Encore cette politique. Toujours la politique ! Chacun disait du mal des autres, tout le monde était l’ennemi de tout le monde. Ils se traînaient dans la boue, etc. Et comment vivre normalement après ça, construire quelque chose ? Papa avait raison de le dire, mais il ne faisait pas mieux… Il ne pouvait pas rejoindre un groupe, parce qu’il voyait avant tout les défauts de chacun. Et c’était partout comme ça, chez tout le monde.
–Depuis vingt, vingt-cinq ans, on en a eu tant, de chefs. Et des vrais. Et où sont-ils maintenant ? Qui s’en souvient ? Ils viennent radoter de temps en temps sur L’Écho de Moscou °, rien de plus. Mais ce ne sont pas les chefs qui gouvernent. C’est on ne sait qui, venu d’on ne sait où. Et qui est là pour longtemps. Notre génération ne verra sans doute pas autre chose.
(°Seule radio d’opposition en Russie, sur laquelle s’expriment diverses opinions (de bords différents), et qui relate tous les événements liés à l’opposition, dont on ne parle presque jamais sur les radios ou télévisions d’État.)
En vivant comme elle à Moscou, on n’avait pas l’impression que quelque chose pouvait arriver. Enfin, que la Russie était au bord du naufrage. Les gens s’habillaient de mieux en mieux, roulaient dans des voitures de plus en plus chères, la ville était de plus en plus propre, il y avait même moins de SDF et de mendiants depuis quelque temps.......Leur famille… Elle vivait mieux qu’avant, aussi. Dacha se souvenait que quelques années plus tôt, parfois, ils manquaient d’argent même pour la nourriture, alors que maintenant ils avaient une petite réserve. Ce qui n’empêchait pas maman d’être de temps en temps prise de panique à l’idée qu’ils accumulaient les dettes sur les charges de l’appartement et qu’on pourrait le leur enlever, qu’ils n’avaient pas d’argent pour acheter une veste à Nastia, qu’elle ne pouvait pas s’acheter de bottines depuis des années, que papa n’avait pas de bottes d’hiver, qu’il était toute l’année en chaussures… Elle en pleurait parfois, elle se fâchait presque avec papa, mais ils finissaient par admettre qu’il valait mieux vivre ainsi, presque pauvres, que de rejoindre le système, participer au pillage du pays…
A une époque, Eltychev s’etait posé beaucoup de questions sur la mort. Comment pouvait-on marcher, voir, entendre, penser, être ( semble-t-il) capable de tout faire, et soudain cesser d’exister ? Et hop, les ténèbres , un vide absolu.On n’a plus rien, on n’est plus rien. Rien qu’un morceau de chair avec des os, qu’il faut se dépêcher d’enterrer.
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Ziouganov a dit que ceux qui ont volé des voix étaient coupables de crime contre l’État, racontait tonton Serioja. Il a promis qu’ils devraient en répondre. Goudkov a appelé à s’unir… C’était courageux, juste sous les murs du Kremlin, et il y avait pas mal de monde. Mais c’était comme de prêcher dans le désert…
( Élections 2012)
Les décennies de bien-être, les décennies sans guerre, étaient comme des lacunes dans l'Histoire. Des gens avaient vécu, et alors ? ...
Le carfard rôdait autour d'eux et, à la première occasion, dès qu'ils rêvassaient, se laissaient aller à leurs souvenirs, il fondait sur eux, les étouffait, les vidait du peu d'énergie qui leur restait
Impossible de comprendre à quel moment la jeune fille à laquelle il restait littéralement scotché avait été remplacée par cet être ordinaire, indispensable, mais inintéressant. Sa femme
Artiom l'avait invitée à danser, elle s'était étonnée un instant, mais cet étonnement contenait déjà son consentement, et son consentement à plus encore
[.] la journée passait, inutile, superflue, fatigante. Chaque mouvement provoquait, non de la douleur, mais, pire encore, une '''nausée'''. [.] Pas la maladie, pas la faiblesse du corps, mais cette '''nausée'''. page 232.