En vue de Naples, je redescendis vers 1500 mètres. Je survolai le Vésuve en pensant : je suis le premier homme qui le voit ainsi. Des gaz sulfurés flottaient dans l'air, mon regard fouilla le terrible entonnoir, qui me semblait petit comme si j'avais pu y découvrir un secret. Au centre, une fumée blanche s'épanchait lentement.
L'appareil fut prêt le samedi matin. A 5 heures, profitant d'un temps superbe, je réussis un brillant essai. Je ne volais que 5 minutes - pour ménager le moteur - à 30 ou 40 mètres de haut, avec des virages et un atterrissage que n'eût pas désavoué Santos lui-même...Et la Demoiselle fut aussitôt enfermée dans son hangar, avec les soins dus à un objet précieux.
Le second drame fut - le dernier jour du meeting - l'historique assassinat de Sarajevo.
Ce crime qui mettait officiellement l'empire en deuil, ne semblait pas atteindre beaucoup de sentiments profonds. Le couple disparu n'était pas populaire. On n' exprimait de tristesse sincère qu'à l'égard du vieil Empereur, si souvent frappé dans son coeur d'homme.
Et il ne vint jamais à l'idée d'aucun de nous que cet événement quasi indifférent à la masse, était l'étincelle qui mettrait l'Europe en feu.
Mexico est resté le meilleur souvenir de notre voyage.
Dès l'arrivée ce fut un ravissement.Dans ce cadre d'élégance latine, parfumé d'exotisme, nous nous sentîmes revivre.
Le vol était devenu plus qu'une passion : un besoin. Il m'absorbait tout entier et je ne m'en privais pas sans en ressentir comme un déséquilibre physique.
Notre arrivée à la Nouvelle-Orléans fut une grande joie.Depuis New York, nous n'avions pas rencontré de séjour sympathique.Les cités du Texas, surgies de terre en quelques années sont d'immenses marchés.Tout y était sacrifié aux affaires, rien à l'agrément.
New Orleans au contraire avait un air de fête.Un tiers de la population parlait plus ou moins le français.
C'est le même soir qu'un aimable voisin de table ne voulut pas me quitter sans me laisser sa carte.Elle portait ces mots:
A.DURAND
Pierres et monuments funéraires
Il ajouta, avec un sourire charmant :
-Si je peux vous être utile.
C'était tout à fait dans notre ton.
J'observais ce jour-là pour la première fois le phénomène de transparence qui permet de voir le fond de la mer, lorsqu'elle est calme. Ce fut aussi la première fois que j'eus assez de liberté d'esprit pour admirer la Côte d'Emeraude, vue du ciel par une belle journée d'été.
Tunis-Rome, autrement dit Carthage-Rome n'était-ce pas une jolie chose à faire en aéroplane ?
Dès le plus jeune âge j'ai souvent rêvé qu'il m'était donné de voler, sans machine, avec les seules ressources de mon corps.