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Critiques de Sana Krasikov (52)
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Les patriotes

°°° Rentrée littéraire 2019 #23 °°°



Voilà un livre qui a du coffre et du coeur, empreint d'un souffle romanesque puissant qui nous emporte de Brooklyn au goulag soviétique, dans le sillon d'une famille juive américaine fracassée par l'histoire, sur trois générations, des années 1930 à 2008. On ne peut qu'être impressionné par l'ambition de cette saga familiale et historique, le premier roman d'une jeune auteure qui a mis neuf années à l'écrire.



Le tour de force est plus que réussi ! J'ai été emportée sur plus de 600 pages. Si la chronologie est quelque peu erratique dans les premiers chapitres, si la narration chorale surprend entre le « je » de la mère et la troisième personne pour le fils ainsi que le petit-fils, on prend vite ses marques dans ce yo-yo temporel et les aller-retours entre les Etats-Unis et l'URSS / Russie. Peu à peu, les intrigues convergent et se font écho. Les trois personnages principaux – la grand-mère, le fils, le petit-fils - sont très intéressants car en constante  évolution, en constante réflexion sur eux-même, en mouvement perpétuel.



Si les passages concernant le petit-fils dans la Russie actuelle m'ont moins intéressée, j'ai adoré suivre la passionnée Florence, jeune juive de Brooklyn. C'est elle qui initie la saga lorsqu'elle quitte New-York en 1934 à bord d'un bateau à vapeur en partance pour la Lettonie puis Magnitogorsk, la ville industrielle modèle de Staline. Elle refuse de se conformer à une société américaine capitaliste en pleine dépression économique. Elle refuse de rejoindre les rangs des indifférents ou des mécontents chroniques. Animée par un besoin irrépressible de découvrir le monde par elle-même et d'être aux premières loges de l'Histoire, l'URSS de Staline lui apparait l'endroit où il faut être pour impulser ce changement. Elle rêve de société sans classe, d'égalité entre les sexes, d'amour aussi. Forcément, les désillusions vont suivre.



Le talent de conteuse de l'auteure nous happe pour suivre Florence dans ses impossibles luttes contre la bureaucratie soviétique, contre les absurdités de la vie quotidienne sous un régime totalitaire, contre le fatalité de la mort programmée au Goulag, sanas que jamais elle ne renie la Révolution communiste. Il est tellement difficile de s'avouer que l'on s'est trompé quand on a tellement cru à des idéaux élevés et que la désillusion vous foudroie. C'est ce que son fils Julian / Ioulik va essayer de comprendre lorsqu'il entreprend de revenir en Russie lorsque le KGB ouvre ses archives jusque là secrètes.



J'ai été sidérée de découvrir comment des citoyens américains avaient été piégés en pleine terreur stalinienne, privés de leur passeport par un tour de passe-passe, avant d'être abandonné par le gouvernement américain.



En fait, tout est passionnant dans ce roman roche et foisonnant tant il pose des questions complexes – tout en se gardant d'y répondre, le lecteur est considéré comme suffisamment intelligent pour éviter tout discours moralisateur ou lourdaud - sur les idéaux et les compromis qui nous font les mettre de côté ; sur la loyauté à sa famille ou à ses convictions personnelles, il faut choisir quitte à faire de lourds sacrifices selon le choix fait ; sur l'identité dans la migration ; sur la filiation aussi avec notamment le personnage du fils, Julian / Ioulik dont l'enfance a été sacrifié par les choix idéologiques de sa mère, lui qui voit son fils prendre le même chemin de révolte que sa grand-mère. Et bien évidemment, lorsque toutes ces histoires intimes rejoignent la grande Histoire enchevêtrée des relations entre l'URSS/Russie et les Etats-Unis, avant la guerre froide, durant la Deuxième guerre mondiale, puis durant la Guerre froide jusqu'à aujourd'hui.



Définitivement passionnant.

















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L'an prochain à Tbilissi : Nouvelles

L'auteure est née en 1979 en Ukraine, mais a déménagé avec sa famille très jeune en Géorgie, la patrie d'origine d'un certain Staline, qui à Tiflis, maintenant Tbilissi, a suivi des cours au petit séminaire ... sans grands effets apparemment.



Sana Krasikov est ensuite partie aux États-Unis, où en 2001, à l'âge de 22 ans elle a été diplômée de l'université de Cornel à Ithaka dans l'État de New York.

En 2009, elle s'est mariée avec le journaliste Gregory Warner, connu pour ses émissions à la radio.

Actuellement, elle est chargée de cours de littérature aux universités de Cornel et d'Iowa.



Son recueil de nouvelles, publié en 2010 et traduit en onze langues a été un succès acclamé à travers les États-Unis. Son second ouvrage "Les patriotes", sorti en 2017 a été immédiatement un véritable best-seller.



Son début "One More Year" en V.O. compte 8 nouvelles d'environ 35 pages chacune.



Je commence mon billet par la nouvelle numéro 3, "L'alternative", tout simplement parce que c'est celle qui m'a plu le plus.



Jeune homme Victor a été amoureux de Mila, une virtuose du piano qui adorait jouer le deuxième concerto pour piano de Rachmaninov. Ambitieux, il décide de marier Vera pour obtenir, comme Ukrainien, une "prospiska" carte de résidence à Saint-Pétersbourg plutôt que de rentrer à Jytomyr, une ville laide plein de béton à l'ouest de Kiev.



Un soir, à un mariage juif orthodoxe, il rencontre la mère de Mila et apprend que sa fille Alina habite New York. Mila elle-même est décédée dans un accident de voiture en rentrant d'un concert, il y a déjà un bon bout de temps.

Bizarrement, il passe un coup de fil à Alina et l'invite à dîner dans un restaurant près de son flat new-yorkais. Surprise, la jeune fille accepte. Il va de soi qu'il ne peut résulter rien de cette rencontre entre une fille qui est au début de ses études de médecine et un vieux monsieur qui a 2 fils de l'âge d'Alina.

Sana Krasikov très habilement nous présente cette initiative irréelle de Victor sans toutefois trancher elle-même. Une situation qu'en Allemand l'on qualifie de "unheimlich" ou d'inquiétante étrangeté.



Dans "Cher et tendre" nous faisons la connaissance d'Anna, originaire de Nijzni Novgorod en Russie et Ryan, un jeune homme du Nouveau Monde.

Ils ont tous deux 22 ans, sont mariés, s'aiment à leur façon, mais leur relation n'est guère simple. Comme l'explique Anna à un moment donné : "Un avenir avec Ryan, ce serait comme rester en Russie."



Je ne compte pas résumer les autres nouvelles ici, mais plutôt souligner leurs caractéristiques principales, qui relèvent d'un déracinement et d'une rupture entre les générations et plus spécialement entre ceux qui ont traversé l'Atlantique et ceux qui sont restés en Russie ou dans une des républiques de l'ancien empire soviétique, telle la Géorgie.



J'ai bien aimé la langue et le style de Sana Krasikov qui sont très variés et souvent subtils. Elle analyse avec la même aisance les particularités psychologiques de ses personnages "victimes de nos illusions", qu'elle s'attaque aux mauvais souvenirs de son ancien monde : "Dans le métro, je fus accueilli par l'habituel océan de mines austères... On aurait dit que tout le monde à Moscou souffrait de la même rage de dents".



Pas étonnant donc que Sana Krasikov fasse partie des 5 jeunes écrivaines russes que la journaliste littéraire du "Moscow Times", Michele A. Berdy nous conseille vivement de suivre dans un article du 5-11-2018. Les autres sélectionnées s'appellent : Gouzel Iakhina (°1977) auteure de "Zouleikha ouvre les yeux" et "Mes enfants" ; Maria Stepanova (°1972) auteure de "In memory of memory" ; Yevgenia Nekrasova (°1985) auteure de "Kalechina-Malechina" et

Anna Kozlova (°1981) auteure de "F20" et "Comme une envie de foutre le feu".

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Les patriotes

Chez Albin Michel, Terres d’Amérique ambitionne de « dessiner une géographie littéraire forte et sensible à rebours des images toutes faites et des idées reçues sur l’Amérique » : pas de doute, Sana Krasikov y a bien toute sa place. Dans Les patriotes – traduit par Sarah Gurcel – elle nous embarque là où l’on ne s’y attend pas : dans une relecture passionnante et réfléchie de 75 ans de relations USA / URSS (puis Russie), à travers une saga familiale sur trois générations.



Fuyant dans les années 30, les relances incertaines de l’Amérique post-dépression de Roosevelt pour les promesses – encore plus aléatoires – de l’URSS post-révolution de Staline, Florence Fein se lance sur les traces de Sergueï, amour déclencheur de son exil. Des déserts glacés de l’est de la Russie avant de revenir à Moscou, sa petite histoire va traverser la grande (espoirs naïfs du collectivisme, chaos de la Seconde guerre mondiale, purges staliniennes, exils et camps…) et ébranler ses convictions, sans jamais totalement y renoncer.



Paradoxe et double peine, Florence une fois totalement intégrée au régime soviétique devra subir les soupçons liés à son américanité, l’antisémitisme latent là-bas comme ailleurs, tout en perdant un beau matin sa nationalité, devenant une de ces refuzniks abandonnés de tous. Des années plus tard dans la Russie Poutinienne, son fils Julian profite d’un séjour professionnel en Russie pour découvrir les archives enfin exhumées de l’ère stalinienne et à travers le dossier de sa mère, ce pan d’histoire familiale cachée.



Même si l’entrée dans le livre est un peu ardue, le temps de s’habituer au thème, on se laisse vite embarquer dans l’exercice de style réussi de Krasikov : alterner les narrations et les époques ; mélanger faits historiques -sans en faire un cours magistral ni étaler abusivement ses longues recherches- et saga romanesque ; décrire les petites horreurs du quotidien et les exterminations politiques sans tomber dans le pathos ni le sensationnalisme ; soigner son écriture tout en la gardant accessible pour mieux servir son sujet délicat…



Ça fonctionne, et ça fonctionne même plutôt bien, d’autant plus que Krasikov prend le parti de ne rien juger mais de laisser au contraire ouvertes la plupart des interrogations qu’elle suscite. Les tourments de Florence ne tournent-ils pas au syndrome de Stockholm, subissant les coups de ses bourreaux sans aller jusqu’à condamner leur idéologie ? Le système corruptif des affaires dans la Russie d’aujourd’hui que découvre Julian n’est-elle pas la forme contemporaine de la société soviétique à deux vitesses d’antan ? Mais aussi comment les choix, entêtements, combats, convictions de Florence ont-ils influé sur la vie de son fils ? Et Julian peut-il interrompre la reproduction d’un tel schéma avec son propre fils ?



Autant de questions qui font de ce livre une lecture riche donc, de celles dont on se souvient.
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Les patriotes

Grosse déception avec ce roman que j'avais pris pour une saga familiale passionnante entre les USA et URSS / Russie d'aujourd'hui, enfin c'est du moins ce que j'en avais déduit en lisant le résumé de la quatrième de couverture.



En fait, il n'en est rien, le début de cette lecture est vraiment laborieux et je n'y arrive plus. Je choisis donc d'abandonner ce roman au bout de 150 pages. Abandonner un roman, c'est quelque chose que je n'aime pas, j'aime donner une chance à une lecture mais ici rien ne me plais :

Le rythme est lent, l'écriture sans transition et complètement décousue, les personnages ne sont pas attachants, le roman ne démarre pas car à chaque fois qu'il se passe quelque chose, l'auteure arrive avec un nouveau paragraphe qui parle d'un flashback ou d'un autre personnage et l'on perd complètement le fil de l'intrigue. Dommage !
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Les patriotes

Il ne m’a pas été facile de lire ce roman de près de 600 pages qui parcourt plus de soixante-dix ans de l’histoire d’une famille piégée en quelque sorte en URSS. L’auteur a choisi d’alterner les chapitres qui suivent les pérégrinations de Florence Fein à partir du moment où elle débarque en URSS en 1935 et ceux qui voient son fils revenir en Russie en 2008 pour un voyage d’affaires. On a deux histoires : celle de Florence venue en URSS pour retrouver un homme et persuadée que la vie est meilleure sous le ciel communiste. Et celle de son fils, qui vient pour négocier des contrats avec des hommes d’affaires russes qui ressemblent plus à des gangsters d’ailleurs, et éventuellement, obtenir le dossier de sa mère qui dort dans les archives du KGB. Quelle que soit l’époque d’ailleurs, on se dit que vivre dans ce pays relève de la gageure, il ne fait pas bon d’être étranger là-bas, on a l’impression qu’on va se faire embarquer à tout moment et finir dans une cellule.

J’avoue que j’ai eu du mal à comprendre et à m’intéresser aux tractations commerciales entre Julian et les russes, j’ai bien saisi le côté tortueux et illégal de l’affaire mais j’ai trouvé que cela prenait trop de place dans le roman. J’ai préféré, et de loin, tous les chapitres consacrés à sa mère qui a eu cette idée folle de quitter les USA pour l’URSS. Non seulement, elle va de désillusions en désillusions, mais bientôt elle se retrouve prisonnière de ce pays quand une fonctionnaire zélée, lui confisque son passeport, pour lui redonner à la place un pauvre papier stipulant seulement qu’elle est une étrangère. Ce qui la rend suspecte d’autant plus qu’elle essaie un jour de rentrer dans l’ambassade américaine sans succès d’ailleurs, car les USA ne veulent plus entendre parler de ces compatriotes ayant fait de mauvais choix. La Grande Guerre patriotique lui permettra paradoxalement d’être à l’abri mais, avec la Guerre froide, et la paranoïa galopante de Staline, elle est arrêtée et envoyée dans le fin fond de la Sibérie couper des arbres. C’est son fils, qui des années plus tard, comprendra comment elle a pu sortir vivante de cet enfer. J’ai eu du mal en tout cas à éprouver de l’empathie pour ce personnage féminin dur et entêté et dont les actes ne sont pas sans conséquences pour ses proches. Un roman fleuve que j’ai bien aimé. Mais pas un coup de cœur.

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Les patriotes

Il s’agit d’une immense fresque, se déroulant sur trois quart de siècle, entre les USA et ce qui était l’URSS et ce qui est redevenu la Russie. Nous suivons les destinées de Florence, depuis le début des années 30 du siècle dernier. Fille d’immigré juifs originaires de Russie, elle fait des brillantes études de mathématiques, mais travailler, surtout pour une femme, est difficile pendant la grande dépression. Elle trouve un peu par hasard, un peu grâce à sa maîtrise du russe, un emploi dans un organisme soviétique, organisant l’import de technologies américaines, et tombe amoureuse d’un ingénieur en visite. Pour le retrouver, pour fuir le carcan de la vie familiale étriquée, par idéalisme et envie de participer à quelque chose qui lui paraît être l’avenir, elle décide de partir pour l’URSS. Elle va découvrir progressivement la réalité du régime, mais le piège s’est refermée sur elle, et elle ne peut plus quitter le pays. Elle va donc vivre toute l’histoire soviétique, jusqu’au début des années 80, où elle finira par rentrer chez elle, avec son fils et ses petits enfants. Elle est le personnage principal du livre, mais à son destin se mêlent les voix de son fils, Julian, et de son petit fils Lenny. Tous les deux nés en URSS, n’arrivent pas d’une certaine façon de s’en détacher : Julian travaille pour une société qui l’y envoie régulièrement et Lenny s’y est même réinstallé. Cela permet d’avoir un aperçu des transformations et de l’histoire plus récente, jusqu’en 2008.



Le petit résumé ci-dessus montre à quel point le livre est ambitieux : il s’agit de balayer l’histoire sur une immense période, et d’aborder tous les incontournables : les purges staliniennes, la seconde guerre mondiale, le complot des blouses blanches et les répressions contre les juifs, le goulag, les transformations des années 80, le fonctionnement mafieux de l’actuelle Russie...Et comme fil rouge, une thématique moins connue, celle des Américains (et plus largement des Occidentaux) venus en URSS et empêchés d’en sortir. Tout cela grâce au destin d’une famille. La construction que entremêle les époques et les différents personnages est très sophistiquée, et permet de maintenir la curiosité du lecteur en permanent éveil : un petit détail lâché ici ou là, nous fait nous interroger sur ce qui s’est vraiment passé à un autre moment, et nous attendons avec impatience d’en savoir plus. C’est très maîtrisé, et cela rend le livre très passionnant à suivre.



J’avoue avoir embarqué quasiment sans restriction au départ, et avoir pris du plaisir à lire ce livre efficace et très bien fait. Mais au fur et à mesure, j’ai commencé à le trouver peut-être un peu trop efficace justement, sans le petit plus personnel réellement inspiré, qui en ferait quelque chose d’exceptionnel. La fin, un peu trop optimiste et volontaire, ne m’a pas non plus convaincue. Voir des personnages tenir tête et d’une certaine façon obtenir gain de cause face aux sbires du NKVD (l’ancêtre du KGB) et de la mafia russe actuelle, est certes réconfortant mais pas très réaliste à mon sens. Je suis donc un peu mitigée : incontestablement un livre bien fait et dans l’ensemble qui se lit très bien, mais qui n’échappe pas à quelques facilités. Sur les sujets abordés dans ce roman, il y a, me semble-t-il des œuvres plus essentielles, même si peut être plus complexes à appréhender. A réserver surtout à ceux qui connaissent moins le contexte, et/ou qui privilégient le romanesque pour mieux découvrir une époque historique.
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Les patriotes

Un sujet très original pour un premier roman impressionnant de maîtrise et de souffle : je ne me souviens pas avoir avant cette lecture entendu parler de ces citoyens américains immigrés volontaires en URSS dans les années 30, qui par conviction politique, qui par opportunisme, qui pour fuir le marasme économique de la grande dépression.

Ou encore, comme Flora, pour respirer à plus grand poumons dans une société nouvelle où les femmes ne sont pas tenues à des rôles subalternes. Vue des années 30, la jeune URSS dans laquelle Staline n'a pas encore produit ses ravages peut paraître une terre vierge et de liberté pour cette jeune juive, un peu à l'image des premiers colons en Palestine. Plus que tout, Flora veut être libre, sans savoir pourtant payer le prix de cette liberté, que le grand vent de l'histoire se chargera de piétiner.

L'angle original de ce gros et dense roman est que l'on aborde le destin de Flora non seulement en la suivant des années 30 aux terribles années 50, mais aussi à travers les yeux de son fils, rentré en Russie en 2008 pour comprendre les choix douloureux de sa mère dans les archives déclassifiées, mais également de son petit fils lui aussi immigré volontaire dans la Russie livrée au capitalisme sauvage du nouveau siècle. C'est ainsi toute l'histoire de la Russie soviétique que ce roman revisite, avec des accents de vérité qui font souvent écho à "La fin de l'homme rouge" de Svetlana Alexievitch.

Un roman passionnant, en dépit de quelques longueurs dans sa partie moderne, autour d'un portrait de femme tragique tout en ombres et lumière.
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Les patriotes

J’avais beaucoup aimé L’an prochain à Tbilissi, le recueil de nouvelles de Sana Krasikov, aussi n’ai-je pas hésité à postuler pour lire ce premier roman, sur lequel l’auteure a travaillé une dizaine d’années, et qui n’est pas autobiographique, mais inspiré par la vie de certaines de ses connaissances.

Dans les années 30, Florence Fein, jeune juive idéaliste parlant russe, travaille pour le gouvernement américain en tant qu’interprète. Une histoire d’amour, ainsi que l’image idéalisée qu’elle se fait de l’URSS, la poussent à quitter sa famille, et partir d’abord à Moscou puis à Magnitogorsk, une ville minière éloignée de tout. Elle va rester en Union Soviétique. Malgré les difficultés, la répression, elle semble ne jamais avoir perdu de vue cette image idéale, même lorsque son entourage la pousse à retourner aux États-Unis, bien des années plus tard. En 2008, son fils Julian, qui conçoit des navires brise-glaces, doit se rendre à Moscou pour des négociations qui s’annoncent compliquées.

Il m’a été utile au début d’écrire une petite chronologie des faits, parce qu’entre 1934 et 2008, il se passe beaucoup de choses dans cette famille, un certain nombre de départs et de retours, et le roman fait aussi des allers et retours, mais finalement, avec les dates en début de chapitres (sous forme de visas, c’est original et amusant), il n’est pas compliqué de s’y retrouver.

J’ajoute qu’un roman qui laisse des questions en suspens dès les premières pages, j’aime vraiment ça, à condition que le rythme suive, et c’est ici le cas.



Roman imposant sans être compliqué, il se singularise par ses narrateurs différents. Julian exprime lui-même ses tribulations dans la Russie de Poutine, et Florence est racontée à la troisième personne, sans que cela la rende plus lointaine, mais au contraire lui donne un vrai statut d’héroïne romanesque, embourbée dans l’Union soviétique stalinienne. La Florence que son fils a connue (retrouvée, en réalité, mais c’est une partie de l’histoire qu’il vaut mieux ne pas dévoiler) n’a jamais renoncé à défendre ses idéaux de jeunesse, et n’a jamais non plus répondu à nombre de questions que Julian se posait. Aussi montre-t-il un grand intérêt pour le dossier du KGB de sa mère qu’il va pouvoir enfin consulter. Florence serait à elle seule un superbe personnage de roman, du genre qu’on n’oublie pas, mais avoir ajouté les histoires de son fils et son petit-fils prolonge largement l’intérêt, et fait réfléchir aux répercussions de certains choix radicaux, sur les générations suivantes.



J’ai beaucoup aimé également les portraits des personnages secondaires, souvent acides, et tracés en quelques mots bien choisis, j’y ai retrouvé l’art des descriptions déployé par l’auteure dans ses nouvelles.

Le roman permet aussi d’aborder des aspects historiques passionnants, et que je ne connaissais pas, je l’avoue : l’abandon par leur propre gouvernement de milliers de juifs américains installés en URSS, et, plus tard, la répression stalinienne contre le Comité antifasciste juif, et la « Nuit des poètes assassinés ».

Cette lecture qui m’a enchantée devrait plaire, me semble-t-il, à ceux qui ont aimé Nathan Hill et ses Fantômes du vieux pays et, comme pour ce roman, vous allez peut-être le laisser passer maintenant, trop de sollicitations, trop de tentations, et tout, et tout, mais vous y reviendrez plus tard, je n’en doute pas !
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Les patriotes

Les patriotes, c’est une grande fresque familiale qui va s’étaler sur plus de 70 ans (de 1934 à 2008) et nous faire faire un grand écart entre les États-Unis et l’URSS (sur une mappemonde, l’écart n’est pas énorme, mais prenez un planisphère et vous comprendrez).



Florence est comme bien des jeunes, elle a un idéal, a des objectifs nobles, elle veut être utile, elle a de grands idéaux. Bien souvent, les grands idéaux se terminent vite, une fois qu’on a compris que l’on est peu de choses.



Hélas, Florence, est dans le déni et ne veut jamais comprendre que le communisme et l’URSS ne sont pas aussi beaux et grands qu’elle l’avait imaginés, qu’on lui avait vendu. Bien souvent, j’ai eu envie de lui renverser de l’eau sur le crâne, afin qu’elle se réveille.



Dans ce roman, l’autrice met en scène une vie ordinaire, celle de Florence, une immigrée juive en provenance des États-Unis, parlant le russe, ainsi que celle d’autres personnages, qu’elle croisera au fil de sa vie dans cette URSS qui lui a tout volé, dans ce système sans logique, dans cette grande machine à broyer les êtres humains, afin de nourrir la grande machine bureaucratique du parti-État stalinien…



Si j’ai toujours été attirée par la Russie, l’URSS et son système totalitaire, celui mis en place par Staline, me donne toujours envie de vomir et de partir en courant. Dans le récit, l’illogisme des décisions est bien expliqué, il est implacable, vous faisant passer, en peu de temps, de héros à un traitre à la patrie.



Diviser pour régner, régner par la peur, par la force, par les dénonciations, par les purges, pas les ordres implacables, sans logique. Vous contestez ? Paf, une balle. Vous vous plaignez ? Paf. Vous faites preuve de pas assez de zèle dans votre mission ? Paf aussi. Trop de zèle ? Paf, comme le chef du NKVD, Nikolaï Iejov, en fit l’expérience.



La paranoïa règne en maître et dans ce genre de régime, pas de place pour l’entre-deux. Leur vision est primaire, binaire. Vous êtes soit "avec eux" ou "contre eux". "Prosoviétiques" ou "antisoviétiques", cet état d’esprit primitif ne laisse aucune place à la neutralité. Avec eux, c’est l’enfer ou le paradis, pas de place pour le purgatoire, pas de place pour la neutralité, pour le « pas d’avis ».



Hélas, cet état d’esprit binaire n’est jamais loin de nous, on le revoit souvent remonter à la surface lors d’événements importants ou tragiques. La majorité attend de vous que vous suiviez la meute et son opinion générale. Elle n’admet pas que vous soyez le cul entre deux chaises, incapable d’émettre un jugement pour ou contre, alors que vous, vous voudriez juste avoir plus de données, plus de temps, moins d’émotions, pour émettre un avis.



Non, le système binaire n’admet comme réponse que oui ou non, que "je suis avec vous" ou "contre vous" et exclu le "oui, mais…". La diversité d’opinion, ce n’est pas bon, comme ce l’était du temps de l’autre moustachu parano, assassin de son peuple, qui continuait de le révérer, parce qu’il avait été endoctriné, le cerveau lessivé et parce que critiquer le système, le gouvernement, la machine implacable, c’était un aller-simple pour la mort ou pour un camp de travail.



J’ai beau avoir lu des récits des exactions, cette grande machine à broyer les êtres humains, cela me glace toujours autant, surtout quand mon cerveau fait des connexions avec notre époque actuelle, où, comme dans ce système totalitaire, des gens s’arrogent le droit de dire ce qu’il faut expurger de la littérature, en retirer ce qui n’est pas bon, pas propre, pas reluisant, comme des mots insultants (N-word), ou en ôter les pages sombres de l’Histoire humaine. Réécrire les livres, les traduire autrement…



En URSS aussi, des gens disaient ce qu’on pouvait lire ou ne pas lire, de la littérature étrangère et attention, le vent tournait vite. Mais c’est bien connu, ce n’est pas la girouette qui tourne, c’est le vent. Et le système tourne très vite, faisant de vous un traître alors que vous n’avez fait que respecter les ordres donnés. Faisons gaffe de ne jamais faire revivre un tel système chez nous.



Si au départ, j’avais trouvé Florence un peu fade, rêveuse, engoncée dans le déni, à un moment du récit, elle m’a coupé les jambes lorsqu’elle dénoncera une personne, afin de sauver sa famille, parce qu’elle s’est fait un film dans sa tête, parce que le salopard en face d’elle a bien su jouer avec ses peurs primaires. C’est violent, on a envie de l’engueuler, de la clouer au pilori, et puis, vient la question horrible : qu’est-ce que j’aurais fait, moi ? Ce ne serait sans doute pas glorieux !



Dans ce gigantesque récit, il y a eu des passages qui m’ont ennuyés, qui étaient moins intéressants que d’autres, ce qui a rendu cette lecture un peu laborieuse. Nous sommes face à une brique de 608 pages et lorsque le récit n’avance plus, les pages se tournent plus lentement et on ne se voit pas avancer. J’ajouterai aussi que je n’ai eu que peu d’empathie pour les personnages…



Malgré ces bémols, cette lecture m’a remué les tripes, notamment lorsque j’ai encore relu les exactions du système stalinien, porté par toute une horde de sans grades, prêt à faire leur sale boulot et à appliquer les règles iniques, illogiques, pour ne pas perdre leur place, sans aucun doute et se retrouver du mauvais côté de la table. Certains y ont aussi pris goût, à ce petit pouvoir sur les autres…



La propagande du système m’a retourné l’estomac, surtout qu’elle a toujours lieu, et que j’ai vu des jeunes écolières écrire des lettres aux soldats russes qui font la guerre aux ukrainiens. Et il n’y a pas que là-bas que la propagande est toujours en place.



Mettre les pieds à Perm, dans un camp de prisonniers réduit à pire que des esclaves, cela m'a fait frémir à nouveau. Dans ces camps, les morts ne comptaient pas, il y en avait plein d’autres pour les remplacer. En Russie communiste, la vie d’une personne ne valait rien.



Cette lecture me marquera durablement, comme l’ont toujours fait les romans (fiction ou autobiographique) qui parlent du système stalinien, des goulags, des interrogatoires où les agents du NKVD écrivaient l’histoire eux-mêmes et vous extorquait une signature ensuite, sans vous laisser la possibilité de vous en sortir, puisque qu’elle que soit votre réponse, elle était mauvaise, ou alors, ils vous la retournaient dans la figure, transformée, et vous enfonçait encore plus dans l’absurde.



Un roman fort, une grande fresque, où j’ai apprécié les personnages sur la fin, quand je les ai mieux compris.


Lien : https://thecanniballecteur.w..
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L'an prochain à Tbilissi : Nouvelles

Une série de nouvelles en direct de l’Ex Europe de l’Est. Six des huit nouvelles ont pour personnages principales des femmes Russes, Géorgienne, ou de toute autre ex république soviétique. C’est très bien écrit. Il y est question de nostalgie, d’exil, de pertes, d’avenir meilleur. C’est toute l’ambiance de cette région qui est retranscrite. C’est à la fois oppressant et typique.



Dans la première nouvelle : Ilona, Géorgienne divorcée doit faire face à un divorce et des difficultés financières. Il y est question de solitude, de profiter des uns et des autres mais qui profite de qui ?? Il y est aussi question de renoncement.



Dans la seconde nouvelle : Maia est également Géorgienne. Récemment immigrée reçoit la visite de son fils adolescent. Comment rester en contact avec ses proches lorsque l’on est déraciné.



« L’alternative » traite de choix non assumés, mais aussi d’options, de choses qui auraient pu être mais qui ne seront jamais. Toujours des choix matériels versus des choix de cœur. Un homme doit faire face à son passé.



« Asal » illustre la montée de la place de l’Islam à Tachkent et le choc de deux civilisations. C’est l’exploitation de la femme mais aussi les faiblesses de l’homme qui subit ou du moins qui ne sait pas échapper à la tradition.



« Cher et tendre » est une histoire de papiers et d’émigration. Mais également une histoire de misère vue par différents angles.



« Dettes » traite également de l’exil et de la famille mais cette fois il s’agit de savoir qui s’est le mieux adapté et de l’entraide entre immigrés.



« Les rapatriés » est l’histoire peu ordinaire d’un divorce. Cela commence comme une histoire d’amour et de retour au pays et cela finit par une séparation peu glorieuse et un retour aux US. C’est une de mes nouvelles préférées. On y retrouve la décadence, le mal du pays qui poussé à l’extrême donne au pays d’origine une aura inattendue, la trahison pour l’argent, …



« Il n’y aura pas de quatrième Rome » est la dernière nouvelle. Il y est également question de trahisons passées, à venir. C’est également une histoire de naissance voire de renaissance.



C’est une écriture qui rend à merveille cette atmosphère très particulière que j’ai pu ressentir quand je me suis rendue à Moscou et/ou en côtoyant des personnes des ces pays. On pourrait sans doute le définir comme le coté sombre slave. C’est oppressant.



Bref un bon livre à lire pour connaître / appréhender le sort / les dilemmes de ces femmes de l’Europe de l’Est. Bien que les hommes soient peu présents dans ce livre ou alors en filagramme, leur sort n’a rien de vraiment enviable. On trouve également en filigrane un portrait des US peu flatteur.



La première phrase de la première nouvelle :



"Depuis son arrivée en Amérique et son divorce, on avait à trois reprises essayé de caser Ilona Siegal."
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Les patriotes

Voici le livre de la rentrée littéraire pour ceux qui aiment les fictions historiques et qui ont envie de découvrir une partie méconnue de l'histoire des relations américano-soviétiques, celle de milliers d'américains abandonnés par leur patrie au coeur de la terreur stalinienne.



1930, alors que les Etats-Unis traversent la Grande Dépression, Florence Fein, jeune américaine juive, décide de rejoindre la Russie. Un départ motivé à la fois par l'amour et par l'idéalisme de la jeune femme qui pense trouver là-bas un pays libre dans lequel tout est possible.

Comme tant d'autres ont quitté la vieille Europe pour le rêve américain, Florence fait le voyage à l'envers. Son Eldorado à elle c'est la Russie communiste.

Des années plus tard, son fils Julian reviendra vivre au Etats-Unis et apprenant l'ouverture des archives du KGB, tentera de de reconstituer le parcours de Florence.



Couvrant trois générations, ce premier roman est une évocation fascinante des années de guerre froide, racontée avec perspicacité et habileté.

En alternant les époques, les lieux et les perspectives de Florence et de Julian, « Les patriotes » est une lecture multi facettes: une histoire mère-fils, une histoire d'amour, une histoire de secret de famille, une histoire d'espionnage, une histoire sur ces deux pays liés dans une danse idéologique.

A la fois fois grande épopée à l'ancienne et roman d'idées contemporain, c'est le genre de roman totalement immersif que l'on a du mal à lâcher.



Traduit par Sarah Gurcel.

Merci au Picabo River Book Club pour cette lecture instructive et romanesque.
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Les patriotes

UNE AMÉRICAINE AU PAYS DES SOVIETS.

Elle part par amour et y restera par conviction.

L’autrice, Sana Krasikov, est née en Géorgie, a vécu en Ukraine, puis s’est expatriée aux USA avec sa famille.

Elle est donc bien documentée pour raconter l’histoire de Florence, cette étudiante new-yorkaise qui, à l’occasion d’un petit boulot d’interprète, va rencontrer l’amour de sa vie sous la personne d’un ingénieur soviétique en visite technique en Amérique. De famille juive et idéaliste de gauche, elle n’aura de cesse que de le rejoindre… et y parviendra : 1934, début des purges staliniennes, la machine à broyer déjà est en route et elle n’y échappera pas. Quand elle s’apercoit que le paradis communiste est en réalité un enfer, également pour les américains expatriés, il est trop tard : passeport confisqué et déchéance de nationalité. Ce fut la triste réalité pour nombre d’américains vivant en URSS à cette époque qui se sont vu fermer les portes de leur ambassade car considérés comme traitres et déserteurs. « Ils sont partis, bon débarras. » Du McCarthysme avant l’heure ! Malgré emprisonnement, torture, et goulag, elle restera dans le pays même après la mort de Staline, persuadée qu’elle ne s’est pas trompée dans son choix de société.

Malheureusement, l’autrice va entremêler les chapitres de ce destin terrible mais passionnant, à ceux de son fils et de son petit-fils, probablement pour documenter l’évolution socio-politique moderne de la Russie : Eltsine brade les bijoux de famille sous l’influence de l’école néocapitaliste de Chicago et l’économie russe se corrompt. Ça complique un peu la lecture, surtout au début, le temps qu’on s’y retrouve, de cet ouvrage de 600 pages entraînant par-là quelques longueurs.

Dommage, car il s’agit d’un livre passionnant et bien documenté sur le destin méconnu des expats américains au pays des Soviets.

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Les patriotes

Ce roman de plus de 600 pages est une véritable saga qui nous fait traverser l'histoire de la Russie sur trois générations, des années 30 à 2008, au travers du regard original de Florence Fein, née à Brooklyn, de son fils et de son petits fils, nés, eux en URSS ! 



Florence, jeune juive idéaliste a servi d'interprètes à une délégation commerciale russe venue acheter du matériel américain. Tombée amoureuse de l'un d'eux, elle décide de le rejoindre ... en lui faisant la surprise.



Sur le bateau,  elle rencontre Essie avec qui elle nouera une amitié qui traversera les époques.



Bien que son histoire d'amour tourne court, elle va choisir de rester à Moscou, puis n'aura vraiment pas le choix et elle sera prise dans la tourmente de l'histoire, survivra à la seconde guerre mondiale, aux purges staliniennes.



Je ne dévoile plus rien de cette histoire originale, qui nous fait vivre l'histoire soviétique au travers du prisme culturel de Florence, pas toujours dupe, qui, même dans les situations difficiles n'a pas perdu sa repartie, ni son ironie. 



Beaucoup moins dramatique que les romans du goulag qui ont nourri mes années 70, j'ai beaucoup apprécié le ton de cet ouvrage, l'alternance des points de vue, l'analyse de la situation par Julian /Iouli, le fils de Florence ... et le juste retour des choses en toute fin du récit.



Un pavé qui se dévore et qui permet de découvrir - de l'intérieur - la vie des ingénieurs juifs soviétiques, soumis à des quotas pour valider leur thèse ! 



Bref, une belle découverte qui me permet d'ajouter une nationalité à mon challenge de nationalités  / globe trotter 2020.
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L'an prochain à Tbilissi : Nouvelles

Les personnages de ce recueil ont presque tous voulu fuir leur pays d'origine, la Géorgie ou la Russie, pour s'exiler en Amérique, mais leur nouvelle vie ne correspond pas vraiment à leurs attentes. Il en est de même pour ceux qui sont restés là-bas qui regrettent de ne pas être partis.

Alors pour avancer dans la vie, tous s'accrochent à leurs rêves...



En fait je devrais dire "toutes" car ce sont essentiellement les personnages féminins que j'ai aimé dans ce recueil. Les hommes sont peu présents et leur vie n'est racontée qu'à travers le regard de leur compagne.

Ilona se retrouve dame de compagnie à son insu.

Maia est déçue par la venue de son fils Gogi qui ne comprend que tout ce qu'elle fait c'est pour lui mais qu'elle n'est pas riche pour autant et ne peut donc pas tout lui acheter et céder au moindre de ses caprices.

Victor veut faire la connaissance d'Alina parce qu'il a été dans sa jeunesse amoureux de sa mère, mais aucun lien ne peut pour autant exister entre eux.

Rachid est pris entre deux femmes, Asal et Goulia et les aiment toutes les deux.

Anya et Ryon s'aimaient mais il est devenu violent...

Quand Lev accueille sa nièce chez lui, il comprend qu'elle n'a fait de détour que pour lui soutirer de l'argent, pas pour le voir.

Lera se fait tout voler par son mari parce qu'elle lui faisait une confiance aveugle.

Larissa vient passer quelques jours chez sa tante, et profite pour revoir son ancienne amie. Elle a fui son amant américain qui l'a entraîné dans une affaire pas très claire. Pour elle qui est comptable, impossible pour autant de fuir la réalité de sa faute...

Chacune de ses huit nouvelles profondément humaines, est teintée de l'espoir d'une vie meilleure et de regrets pour ce, et ceux, qu'on a laissé là-bas. C'est ce qui fait toute la force de ces récits de vie.

Ces femmes sont prêtes à tout, même à s'unir avec un homme qu'elles n'aiment pas, pour obtenir leur carte de séjour. Elles acceptent n'importe quel boulot et travaillent souvent dans des conditions totalement inhumaines.

L'exil les oblige à vivre éternellement entre deux mondes, deux cultures, comme si elles-mêmes étaient des êtres doubles pour toujours.



J'ai trouvé que l'auteur avait beaucoup de talent, car c'est difficile d'écrire des nouvelles. Or elle arrive très vite en quelques mots et quelques phrases à nous faire entrer dans la vie de ses personnages, dans leur maison ou leur lieu de travail, à nous faire partager les moments de joie, les incidents, les drames...

Il faut dire que l'auteur sait de quoi elle parle puisque à l'âge de huit ans, elle a tout quitté pour émigrer aux Etats-Unis avec sa famille.

Elle nous décrit avec beaucoup de finesse et de sensibilité, mais aussi beaucoup de justesse, l'instant où tout a basculé dans leur vie, où les personnages ont compris que rien ne serait plus comme avant, qu'ils avaient été trompés parfois par ceux qu'ils aimaient le plus, mais où ils ont tenté tout de même de continuer à vivre et à espérer.

Ne vous attendez pas à une chute vertigineuse pour chacune de ces nouvelles, juste un élément parfois a changé, un espoir est apparu, ou bien la vie continue tout simplement, comme avant.

J'apprends en rédigeant ses lignes que ces nouvelles avant d'être réunies dans ce recueil, ont toutes été publiées dans le "New Yorker" et "The Atlantic Monthly".
Lien : http://www.bulledemanou.com/..
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Les patriotes

Dans ce premier roman magistral, Sana Krasikov construit une fresque historique extrêmement documentée sur la Russie des années 30 à nos jours et les rapports Est/Ouest, à travers 3 générations d’une même famille.

En 1934, l’Amérique est en pleine récession. Florence Fein, fille de Juifs originaires de l’Europe de l’Est, est une jeune femme romantique éprise de liberté, qui rêve de quitter Brooklyn. L’American Dream semble avoir disparu, au profit du Soviet Dream parmi les étudiants militants qu’elle fréquente. Marquée également par sa rencontre avec un bel ingénieur Russe, Florence décide d’embarquer pour la toute jeune URSS, où elle pourra, lui semble-t-il, participer à bâtir un monde nouveau. Après un séjour dans l’Oural Florence se retrouve à Moscou, où elle va vivre une cinquantaine d’années, de plus en plus privée des libertés qu’elle semblait chérir…

A travers le prisme de la vie de Florence, l’auteure retrace toute l’histoire de l’URSS vue du quotidien d’une Refuznik : l’idéalisme des premières années (pleine de foi dans ce monde nouveau, Florence accepte avec enthousiasme la vie en appartement communautaire), la mise en place progressive de la terreur stalinienne, l’antisémitisme, les purges, les procès truqués, les exécutions sommaires, les dénonciations, les arrestations, la torture, les camps de travail en Sibérie… Paradoxalement, Florence met du temps à déchanter face à un régime qui se révèle loin de ses idéaux ; lorsqu’elle prend conscience des excès du régime et de la disparition de toute liberté individuelle, il est trop tard : son passeport lui est confisqué, tout visa de sortie refusé. La nationalité soviétique lui est attribuée : elle est alors déchue de sa nationalité américaine par les Etats-Unis, tout retour est impossible.

Dans les années 70, Julian, le fils de Florence, voit son avenir universitaire bouché par les quotas imposés aux juifs. Il fait alors le chemin inverse de sa mère : il part aux Etats-Unis avec sa femme et ses enfants, mais peine à convaincre sa mère de les suivre : malgré les souffrances qu’elle a endurées, Florence est incapable de faire la moindre critique au régime soviétique.

En 2008, Julian revient à Moscou pour un voyage professionnel et tenter de convaincre son fils Lenny (qui a quitté les Etats-Unis pour venir vivre en Russie) de retourner en Amérique. A ce moment-là, les archives du KGB ont été ouvertes au public, ce qui permet à Julian d’élucider les zones d’ombre du passé de sa mère. Julian est en même temps aux prises avec la corruption de la Russie de Poutine et victime d’un chantage digne de la grande époque stalinienne ; il trouve dans le dossier de sa mère un moyen de se sortir dignement de sa situation.

D’un personnage l’autre, d’une époque à l’autre, la construction du roman n’est pas linéaire mais laisse le lecteur en tension. Ces voyages temporels confèrent une grande vivacité au récit, car on a hâte de savoir ce qu’il est advenu du personnage quitté précédemment. Sana Krasikov a parfaitement réussi la symbiose entre la grande et la petite histoire : la focalisation sur les trois héros du roman permet une description de l’intérieur du régime soviétique et de la Russie de Poutine. Les vérités historiques se mêlent habilement à ces histoires de vie : le roman est extrêmement documenté, mais les faits s’intègrent sans jamais donner lieu à des exposés d’historien. L’auteure se garde bien de porter un quelconque jugement sur les choix de ses personnages, souvent victimes d’un système qui les pousse au pire pour survivre et protéger leurs proches.

L’écriture du roman est très soignée et élégante, et parfaitement mise en valeur par la traduction de Sarah Gurcel.

Ce premier roman est une époustouflante fresque historique dont on peine à quitter les personnages.

Un grand merci à Terres d’Amérique – Albin Michel et au #PicaboRiverBookClub pour cette très belle découverte !



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Les patriotes

Par ce roman historique, Sana Krasikov nous fait découvrir une page assez méconnue de l'histoire : celle de ces américains partis vivre en URSS à la poursuite d'un idéal et sacrifiés par les deux superpuissances sur l'autel de la raison d'Etat.

Le personnage de Florence est haut en couleur: son courage et son non-conformisme inspirent...
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L'an prochain à Tbilissi : Nouvelles

Voici, entre deux lectures de rentrée littéraire, un recueil de nouvelles paru l'année dernière et qui mérite votre attention cinq minutes ! Dans ces textes, il est souvent question de déracinés, d'expatriés russes, ukrainiens ou géorgiens installés aux Etats-Unis, sans envie de retour ou au contraire tentés par l'idée de revoir leur pays maternel. Les personnages en sont souvent des femmes, et leurs relations avec les hommes se compliquent du fait de la différence de culture, de l'éloignement ou de leur soif d'aisance matérielle. Les nouvelles sont racontées davantage comme des chapitres de romans, des tranches de vie, il ne faut pas s'attendre à une chute spectaculaire à la fin, la situation a simplement un peu évolué, un espoir se profile ou au contraire s'éloigne. L'auteure a un talent certain pour entrer dans le vif du sujet, présenter tous les protagonistes en peu de mots, décrire leur situation avec sensibilité et précision à la fois. On reconnaît le style américain d'écritures de nouvelles, façon Lorrie Moore ou Lauren Groff, avec un petit quelque chose en plus avec le thème de l'immigration et de ces familles transplantées que l'auteur semble bien connaître, comme l'indiquent les dialogues plein de vivacité...
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Les patriotes

Malgré quelques longueurs, cette saga, qui se déroule sur 2 périodes principales, est un véritable succès, premier roman écrit en 9 ans!!!!! On y découvre, Florence, qui quitte son Amérique natale dans les années 30 pour se rendre en Union Soviétique. Jullian son fils, (années 2008) à l'ouverture des archives du KGB, récupère le dossier de ses parents et retrace leur parcours, l'un et l'autre ayant été arrêtés pour espionnage et propagande......
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Les patriotes

L’histoire commence avec Florence, dans les années 30, une jeune femme américaine juive de 24 ans qui fuit la Grande Dépression. Elle ne sait pas ce qui l’attend lorsqu’elle décide de partir des États-Unis pleine d’ambition, et gonflée d’espoir, des étoiles dans les yeux...

Elle ne sait pas qu’elle part pour un si long voyage au coeur de l’URSS. Elle ne sait pas qu’il lui faudra faire des choix, prendre des décisions qui affecteront ceux qui l’entourent, que le seul fait d’être américaine sera comme placardée sur son front. Elle ne sait pas qu’il faudra renoncer, parfois à s’en déchirer le coeur. Elle ne sait pas qu’il faudra accepter parfois, capituler, rendre les armes.

Elle ne sait pas que la terre promise peut ressembler à l’Enfer. Les chapitres sont alternés avec l’histoire de son fils, Julian, dont on suivra également la progression à partir de 2008, moment où il revient en Russie pour affaires. Ce voyage sera aussi le moyen pour lui d’obtenir les informations auprès des archives du KGB, et mettre enfin en lumière une partie secrète de la vie de sa mère, toujours restée silencieuse à ce sujet.

Durant ce long périple, nos yeux fatiguent de lire autant d’informations, surtout en mélangeant deux époques différentes. Ils fatiguent devant les quelques six-cent pages et son flot permanent de lieux, d’années, de personnages. Mais il faut persévérer. Car ensuite, l’auteur nous tient. Elle nous pousse, sans jamais juger, à en savoir davantage, à accompagner Florence dans son parcours semé d’embûches.

À suivre Julian, dans la quête de la vérité, sur son histoire, sur sa mère. L’écriture est dense, les phrases longues, les chapitres intenses. Mais notre cerveau apprend, notre esprit s’imprégne de l’époque, notre coeur se serre souvent, nos mains tremblent devant l’injustice, et nous ne pouvons ressortir indemne de ce livre.
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Les patriotes

Avec un peu de retard, je livre ma chronique sur le roman Les Patriotes qui est dans la dernière sélection du prix des lecteurs Privat 2020.

Voici la présentation de l’éditeur – Albin Michel

Alors que les États-Unis sont frappés par la Grande Dépression, Florence Fein, à seulement 24 ans, quitte Brooklyn pour une ville industrielle de l'Oural, dans la toute jeune URSS. Elle n'y trouvera pas ce qu'elle espérait : un idéal d'indépendance et de liberté. Comme de nombreux Refuzniks, son fils Julian, une fois adulte, émigre aux États-Unis. Des années plus tard, en apprenant l'ouverture des archives du KGB, il revient en Russie et découvre les zones d'ombre de la vie de sa mère.



Ce roman qui croise les histoires de trois générations : Florence Fein, son fils et son petit-fils est aussi une immense fresque des relations entre les Etats-Unis et la Russie, du mirage du communisme et des désillusions d’une femme, Florence, qui croyait vivre l’amour et la solidarité en quittant les Etats Unis pour la Russie.

Ce roman de 600 pages est avant tout la peinture d’un destin unique, celui de Florence Fein qui va d’espoirs en désillusions et le lecteur, comme son fils Julian, découvre au fil des pages les secrets de famille et les secrets d’un pays.

J’ai trouvé l’histoire intéressante car nous découvrons la réalité du communisme, mirage, triste et dangereuse réalité mais au cœur de ce roman. J’ai trouvé l’alternance des histoires parfois un peu complexe et j’ai eu tendance à me perdre d’une histoire à l’autre – peut être n’étais je pas complètement l’esprit à cette lecture ?

En résumé : un roman, une fresque, une saga familiale et une plongée dans l’histoire de deux pays, frères ennemis, les Etats Unis et la Russie

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