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Citation de Philippe-rodolphe


Il la suivit jusqu'au bar. Elle donna des ordres aux boys qui s'affairèrent autour de de Vries. Puis ils demeurèrent un moment sans se parler. Appuyée contre le mur, les bras croisés, elle le regardait gravement. Il baissait la tête, tournant et retournant son verre sur le comptoir. Elle attendait, tranquille, avec une assurance extraordinaire, et il lutta un moment contre cet appel muet. […]
Il sourit et se mit à lui parler doucement, gentiment, un peu comme on parle aux enfants. Il ne lui dit ni qui il était, ni d'où il venait, mais lui parla des éléphants, comme si c'était la seule chose qui comptait. C'était par dizaines de milliers, dit-il, que les éléphants étaient abattus chaque année en Afrique – trente mille, l'année dernière – et il était décidé à tout faire pour empêcher ces crimes de continuer. Voilà pourquoi il était venu au Tchad : il avait entrepris une campagne pour la défense des éléphants. Tous ceux qui ont vu ces bêtes magnifiques en marche à travers les derniers grands espaces libres du monde savent qu'il y a là une dimension de vie à sauver. La conférence pour la protection de la faune africaine allait se réunir bientôt au Congo et il était prêt à remuer ciel et terre pour obtenir les mesures nécessaires. Il savait bien que les troupeaux n'étaient pas menacés uniquement par les chasseurs – il y avait aussi le déboisement, la multiplication des terres cultivées, le progrès, quoi ! Mais la chasse était évidemment ce qu'il y avait de plus ignoble et c'était par là qu'il fallait commencer. Savait-elle par exemple qu'un éléphant tombé dans un piège agonisait souvent, empalé sur des pieux, pendant des jours et des jours ? Que la chasse au feu était encore pratiquée par les indigènes sur une large échelle et qu'il lui était arrivé de tomber sur les carcasses de six éléphanteaux victimes d'un feu auquel les bêtes adultes avaient pu échapper grâce à leur taille et à leur rapidité ? Et savait-elle que des troupeaux entiers d'éléphants s'échappaient quelquefois de la savane enflammée brûlés jusqu'au ventre et qu'ils souffraient pendant des semaines ? - il avait entendu pendant des nuits entières les cris de ces bêtes blessées. Savait-elle que la contrebande de l'ivoire était pratiquée sur une grande échelle par les marchands arabes et asiatiques qui poussaient les tribus au braconnage ? Des milliers de tonnes d'ivoire vendues chaque année à Hong-Kong… Trente mille éléphants par an – pouvait-on réfléchir un instant à ce que cela représente sans avoir envie de saisir un fusil pour se mettre du côté des survivants ? Savait-elle qu'un homme comme Haas, fournisseur choyé de la plupart des grands zoos, voyait crever sous ses yeux au moins la moitié des éléphanteaux qu'il capturait ? Les indigènes, eux, au moins avaient des excuses : il n'y avait pas assez de protéines dans leur régime alimentaire. Ils abattaient les éléphants pour les manger. C'était, pour eux, de la viande. La préservation des éléphants exigeait donc, en premier lieu, l'élévation du niveau de vie en Afrique, condition préalable de toute campagne sérieuse pour la protection de la nature. Mais les blancs ? La chasse « sportive » - pour la « beauté » du coup de fusil ?
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