Citations de Romain Gary (5281)
Il y a toujours chez les Noirs une gêne au rappel à leurs origines, à cause de la jungle, des singes et des racistes. Il n'existe pas de race inférieure, car à l'impossible nul n'est tenu.
Je sais également qu'il existe des amours réciproques, mais je ne prétends pas au luxe. Quelqu'un à aimer, c'est de première nécessité
Par exemple, elle (la société) ferme les bordels, pour fermer les yeux. C'est ce que l'on appelle morale, bonnes mœurs, et suppression de la prostitution par voies urinaires, afin que la prostitution authentique et noble, celle qui ne se sert pas du cul mais des principes, des idées, du parlement, de la grandeur, de l'espoir, du peuple, puisse continuer par voies officielles.
Il n'y a pas de démocratie, de valeurs concevables sans cette épreuve de l'irrespect, de la parodie, cette agression par la moquerie que la faiblesse fait constamment subir à la puissance pour s'assurer que celle-ci demeure humaine.
Elle me regardait gravement
- Toi, tu vas m'aimer, me disait-elle, et je sentais encore sur la joue le baiser qui accompagnait cette révélation de ma raison d'être.
L'aide américaine vous portait incontestablement malheur, et pourtant il était difficile de s'en passer.
Il se ment. Il sait que Ballard n'a pas déserté par refus de la guerre et que le Viêt-nam, il s'en fout. Il a déserté pour être avec une fille qu'il aimait, et parce qu'il avait horreur de la contrainte, de l'armée, de la discipline, des chefs, des armes à feu,de la violence, de marcher au pas, du salut au drapeau, il a déserté parce qu'il était un jeune de son temps, c'est-à-dire un insoumis, un garçon qui ne pouvait plus accepter de charger sur ses épaules le poids mort des traditions pourries.
- C'est là que je viens me cacher quand j'ai peur
- Peur de quoi, Madame Rosa ?
- C'est pas nécessaire d'avoir des raisons pour avoir peur, Momo
ça j'ai jamais oublié, parce que c'est la chose la plus vraie que j'ai jamais entendue.
Elle ne voulait pas entendre parler de l'hôpital où ils vous font mourir jusqu'au bout au lieu de vous faire une piqure. Elle disait qu'en France on était contre la mort douce et qu'on vous forçait à vivre tant que vous étiez encore capable d'en baver.
Les hirondelles de mer atterrissent parfois si près, que je retiens mon souffle et que mon vieux besoin s'éveille et remue en moi : encore un peu, et elles vont se poser sur mon visage, se blottir dans mon cou et dans mes bras, me recouvrir tout entier...
Ma mère avait besoin de merveilleux. Elle rêva toute sa vie de quelque démonstration souveraine et absolue, d'un coup de baguette magique, qui confondrait les incrédules et les narquois, et viendrait faire régner partout la justice sur les humbles et les démunis.
J'ai gagné beaucoup de batailles dans ma vie,mais j'ai mis beaucoup de temps à me faire à l'idée qu'on a beau gagner des batailles ,on ne peut pas gagner la guerre.
p.182 "Ils vont me faire vivre de force, Momo. C'est ce qu'ils font toujours à l'hôpital, ils ont des lois pour ça. Je ne veux pas vivre plus que nécessaire. Il y a une limite, même pour les Juifs. Ils vont me faire subir des sévices pour m'empêcher de mourir, ils ont un truc qui s'appelle l'Ordre des médecins qui est exprès pour ça. Ils vous en font baver jusqu'au bout et ils ne veulent pas vous donner le droit de mourir, parce que ça fait des privilégiés. J'avais un ami qui n'était même pas juif mais qui n'avait ni bras ni jambes, à cause d'un accident, et qu'ils ont fait souffrir encore dix ans à l'hôpital pour étudier sa circulation. Momo, je ne veux pas vivre uniquement parce que c'est la médecine qui l'exige. Je sais que je perds la tête et je veux pas vivre des années dans le coma pour faire honneur à la médecine."
La frigidité, c'est lorsque la morale et la psychologie couchent ensemble.
Aux enfants de huit ans qui seraient parvenus à ce point de mon récit, et qui auraient vécu, comme moi, leur plus grand amour prématurément, je voudrais donner ici quelques conseils pratiques. Je suppose qu'ils souffrent tous du froid, comme moi, et qu'ils passent de longues heures au soleil, à essayer de retrouver quelques chose de la chaleur qu'ils ont connue. De longs séjours sous les tropiques sont aussi recommandés. Un bon feu de cheminée n'est pas à négliger et l'alcool peut être d'un certain secours. Je leur recommande également la solution d'un autre enfant de huit ans de mes amis, également fils unique, qui est ambassadeur de son pays quelque part dans le monde. Il s'est fait fabriquer un pyjama chauffé électriquement et il dort sous une couverture et sur un matelas électriquement chauffés. C'est à essayer. Je ne dis pas que cela vous fait oublier l'amour maternel, mais c'est tout de même bon à prendre.
"Certes, il m'est arrivé de tuer des hommes, pour obéir à la convention unanime et sacré du moment, mais ce fut toujours sans entrain, sans une véritable inspiration. Aucune cause ne me paraît assez juste, et le cœur n'y est pas. Lorsqu'il s'agit de tuer mes semblables, je ne suis pas assez poète. Je ne sais pas y mettre la sauce, je ne sais pas entamer un hymne de haine sacrée et je tue sans panache, bêtement, puisqu'il le faut absolument."
Mon avis sur ce passage :
Si ça, ce n'est pas de l'humour noir, du grand cynisme ou/et de la provocation pure et simple, alors qu'est-ce que c'est ?
C'était assez clair.
J'étais atteint de complexe de castration, de complexe fécal, de tendances nécrophiliques, et de je ne sais combien d'autres petits travers, à l'exception du complexe d’œdipe, je me demande bien pourquoi.
Pour la première fois, je sentis que j'étais "devenu quelqu'un", et que je commençais enfin à justifier les espoirs et la confiance que ma mère avait placés en moi.
Je t'aime, mais ce n'est pas la fin de tout. Je ne veux pas devenir ta moitié. Tu connais cette affreuse expression ? "Où est ma moitié ?" " Vous n'avez pas vu ma moitié ?" Je veux, lorsque je te rencontrerai dans cinq, dix ans, avoir un coup au cœur. Mais si tu rentres à la maison chaque soir, pendant des années, il n'y aura plus de coup au cœur, il n'y aura plus que des sonnettes...
Il fait nuit et je le dis comme je le pense enroulé intérieurement en moi-même là où ça chante avec danses populaires, flûtes, coquelicots et sourires d'amitié. Dans le noir, on peut se permettre. On disait jadis que les murs ont des oreilles qui vous écoutent, mais ce n'est pas vrai, les murs s'en foutent complètement, ils sont là, c'est tout.
De mon temps, par exemple, une jeune femme vous demandait avec tact pour suggérer : "Je te lave, mon chéri, ou tu le fais toi-même ?" et ça se passait debout, au-dessus du lavabo, elle vous savonnait la verge et vous l'amusait en même temps, pour l'accélérer. C'était très rare qu'elle vous lave le cul d'autorité, c'était pour les privilégiés. Maintenant, c'est l'hygiène avant tout, parce que ça fait assistante sociale et prise de conscience. Elle vous fait asseoir sur le bidet et vous lave le cul d'office, parce que le niveau de vie est monté et c'est accessible à tous. Vous pouvez vous informer : c'est venu seulement il y a quinze, vingt ans, avec l'accessibilité générale de tous aux fruits du travail et de l'expansion. Avant, jamais une pute ne vous savonnait l'anus. C'était exceptionnel, pour les connaisseurs. Maintenant, tout le monde est connaisseur, on sait tout, à cause de la publicité, on sait ce qui est bon. La publicité met la marchandise en valeur. Le luxe, la feuille de rose, c'est devenu de première nécessité. Les filles savent que le client exige la feuille de rose, qu'il est au courant de la marchandise, de ses droits.