Un document unique sur un drame jusquici méconnu de la seconde guerre mondiale : la déportation des Noirs, africains et antillais, dans les camps de concentration. Témoignages de survivants recueillis en Allemagne, Belgique, Espagne, France et Sénégal.
Marie-Josèphe, vendue à un colon hollandais, se retrouve en Nouvelle-Angleterre, avant d'être cédée à un négociant français, François Poulin de Francheville, qui l'emmène à Montréal et la fait baptiser, sous le prénom d'Angélique, à l'église Notre-Dame, en juin 1730.
C'est dire qu'un esclave peut, dans certains cas, beaucoup voyage. A Madère, elle est esclave de portugais. En nouvelle-Angleterre, elle est esclave de Hollandais. Au Canada, elle devient esclave de Français. Les êtres humains, comme le coton, comme le café, comme le sucre, sont vendus aux quatre coins de la planète.
Avec l'esclavage, nous sommes déjà, avant l'heure, dans la mondialisation.
page 22
[...] "Louis XIV était galant, mais souvent il poussait la galanterie jusqu'à la débauche ; tout lui était bon, pourvu que ce fussent des femmes, les paysannes, les filles de jardiniers, les femmes de chambre, les dames de qualité. J'ai vu la première femme de chambre de la reine mère, la Beauvais, cette créature borgne, qui a appris au roi à coucher avec les femmes" raconte ouvertement sa belle-sœur, la princesse Palatine. [...]
En 1685, le Code noir, texte juridique réglant la vie des esclaves dans les îles françaises, est promulgué et le marronnage, officiellement puni :
" L'esclave fugitif qui aura été en fuite pendant un mois, à compter du jour où son maître l'aura dénoncé en justice, aura les oreilles coupées, et sera marqué d'une fleur de lys sur une épaule. S'il récidive une autre fois, à compter pareillement du jour de la dénonciation, il aura le jarret coupé et sera marqué d'une fleur de lys sur l'autre épaule. La troisième fois, il sera puni de mort", stipule l'un de ses 60 articles.
Elle est noire.
Elle est amoureuse d’un Blanc. Elle s’est enfuie avec ce dernier pour échapper à sa condition. Elle est donc forcément coupable de l’incendie. La cour confirme la condamnation à mort, mais en atténue certains points. L’accusée n’aura pas le poing coupé préalablement. Elle sera pendue puis étranglée, avant d’être brûlée. La cour confirme qu’elle devra au préalable être torturée « pour avoir par sa bouche révélation » de ses complices. Les juges ont choisi, pour lui arracher des aveux, de la soumettre aux brodequins. Cette torture est pratiquée en France et dans ses colonies jusqu’en 1780 pour arracher des aveux. Inscrite dans le système judiciaire du Moyen Âge et de l’Ancien Régime, elle est destinée à broyer la partie inférieure des jambes. Souvent, les os éclatent. Le supplice est tellement insupportable que les personnes qui la subissent préfèrent le plus souvent, pour faire cesser les souffrances, avouer rapidement, même quand elles sont innocentes des crimes dont elles sont accusées.[…] Mathieu Léveillé est chargé de torturer la condamnée à mort dans une salle de la prison de Montréal. Il doit appliquer la sentence de bout en bout sans faillir et sans protester. Jusque là, il était resté à l’écart du procès de Marie-Josèphe-Angélique. Pour la première fois de sa jeune carrière de bourreau, il va torturer et exécuter pour de vrai. On ne lui demande pas son avis.
On lui demande de tourmenter une jeune femme qui a la même couleur de peau que lui. Qui est esclave comme lui.
A-t-il eu pitié d’elle ? Se sont-ils regardés ? Cette scène a dû être d’une insoutenable émotion pour Mathieu et d’une insupportable souffrance pour Marie-Josèphe-Angélique. A quoi pense le bourreau ? Quels sentiments l’animent ? Se sent-il solidaire de cette femme qui aurait pu être sa sœur ? Est-il au contraire indifférent à son drame parce qu’elle lui rappelle sa propre douleur voire sa déchéance ? On n’en saura jamais rien. On ne peut qu’imaginer et se perdre en conjectures.
Dès qu'il arrive au pouvoir en janvier 1933, Adolf Hitler s'empresse de construire des camps de concentration pour y jeter ses opposants.Le premier à ouvrir est celui de Dachau en mars au fin fond de la Bavière....Deux ans plus tard, c'est la promulgation en septembre 1935 des fameuses lois de Nuremberg. Des lois qui, contrairement à une idée répandue, ne visait pas que les juifs mais concernaient aussi les Noirs.
Il suffit pour s'en convaincre, de parcourir l'une de ces lois, comme celle, par exemple, sur l'héritage allemand, qui stipule, en son article 13 : " la terre ne peut appartenir qu'à celui qui est de sang allemand ou apparenté. N'est pas de sang allemand celui qui a, parmi ses ancêtres, du côté paternel ou du côté maternel, une fraction de sang juif ou de sang noir."
La déportation des noirs dans les camps d'extermination est peu connue...et si les camps d'extermination n'étaient pas nées en Allemagne en 1933....
Des Noirs pour qui le nazisme a pris, bien avant Hitler, les traits des négriers français, anglais, hollandais, portugais, allemands ou encore espagnols. Des Noirs qui ont, les premiers, enduré les affres de la déportation : entre vingt et trente millions d'hommes, de femmes et d'enfants africains envoyés, enchaînés, à fond de cale, vers le Nouveau Monde. Plus de dix millions de morts.
Buchenwald
Celui qui offense un homme de garde ou un SS, celui qui, dans un esprit de révolte, refuse d'obéir ou de travailler, celui qui abandonne par révolte la colonne ou le lieu de travail, celui qui siffle pendant une marche ou pendant le travail, celui qui ricane ou parle, sera fusillé sur-le-champ comme émeutier ou sera condamné à mort par étranglement.
Les quinze mille survivants herero, essentiellement des femmes, sont faits prisonniers et regroupés dans ce que les Allemands appellent déjà des konzentrationslager, des "camps de concentration". Le terme est utilisé officiellement pour la première fois dans un télégramme de la chancellerie daté du 14 janvier 1905.
Quoi qu'il en soit, pour l'Allemagne, l'aventure coloniale commence sous l'impulsion de Bismarck. Le Reich annexe non seulement la Namibie, mais aussi le Cameroun, le Togo ainsi que le Tanganyika, vaste territoire regroupant à la fois l'actuelle Tanzanie, le Rwanda et le Burundi.
Dans chacune de leurs colonies, les Allemands instituent un système de développement séparé, utilisant à leur gré la force de travail des autochtones tout en prohibant le mélange entre Blancs et Noirs. C'est le début de ...l'apartheid.