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3.13/5 (sur 18 notes)

Nationalité : Argentine
Né(e) à : Buenos Aires , le 15/07/1941
Mort(e) à : Buenos Aires , le 21/08/2010
Biographie :

Rodolfo Enrique Fogwill (né en 1941 à Buenos Aires, où il meurt le 21 août 2010), qui signe de son seul nom de famille, Fogwill, est un sociologue argentin, nouvelliste, poète et romancier.

Fogwill a été professeur à l'université de Buenos Aires, éditeur d'une collection de livres de poésie, essayiste, et chroniqueur spécialisé dans les sujets de communication, la littérature et la politique culturelle. Il a également dirigé des entreprises de publicité et de marketing. Il débute en tant qu'auteur par la poésie.


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Citations et extraits (9) Ajouter une citation
La brebis va d'un côté et de l'autre. Elle flaire nerveusement. Elle sent qu'il y a un bipède pas loin. Elle a une petite idée : "Celui-là il va me baiser, me tondre ou m'égorger pour me bouffer." Elle a peur. Elle prend un air dégagé. Marche doucement dans le sens du vent. Elle broute un ou deux brins d'herbe pour donner le change, pour qu'on ne remarque pas qu'elle s'éloigne. Elle lève son museau contre le vent. Elle flaire. A cent mètres, avant que la nuit tombe, l'humain la voit flairer. Elle, elle mâchonne deux ou trois brins de plus, toujours mine de rien, jusqu'à ce que, tout à coup, elle estime qu'elle est suffisamment à distance et elle se met à courir.
Là dans les îles, les brebis et les moutons courent plus vite que les chiens et font de sacrés bonds. Ils sautent par-dessus une clôture comme un rien, hop !... De loin, l'humain les regarde et se dit : "quel idiot, cet animal, tout ce qu'il sait faire c'est sa tailler !' Et il reste à le regarder, pour regarder quelque chose, faute d'une autre distraction en attendant qu'il fasse bien nuit pour retourner au refuge et soudain l'éclair : bzzz ! Ce qu'il s'est passé c'est qu'il y avait une mine sous le mouton et quand il l'a frôlée ça a été comme si le soleil surgissait, une lumière énorme ! A ce moment on pouvait le voir encore suspendu dans les airs, le mouton. En l'air, il rétracte ses pattes, lève la tête et regarde derrière en tordant son cou qui devient comme celui d'une fière girafe, il s'envole haut dans les airs et explose juste quand l'homme entend le bruit de la mine, cette explosion que le mouton a dû entendre le premier. Il commence seulement à se démembrer : la tête d'un côté, une patte de l'autre, la cage thoracique à la laine roussie d'un autre, et le dos - la toison du dos c'est ce qui a été le moins brûlé par l'éclair - tout léger sans mouton flotte dans les airs comme un manteau sans propriétaire et retombe sur le sol un peu plus tard que les autres morceaux.
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La peur, la peur c’est pas toujours pareil. La peur change. Il y a peur et peur. La peur de quelque chose – d’une patrouille que tu peux croiser, d’une balle perdue – c’est une chose, mais la peur continue toujours là, qui traîne partout, c’en est une autre. Tu trimballes cette peur, naturelle, constante, tu grimpes péniblement la côte, tu es à bout de souffle, chargé de bidons et de sacs, et une patrouille surgit, et par-dessus la peur que tu trimballes apparaît une autre peur, une peur forte mais toute fine comme un petit clou planté au centre de la blessure… Il y a deux peurs : la peur de quelque chose et la peur de la peur, celle que tu traînes toujours avec toi et dont tu ne pourras jamais te débarrasser à partir du moment où elle s’est installée.
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Il rêva qu’il baisait une brebis. Certains – disait-on – avaient baisé avec des brebis, des juments et même des ânesses. Lui rêva de brebis. Il se réveilla en pensant à ce qu’on disait de Rubione : que ceux du Quartier général l’avaient mis au cachot, dans le froid, parce qu’ils l’avaient surpris en train d’essayer d’attraper une brebis pour forniquer.
- Envie de baiser, commenta-t-il à son réveil.
- C’est d’avoir marché dans le froid, dit l’Ingénieur. T’arrives au chaud et ça te donne envie de baiser.
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En sortant ils eurent l'impression d'entendre le bourdonnement d'avions à hélice. Après, plus rien. Juste du vent - un peu de vent - et parfois une rafale de neige. Après une journée sans sortir, marcher est difficile. Mais c'est mieux : après avoir passé du temps au chaud l'homme supporte mieux le froid. Quand on sort d'une telle chaleur comme il faisait dans le conduit à côté du poêle, on sent le froid, on souffre, on a du mal à s'y habituer : le froid mord, l'air est comme du verre et quand on veut respirer on a l'impression qu'il ne va pas entrer. Mais celui qui a passé une journée entière dans le froid sait que ceux qui viennent de la chaleur peuvent marcher, bouger et grimper sur la montagne alors que lui n'en peut plus, parce que celui qui a longtemps été dans le froid veut juste être tranquille, rester dans le froid en grelottant et se laisser geler jusqu'à ce que toute douleur disparaisse et que mort s'en suive.
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L'odeur du mouton qui a sauté sur une mine est la même que celle du bipède qui a sauté sur une mine ; une odeur d'abattoir au dépeçage quand les ouvriers travaillent le ventre pour prélever les abats.
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La poudre chimique. Dans ces putains d’îles plus un seul flacon de poudre chimique. Pourquoi ils l’ont gaspillée ? Ils l’ont gaspillée, ils l’ont oubliée, il ne reste plus un seul putain de pot de poudre chimique !
Ni les Anglais ni les autochtones, ni la marine ni l’armée de l’air ni le quartier général ou la police militaire n’ont le plus misérable petit flacon de poudre, si indispensable. Il n’y en a pas, personne n’en a.
Avec de la poudre chimique et un sol en terre, quand quelqu’un chie – quand deux, trois, quatre ou cinq chient -, la merde sèche, il n’y a pas d’odeur, elle s’agglutine et se tasse et le lendemain on peut la sortir avec les mains sans être dégoûté, comme si c’était de la pierre ou de la crotte d’oiseau.
C’est comme ça qu’ils chiaient avant, jusqu’à ce que la réserve s’épuise. Où peut-on en trouver ? Un jerrican, dix paquets de cigarettes, trente rations ! N’importe quoi contre un pot de poudre chimique même ouvert et à moitié humide ! Mais rien. Sans poudre chimique il faut aller chier dehors, dans le froid, la nuit, pour que personne ne repère l’entrée du toboggan. Certains peuvent y aller, d’autres non. Il y en a qui tiennent dix jours sans chier. Trois, quatre, cinq jours pour d’autres, et certains ont chié de jour, en attendant la nuit, loin, de retour d’une mission quelconque.
Chier de jour, c’était risquer d’être repéré et abattu. Il y en a toujours un prêt à te mettre en joue sans avoir reçu d’ordre s’il aperçoit quelqu’un tout seul en train de chier. Mais chier la nuit par moins huit c’est l’enfer à l’envers.
Se chier dessus ! Celui qui chie sur lui pue et s’irrite la peau. Il empeste tout le monde. La peau peut s’infecter et donner de la fièvre. Le pire c’est d’être irrité, puant, infecté, fiévreux et insulté par les autres à cause de l’odeur qui se dégage des vêtements.
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Ils disaient :
- Qu'est-ce que tu voudrais, toi ?
- Baiser.
- Dormir.
- Prendre un bain.
- Etre à la maison.
- Dormir dans des draps blancs, propres.
- Baiser.
- Bien manger... T'imagines une petite grillade...
- Voir mes vieux.
Ils n'en croyaient pas leurs oreilles. Ils ont demandé confirmation :
- Tes vieux ?
- Oui, et baiser et prendre un bain, ajouta celui des vieux sûrement pour ne pas avoir honte.
- Toi, Tano ?
- Dormir dans un lit propre.
- Et toi ?
- Moi être bien, loin, avoir chaud.
Avoir chaud tout le monde était d'accord. L'un dit :
- Baiser et être Brésilien.
- Quoi, noir ?
- N'importe quelle couleur. Mais Brésilien !
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- Ça peu pas être autant..., dit le Turc.
- Tais-toi, le Turc, dit Luciani. Toi, tu t'y connais pour ce qui est de commander, de vendre et d'acheter, Mais tu sais foutre rien de tout ça, alors ferme-la !
Le Turc se tut. Il était comme ça : quand c'était dans ses cordes, il commandait, quand il ne savait pas, il savait se taire.
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Il ne déjeuna pas, se contenta d’avaler un biscuit et deux bananes en attendant que le café filtre dans la machine. Il fuma peu et passa l’après-midi dans la petite pièce qu’il avait aménagée en bibliothèque. Il ne voulait voir ni ses peintures ni le désordre qui régnait dans son atelier, à l’étage. Il avait besoin de réfléchir et de faire les cent pas entre le bureau et les étagères en compulsant les livres qu’il connaissait si bien et dont il regardait à présent les images en tâchant de s’imaginer comment l’idée de son ami écrivain avait concouru aux projets des grands maîtres, y compris de nombreux classiques orientaux. Entre les pages d’un ouvrage sur les croquis de Picasso, il trouva la photocopie d’un récit d’Albero où l’on demandait au vieil homme, sans doute plus jeune que lui à l’époque : « Que cherchez-vous lorsque vous peignez ? », lui tendant ainsi la perche pour lui permettre de répondre avec grandiloquence : « Moi, je ne cherche pas ; je trouve. » Évidemment, à un moment donné, tout artiste doit se définir par une phrase inoubliable.
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