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4.02/5 (sur 56 notes)

Nationalité : France
Né(e) le : 05/11/1949
Biographie :

Ancien élève de l'École nationale des chartes, puis membre de l'École française de Rome (1973-1975) et de la Casa de Velázquez à Madrid. Directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales depuis 1993, il s'intéresse aux colonisations de l'Amérique et de l'Asie, notamment aux expériences coloniales comme lieu de métissages et de naissance d'espaces hybrides et comme premières manifestations de la mondialisation. Il est membre du Comité de rédaction de la revue Gradhiva.

Il a récemment été le commissaire de l'exposition Planète Métisse au Musée du quai Branly.

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Quand les Indiens parlaient latin - avec l'historien Serge Gruzinski


Citations et extraits (15) Voir plus Ajouter une citation
Le papier imprimé révolutionne le rapport à l'information aussi sûrement qu'aujourd'hui l'écran de notre portable, et peut-être davantage encore. Si elle est responsable de la diffusion accélérée de la Réforme - la version imprimée des thèses de Luther (1517) est immédiatement devenue "virale" -, la reproduction typographique contient également en germe la notion d'espace public créé par le partage des livres et des nouvelles imprimées. Derrière la déferlante alphabétique qui s'abat sur le Nouveau Monde, n'oublions pas les 400 millions de livres imprimés en Europe au cours du XVI°s, ni toutes les potentialités qu'ouvre la découverte de Gutenberg à l'Europe puis au monde.

En somme, si on peut se passer de l'écriture pour piller et détruire, dès qu'il s'agit d'assujettir et d'exploiter les territoires annexés à la Castille, l'écrit s'impose comme un irremplaçable outil. Manuscrit ou imprimé, il talonne les envahisseurs. Compagne invisible et omniprésente, l'écriture constitue l'une des manifestations les plus brutales, les plus durables, les plus insidieuses et les plus irréductibles de la colonisation espagnole. D'autant qu'à côté des conquistadors désireux de faire reconnaître leurs droits ou de masquer leurs abus, à côté des officiers de la Couronne porteurs des ordres du souverain, interviennent ces maîtres de l'écrit que sont les hommes d'Eglise, confrontés aux urgences de l'évangélisation.

pp. 43-44, fin du chap. II.
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Qu'apporte l'apprentissage du latin aux élites indigènes ? Les répercussions sont multiples. Elles sont conceptuelles : les élèves doivent se créer un "modus vivendi", ou plutôt "intelligendi" entre différentes manières de raisonner et d'appréhender la réalité et, en particulier, entre les vérités d'hier et les vérités d'aujourd'hui. Les contrecoups sont aussi linguistiques, quand l'étudiant s'habitue à réfléchir sur sa propre langue et à la "déconstruire" à partir d'un miroir européen et latin. Les retombées, enfin, sont politiques : les Indiens devenus latinistes ne sont plus seulement les enfants de ceux qu'on a voulu rejeter dans le monde des barbares et de l'imbécillité, ni même les survivants d'une société policée, donc d'une civilisation (ou "policia") digne de ce nom mais révolue. Ils s'approprient le savoir européen dans ce qu'il recèle alors de plus prestigieux. Maîtriser le latin, c'est non seulement en remontrer aux colonisateurs européens peu familiarisés avec la langue de Cicéron, mais aussi écrire la langue de Dieu et du roi auquel on s'adresse directement sans passer par le castillan.

p. 145
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[Un humanisme indien ?]
L'entreprise des humanistes italiens, lancés à la redécouverte de l'Antiquité, toujours en quête de nouvelles sources et de manuscrits disparus, a son pendant américain dans les enquêtes historiques menées par les franciscains, les dominicains et leurs collaborateurs indigènes. La collecte d'informations, le sauvetage des manuscrits pictographiques, l'établissement de versions autorisées mobilisent partout des lettrés indigènes et les questionnaires des "Relations géographiques", diffusés au début des années 1580, rendront encore plus systématique cette implication.
Ces chercheurs indigènes, qui la plupart du temps travaillent en équipe, évoquent le collectif des auteurs des "Centuries de Magdebourg". Cette histoire luthérienne du christianisme, amorcée en 1560, est donc contemporaine de l'Histoire Générale de Bernardino de Sahagun. Le couvent de Tepeapulco, où entre 1558 et 1560 Sahagun réunit son équipe de collaborateurs indigènes, a des allures d'académie florentine. C'est là que l'on a préparé les matériaux destinés à la rédaction de l'Historia General. C'est là qu'une dizaine de notables - sélectionnés pour expliquer tout ce qu'ils avaient encore en mémoire - et quatre Indiens latinistes échangèrent deux années durant sur les croyances et les "cantares" d'avant la Conquête. Quand, par la suite, Sahagun se transporta à Tlatelolco, une dizaine d'informateurs et quatre à cinq "colegiales", dont Martin Jacobita du quartier de Santa Ana (México) consacrèrent leur temps à revoir les matières compilées et transcrites à Tepeapulco. Un centre de recherches en remplace un autre. Entre leurs murs s'élabore l'image des sociétés préhispaniques dont nous avons hérité.
Dans la tradition européenne, "l'invention des lettres" est la clé pour accéder à la civilisation, puisqu'elle améliore l'existence des hommes en les rendant vertueux. Leur ignorance, en revanche, serait synonyme de barbarie. Comme s'en expliquent les dirigeants d'Azcapotzalco : "Au temps du paganisme, nos ancêtres étaient les plus rustiques, abjects, dénués des qualités du corps et de l'âme, au nombre desquelles priment les vertus et les lettres, des choses dont ils n'avaient pas la moindre idée, fût-ce en rêve." (...) Seules les "lettres" développent des potentialités qui forgent un sujet exemplaire, aussi fidèle à la foi chrétienne qu'à son souverain.

pp. 189-190
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L'idolâtrie- perçue comme tout ce qui s'oppose à la foi chrétienne- devient le monstre à abattre; et les Indiens récalcitrants sont des idolâtres inspirés par le diable.
p. 92
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Les relations entre vainqueurs et vaincus ont aussi pris la forme de métissages qui brouillèrent les limites que les autorités nouvelles cherchaient à maintenir entre les deux populations. Dès les tout premiers temps, le métissage biologique, c’est-à-dire le mélange des corps – souvent assorti du métissage des pratiques et des croyances -, a introduit un nouvel élément perturbateur.
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Non seulement la Chine "médiévale" n'a rien du pays fermé et immobile que notre ignorance se plaît à imaginer, mais elle s'est lancée, au XVème siècle, dans une expansion maritime qui l'a conduite jusque sur les rives de l'Afrique orientale.Quelque temps plus tôt, elle avait été la pièce maîtresse d'une domination mongole qui s'était avancée jusqu'aux plaines de Pologne et de Hongrie. Le repli officiel à l'intérieur des frontières de l'empire, après l'abandon des expéditions menées par le musulman chinois Zheng He, est relatif. D'une part, parce qu'une active diaspora chinoise peuple l'Asie du Sud-Est ; d'autre part, parce que la Chine des Ming -la dynastie au pouvoir depuis 1368- est loin d'avoir renoncé à sa suprématie sur cette partie du monde. Les rapports avec le Tibet et les oasis de l'Asie centrale, les Mongols et les Jurchen du Nord, les Coréens et les Japonais de l'Est et l'Asie du Sud-Est témoignent de l'immensité des aires d'influence et de la complexité des politiques à mener au cas par cas.
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Ce livre revient sur une autre dimension de l'innominado, notre manière proprement européenne de remonter le temps et de construire le passé. Cet innommé est aussi invisible que les bactéries dispersées par l'invasion européenne. Et pourtant son irruption dans les fourgons de la Conquête a constitué un instrument majeur de la colonisation occidentale. (14)
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... la décennie qui précède l'arrivée des conquistadores apporte bien des raisons de trembler. En effet, dix ans avant l'arrivée de Cortés, une comète resplendissante apparaît. Les devins se révélant incapables d'interpréter ce phénomène, Moctezuma les condamne à périr de faim. Le roi de Texcoco, Nezahualpilli, qui possède le don de voyance, prophétise des calamités qui doivent détruire les royaumes. Quand il meurt en 1515, il laisse un Moctezuma II perplexe et tourmenté. D'autres prodiges viennent semer le trouble dans l'esprit du souverain mexica : le sanctuaire de la grande déesse Toci prend feu. Les eaux du lac forment de gigantesques vagues, alors qu'aucun vent ne souffle. Des voix de femmes annoncent, dans la nuit, la mort et la destruction. Une pierre énorme, qu'on tente en vain de transporter à Mexico, se met à parler et à proclamer la chute de Moctezuma. ...
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On comprend que le présent file entre les doigts sans se laisser jamais capturer. « L’ennuyeux, rappelait Hannah Arendt, c’est que nous ne semblons ni équipés ni préparés pour cette activité de pensée, d’installation dans la brèche entre le passé et le futur. » Le présent ne possède jamais de contours précis : il s’alimente d’un flot de stimuli, de sensations, d’images, de pressentiments, de bruits et d’« actualités » dont notre mémoire ne fixe que des bribes. Pas plus que le passé, le présent n’est donc donné. Pourtant, c’est de lui, et donc du monde contemporain, qu’il faut partir pour remonter le temps.
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Dès les années 1515, les colons espagnols de Cuba pointent leurs regards vers les grandes terres qui existeraient à l'ouest et au sud de leur île. La première expédition vers les côtes du Mexique remonte à 1517. La troisième, celle de Hernan Cortés, démarre en 1519...
Les premiers contacts suivis entre Portugais et Chinois débutent vers 1511 à Malacca, où opère une importante colonie d'immigrés de l'Empire céleste. Quant à l'apparition des Portugais sur les côtes de Chine, elle remonte au moins à l'année 1513 et se confirme au cours des deux années suivantes.
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