Quelque complexes et controversées que soient les discussions sur le capital, le cœur du problème c'est que certains sont payés plus qu'ils ne le devraient
Nous nous donnons parfois plus de mal pour nous rendre sur notre lieu de travail que pour travailler. En fait, c'est en partie parce que nous le devons; car quelles que soient nos frustrations professionnelles, elles ont tendance à être largement moins viscérales que celles que génèrent les transports, et il y a les mêmes probabilités pour que, le soir à la maison, tu te plaignes à ton compagnon de ton trajet épouvantable plutôt que de telle ou telle réunion difficile. Mais c'est peut-être aussi parce que l'art du travail réside autant dans le fait de montrer qu'on est arrivé que dans celui de faire quoi que ce soit de productif une fois qu'on y est. Une raison simple explique que tu te donnes tant de mal pour aller au travail. Il s'agit d'être capable de dire à ton patron et à tes collègues : « Je suis là, j'ai fait l'effort de venir. » Tu as fait preuve de ta bonne volonté, et cela compte, sans nul doute, pour une part importante dans la démonstration que tu fais ton boulot.
Sommes-nous déjà entrés dans une ère où le mieux que nous puissions espérer est non pas de connaître le sommeil du juste, mais de rester toujours sur la brèche, prêts à intervenir?
Si la réponse est oui, cela est très probablement da a deux impératifs imbriqués - des dieux jumeaux, en réalité, à un point tel qu'il devient presque hérétique d'en douter. Il s'agit de la croissance économique et de l'innovation technologique : un PIB toujours plus élevé et des mises à jour à l'infini. Ce couple infernal a inoculé au niveau mondial une insomnie productrice telle qu'au moment où le Japon va se coucher, l'Amérique se réveille et se rue sur ses écrans. Aucune interruption dans la production ne doit être tolérée, car le monde a été reprogrammé sous la forme d'une usine dont le but est le rendement maximum, le mode l'efficience, et où « se réveiller», puisque cela implique d'avoir été endormi, est bon pour les mauviettes.
Nous possédons déjà, grâce à cette faculté qu'est la mémoire, le cadeau du voyage dans le temps, dès lors que la simple bouffée d'un certain parfum peut nous rapporter à un moment spécifique de notre jeunesse - à la manière de Proust qui, dans ce chef-d'œuvre de concision qu'est À la recherche du temps perdu, a tiré d'une seule bouchée de madeleine un million de mots de souvenirs.
Ce serait une bonne chose d’acheter des livres si l’on pouvait aussi acheter le temps de les lire.
L’important est que tu n’es jamais « ailleurs » - où que tu sois tu es toujours « ici ».
A l’inverse de l’intelligence, qui trouve sa satisfaction à gagner des controverses dans l’abstrait, la sagesse est un art pratique, dont le but est de produire des jugements sensés au milieu des complications du quotidien.
La voiture qui emmène ses passagers à la salle de gym a donc pour fonction complexe de les sauver de l’inertie physique à laquelle elle les a condamnés.
Les personnages de fiction ont l’habitude de marquer ton esprit au moins de manière aussi forte que leurs équivalents plus ennuyeux de la vie réelle