étais depuis longtemps forgé l’intime conviction que certains humains sont moins dignes de vivre que des animaux ou que bien des bêtes valent mieux que des hommes (…) de sorte que je n’ai jamais eu de religion de l’humain et que je suis capable de voir mourir des gens ou d’apprendre leur décès sans m’attrister, périraient-ils par milliers, toute considération malthusienne mise à part. »

« Le visage du guerrier n’est pas plus beau que celui du tueur ou de l’amant en train de jouir : même laideur, pourrait-on dire, puisqu’il s’agit d’exténuer en soi quelque chose d’extraordinairement ancien, et qui rend le fait de tuer aussi proche de la prière que l’acte sexuel ou de l’écriture. Je ne cherche pas à me juger ni à me disculper : pour la première fois de ma vie je ne me sentais pas coupable ; c’est pourquoi cette confession n’est pas une justification : séparée de l’espèce humaine sans appartenir à la mort ni aux puissances sataniques, je revendique une forme d’innocence que seuls les anciens guerriers, les vrais écrivains et les grandes amoureuses comprendront. La guerre m’apportait une légèreté inattendue (…) j’étais un combattant pas un meurtrier, même lors des exécutions aux barrages, ceux que nous tuions étaient eux aussi des combattants. Cette guerre avait ses lois : y manquer eu été me condamner moi-même. Et la force qui m’animait depuis le début ne relevait pas de l’individualisme ; c’était une force collective qui ne me poussait pas seulement à combattre et à muer ma peur en cruauté : elle me donnait l’assurance que j’écrirais un jour (…)

« J’ai beaucoup tiré et j’ai lancé des grenades, à la Quarantaine, et pas seulement sur des fédayins, sur des civils aussi, parce qu’il fallait aller vite et qu’ils étaient menaçants, c'est-à-dire coupables de vouloir me faire renier mon humanité. »

« Autrui, depuis la position que j’occupais, n’existe que dans la mesure où il peut être abattu, dans l’abstraction de cette intentionnalité ou de cette effectivité. La religion, la nationalité, le sexe l’âge importent-ils dès lors ? Ils ne sont que des vêtements de spectre, et pourtant il m’eût été difficile, sinon impossible, de tuer des chrétiens. »

« (…) et, puisque ma tâche était abjecte, je les ait épargnés, ce que je n’aurais pas fait si j’avais été seul, mon travail consistant à impliquer les civils dans la guerre, les blessant ou les tuant, puisqu’il n’y avait pas de civils entièrement innocents, l’ensemble d’une population étant toujours plus ou moins complice ou responsable du régime qui la gouverne. »

« Je l’ai aperçu au moment où il a décroché, ce matin là, après avoir abattu un homme qui tentait de franchir le passage en voiture d’est en ouest ; il s’était légèrement découvert pour tirer et j’avais entrevu sa silhouette juvénile, et la partie de son visage que de dissimulait pas son keffieh légèrement défait et dans un pan duquel il enveloppait son fusil afin qu’il ne jette pas d’éclat, et son coup où j’ai cru voir palpiter une veine que j’ai fait éclater au même instant : il est tombé en se tournant vers moi comme s’il me voyait enfin et qu’il voulait me laisser regarder son visage aux traits quasi féminins, à la beauté de guillotiné, ai-je pensé, puisqu’on était encore en un temps où les condamnés à mort, en France, avaient la tête tranchée. J’avais tué mon semblable, et j’en éprouvais une sorte de découragement, de tristesse qu’il m’a fallu faire passer en tuant ou en blessant, dans les minutes qui ont suivi, d’anonymes civils qui s’étaient crus oubliés ou protégés par ce combat d’hommes invisibles.

Je ne me sentais pas pour autant un tueur : la souffrance et la mort d’autrui ne me donnaient aucun plaisir. J’étais tout simplement indifférent, y compris à ma propre existence, m’attendant sans cesse à être tué et l’acceptant pourvu que je ne souffre pas. »



A guerre : « (…) le monde entier avait les yeux fixés sur nous ; on voulait voir la mort à distance et en direct, en se rappelant que la guerre est une fonction sacrée, excessive, en tout cas nécessaire, parce que terrible, comme l’impossible, gouverne nos vies. Qu’elle n’existe plus aujourd’hui qu’en tant que divertissement spectaculaire, en tant que lointain même et pour les peuples démocratisés de l’Occident, comme impensable nostalgie, voilà bien le signe d’un dérèglement de toutes les valeurs (…) »



A (achever les) blessés : « Mais l’homme ne pouvait pas se taire ni cesser de pleurer, laid, presque chauve, bedonnant, mal rasé, sentant la peur, et musulman, d’après sa carte d’identité, peut-être un espion, selon Elias ; et plus il nous suppliait, plus la colère de ce dernier grandissait : d’abord feinte, elle était devenue bien réelle et serait sans doute allée jusqu’à la fureur si, à la suite de mots que lui avait adressé Hadi en arabe, l’homme ne s’était agenouillé, les mains levées à mis corps, certain qu’il allait mourir. (…) Elias (…) n’avait rien fait pour empêcher Hadi de désactiver le mode rafale de sa kalachnikov puis de tirer plusieurs balles dans ses cuisses, ce qui sur le moment m’a paru une inutile cruauté. (…) Le marchand, lui, se tordait à terre en gémissant, comme s’il continuait d’avoir peur et qu’il ne souffrît pas, alors qu’il devait endurer quelque chose de si atroce qu’un supplicié agonisant sur la roue. Il ne me quittait pas des yeux. Peut-être espérait-il que son silence le sauverait. (…) « Tire ! » a ordonné Nabil. (…) Puis il m’a regardé avec indulgence ; c’était sans doute que j’avais achevé le marchand.



A musulmans : « L’Armée secrète de libération de l’Arménie m’a d’emblée été sympathique, parce que l’Arménie est un pays chrétien et que ses cibles étaient des Turcs, c'est-à-dire des musulmans qui, on le verrait dans les années à venir, avec le développement de l’islamisme, se feraient un devoir de tuer des chrétiens ; »

« (…) les chrétien n’ont pas profané une seule mosquée, pas même l’unique mosquée d’Achrafiyé, la mosquée Beydoun, celle de la Quarantaine ayant été détruite avec le bidonville pour des raisons de sécurité (…)



A racisme : « Donner la mort n’était rien, dans ces circonstances ; je n’avais nulle estime pour les Palestiniens, non plus que pour les romanichels ou les Indiens d’Amériques, mais je ne les haïssais pas : c’est pourquoi je pouvais les tuer. J’avais été élevé dans cette distance, sinon ce mépris, et ce que je voyais à Beyrouth ne me convainquait pas que les choses puissent changer ; bien au contraire, mon indifférence pour ces peuples vaincus ou sortis de l’Histoire avait moins son origine dans mon enfance que dans le dégoût que m’inspirait déjà, le genre humain, aucun peuple ne trouvant grâce à mes yeux, en fin de compte. Tuer était tout à la fois exaltant et banal, voire fastidieux ; on participait à l’envers à la beauté générale, faite de bruit et de fureur, surtout la nuit (…) »

Ce qui m’indignait c’était l’existence même des taudis, non parce que des gens pouvait vivre là (la misère du monde ne m’a jamais touché, comme tous ceux qui ont été dès l’enfance enfermés en eux-mêmes), mais parce que c’est laid – une grotesque imitation d’urbanisme – et que ces gens là me semblaient aussi déplacés, sinon répugnants, que les romanichels qui rodaient autour de Siom, voleurs de poules plus que d’enfants, mais assurément inquiétants. »

« « Les races doivent rester chez elles ; leur mélange, du moins à grande échelle, serait une abomination, ou un suicide. Le monde entier ne saurait être l’Amérique » disait Mme Malrieu, une des personnes les plus sensées qu’il m’ait été donné de connaître, qui aimait l’espèce humaine, elle, et respectait les races, les religions, mais qui aurait été horrifiée de voir, moins de trente ans après sa mort, l’Europe envahie par ce qu’elle eût appelé de nouveaux barbares, les indigènes devenant à leur tour des barbares, et des mosquées, des temples bouddhistes, des officines sectaires s’élevant dans les villes des vieux pays chrétiens. »

« (…) comment être musulman, comment vivre dans ce qui n’était pas la vraie religion, et surtout comment on pouvait baiser une musulmane, Skandar m’ayant assuré que les musulmans avaient une odeur spéciale (…) »



La place de Richard Millet est bien évidemment derrière des barreaux car, contrairement à ce qu’il affirme dans son livre, les crimes contre l’humanité existent bel et bien et ils sont imprescriptibles. « Indignez-vous ! » clame justement Stéphane Hessel. Je suis sous le choc. Un tel ouvrage a pu être édité ? Des critiques ont pu trouver des qualités à cet ignoble bréviaire de haine ? Les associations humanitaires n’ont pas poursuivi en justice cet assassin ?





Commenter  J’apprécie          111
De l'antiracisme comme terreur littéraire

Certes, le livre est confus. il faut parfois s'y reprendre à 2 fois pour sentir toute la portée du message de l'auteur. MAIS...

Millet a le mérite de regarder notre société bien en face. Il s'affranchit de toutes les conventions bien pensantes imposées depuis 1968 par l'intelligentsia de gauche.

Millet ne réfléchit pas à partir d'une idée théorique du monde tel qu'il devrait être. Millet pense en fonction du monde tel qu'il est. Et il appelle un chat, un chat.

Un livre anti conformiste, indispensable à tout honnête homme.
Commenter  J’apprécie          100
La confession négative

J’ai marché dedans, je n’ai pas été suffisamment attentif et l’odeur est absolument insoutenable. Richard Millet m’apparaissait – à tord – comme un auteur préoccupé d’écriture. Vous comprendrez que je sois pressé et que je n’examine pas en détail la consistance, la couleur de ce qui se trouve sur ma semelle. Cinq cent pages insoutenables cela suffit!

« Vivre, c’est s’occuper de merde. Ecrire, c’est la remuer », nous dit l’auteur. C’est de cela qu’il s’agit. Il s’occupe de lui et son livre est un répugnant torche-cul.

« La confession négative » est donc un récit autobiographique et non un roman. La mère de l’auteur a affirmé que la guerre avait un rapport avec l’écriture, il est allé au Liban. L’ouvrage est le récit d'une soit disant entrée en littérature. L’obsession des belles-lettres justifie, sans autre démonstration, l’injustifiable. Richard Millet nous révèle dans ce livre son passé abjecte de mercenaire et d’assassin dans les milices chrétiennes du Liban.



L’obsession de Richard Millet pour l’écriture est sans doute une obsession de l’orthographe et de la grammaire certainement pas du style. Il est dans « La confession négative » un dactylographe et surtout pas un écrivain. Quelques exemples parmi d’autres. Il faut passer sur les nombreuses coquilles de cette édition de poche, le souci de la perfection n’allant pas jusqu’à relire les manuscrits. Il faut cependant supporter, des pages et des pages durant, des phrases débutant par : il m’apparaissait, il me semblait, pouvais-je penser, etc. … « Word synonymes » serait-il le nègre de Richard Millet ? Il faut également supporter – un véritable tic d’écrivaillon – un nombre incalculable de fois, le rappel du sujet en milieu phrase. Et que pensez-vous d’une phrase du genre : «une promenade oubliée sous des arbres à l’abandon, depuis laquelle entre les trouées d’arbres, on peut voir tout Paris » ? Est-ce de la musique répétitive ?



Hannah Arendt, répondant à un journaliste, affirmait que penser était dangereux et que de ne pas penser l’était d’avantage. Richard Millet est à ce titre dangereux et d’ailleurs, à de nombreuses reprises, il hurle, dos au mur, sa volonté de ne pas penser. Je crois simplement qu’il en est incapable. Qu’une personne le somme de réfléchir et instantanément des envies de meurtre lui viennent. S’il est mis face à ses responsabilités et qu’il arrive – cas extrêmement rare – à esquisser un début de réponse, c’est pour affirmer, comme un enfant monstrueux, que les autres font pareil. S’il cite un auteur ou un livre qu’il avoue ne pas avoir lus, c’est hors de tout contexte. Le crétin du Limousin existe, j’ai lu sa prose !



« Ce qui fait la vraie valeur d’un être humain, c’est de s’être délivré de son petit moi » nous dit Albert Einstein. Richard Millet en fat, raciste, misogyne, en est totalement incapable. Il juge tout à l’aune de son minuscule lui-même. Gare à vous si vous n’aviez pas sa religion, sa couleur de peau, son odeur, sa tenue ! A Beyrouth, cela pouvait vous couter la vie. Les petits secrets de cet impuissant masturbateur sont mesquins, pitoyables. L’épicerie de sa grand-mère a été chahutée par quelques résistants de la dernière heure et cet homoncule hait, comme il ne cesse de le répéter, la terre entière. Il admire Malraux qui serait intervenu dans la boutique, il méconnait complètement l’écrivain – l’anticolonialiste, l’antifasciste, l’homme des Anti mémoires. A contrario, pour les mêmes raisons pavloviennes, il cache difficilement son enthousiasme pour la SS.



La place de Richard Millet est bien évidemment derrière des barreaux car, contrairement à ce qu’il affirme dans son livre, les crimes contre l’humanité existent bel et bien et ils sont imprescriptibles. « Indignez-vous ! » clame justement Stéphane Hessel. Je suis sous le choc. Un tel ouvrage a pu être édité ? Des critiques ont pu trouver des qualités à cet ignoble bréviaire de haine ? Les associations humanitaires n’ont pas poursuivi en justice cet assassin ?
Commenter  J’apprécie          100
Jours de Lenteur

Ce livre ne passionnera pas tout le monde. C'est assez austère, très travaillé et un peu artificiel (prétentieux ?). Pourtant je connais les environs de Viam, mais ça n'a pas suffit pour que j'aie le déclic.
Commenter  J’apprécie          90
Ma vie parmi les ombres

Richard Millet fait partie de ces écrivains capables de créer non seulement une atmosphère, mais aussi un univers qui leur est propre. À nouveau, nous nous retrouvons sur les hautes terres limousines, dans le village de Siom. L'écrivain nous ramène avec la même inspiration hantée vers le lieu de son enfance. Le prétexte est cette fois le récit que déroule un homme mûr à sa jeune amante, Marina, elle aussi née en terre limousine, mais d'une génération qui n'a pas vu – et surtout senti – la disparition, le lent enfouissement d'un monde révolu dans le passé.

Quelles sont ces « ombres » qui veillent sur le narrateur, Pascal. Tout d'abord, Marie, l'aînée des filles Bugeaud, qui tient l'Hôtel du Lac à Siom. Fidèle à la mémoire de son mari, mort dans les tranchées de la Grande Guerre, elle gère son affaire avec la détermination têtue des femmes habituées dès leur jeune âge à faire face aux coups du sort et à la dureté de la vie. Sa réserve, sa fierté et la conscience aiguë de sa place dans le monde siomois n'ont cependant pas entamé une empathie profonde à l'égard des créatures de Dieu. Pascal lui a été confié tout bébé, comme lui avait été confiée Solange, la mère de celui-ci. Cette femme privée de maternité a donc eu la tâche d'élever certains de ses frères et soeurs plus jeunes, mais aussi sa nièce et son petit-neveu. Elle s'en est acquittée avec non pas l'idée d'un devoir à accomplir, mais d'une mission à remplir du mieux possible. À ses côtés, sa soeur Jeanne et l'époux de celle-ci, Etienne Berthe-Dieu. Hôtel, restaurant, commerce de bois, les Bugeaud tiennent leur rang dans le petit monde de Siom, ni notables ni paysans, seulement les dignes représentants d'une lignée.

À la mort de Marie, Pascal est confié à sa grand-mère maternelle, Louise. Il quitte les ombres de Siom pour celles de Villevaleix. Là, Louise Sarroux tient un commerce qui, de florissant dans l'entre-deux-guerres, est en déclin depuis la fin de la seconde guerre. Pillée par les maquisards, concurrencée par les nouvelles formes de commerce, menacée par la lente désertification du monde rural, la vaste épicerie-quincaillerie-mercerie-nouveautés périclite depuis des années. Si la même force habite Marie et Louise, cette dernière n'a pas la douceur, l'humanité de sa soeur. La solitude qui gouvernait l'existence de Pascal devient encore plus forte au contact de sa grand-mère qui remâche sans fin l'échec de son existence de femme, de mère et de commerçante.

Mais la grande ombre qui plane sur Pascal est celle de sa mère. Une mère qui n'a jamais pris soin de son enfant, embrassé et câliné, veillé son petit. Une mère qui a prétexté de son métier de professeur, du hasard des mutations de poste pour ne jamais prendre auprès d'elle son fils. Une mère dont les apparitions à Siom ou à Villevaleix sont plus douloureuses que les absences tant elle met de distance et de méfiance entre son fils et elle. L'ombre de la mère dissimule presque celle du père, un père inconnu, fantasmé, qui a reconnu son enfant, mais dont les femmes Bugeaud ont effacé toute trace dans la mémoire familiale et même collective de leur lieu.

L'écrivain qu'est devenu Pascal est un homme de l'ombre lui aussi. L'héritage familial pèse sur ses épaules le rattachant inéluctablement à la terre de son enfance, aux secrets enfouis, aux existences ressassées et à la lente et prévisible disparition d'un univers condamné par la modernité.

L'écriture de Richard Millet a une somptueuse morbidité, un repli dans la souffrance qui ne se traduit pas par une précision dessiccative, mais par des filaments tentaculaires qui irradient un désespoir empoisonné. Pour certains lecteurs, la phrase est un peu lourde, un peu longue, un peu précieuse. Pour d'autres, elle est chargée de mille incises qui en font la richesse, la couleur et le sens. L'écriture est une voie de l'introspection, mais c'est aussi, et au-delà de l'individu, une création, un tout irréductible à la personnalité d'un homme.
Commenter  J’apprécie          92
Lettre aux norvégiens sur la littérature et les..

Je crains que le serpent ne se morde la queue : dans ce texte, Richard Millet s'adresse, entre autres, à ceux qui ne le lisent pas et qui ont fait partie de la meute hurlante, réclamant sa tête lors de ce qu'on appelle "l'affaire Millet".

Il revient sur les faits, tente d'expliquer comment on peut arriver à une telle haine envers quelqu'un sans même l'avoir lu, en fantasmant ce qu'il aurait pu écrire, en caricaturant, en ne s'attachant qu'à une infime partie de l'oeuvre.

Il revient sur le fait qu'on l'ait accusé de faire l'apologie du tueur Anders Breivik, de ne pas faire de cas de ses victimes. Pourtant, le titre n'était qu'une antiphrase qui était là pour illustrer la mort de la littérature et qui s'inscrivait dans un projet général de réflexion sur ce thème. Langue fantôme, Le sentiment de la langue, L'enfer du Roman, etc.

Il aurait fallu miser sur l'intelligence des lecteurs, ce qui est déjà tout un programme, mais en plus, on ne lit pas, on commente à partir des on-dit.

Il y a comme un consensus dans le faux monde des lettres : Richard Millet est persona non grata. Il est catalogué : extrême-droite, fasciste, raciste, parce qu'il ose réfléchir sur des problèmes de notre siècle : la déchristianisation de l'Europe, l'immigration extra-européenne massive et le multiculturalisme.

Une "vieille femme" (entendons Annie Ernaux) est parvenue à avoir sa peau en faisant signer une pétition contre lui afin qu'il soit renvoyé du comité de lecture Gallimard.

Ce qu'il écrit est terrifiant parce qu'on se met à la place de l'écrivain qu'une fausse rumeur, que la mauvaise foi à grande échelle, teintée de bien-pensance, a réussi à mettre à la marge. Richard Millet continue d'écrire, de publier, car c'est sa seule arme. Il ne peut que tenter de nommer encore et encore les choses face au mensonge qui n'en finit pas.

Il est plus que fréquent, d'ailleurs, de croiser des gens qui font la moue ou disent: "Tu lis un réac, toi?" alors qu'ils n'ont même pas ouvert un livre de lui, et surtout pas celui qui est l'objet du crime. Ces réactions sont vraiment symptomatiques de notre époque qui baigne dans le prêt-à-penser et le ventre mou de la démocratie, où l'on aime "parler de" sans avoir vu ni lu, en s'appuyant sur la doxa.



A retenir : un livre sorti récemment et qui s'intitule : L'Affaire Richard Millet.
Lien : http://edencash.forumactif.o..
Commenter  J’apprécie          90
Le chant des adolescentes

« Le chant des adolescentes » est une imposante galerie de portraits de 70 jeunes filles de 15 à 16 ans environ, croqués sur le vif et non sans un certain humour (amour) par leur professeur, le sieur Millet en personne. Cette collection pourrait ressembler de près ou de loin à un tableau de chasse de dragueur infantile, mais cela reste improbable dans la mesure où la différence d'âge et de position sociale font que les rapports ou tentatives de rapports restent toujours symboliques ou platoniques. Ces nymphettes, plus vraiment des enfants et pas encore des femmes, sont toutes jolies et, si elles ne le sont pas vraiment, ont toujours quelques parcelles de beauté parfaitement décrites en fort peu de mots (chaque portrait tient sur une ou deux pages maximum) par la grâce de l'incontestable talent littéraire de Millet.

L'ensemble est frais, sensuel et un tantinet équivoque. En effet, toutes ces lolitas cherchent par mille moyens à capter son attention, à mesurer leur potentiel de charme et de séduction en se servant du seul adulte qui soit à la fois à leur portée et qui ne risque pas de les entraîner trop loin, leur prof. Lequel subit une sorte de supplice de Tantale délicieux car la seule réponse qu'il peut leur apporter est forcément réduit à de petites privautés bien innocentes. Cet ensemble de descriptions d'une précision d'entomologiste aurait pu lasser à la longue, ne serait-ce que par la répétition. Il n'en est rien car toutes sont uniques, différentes et très bien campées. Bien entendu, un tel exercice de style, car il s'agit bien de cela, même mené avec la plus formidable maestria littéraire, reste néanmoins d'un intérêt assez limité.
Lien : http://www.etpourquoidonc.fr/
Commenter  J’apprécie          90
Paris bas-ventre

Les éditions La Nouvelle Librairie publient un nouveau livre de Richard Millet , auteur prolifique dont les livres sont, à chaque sortie, passés sous silence depuis l'affaire dite "affaire Millet". Son Éloge du coronavirus, titre aussi oxymorique que l'Éloge d'Anders Breivik qui suivait l'essai Langue fantôme, vient rappeler ce livre paru en 2012 et qui provoqua la mise au ban (de la littérature, voire de la société) de Richard Millet, parce qu'on s'était souvent contenté de commenter un titre sans lire l'ouvrage...

Les raisons de cette proscription se comprennent en creux à la lecture de Paris, bas-ventre. Le RER comme principe évacuateur du peuple français. En effet, Richard Millet s'enfonce dans le ventre de Paris, pas l'ancien, pas celui qui fait référence au titre du roman d'Émile Zola, pas plus que celui qui renvoie aux Halles de Paris, les pavillons Baltard détruits en 1973 pour laisser place à du rien, à ce "trou des Halles" filmé par Marco Ferreri.







Cette métaphore des Halles (le passé détruit pour y laisser un trou, l'amnésie générale...) sert les idées développées par Richard Millet dans son livre. Il s'enfonce donc dans ce ventre qu'est le RER parisien et observe le peuple qui s'y trouve, constatant les ravages du multiculturalisme qui s'applique à supprimer l'idée de nation et cultive les individualités au détriment du groupe — disons le communautarisme sous toutes ses formes :



"Vous aurez des potes partout. Venez à nos "programmes de bien-être", "treks intérieurs", "ateliers d'écriture", stages de "bien vieillir", séminaires de "décolonisation sexuelle", journées "solidaires".... Ne voulez-vous donc pas être moderne?

Moderne?

Encore un mot d'ordre du pouvoir culturel... Préférons-lui l'inactuel, l'intempestif..."





Comment un tel conglomérat en "transit" pourrait-il être digéré par ce ventre qu'est le RER?



"Finissons-en. LE RER est mon suaire, et la littérature un tombeau."





C'est aussi la littérature qui est attaquée et se meurt depuis des années dans l'indifférence générale. (...)
Lien : https://lemanoirdeslettres.f..
Commenter  J’apprécie          80
L'amour des trois soeurs Piale

Trois vies de femmes, trois sœurs, dans les années qui suivent la seconde guerre mondiale, sur les hautes terres de Corrèze où l’hiver et le vent façonnent les paysages et les hommes et où les pauvres s’accrochent à la terre et les riches à leur demeure. Yvonne, l’aînée des Piale, fière et opiniâtre, née avant guerre de parents métayers, met un point d’honneur à échapper à sa condition, et devient institutrice grâce à son acharnement et à son amour de la langue française. Lucile, la cadette, reçoit la beauté mais sans l’intelligence. Amélie, la benjamine, rebelle à toute autorité, refuse tout compromis, cramponnée à son indépendance. Toutes trois ont en commun leur fierté de Piale, cette fierté de ceux qui n’ont rien mais ne veulent dépendre de personne, au risque de la solitude. L’enfance à peine quittée, les désillusions causées par la lâcheté des hommes et l’absence d’horizon viennent anéantir tout espoir d’une vie meilleure. Dans ce roman, Richard Millet nous parle du temps qui passe inexorablement et « de l’éternel hiver des cœurs qui n’aiment pas ou qui se morfondent dans le souvenir et la nostalgie », dans une langue qui se déploie dans de longues phrases sinueuses pour mieux dire la difficulté de vivre et d’aimer.

Commenter  J’apprécie          80
La fiançée libanaise

Dès les trois premières pages, on sait qu'on sera dans un très grand roman grâce au souffle, au rythme de l'écriture qui parle de ce corps qui pourrit dans la terre de Siom.

Alors que Pascal Bugeaud (un Richard Millet déguisé qui, s'il parle de lui, n'a pas l'impudeur de se mettre en scène sous son vrai nom) est revenu pour un temps à Siom, son village natal, en compagnie de sa soeur, dans l'ancienne demeure de Fargeas où il reçoit la visite d'une jeune femme qu'il refuse de voir les premiers jours, faisant dire à sa soeur Françoise qui l'accueille qu'il est absent. La visiteuse vient pour l'interroger sur ses "rapports avec les femmes" pour la thèse qu'elle écrit sur son oeuvre. Caché dans la maison, il écoute la conversation qui se noue entre Françoise et Sahar : sa soeur entame le récit de ses relations amoureuses, commençant par Mathilde Dombrecht. Puis les voix s'entremêlent, celles des femmes évoquées, celle du frère qui se cache à l'affût de ce qu'elles disent, celle de Françoise aussi.



Après avoir imaginé la jeune personne à partir de sa voix et de sa silhouette, l'écrivain sort de l'ombre : il accepte de la rencontrer et il prend le relais de sa soeur : il va lui parler de ses femmes, rêvées ou non, qui ont fait partie de sa vie. Au fil de la lecture, le lecteur sent le désir incessant de cet homme, son goût immodéré pour les femmes.



A travers les histoires de la Portugaise Lidia, de la musulmane longuement observée dans un train pour Lausanne, de la suédoise Violetta, l'amour (qu'il n'appelle pas ainsi) ne parvient pas toujours à se consommer dans la chair.



On apprend plus que cela et on est loin du relevé d'anecdotes, tant l'écriture est profonde. Et toujours la mort, les odeurs, la vanité, le regret d'un monde qui s'éteint...



C'est un très beau roman qui, du début à la dernière page, nous touche par sa langue pure.
Lien : http://edencash.forumactif.o..
Commenter  J’apprécie          80
La gloire des pythre

L'histoire et la description de cette époque et de ces personnages OK

Mais le style compliqué de cet auteur est souvent contre productif.

J'ai parfois eu l'impression que Millet cherchait plus à faire remarquer son style et ses phrases longues et complexes que à nous faire suivre le fil de son histoire.

Millet devrait écouter Oscar Wilde "révéler l'art tout en cachant l'artiste voila le but de l'oeuvre d'art"
Commenter  J’apprécie          80




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Richard Millet (537)Voir plus

Quiz Voir plus

Viviane Moore, Le seigneur sans visage

Quel est l'animal de compagnie de Michel ?

une hermine
un chat
une salamandre
un chien

15 questions
810 lecteurs ont répondu
Thème : Le Seigneur sans visage de Viviane MooreCréer un quiz sur cet auteur

{* *}