« En réalité, nous sommes les éternelles victimes de notre membre, de la verge, de la quéquette. L’organe autonome qui commandait mon esprit, déterminait mes actes, maîtrisait ma raison et prenait la direction des opérations. Ce que j’ai pu détester abandonner ma vie à ces pulsions incontrôlables ! Et comme j’en ai joui ! »
Jour après jour je m'enfonce dans la morosité qui a marqué une grande partie de ma vie. Je les connais bien, ces journées où on a l'impression d'avoir les pattes engluées dans une immonde mélasse, où le moindre mouvement demande trop d'énergie. Ces heures passées sur un lit, immobile, prisonnier d'un cocon de tristesse. L'occasion de regarder le monde : le soleil qui se lève comme à l'ordinaire, comme si la lumière avait tant d'importance. Mizie qui entre dans la chambre, un sourire triste aux lèvres. Dans la rue, la hâte des hommes et des femmes qui courent en tous sens, comme si leurs actes étaient capables de modifier, un tant soir peu le monde, en bien ou en mal. Oui, j'ai nourri aussi cette illusions pendant des dizaines d'années. Hélas ! j'ai cru dure comme fer que je jouais un rôle déterminant, que j'allais rendre le monde meilleur grâce à mes compétences, à ma ténacité, à mon intelligence. C'est vrai, j'ai laissé mon empreinte. Mais le monde en a-t-il bénéficié ? Tomber de Charybde en Scylla, nous ne faisons rien de mieux, tous autant que nous sommes.
La mode était dorénavant l’affaire de tous, n’importe qui pouvait créer son propre style à partir d’éléments disparates : habits récupérés de la génération précédente, tissus indiens, accessoires maison… Aux puces de la place de Waterloo, je fus la première à fouiller dans les tas de vieilles défroques pour en extraire des tenues charleston, des tailleurs d’avant-guerre et des robes de cocktail; je les l’avais à la machine, les réparais, les repassais et retournais les vendre au même endroit… avec bénéfices.
Faire le tri, c'est être confronté à son passé. Que veut-on garder ? De quoi veut-on se débarrasser ? Ce n'est pas vraiment une partie de plaisir.