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Critiques de Roberto Saviano (312)
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Baiser féroce

Si les personnages et les faits qui se déroulent dans ce roman sont imaginaires, le milieu et la réalité sociale qui les ont produits sont authentiques, autant dire que si on est curieux et intéressé par ce qui se passe dans le monde, il est impératif de se plonger dans le dernier roman de Roberto Saviano.

Baiser féroce est la suite de Piranhas, dans lequel l'auteur raconte la naissance d'un nouveau phénomène criminel napolitain, les baby-gangs. Dans ce deuxième volet, Nicolas dit Maharaja est bien décidé à détrôner les dynasties de la Camorra et à prendre le pouvoir. Tout sera mis en œuvre pour y parvenir.

Le roman débute d'ailleurs par une scène d'une cruauté absolue, la bouche du canon d'une arme à feu appuyée sur la tempe d'un nouveau-né, le fils de Dentino, Nicolas voulant venger la mort de son frère Christian.

Ces gamins du quartier dont Nicolas s'est entouré, qu'il connaît depuis toujours, qui forment la paranza, sont prêts à tout pour amasser le maximum d’argent et vivre comme des rois tout en continuant à vivre chez leurs parents, avoir de petites amies qui s'avèreront très utiles d'ailleurs, ou même à aller à l’école pour s’assurer une couverture. Le but de ce clan mafieux camorriste, dont il est question ici est essentiellement celui de l’extorsion de fond, du racket et du trafic de drogues : cannabis, cocaïne, et héroïne, et la préoccupation principale est de tenir les différentes places de deal, ce qui va s'avérer difficile.

Ces gamins, qui n'ont pas d'avenir, ou du moins pas d'alternative aussi enrichissante au sens propre du mot, pour qui seule la valeur argent compte sont prêts à tout pour prouver leurs capacités, prendre du pouvoir et du coup s'enrichir facilement. Avec cet état d'esprit, impossible alors de leur donner des limites.

Roberto Saviano, cet écrivain qui vit maintenant sous protection policière permanente, avec le second volume de son diptyque romanesque, poursuit l'exploration de la réalité de la criminalité mafieuse et de ses métamorphoses et nous livre un roman terrifiant et glaçant.

C'est un livre haletant, époustouflant qui se lit d'une traite, qui serait un excellent thriller, où les péripéties se succèdent à grande vitesse, où le suspense est présent du début à la fin, mais, et c'est là où c'est incroyable, c'est une fiction tirée de la réalité. Je suis restée scotchée par la cruauté et la férocité de ces adolescents risque-tout qui n'ont rien à perdre, si ce n'est, souvent, la vie...

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Gomorra : Dans l'empire de la Camorra

Fermez les yeux. Que voyez-vous si je vous dis « Italie ! »…des images à profusion vous viennent en grappes généreuses très certainement, une liste à la Prévert, aussi poétique que prosaïque : son charme romantique, sa chaleur méditerranéenne, ses fragrances de fleur d'oranger, ses pins parasol, son chianti, ses Vespa aux couleurs pastel, ses pâtes, ses cafés bien serrés, ses focaccia, ses panna cotta, ses temples romains, ses canaux vénitiens, les couleurs rayonnantes de Portofino, ses gelato emblématiques. Ses pizzas, oui aussi, oui c'est vrai. La liste pourrait être très longue de cette Dolce Vita fantasmée. N'empêche après avoir lu ce livre, le doux gout de crème de votre mozzarella de bufflonne préférée pourrait se teinter d'un goût un tantinet plus amer, plus métallique, disons plus sanguinolent. Car l'Italie c'est aussi la gangrène de la mafia, sa mainmise, la corruption liée, l'économie souterraine, le blanchiment d'argent sale, la violence.

Gomorra est le cri de Roberto Saviano pour sa terre natale. Ce cri à cause duquel depuis plus de dix ans, cet homme est sous protection judiciaire étant menacé de mort. Originaire de Naples, il a côtoyé la camorra, cette mafia sicilienne, et il nous en offre, dans cet écrit édifiant et audacieux, une idée extrêmement précise et détaillée.



Tel un bateau voulant accoster, dans ce témoignage, nous entrons dans Naples par son port et dès le départ, le ton est donné. Notre première vision de Naples est celle d'une terre battue par les ordures où « des années de déchets poussés vers la rive par les marées ont formé une nouvelle couche », où déjections et hydrocarbures maculent le sol…Bienvenue à Naples…Naples et ses zones moribondes, ses ateliers clandestins, son capitalisme intégriste, son ambiance délétère, ses relations sociales, décrites avec minutie dans ce témoignage. Dans cette ville règne en maître la Camorra selon une structuration et une hiérarchie quasi féodale. Roberto Saviano en décortique le mode de fonctionnement, les codes, les affaires, son imbrication avec le monde économique officiel, ses relations sociales. Sa mainmise sur toute une région.



La Camorra est un mot de flics, celui de Système est préféré par ses membres. C'est un mécanisme plutôt qu'une structure. L'organisation criminelle repose directement sur l'économie. le Système détient tout le secteur du textile, Naples étant le centre de production, articulé autour de la puissance économique des différents clans. Ils sont à la base de la contrefaçon des plus grandes marques italiennes, mais de la contrefaçon de qualité. C'est un réseau économique extrêmement organisé qui se base sur des centaines d'entreprises et des milliers de travailleurs et de patrons. L'influence économique et donc politique et sociale de la Camorra régit la région. Il faut savoir que c'est l'organisation criminelle la plus importante d'Europe par le nombre d'affiliés. Plus importante que la mafia sicilienne (Cosa Nostra) ou la ‘Ndrangheta de la Calabre.



Saviano met en valeur, de façon quasi chirurgicale, entre autres, la concurrence chinoise grandissante et son impact sur la Camorra, les réactions des grandes marques contrefaites, son code d'honneur, les règlements de compte. Il explique comment la Camorra est incontournable pour toute entreprise de la région, un chef d'entreprise étant souvent obligé de devenir salarié de la Camorra car lorsqu'un appel d'offre est lancé pour obtenir un marché public, c'est souvent elle, en corrompant des hommes politiques locaux, qui envoie des sous-traitants. Nous découvrons un monde impitoyable où toute morale est saccagée, hormis le code d'honneur qui lie les membres d'un même clan, sur l'autel du business : trafics de drogues, assassinats expéditifs, même de femmes ou de prêtres, d'hommes politiques surtout, trafics d'armes, enfouissement de déchets toxiques. Et ce en toute impunité. Sans foi ni loi. Nous sommes loin du banditisme mâtiné de couleurs locales et de folklore, la Comorra c'est avant tout du capitalisme pur jus où tout est prétexte à l'échange tant qu'il y a une offre et une demande, tant qu'il n'y a aucune régulation, aucun impôt, aucune trace, les gains obtenus étant ensuite blanchis.



Au-delà de l'horreur souvent dévoilée, j'ai été particulièrement intéressée par la facette sociétale de cette étude. Notamment celle liée aux femmes, toujours présentes et importantes dans les dynamiques de pouvoir des clans. Pour une femme, il est intéressant de se mettre en couple avec un homme de la Camorra car si celui-ci meurt elle percevra un salaire. Chaque conquête est le fruit d'une stratégie et non du hasard, même en amour…



« Tu fais déjà l'ammore, Francesca ? Tu sais pas qu'Angelo finira à Poggioreale (Prison de Naples, considérée comme l'une des plus dures d'Italie) ? – lui a-t-il dit. Faire l'ammore ne veut pas dire faire l'amour mais sortir avec quelqu'un. Cet Angelo étant entré dans le Système depuis peu et il semblait déjà exercé des fonctions d'une certaine importance. D'après le pion, il ne tarderait pas à se retrouver en prison. Sans même songer à défendre son petit ami, la fille avait déjà sa réponse toute prête : - Et alors ? Pourquoi je toucherais pas mon mois Il m'aime vraiment lui – Son mois. C'était la première conquête de la fille. Si le garçon finissait en prison, elle toucherait un salaire. le mois est la paie mensuelle que les clans versent aux familles des affiliés. S'ils ont une fiancée, une copine, c'est elle qui touche la paie, mais pour plus de sûreté, il vaut mieux être enceinte ».



Instructif, captivant, bien écrit et pourtant…pourtant ce ne fut pas une lecture agréable. Au-delà de l'horreur, souvent très bien décrite et que le lecteur affronte en connaissance de cause dans ce genre de témoignage, j'ai eu du mal à saisir la structure du livre, à percevoir son fil directeur, l'auteur passe d'un thème à un autre, nous donnant le tournis, comme quelqu'un d'effrayé, de passionné, d'enragé voulant à tout prix extérioriser toute l'horreur vue et vécue dans un enchevêtrement d'idées se bousculant au portillon, sans ordre les unes par rapport aux autres.

Si chaque chapitre débute avec éclat, serti par une plume étonnante et captivante, il finit par s'enliser dans de longues énumérations faisant étalage d'une connaissance approfondie, voire encyclopédique sur la Camorra. Saviano tient tellement à nous transmettre ce qu'il a découvert, que la plume, de belle et légère, se transforme peu à peu en froid et lourd rapport judiciaire, rendant la lecture difficile, voire lassante. Je l'ai ressenti à chaque chapitre. Un début incroyable, minutieusement surligné, corné, annoté avec enthousiasme, et ensuite un ventre mou rendant la lecture difficile. Certes, je suis bien consciente que ce livre est avant tout une enquête incroyable et immersive, risquée, et une réflexion sur la situation de Naples, mais cette façon non homogène de l'écrire m'a quelque peu perturbée.



Mais finalement peu importe, je reste fascinée par le fabuleux travail accompli par Saviano et ce que nous en apprenons, admirative du courage qu'il a su déployer pour lever le voile sur ce système aux allures de pieuvre. C'est un livre nécessaire, certes pas évident à lire. L'hôpital se moquant souvent de la charité, Silvio Berlusconi, a accusé l'auteur de « faire la promotion des gangs mafieux « et de « donner une mauvaise image de l'Italie », en avril 2010. Par ailleurs, ce livre, paru en 2006, a fait l'objet d'une adaptation au cinéma par Matteo Garrone qui a reçu le Grand Prix du Jury à Cannes en 2008. Il me plait d'imaginer les conséquences que le livre et le film ont eu dans les milieux des affaires et de la politique locale, visés par les révélations de Roberto Saviano.



« Je sentais sur moi une odeur indéfinissable. Comme la puanteur qui imprègne les vêtements quand on entre dans une friterie et s'atténue lentement une fois à l'extérieur, en se mêlant aux poisons des gaz d'échappement. On a beau prendre des dizaines de douches, tremper des heures dans la baignoire, utiliser sels et baumes parfumés, impossible de s'en débarrasser. Et pas parce qu'elle est entrée dans la chair, comme la transpiration des violeurs : l'odeur qu'on sent, on sait qu'on l'avait déjà en soi, comme libérée par une glande qui n'a jamais été stimulée auparavant, une glande assoupie qui se met soudain à sécréter ses hormones, parce qu'on a peur, mais plus encore parce qu'on est face à la vérité. Comme s'il existait dans le corps un organe susceptible de nous signaler ce qui est vrai. En utilisant tous les sens. Directement. Une vérité jamais racontée, jamais filmée ni photographiée, mais qui est là et s'offre à nous. Comprendre comment les choses fonctionnent, quel cours suit notre temps ».



Un livre tel un cri, une dénonciation, un coup de pied dans la fourmilière…au péril de la vie de son auteur. En contrepartie d'une odeur à jamais incrustée en lui, l'odeur de la peur.



Merci à Paul Le caméléon pour cette lecture qui me sort totalement de mes lectures habituelles !

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Baiser féroce

Gomorra, Le contraire de la mort, Extra-pure, Piranhas, déjà quatre livres lus, tous signés Roberto Saviano, un homme, un écrivain immensément courageux. Avec sa plume, il dénonce, met en exergue ce qui gangrène son pays, l’Italie. Il s’attaque à la mafia napolitaine, la camorra, à plusieurs trafics mais surtout au trafic de drogue, un mal mondial.



Dans Piranhas, il a étonné en racontant l’ascension de quelques ados ne résistant pas au désir fou d’imiter leurs aînés afin d’amasser un maximum d’argent en un minimum de temps. Qu’importe les dégâts collatéraux ! S’il romance, la réalité, nous le savons, peut dépasser la fiction. Alors, voici la suite, Baiser féroce, parue en France en mars 2019.

Il faut s’accrocher et ne pas avoir peur du sang pour suivre la paranza, nom hérité d’un bateau de pêche côtière définissant, par extension, une bande de jeunes armés liés à la camorra, à Naples et dans sa région, comme le rappelle fort à propos Vincent Raynaud, le traducteur.

Drogue, mensonge, faux-semblants, courage imbécile, goût immodéré pour l’argent, la liste serait longue. Roberto Saviano poursuit l’histoire de ces gamins, ados plutôt, qui veulent imiter les grands et surtout les dépasser. La violence est présente à chaque page d’un roman qui se lit comme un thriller mais qui va bien plus loin puisqu’il révèle le piège atroce tendu à cette jeunesse prise dans le tourbillon des nouvelles technologies et surtout engluée dans la fange générée par toutes ces drogues qui inondent Naples comme nos grandes villes.

La police intervient toujours à contretemps. On annonce à grand renfort de titres dans les journaux la moindre saisie de drogue mais nous savons que c’est une infime partie émergée d’un immense iceberg. Comme je l’ai entendu récemment sur France Inter, on stigmatise les quartiers nord de Marseille mais ce sont les habitants des beaux quartiers les meilleurs clients des dealers !

Alors, au fil de ma lecture, j’ai un eu un peu de mal avec tous ces surnoms, ces familles, ces amis/ennemis mais j’ai suivi cet engrenage infernal qui mène ces jeunes vers l’argent facile brisant ainsi leur vie qui commence à peine. Maharaja qui s’appelle en fait Nicola Fiorillo, rêve de dominer son quartier de Forcella puis sa ville. Il faut allégeance à l’Archange, Don Vittorio, ce parrain qui semble en fin de vie, mais il se fait manipuler.

Exécutions, vengeances, meurtres, la liste des victimes est longue et les familles pleurent. Je suis saisi d’une infinie tristesse devant un tel tableau tellement proche de la réalité. La paranza de Maharaja fait peur, attendrit aussi par tant d’insouciance mais où est la responsabilité de ceux qu’on dit adultes ? Les parents sont dépassés mais l’attrait pour le luxe, la vie facile, l’étalage insolent de ces gens qui forment ce qu’on nomme la jet-set, ne peut que séduire des esprits aussi malléables, jeunes influencés par certains films trop complaisants envers ces mafieux.



Roberto Saviano, depuis Gomorra et Extra-pure, vit sous protection policière car sa vie est menacée parce qu’il dénonce tout ce monde du trafic de drogue dont la prospérité ne semble pas fléchir. Avec Piranhas et Baiser féroce, il a choisi la fiction, le roman, et il a bien fait. Cela ne peut qu’attirer de nouveaux lecteurs et faire comprendre, je l’espère, tout le drame d’une jeunesse livrée à elle-même dans un monde où tout paraît possible.


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Le contraire de la mort

Impossible d’oublier un livre comme Gomorra et le film qui en a été tiré. Depuis, Roberto Saviano, son auteur, vit sous protection policière mais les menaces dont il fait l’objet n’altèrent en rien son courage.



Dans ce petit livre, avec deux nouvelles, il met remarquablement en scène deux histoires qui pourraient être qualifiées d’ordinaires pour la région napolitaine, si elles n’étaient pas déchirantes.

Retour de Kaboul nous fait vivre avec Maria. Juste avant de l’épouser, Gaetano est tué en Afghanistan : « Maria est obsédée par l’Afghanistan. Une obsession qu’elle n’a pas choisie. Une névrose qui était en elle, tel un destin funeste. » Avec des mots simples, toujours au plus près de l’émotion et du quotidien, Roberto Saviano donne à comprendre et à partager la douleur, le terrible manque de cette fille d’à peine dix-huit ans…



Une fille du nord de l’Italie débarque pour assister à un mariage et l’auteur l’emmène sur sa Vespa jusqu’au village. Ainsi débute La bague. Très vite, viennent des remarques qui font mouche : « Je n’ai jamais eu honte de l’endroit où j’ai grandi, mais parfois, à l’adolescence, on veut pouvoir choisir les lieux, les espaces, les moments à savourer et ceux qu’on refuse de vivre. »

Dans ce village, des gerbes de fleurs, des lumignons posés sur le sol, des plaques commémoratives rappellent des événements dramatiques : « Des partisans ? Elle ignorait qu’ici la Résistance n’avait quasiment pas existé, que la guerre avait été une interminable tuerie de civils… » Mais cette « résistance difficile à raconter, car elle ne se lève contre aucune milice, elle n’a aucune dictature à renverser. Une résistance qui ne consiste du reste pas à être contre, il suffit d’être en dehors pour tomber… »

Suit l’épisode de la bague, cette bague indispensable pour qu’une fille soit tranquille… Des années plus tard, cette femme devenue journaliste, revient et sort une photo. Elle montre deux jeunes, Giuseppe et Vincenzo qui ont été tués. Parce qu’ils étaient camorristes ? C’est bien plus terrible que cela et Roberto Saviano (photo ci-dessus), simplement et avec une efficacité poignante raconte ce qui s’est passé.
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Je suis toujours vivant

Festival de couleurs et un coup de crayon de Asaf Hanuka pour cette brève biographie de Roberto Saviano par lui-même.



De multiples aspects, sentiments, références, souvenirs, réflexions sont à retenir de cette narration d'un homme traqué car il a eu le courage de s'en prendre à la mafia napolitaine.



Sa fuite perpétuelle dans des caches diverses à travers le monde est pour lui, au-delà de la permanence des précautions, l'occasion de rencontres, comme avec Salman Rushdie par exemple, mais aussi d'auto-analyse de sa vie, qu'il aurait sans doute souhaité différente, mais il assume un choix de courage, tout en narguant quelque peu ceux qui sont à ses trousses, avec ce titre qui en dit long "Je suis toujours vivant". Toujours et non pas encore sans doute pour proclamer cette pérennité de la vie et finalement l'échec de ceux qui voulaient le détruire.



J'ai bien aimé les pensées de l'auteur, ses sentiments qu'il dévoile à vif, sans modestie ni forfanterie. Il invite chacun de nous à savourer la valeur de notre liberté que beaucoup de français réduisent hélas à une permissivité individuelle non soucieuse de l'intérêt collectif.



Tous les dessins et leurs couleurs sont des réussites, le rouge du sang, le noir de la mort, le vert de l'espérance, le bleu du ciel, de la mer, de l'enfance, des gris d'une grande variété, un vrai plaisir pour les yeux.
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Extra pure

Une fois refermé « Extra Pure », des questions viennent tout de suite à l’esprit, d’où vient cet envie de croisade ? Les risques pris par Saviano en valent t’ils vraiment la chandelle tant le combat semble perdu d’avance ?

Car le livre égrène jusqu’à plus soif, tout une liste de noms, de familles, tout un lot de meurtres, de tortures, d’exactions abominables et terrifiantes. Des pages et des pages de guerre de clans, de pressions, d’horreurs insoutenables. Saviano patiemment, méthodiquement remonte aux origines du mal, Il y a certainement plus de morts que de mots dans cette terrifiante plongée. Il m’a fallut sortir plusieurs fois du livre, pas par écœurement mais plus par un certain ennui car tout ce flot d’informations finit par lasser et demeurer assez vain pour le lecteur candide.

Avec au final une ultime question, les ramifications du mal semblent d’une telle ampleur, y a t’il un remède à tant de maux ? Le travail de Saviano est salutaire mais j'en ai peur vain.

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Piranhas

On ne présente plus Roberto Saviano, cet écrivain d'un courage inouï qui s'est élevé contre les pratiques mafieuses en Italie notamment celle de la camorra à Naples. Il vit aujourd'hui sous protection policière car sa vie est menacée depuis « Gomorra », l'enquête phénomène sur la camorra qui s'est vendu à des millions d'exemplaires. Pour son premier roman « Piranhas« , paru aux éditions Gallimard en 2018, Saviano nous plonge au coeur de la violence urbaine des clans camorristes et de ce nouveau phénomène que sont dans le milieu criminel napolitain ceux que l'on appelle les Baby-gangs. Nous sommes à Naples, dans le quartier de Forcella, bastion mafieux où la pauvreté et un chômage endémique pousse beaucoup de ces jeunes désoeuvrés à choisir la camorra plutôt que de suer comme leurs parents pour un travail légal et peu valorisé, Bien sûr, tous ne sautent pas le pas vers la grande criminalité mais le jeune Nicolas Fiorillo lui n'a qu'une idée en tête : se faire une place et entouré de sa bande de potes fonder sa paranza, son clan, sa « famille ». Lorsque son professeur de lettre lui demande en classe, lieu qu'il fréquente rarement, quel auteur il a aimé lire, Nicolas répond du tac au tac Machiavel. Et lorsqu'on lui demande pourquoi, sa réponse fuse : pour le pouvoir, pour dominer, pour être fort. Dans l'idéal, l'imaginaire de ces gamins nourris à la violence depuis leur plus jeune âge, on n'a plus peur ni des carabinieri, ni de la prison qui est vue comme une étape nécessaire pour grandir et prendre sa place au sein de la paranza. Cette parenza justement est fantasmée par ces gamins tous frères et qui pourtant n'hésitent jamais à s'entre-tuer pour un regard, une fille, un deal. le fric, la drogue, le sexe, une vie chaotique, les agressions, le racket ou pizzo l'impôt mafieux payé par tous les commerçants de Naples ou presque en échange d'une protection du clan, les morts qu'on enterrent, ces gamins détruits par la came, la mégalomanie, des rêves d'un code de l'honneur qui au fond n'est qu'une supercherie de plus. Ces gosses ne respectent rien et surtout pas leurs aînés camorristes car dans la camorra il n'y a pas d'organisation verticale comme dans Cosa Nostra en Sicile. A Naples, dès qu'un parrain est arrêté, d'autres sont prêts à prendre sa place. Les clans se battent pour une ruelle, une place de deal. La violence extrême, l'absence de moral, de scrupule sont autant de signes distinctifs pour les définir. C'est dans ce grand chaos, que Nicolas qui n'a peur de rien va gravir les échelons pour devenir un jeune homme craint de tous. Mais déjà les échos d'une guerre longue et interminable entre clans se lèvent à l'horizon. Les forts doivent dominer les faibles, ceux qui s'opposent à la parenza doivent être éliminés. Un livre qui sonde les coeurs sombres de ces gamins perdus et qui mourront pour la plupart avant trente ans. le style est incisif, l'action menée tambour battant. le souffle court, on s'enfonce dans ces ruelles, ces quartiers, ces places. La violence est partout, elle explose de tous les côtés, la trahison, la vengeance et la mort. Un roman puissant, servi par une écriture qui nous emporte pour ne plus nous lâcher. Roberto Saviano réussit une nouvelle fois à nous couper le souffle en décrivant de façon vertigineuse « le système » et le chaos qui lui est inhérent.
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Gomorra : Dans l'empire de la Camorra

L’Italie et la Mafia… Serait-ce un cliché, un mythe, une délirante théorie du complot ourdie par les xénophobes qui pointaient du doigt jadis les « ritals », les immigrés italiens, pour les dénigrer ?



Roberto Saviano bat en brèche les idées reçues avec cette enquête minutieuse sur l’univers du crime organisé qui est aussi une analyse pertinente du monde contemporain, des excès de la mondialisation et du capitalisme sauvage où tout devient une marchandise, une source de profits, de business : des produits stupéfiants aux armes en passant par l’être humain.



Gomorra dénonce le fonctionnement du système mafieux en Campanie et à Naples. Les familles mafieuses se réunissent autour de leur chef, que nous appelons « le parrain » depuis le film de Francis Ford Coppola qui a médiatisé ce système très codifié. Elles se livrent parfois des guerres de territoire et de succession sanglantes. La Camorra domine la vie économique et commerciale de la Campanie comme Cosa Nostra domine celle de la Sicile et la ‘Ndrangheta celle de la Calabre. Son fonctionnement est similaire à celui d’une multinationale du crime et ses leaders ont intégré les codes de l’entreprise et de la mondialisation. Les chefs d’entreprise locaux, s’ils veulent du travail, sont obligés de devenir des salariés de la Camorra car, lorsqu’un appel d’offres est lancé pour obtenir un marché public, c’est elle qui envoie ses sous-traitants. Il s’agit d’une manière de réinvestir et blanchir l’argent, y compris à l’étranger, en construisant, par exemple, des immeubles en Espagne, sur la côte maritime.



La Camorra est profondément enracinée et bénéficie de la complicité de certains politiciens et de certaines industries, notamment pour le traitement illégal des déchets toxiques. Elle offre des prestations à très bas coût et enfouit les déchets toxiques du Nord dans la campagne du sud de l’Italie. Elle se positionne aussi, avec les Chinois, sur le marché du textile et de la contrefaçon des grandes marques. Elle a des ateliers clandestins où les Italiens du Sud travaillent au noir, ce qui permet de fabriquer des vêtements de luxe discount, de les revendre dans le monde et de faire ainsi de la publicité pour les grandes marques. Elle règne enfin en maître sur le B.T.P. et le trafic d’armes ; sur le B.T.P., grâce à ses ouvriers bon marché car sans protections sociales et travaillant sur des chantiers qui ne respectent aucune norme de sécurité ; sur le trafic d’armes car la mafia albanaise leur fournit un accès direct aux arsenaux militaires des pays de l’ancien bloc de l’Est. Les camorristes sont les principaux pourvoyeurs des guérilleros d’Afrique et d’Amérique latine.



Ce livre, à la fois édifiant et effrayant par rapport aux mécanismes cyniques qu’il décrit et qui profitent apparemment à beaucoup de monde, m’a fait découvrir les nouvelles formes du crime organisé, difficiles à démasquer pour les magistrats, les enquêteurs, tant elles se cachent derrière les pratiques habituelles du capitalisme : l’entreprenariat, l’argent qui coule à flot, le profit, le business, la réduction à tout prix des coûts salariaux, un accroissement toujours plus grand des marges de bénéfices etc.



Son auteur connut un succès d’édition qui médiatisa le phénomène. Avant lui, de nombreux journalistes d’investigation et magistrats tentèrent de s’attaquer à ce problème, au péril de leur vie, comme les juges assassinés Giovanni Falcone et Paolo Borsellino. Le reportage "Italie et Mafia, un pacte sanglant" de Cécile Allegra et Mario Amura leur rend hommage et va jusqu’à évoquer la thèse d’un pacte entre l’État italien (en particulier la démocratie chrétienne de Giulio Andreotti) et la mafia sicilienne. Il remonterait à la Seconde Guerre mondiale et au débarquement des Alliés en Sicile, rendu possible grâce à l’aide d’un gangster italo-américain en prison, Lucky Luciano. Il contrôlait les dockers new-yorkais et pouvait donc obtenir des renseignements sur les éventuels espions allemands. Il fut, en effet, curieusement libéré à la fin de la guerre et rentra en Sicile où il reprit ses activités criminelles. Les chefs mafieux de Cosa Nostra remplacèrent les fascistes de Mussolini à la tête des villages. L’écrivain sicilien Leonardo Sciascia, auteur du Jour de la chouette, évoque également le pouvoir de la mafia, longtemps nié : la célèbre omerta, et le « préfet de fer » Cesare Mori, nommé par Mussolini, bien qu’il ait critiqué les fascistes, pour éradiquer la mafia. Pour cette raison sans doute, le nom de Mussolini en Italie, pendant longtemps, ne fut pas aussi honni que celui d’Hitler, son allié nazi.



Pour sortir définitivement des clichés, la mafia ne concerne pas que l’Italie mais malheureusement bien d’autres pays, comme l’Albanie, la Colombie, le Mexique où le cartel de Juárez a rendu cette ville célèbre pour sa violence et son taux de criminalité. Quant au cartel de Sinaloa, il n’est pas en reste. Son chef, El Chapo, évadé de prison, a rencontré Sean Penn et a même failli avoir droit à un film sur sa vie, comme Lucky Luciano en son temps.

Qu’est-ce qui motive ces hommes – et parfois ces femmes ? Le fric facile ? La célébrité ? Pas forcément. El Chapo a dit qu’il n’avait eu que cette opportunité, rien d’autre à faire dans le coin pourri où il est né et où son père était fermier, cultivateur de pavot à opium ; le Colombien Pablo Escobar avait même lancé le programme « Medellín sans taudis » pour tenter de résoudre le problème avec l’argent sale de son cartel de la drogue. Corleone, petit village sicilien d’où est partie Cosa Nostra, n’était pas non plus un exemple de prospérité économique. Quant aux bédouins du désert qui vendent des migrants érythréens et font ainsi de la traite humaine en complicité avec des passeurs, des réseaux de trafiquants, ils se justifient eux aussi en disant que c’est le seul moyen de survivre, à l’heure actuelle, dans ces contrées hostiles. Le bouleversant reportage "Voyage en barbarie" de Cécile Allegra et Delphine Deloget, qui a eu le prix Albert Londres, le montre très bien. Dans certains endroits de la planète, il ne fait pas bon vivre ou naître. Qui sommes-nous pour les juger ? Aurions-nous fait mieux à leur place ?

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Piranhas

Ce que j’ai ressenti:

« La seule limite, c’est le ciel. »



Irradier d’audace à Forcella…

Nicolas Fiorillo et sa bande veulent le pouvoir, l’argent, le respect de Naples. Se frotter aux plus grands criminels, marcher dans les pas de la Camorra, souffler un nouveau vent de violence dans les rues de Forcella. La Paranza dei Bambini s’immisce comme la mer, en une vague rouge, virulente et sans peur, dans les plazza de la ville italienne. Leurs âges: entre 10 et 19 ans…Des enfants…Des petits Piranhas qui veulent se faire une place au soleil, avec de la blanche écume à portée de nez, des embruns de billets verts, des tempêtes de poudre noire, et de rouge craintes à faire jaillir…Les baby-gangs est le nouveau fléau, une toute nouvelle forme d’agressivité née de cette génération surexposée aux influences néfastes d’Internet, un nouvel essor de banditisme insoupçonné, qui fait ravage.



« -Pour devenir un enfant j’ai mis dix ans. Pour te mettre une balle dans la tronche je mettrai pas plus d’une seconde. »



Résister encore, et encore…

Roberto Saviano écrit, au péril de sa vie. Cela change énormément les perspectives de mon ressenti de lecture. 12 ans qu’il est sous protection policière, parce qu’il a osé dénoncer les agissements de la mafia. Ce n’est pas une vie, et pourtant, il ose défier la mort, en écrivant. Résister, toujours, avec une plume à la main, c’est terriblement courageux. Il nous revient, cette fois ci, avec un roman, engagé, pour parler d’un phénomène criminel en pleine croissance, et qui risque de prendre sa place dans les grandes villes, si nous n’y prenons pas garde…C’est en tout cas, toute l’appréhension que Roberto Saviano redoute…Il essaye de nous faire prendre conscience qu’entre sa fiction et la réalité, la ligne est très fine, à une maille de filet presque, parce que la détermination de ses paranza, il l’a vu dans leurs yeux, ils n’attendent rien, ces gamins: la mort est un capital pour eux, un but à atteindre…



« L’amour est un lien qui se brise. La peur n’abandonne jamais. »



Toute l’Italie est là…

J’aurai toujours une tendresse particulière à lire de la littérature italienne. Roberto Saviano, dépeint une Italie de toutes les passions, avec des mots qui claquent, des gestes qui heurtent, mais des cœurs enfiévrés d’amour…Ils n’ont pas peur de leurs sentiments, ils vibrent d’une intensité dévorante. En choisissant de romancer ce sujet très sensible, l’auteur nous permet de comprendre ce qui anime ses personnages, de rentrer plus intimement dans leurs émotions contrariées, de saisir un peu de leur fougue…Et c’est tout ce que j’adore retrouver dans l’Italie, ces liens d’amours, leurs regards fiers, les éclats de leurs vies…



« Ici, c’est comme ça : quand des gens se disputent, tout le monde le sait, tout le monde doit le savoir. Chaque insulte, chaque voix, chaque cri aigu rebondit sur le pavé des ruelles habitué aux escarmouches entre amoureux. »



Déployer ses ailes…

Piranhas est un premier tome d’un diptyque, qui voit s’élever un ange blond… Nicolas, avec l’insolence de sa jeunesse et la fureur de son ambition, est un héros qui n’a pas froid aux yeux, brûle de conquérir la ville, glace d’effroi ses ennemis, incendie le cœur de sa belle…En quelques faits, et surtout en pires méfaits, il devient un roi, Maharaja, maintient sous sa coupe un gang de gamins inconscients encore ébahis devant des films de vengeance mafieuse, et déverse un flot de sang hargneux et gerbes de balles sifflantes…Mais, il faut savoir que le sang appelle toujours le sang, et dans ses milieux, les faits de violence sont toujours exponentiels…Et cela, Nicolas, va l’apprendre dans son expérience de petit parrain des temps modernes, à l’ère de WhatsApp et de Youtube….



Même si, je suis curieuse de lire la suite de ces aventures napolitaines, je reste encore terriblement choquée de l’impact de cette lecture. Je n’arrive pas à assimiler qu’on soit à l’aube de ce monde là: des enfants mafieux…C’est effrayant…



Ce livre est un uppercut!



« On pense toujours sont pour les adultes, mais plus jeune est la main qui manipule le chien, le chargeur et le canon, plus le fusil, la mitraillette le pistolet ou même la grenade est efficace. (…). Les armes sont faites pour les jeunes, pour les enfants. C’est vrai sous toutes les latitudes. »







Ma note Plaisir de Lecture 9/10
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Piranhas

Il est sous surveillance depuis 2006 en raison des menaces reçues des organisations criminelles mentionnées dans ses écrits , notamment son explosif Gomorra : Dans l'empire de la Camorra, (adapté au cinéma par Matteo Garrone).

Mais cela n'empêchera pas Roberto Saviano d'être présent sur Lyon la semaine prochaine pour Quais du Polar, pour présenter ses deux premiers romans, "Piranhas" et baiser Féroce qui sort juste après sa venue le 5 avril.

Nous n'avons pas encore pu lire ce dernier, qui est en fait la suite de "Piranhas" mais celui ci est suffisamment puissant et explosif pour justifier sa venue.



Pour ses premiers pas dans la fiction, Saviano plonge le lecteur dans une histoire largement inspirée de faits authentiques, contrairement à ce que me et l'auteur en exergue dans sa préface ( tout ça n'est que de la fiction, ça n'a aucun rapport avec des personnages existants) et montre que l'auteur n'en a pas fini avec les mafieux qui étaient les "héros " de Gomorra et utilise tous les témoignages qu'il a pu recueillir avec elle pour nourrir une fiction particulièrement dense.



"Piranhas" raconte l'histoire d'un gang adolescent (baby-gangs) qui se met à conquérir la ville de Naples, avec des objectifs bien précis, vendre de la coke et tuer tous ceux qui se mettent en obstacle à leur empire, leurs modèles étant les parrains de la Camorra.



Et le personnage principal,c'est le leader du gang Nicolas, 14 ans au début de l'histoire, un malfrat pré pu bère qui n'a qu'une ambition : régner sur Naples. un Nicolas- on pense forcément au prince de Machiavel avec ce prénom qui est tout sauf anodin- dont l'ascension sera fulgurante et forcément violente



Deux seules valeurs animent Nicolas et son gang : l'argent et surtout au delà de tout le pouvoir.



Une ascension que Saviano raconte tambour battant. On apprend notamment comment ces jeunes vont être guidés, contrairement à leurs ainés par la puissance d'internet et comment les réseaux sociaux ont influé dans la création de cette Gomorra 2.0 et comment ces jeunes apprennent à tirer grâces à des tutoriels sur you tube



Ce adolescents ne considèrent pas la mort comme un risque du métier mais une nécessité , plus qu'un horizon.. il faut que ca aille très vite, et que ça soit la mort et avant tout de devenir riche et puissant le plus vite possible, c'est cela qui les rend si passionnants à suivre, et en même temps, terrifiants, forcément terrifiants .



Ces gamins redoutent plus que tout de mener la vie ordinaire de leurs parents, . s'extraire d'une vie moyenne pour embrasser la vie à pleines dents, comme le font les riches et les puissants sur Snapchat et Instagram.



Si Saviano a mis de coté la forme documentaire pour tenter de se mettre totalement dans la tête de ses enfants, et donner un peu d'universalité à ces enfants par le prisme de la fiction, il reste fidèle à un style très sec, frontal, sans lyrisme ni emphase .



De ce fait, son roman parvient tout à fait à se mettre à la place des enfants, d'incarner, de vivre à l'intérieur des enfants.



"Piranhas" est aussi comme les précédents ouvrages de Saviana le portrait saissisant et terrifiant de Naples, ville qui favorise l'éclosion d'une violence dès les premières années de sa naissance : une cité toujours dans le conflit où deux camps se forment très vite "les baiseurs et les baisés", sans qu'une troisième voie soit possible.



Grace à sa méthode basée sur une étude poussée des mafias et son écriture rapide et rythmée, Piranhas se lit avec passion, malgré un regard parfois complaisant de l'auteur sur la description des meurtres gratuits commis par ces baby gangs, et un coté nihiliste, sans espoir de ces jeunes.



L'écriture a quelque chose de très cinématographique et on sera pas étonnés de savoir que le livre a été adapté au cinéma sous le titre La Paranza dei bambini" par Claudio Giovannesi, présenté en compétition au dernier festival de Berlin, avec Roberto Saviano himself en coscénariste.
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Le contraire de la mort

Le succès international inattendu de son premier livre-enquête contre la Camorra napolitaine « Gomorra » l’a condamné à mort en 2006. Depuis, Roberto Saviano vit sous protection policière permanente. Et il ne désarme pas. Dès l’année suivante, en 2007, il écrit pour le Corriere della Sera deux brefs récits percutants et tragiques situés dans le sud de l’Italie, réunis la même année dans un recueil.



Le Contraire de la mort :

Le texte ressemble à un article de presse. Il raconte l’impossible deuil de Maria une jeune fille de 18 ans. Son fiancé Gaetano voulait lui offrir un foyer digne mais il refusait de servir la Camorra. Alors, il s’est engagé en Afghanistan. A priori et vu l’état de désinformation des jeunes cela présentait moins de risques. Difficile de ne pas être émue par l’amour de la jeune Maria déjà veuve à 17 ans, errant dans la ville tout de noir vêtue, obsédée par l’Afghanistan et criant son besoin de vérité. Le contraire de la mort ce n’est pas la vie, bien trop dangereuse, mais l’amour. Difficile de ne pas être atterrée par le fatalisme muet de son entourage qui ne veut rien savoir et par celui hyperbolique du narrateur-journaliste qui fait froid dans le dos : « Pour freiner le désir de s’engager dans l’armée, il n’y a guère qu’un rein en moins, un pied bot ou la rétinite pigmentaire qui provoque la cécité ».

La bague : ce récit est plus littéraire.

Le narrateur raconte que la première fois où il a amené une fille du Nord dans son village, il avait mal aux mains. Il l’a emmené sur sa Vespa jusqu’au village où on célébrait le mariage d’un cousin. Il avait honte des gerbes commémoratives et des lumignons posés sur le sol. Elle pensait qu’il s’agissait d’hommages aux Résistants. Comment aurait-elle pu comprendre ? Dans le village on la regarde en biais. A l’église, il lui passe au doigt l’anneau de sa tante. Pour qu’on sache qu’elle est son territoire. Des années plus tard, cette fille du Nord est devenue journaliste. Elle ne se souvient pas de l’anneau mais lui met une photo sous le nez. Deux jeunes, Giuseppe et Vincenzo ont été tués. Elle croit qu’il s’agissait de Camorristes. Alors cette fois, il raconte. Une histoire tragique. Comme dans le premier texte, des jeunes gens se retrouvent mêlés malgré eux à une guerre qui les dépasse.

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Piranhas

Ce roman se lit par bouchée, un morceau à la fois. Il m’est difficile d’en parler, je ne sais trop qu’en dire, il m’a laissée bouche bée. Dès que l’on commence l’histoire, on se doute que l’issue ne peut être heureuse. Que cela va se terminer dans un mur. Bien que pas si long à lire, c’est une histoire dure, crue, empreinte de violence. De violence gratuite, surtout. Son titre lui colle bien. Piranhas, un monde où le plus fort gagne. Un monde dans lequel celui-ci bouffe les plus petits sans aucuns scrupules.



De nos jours. Nous sommes dans le quartier de Forcella, à Naples. Une bande de onze jeunes garçons se mettent en tête de devenir les prochains « parrains » de la place. Les « anciens » sont tous soit vieux, soit déchus, soit morts ou en prison. Nicolas Fiorillo (dit Maharaja), le chef de la bande et le plus âgé, est la tête pensante du groupe, celui qui est le mieux organisé. C’est lui qui embarque tous les autres dans sa paranza. Tous sont d’âge mineur. Ceci ne les empêchera nullement de commettre tous les délits possibles; vols, règlements de comptes, harcèlement, trafic de drogue, possession d’armes d’assauts, trahisons, meurtres. Ces jeunes n’ont d’autre but que de devenir les meilleurs, les plus puissants, les plus dangereux, les plus craints. Ils ne veulent travailler pour personne, n’être la main de personne. Ce qu’ils veulent, c’est régner. Il n’y a point de morale, en dehors de la leur. Ils n’ont de respect pour rien ni personne en dehors de leur groupe, la paranza.



« Désormais, tous les gars dans l’appartement étaient devenus frères de sang. Et quand on est frères de sang, impossible de revenir en arrière. Les destins s’unissent aux règles. On vit et on meurt suivant sa capacité à rester dans le cadre de ces règles. »



« Il avait besoin de se donner cette dimension criminelle; même quand il était seul il la recherchait. Une leçon qu’il avait apprise sans l’aide de personne, sa version de la maxime des super-héros américains qui dit : ‘Vis dès maintenant la vie que tu voudrais vivre’, alors qu’il ne l’avait lue nulle part. Au fond, il espérait être placé sur écoute, c’était mieux que le dernier rang de n’importe quelle organisation camorriste au bout du rouleau. Autour de lui, Nicolas ne voyait que des territoires à conquérir, des possibilités à exploiter. Il l’avait compris tout de suite et ne voulait pas attendre d’être plus grand. Il se fichait d’avancer étape par étape, se fichait des hiérarchies. »



Hors de question pour eux de vivre une vie « normale », une vie de leur âge. Ils puisent leurs idées sur le Net, s’inspirent de leurs héros de jeux vidéos, de leurs films et séries télés préférées et bien sûr, des réseaux sociaux, la crème de la crème. C’est en jouant à des jeux et en regardant YouTube qu’ils apprennent à tirer…



J’ai été effrayée et choquée de voir à quel point ce phénomène de gang pouvait aller loin. Comment ça débute et insidieusement, les emmène sur des routes de plus en plus sombres et tortueuses. Comment ils se piègent eux-mêmes. Ça m’a fait un effet que je ne peux décrire d’imaginer un enfant de 10 ans avec un AK-47 en mains prêt à tirer froidement sur n’importe qui alentour juste parce que quelqu’un de plus fort et en plus haute position le lui demande…juste pour impressionner et surtout, montrer qu’il a des couilles. Dans mes yeux d’adulte, je suis incapable de concevoir cela et pourtant, ces situations arrivent pour de vrai. Les gangs de rue, les motards, la mafia, etc. Un milieu où il n’en ressort rien de bon.



« - Pour devenir un enfant j’ai mis dix ans. Pour te mettre une balle dans la tronche je mettrai pas plus d’une seconde.’ Le déclic du Desert Eagle a été comme un cliché instantané dans la pièce. »



« Piranhas » aborde donc le sujet des « baby-gangs », un thème que je ne connaissais pas beaucoup autrement qu’en surface. Ce roman va bien en profondeur, brasser des émotions peu agréables et fait planer un grand sentiment de malaise.



En gros, c’est un roman bien rédigé, que je ne relirais sans doute pas car ce n’est pas un univers plaisant où nager mais je suis bien heureuse de l’avoir lu une fois pour savoir comment cela fonctionne dans ces gangs. Les personnages principaux et secondaires (très nombreux) sont fictifs mais fort crédibles (je les ai tous haïs) et le milieu social qui les a engendrés est réel. Toutefois, il y a tellement de personnages (noms et surnoms) qu’on y perd son latin.



Bref, un roman à lire qui a plus la fonction d’instruire que de divertir. Je pense que je vais m’en rappeler longtemps. Ça débute fort et cru tout de suite en partant et il n’y a pas de temps morts. Roberto Saviano est un auteur à retenir ! Je compte bien lire ses autres romans.
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Gomorra : Dans l'empire de la Camorra

Ce que j’ai ressenti:



Gomorra, c’est une odeur persistante. Une humeur saisissante, du papier brûlant, des chiffres vertigineux, de la poésie phénoménale, une « pièce » sanglante, une action foudroyante, un cœur en souffrance, un abime sans fond…Une fulgurance en somme. Un moment unique et douloureux de lecture aussi. Difficile de vous raconter toutes les émotions qui m’ont traversées en lisant Gomorra…Seul le ciel et le silence pourrait comprendre les prières que j’envoie pour la Campanie…



Le mot camorra n’existe pas, c’est un mot de flics, utilisé par les magistrats, les journalistes et les scénaristes.



Je pourrai vous dire qu’il y beaucoup de beaucoup, et beaucoup de trop même…C’est peut être le destin de trop d’enfants perdus qui m’a fait le plus mal en vrai. Ces enfants qui n’ont d’autres choix que la Camorra. Pas d’autres horizons, pas d’autres rêves, juste une illusion éphémère de pouvoir…Gomorra, c’est trop de drogues, de sang et de balles. Trop de stratégies, de drames et de crimes. Trop de secrets, de disparitions et de pleurs. Trop de familles exposées et explosées par ce phénomène économique et social. Gomorra, c’est une enquête minutieuse d’un journaliste passionné, mais c’est aussi la puissance du sentiment d’un écrivain ravagé par le mal qui détruit son pays, et c’est dans ce mélange de genre qui fait que ce livre est tellement bouleversant.



Le fait est qu’ici la seule chose qu’on apprend, c’est à mourir.



Naples la Superbe, cache en son sein un empire de violence qu’on ne soupçonne pas. Roberto Saviano a laissé dans ses pages, des vérités stupéfiantes, des dénonciations ahurissantes, de l’encre enflammée pour nous faire comprendre la puissance de la mafia. Mais surtout, il y a laissé, au nom d’un idéal qu’il croit plus grand, sa propre liberté…Il est obligé de vivre aujourd’hui sous protection policière depuis la parution de Gomorra. Depuis quatorze ans, sa vie n’est plus la même…C’est ce courage qui l’anime et sa résistance au Système, qui rend ce sacrifice admirable et éblouissant.



Ici on n’a pas peur que le ciel nous tombe sur la tête. Ici on s’enfonce. On plonge. Car il y a toujours un abîme au fond de l’abîme.





Ma note Plaisir de Lecture 9/10
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Piranhas

Roberto Saviano a délaissé les enquêtes cette fois pour se lancer dans un roman à propos d’une bande de jeunes, âgés entre 10 et 18 ans, qui ont réussi à terroriser la ville de Naples en appliquant les méthodes de leurs aînés dont les meneurs étaient momentanément emprisonnés. Dans le titre original, apparaît le terme de paranza reprit souvent au cours du récit. Ce mot désigne ces bateaux qui pêchent la nuit en étourdissant les poissons avec de la lumière. Par extension, il désigne un groupe qui impose sa loi dans un quartier en contrôlant le trafic de drogue ou en extorquant de l’argent par la menace, l’intimidation, la violence.

Gomorra puis Extra-Pure étaient de terribles constats dont il me semble peu de leçons ont été tirées mais voilà que Piranhas est glaçant de violence car, l’auteur le confirme : « les personnages et les faits sont imaginaires, mais le milieu et la réalité sociale qui les ont produits sont authentiques. »

Ils ont tous des surnoms, dépendent encore de leurs parents, sont toujours scolarisés, en principe, mais chacun possède son scooter et c’est un formidable moyen pour circuler, s’échapper, séduire les filles et cet engin emmène plusieurs fois le lecteur dans de folles équipées en plein cœur de Naples : « À Naples, rouler signifie dépasser partout, sans se soucier des routes barrées, des sens interdits, des zones piétonnes. »

Cette lecture m’a emmené dans un véritable enfer, une histoire folle, souvent compliquée, embrouillée comme peuvent l’être ces réseaux mafieux prêts à tout pour prendre le pouvoir et ramasser le plus d’argent possible.

Dans cette ville à la population très dense, aux ruelles souvent inextricables, tout est possible malgré la police et les conséquences judiciaires des arrestations. Ces jeunes enfants-ados, emmenés par un garçon prêt à tout, d’une intelligence acérée, n’ont peur de rien, ne respectent même pas la vie, sèment la terreur jusqu’à ce que celle-ci frappe les êtres qui leur sont chers.

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Piranhas

Ce roman est un vrai choc.

Roberto Saviano est un auteur qui a dénoncé avec force dans plusieurs de ses ouvrages, Gomorra pour le plus connu, les agissements mafieux de la Camorra, mafia Napolitaine. Je tiens, tout d'abords, lui rendre hommage, il fait preuve d'un courage hors du commun. Il vit depuis plus de 10 ans sous protections policières. Comme quoi, une plume peut aussi devenir une arme contre le crime organisé.

Ici, nous sommes bien dans un livre de fiction mais inspiré par des faits réels qui font froid dans le dos. Ce roman raconte l'histoire d'adolescents, très jeunes pour certains d'entre eux, puisque que l'on a à faire à de jeunes gens entre 10 et 19 ans. On va les suivre dans leur quête de richesse, de notoriété, mais surtout de pouvoir. Ils veulent devenir quelqu'un, inspirer la terreur, prouver leur appartenance aux clans mafieux à n'importe quel prix.

La violence, les armes à feu font partie intégrante de parcours initiatiques. Ils tuent froidement, implacablement, sans le moindre remords. Ça fait réellement peur, c'est choquant. Comment peut-on, à 10 - 12 ans porter une arme à feu et en faire usage avec une froideur déconcertante et un naturel choquant ?

L'auteur restitue parfaitement ces faits, ils ont tout à fait crédible. Il décrit avec une froideur implacable les mécanismes qui amènent de jeunes adolescents à franchir la limite du supportable, de l'entendable. Pourtant, tout cela semble bien réel. La fin est époustouflante, insupportable, d'une dureté implacable.

Le seul reproche que je ferai à l'auteur, c'est une certaine froideur, une distance par rapport aux faits décrits, aux personnages. Le récit manque d'empathie, il y a trop de distance. Mais peu-être, est ce une volonté de l'auteur qui veut montrer toute l'horreur de ces faits.

Ce livre reste un choc pour moi, je me suis pris une sacrée claque. Je ne peux que vous le conseiller mais pour un public averti. C'est mieux, il ne faut pas être trop sensible.
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Piranhas

Avec l'immense Gomorra, Roberto Saviano avait brisé l'omerta qui régnait en maître autour de la mafia napolitaine. Avec Extra-pure, c'est dans un voyage au coeur de l'économie de la cocaïne qu'il nous avait emmenés. Son dernier livre, premier roman traduit en français, est Piranhas dont le titre original est La paranza dei bambini.

Ce terme de paranza, nom qui désigne les chaluts de pêche qui vont prendre des poissons qu'on a trompés avec la lumière, est devenu le surnom des groupes de camorristes qui pullulent à Naples. La paranza dei bambini pourrait se traduire par escadron d'enfants ou encore gang des enfants, enfants âgés le plus souvent de 10 à 18 ans.

C'est encore une enquête mais cette fois, Roberto Saviano rentre dans la tête des personnages et les fait penser. Ces personnages et les faits rapportés sont imaginaires mais le milieu et la réalité sociale sont authentiques, comme l'auteur lui-même l'a confirmé.

Le roman se déroule à Naples, dans le quartier de Forcella, un des lieux les plus tristement célèbres de la vie mafieuse, au coeur de la ville. Il débute ainsi : Nicolas Fiorillo donne une leçon à un jeune Renatino qui a osé liker des photos de sa copine sur les réseaux sociaux, leçon choc qui nous laissera sous le choc nous aussi ! Ça débute fort !

Nous sommes face à une jeunesse shootée aux jeux vidéo et aux réseaux sociaux. Nicolas et sa bande de copains, pour éviter de vivre la vie miséreuse ou tout simplement ordinaire de leurs parents, veulent prendre en main leur destin et pour cela empruntent les chemins de la violence, des trafics, de la mafia.

Au départ, ils ne sont pas à la marge et pas non plus issus de familles mafieuses. Nicolas est même assez doué scolairement. Mais ils ont soif d'argent, ils veulent briller. Leurs valeurs sont l'argent mais surtout le pouvoir !

Ils commencent par sillonner les rues de Naples avec leurs scooters pour chaparder puis n'hésitent pas à menacer, racketter pour finalement flinguer. Leur souhait : occuper la place laissée vacante par les anciens mafieux.

Ils veulent vivre, vite, tout de suite, mourir jeune ne les effraie pas.

Piranhas, roman inspiré de la réalité, décrit un univers glaçant inspiré d'une logique qui s'apparente à celle qui gouverne notre société contemporaine.

Tout au long du bouquin, j'ai suivi ces jeunes en me laissant parfois attendrir par leur comportement alors que je pourrais qualifier leurs actes d'inimaginables. C'est un roman qui fait froid dans le dos et il semble quasiment impossible pour ces familles d'échapper à ce monstre qu'est la mafia et d'en préserver leurs enfants.


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Gomorra : Dans l'empire de la Camorra

Avant de commencer la lecture, malaise avec la photo de couverture (celle de Gallimard). Deux jeunes debout et en maillot de bain sur une plage font feu avec des kalachnikovs. Ils rient. Derrière eux, la mer. Effrayant et fascinant ! La critique de Zwyns ‘m’obligeait’ pourtant à le lire. ‘Dossier’ très fourni sur la mafia italienne. Les nombreux coups de poings sur la tronche oblige à lire autre chose pour reprendre son souffle, en l’occurrence pour moi Bukowki. Des tueries morbides et horribles qui se passent dans notre siècle. Je n’ai eu de cesse de me dire que je n’étais pas dans un roman, mais bien dans la réalité. Je salue bien bas l’énorme travail et courage de Roberto Saviano qui risque sa vie chaque jour. Je ne pourrais plus voir des vêtements de grandes marques sans écoeurement. Une des dernières parties est consacré à l’évacuation des ordures chimiques. Encore une horreur qui met l’être humain dans une rage folle. Récit effrayant et indispensable.



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Je suis toujours vivant

J'ai été attirée par ce roman graphique sur/de Roberto Saviano. Et quel titre ! "Je suis toujours vivant".

Néanmoins je feuillette. Waouh les dessins, les couleurs, j'adore ! Allez hop emprunté !

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Depuis "Gomorra" Roberto Saviano vit sous protection policière. Depuis 15 ans. 15 ans....

Ce livre raconte comment il en est arrivé à "Gomorra" et surtout son quotidien depuis 15 ans.

.

Lors d'un voyage en voiture, j'ai entendu à la radio un entretien avec lui. A la question "si vous pouviez revenir en arrière, écrireriez-vous Gomorra ?" Réponse directe sans aucune hésitation "non" suivie d'un long silence. C'est long un silence à la radio, pesant, glaçant, j'en ai eu un coup au coeur tant ce "non" résonnait.... Je m'attendais à un discours sur l'importance de dénoncer etc etc genre chevalier blanc. Pas du tout à ce "non". Ensuite il a rapidement décrit son quotidien : l'impossibilité de rencontrer une femme, ses amis, d'imaginer une famille, changer chaque soir de lieu pour dormir.... Et la peur qu'il a que cette vie soit la sienne jusqu'à la fin... Cette impossibilité d'imaginer que cela puisse durer....

Et là j'ai réalisé ce qu'était sa vie. Je l'ai trouvé honnête dans sa réponse, sincère et si courageux. Du coup j'ai lu le livre en question (Piranhas), j'avais déjà lu Gomorra.

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Cette BD décrit justement ce quotidien. Difficile d'imaginer ça, une prison pour un innocent qui a eu le malheur de dénoncer, avertir. Une vie consternante. Gâchée ?

Cet homme est très courageux.

La BD lui rend un bel hommage avec humour.
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Baiser féroce

Ce que j’ai ressenti:

🔹Effet Paranza🔹



Retour à Forcella. Je ne pouvais pas laisser le Baby-Gang à ses démons, sans poursuivre la lecture de leur folie de vengeance. Malgré le choc de Piranhas, j’étais impatiente de repartir vers l’Italie, pour essayer de comprendre ce phénomène de société inquiétant, qui gronde dans les rues de Naples. Maharaja est plus déterminé que jamais, à s’imposer, à mordre et embrasser férocement, toute la ville napolitaine. Il continue son règne de violence, avec une totale inconscience, un enfant-roi audacieux, prêt à arracher le pouvoir aux plus grands mafieux, à voler la vedette aux stars du Parrain, à se lancer dans des entreprises sombres…Avec sa bande, la Paranza dei Bambini , il va de plus en loin, dérivant au large, dans des eaux rougies et haineuses.



Or, on n’est un chef que si on n’a pas peur de la mort.



💋Par milliers, des baisers💋



C’est un livre qui se lit avec une certaine urgence…Une urgence de vie. Une urgence de mort. Une urgence à vivre plus intense, plus dangereuse, plus émotionnelle. Embrasser la vie avec tout ce qui l’anime. Ces jeunes n’ont pas le temps de vivre, ils ont tout à prendre, tout à donner aussi, même leur jeunesse, même leurs vies si courtes…La mort est un capital et le ciel leur seule limite…Et bien sûr, les grands requins de la mafia en profitent, en embrassant leurs audaces, leurs risques, leurs dévouements. J’ai été saisie d’effroi, d’amour, de tristesse pour cette Paranza. J’aurai voulu leur donner des milliers de baisers de tendresse pour enrayer le règne de férocité et cette jeunesse décimée. Naples rugit d’amour et de désespoir, quand les enfants tombent. Roberto Saviano nous touche au cœur et tape dans le mille, avec sa plume alerte et ses mots bang-bang.



« Je ne veux pas un baiser sur les lèvres qui dit que tu m’aimes bien. Je veux le baiser féroce qui dit tout. Absolument tout.«



❤️Italie, terre de passions❤️



C’est un roman palpitant. Un diptyque troublant. Un cri d’alarme. Une réalité effrayante. Deux uppercut littéraire. Une résistance que l’on ressent dans tous les instants. Les mots peuvent parfois blesser, heurter, émouvoir et Roberto Saviono m’aura captivée, à l’italienne. C’est un éclat de vie aussi furtif qu’éblouissant, aussi sanglant que luminescent. Tout vibre dans ses pages: les mots, les émotions, la jeunesse…Ce fut une lecture bouillonnante et tragique. Une cavale ultime. Je laisse des tonnes de palpitations dans ce ressenti, un petit morceau de mon cœur, pour ces enfants perdus dans le sang et le pouvoir illusoire.



Je t’embrasse Naples, de tout mon cœur. Puisse la Madone protéger, tes enfants…



« On ne tue pas les anges. »







Ma note Plaisir de Lecture 9/10
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Piranhas

Roberto Saviano , c'est Gomorra, sublime récit qui lui vaut une protection policière à vie. Après un détour dans la blanche mexicaine, il revient avec un roman à sa ville, Naples.

Dans le quartier de Forcella, une bande de petits cons décide d'être califes à la place du calife. Beaucoup de camorristes sont en prison , la place semble libre, il est donc temps, du haut de leur 16 ans , pour ces jeunes de monter une "paranza",une bande criminelle organisée. Nicolas , le chef, alias Maharaja est prêt à tout pour ne pas avoir la vie de merde de ses parents.



Il y a deux volets dans ce livre. Tout d'abord , l'intrigue . Bon, les jeunes , ils sont sans foi ni loi, ne respectent rien, les vieux vont s'énerver, ils vont aller trop loin, ça va mal finir... ou pas . L'écriture n'est pas hors du commun, mais ça se lit bien . Une bonne petite fiction.



Sauf que ce n'est pas une fiction. Saviano est un expert en "camorra" et il s'appuie sur les phénomènes des Baby Gang pour écrire son livre.

Contrairement à la mafia sicilienne, très hiérarchisée, à Naples , la rue est découpée en secteur tenu par différentes organisations. Bien évidemment, certains veulent agrandir leur territoire, ce qui passe par le sang, et il y en a un peu dans ce bouquin. Depuis quelques temps, les très jeunes ados se mettent dans la partie. Influencés par le net, les séries sur la mafia , jaloux du train de vie des mafieux, rejetés par l'école te le système , ils plongent très tôt dans la criminalité sans respecter la moindre règle.

C'est en ce sens que l'étude du gang de Forcella (plein centre de Naples) est intéressante. La construction de cette paranza est , faisons confiance aux connaissances de Saviano, sans doute calquée sur la réalité. Elle fait peur.

Le livre a été adapté à l'écran et le réaliseur disait à juste titre sans doute:

"Plus qu'un film sur Naples ou sur l'Italie, il s'agit d'un film sur l'adolescence en Occident. Naples est un lieu où l'Etat, les institutions, l'éducation et la famille sont très lointains. Le choix criminel apparaît comme un choix évident, facile. Plus que de pessimisme ou d'optimisme, il s'agit de raconter une réalité et à travers cette réalité, de raconter une humanité. "



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