Citations de Robertson Davies (51)
Le mal n'est pas quelque chose que l'on fait : c'est quelque chose que l'on est et qui contamine tout ce qu'on fait.
- J'ai l'impression que ces appartements n'ont jamais été nettoyés, dit McVarish. Votre oncle avait la phobie des femmes de ménage. Je me souviens qu'il disait : "Vous avez vu les ruines de l'Acropole? Des pyramides? De Stonehenge? Du Colisée de Rome? Qui les a mis dans cet état? Des imbéciles vous affirmeront que c'étaient des armées d'invasion ou l'effet d'érosion du temps. Pas du tout! C'étaient des femmes de ménage!" Selon lui, celles-ci employaient des chiffons à poussière garnis de boutons pour fouetter tout ce qui pouvait avoir une surface délicate.
Le Canada a besoin de fantômes, comme une sorte de supplément alimentaire, de vitamine, pour se préserver de cette infâme maladie moderne, la rachitisme de la raison.
L'édifice du collège Massey est magnifique, et rien ne sied mieux à une belle architecture que le parfum du passé et le délicat arôme de l'étrange.
Je ne saurais dir epourquoi un édifice neuf, dans un pays neuf - ou, en tous cas, un pays qui prétend être neuf alors qu'il est en fait extrêmement ancien - est touché à ce point par ce que les sociologues de l'université appellent la «densité spectrale». Selon moi, cela tient sans doute au fait que tout le monde ici, doctorants et professeurs, réfléchit avec tant de concentration à des problèmes intellectuels. La nature recherche toujours l'équilibre [...]
Ou alors, tout simplement, il y a une crise du logement dans l'au-delà, parallèle à celle que nous connaissons ici-bas. Nous savons tous la vitesse inquiétante à laquelle s'accroît la population de la Terre.
Quand j'étais enfant, Mère me disait souvent, et surtout le jour de la Fête Nationale, que je devais aimer le Canada. Mais je ne pouvais pas aimer le Canada, bien que je m'y sois appliqué de mon mieux jusqu'à mes quatorze ans. On n'aime pas le Canada, on en fait partie, voilà tout.
De même que pour Calvin l’humanité est divisée entre élus, choisis pour être sauvés. et réprouvés, de même pour moi le savoir l’est également : il y a ceux auxquels il vient naturellement et ceux qui doivent peiner pour l’acquérir. Avec les élus du savoir, on a moins l’impression de leur apprendre quelque chose que de leur rappeler des connaissances qu’ils ont déjà.
(Points, p.62)
Nous sommes enclins à penser que le savoir humain est en progrès constant ; parce que nous en savons de plus en plus, nous croyons que nos parents et nos grands-parents ne sont plus dans le coup. Mais on pourrait avancer la théorie contraire, dire que nous connaissons simplement des choses différentes à des périodes différentes et de manière différente. Ce qui jette un jour nouveau sur la mythologie : les mythes ne sont pas morts, ils ne sont que compris et appliqués différemment.
(Points, p.229)
Je n'ai jamais été aussi abasourdi de ma vie qu'au moment où le Flaireur sortit l'arme dissimulée dans son fourreau et m'expédia au tapis, raide mort.
Comment ai-je su que j'étais mort? Il me semble que j'ai repris connaissance tout de suite après le coup et entendu le Flaireur chevroter: "Il est mort! Mon Dieu, je l'ai tué!" Ma femme, agenouillée près de moi, l'oreille sur mon coeur, cherchait mon pouls; elle dit, avec ce qui me parut en l'occurrence un flegme exceptionnel: "Eh oui, tu l'as tué."
Personne ne lit jamais deux fois le même livre.
"A happy childhood has spoiled many a promising life."
- C'est exactement ainsi que je me le rappelle! s'écria la princesse. Légèrement sulfureux. Irrésistible. Et byronien.
- Sur ses vieux jours, [Francis Cornish] était devenu un excentrique négligé qui marchait en traînant les pieds, dit Darcourt. Quelqu'un d'aimable quand vous le connaissiez, mais on était loin du beau ténébreux.
- Ça vous étonne? répliqua Thresher. Comment aurait été Byron s'il avait atteint la vieillesse? Conservateur, obèse, chauve et terriblement dyspepsique. Probablement un misogyne aigri. Ces héros romantiques ont intérêt à mourir jeunes. Ils ne sont pas destinés à "faire de l'usage".
Dans ce pays [les E-U.] et dans le mien [le Canada], j'ai connu trop d'étudiants diplômés qui, à peine dotés du parchemin qui garantit leur intelligence, entreposent leur cerveau dans une chambre froide et ne s'en servent plus jusqu'au jour où on les conduit au cimetière.
Dieu est subtil mais il n'est pas cruel.
Je connais trop bien les jeunes pour faire du sentiment en parlant d'eux. Moi-même j'ai été un garçon et je sais par conséquent de quoi il retourne : un garçon est soit un imbécile, soit un homme emprisonné qui cherche à s'évader.
"(...) Je me demandais toujours pourquoi ils écrivaient ainsi, et chaque fois que j'en découvrais la raison, je mettais le doigt sur l'épouvantable prose qu'ils lisaient et sur leur façon de la lire. Ils admiraient de la camelote, et en aucune façon ils ne paraissaient voir à quel point, ce faisant, ils se ratatinaient l'esprit et réduisaient leurs capacités d'expression. (...)"
Robertson Davies, Lire et écrire, 1992, Leméac (traduction de Dominique Issenhuth, 1999), p. 9.
Le mal n'est pas quelque chose que l'on fait : c'est quelque chose que l'on est et qui contamine tout ce qu'on fait.
Ce ne sont pas d’ennuyeuses manifestations de la conscience morale, comme les anges gardiens, qui vous incitent toujours à une vertu d’école du dimanche, à être sage comme une image… Non, il s’agit de la conscience artistique qui vous fournit de l’énergie supplémentaire quand vous en avez besoin et attire votre attention sur ce qui ne va pas. Elle n’est pas liée à ce que les chrétiens considèrent comme le bien, mais à votre destin. Elle est le joker de votre jeu de cartes. Votre atout suprême qui domine tous les autres !
La science est la théologie de notre temps. Or, comme les vieux dogmes, c’est un fouillis d’affirmations contradictoires. Ce qui me met vraiment en boule, c’est ce vocabulaire indigent, ces images pâles qu’elle offre à notre foi et à notre édification, à nous, humbles profanes.
Je ne joue pas aux cartes, c’est vrai, mais je suis théologien – un bon théologien, qui plus est. Par conséquent, mon idée des enjeux est différente de celle qu’en a un banquier comme vous. Certes, tout le monde reçoit certaines cartes, mais de temps en temps, nous avons l’occasion d’en tirer une autre, et celle-ci peut tout changer.