Extrait page 39 (conditions de travail)
La pause était limitée à trente minutes. Bien que nous travaillions dans la même usine, nous ne nous rencontrions jamais. Tous les ouvriers travaillaient de façon isolée. Les dirigeants vérifiaient et prenaient note de la qualité et de la quantité de production de chacun. Ils nous disaient de manger en dix minutes et d’utiliser les vingt minutes restantes à taper dans un ballon. Nous allions sur un petit terrain pour frapper comme des sourds sur une balle. Sans pouvoir nous mêler vraiment les uns aux autres, nous n’arrivions qu’à suer un bon coup.
Nous travaillions sans répit. L’usine ne faisait que nous demander. Nous travaillions jusqu’à la nuit dans une atmosphère épaisse et un bruit assourdissant. Bien sûr, nous ne mourions pas sur place, mais la combinaison des conditions de travail sordides, de la quantité de sueur dépensée et du dérisoire de notre paie mettait nos nerfs à vif.
Quand les gouvernements vivent dans le luxe, ils tendent à oublier les souffrances humaines. Aussi, quand ils utilisent le mot "sacrifice", cela sent l'hypocrisie. Je pense que l'exploitation et la barbarie passées étaient plutôt honnêtes. (…) Diriger, c'est donner du travail aux gens, leur fournir les moyens d'accepter leur civilisation, et faire en sorte que leur vie ait un sens, de peur qu'ils n'errent sans but dans un monde vide et désert.
Diriger, c’est donner du travail aux gens, leur fournir les moyens d’accepter leur civilisation, et faire en sorte que leur vie ait un sens, de peur qu’ils n’errent sans but dans un monde vide et désert.