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Critiques de Simone Bertière (139)
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Dumas et les Mousquetaires : Histoire d'un ..

Simone Bertière, enseignante et historienne, préfacière des Livres de Poche de la trilogie de Dumas consacrée aux mousquetaires publie l’histoire de ce chef-d’œuvre.

Fils d’un général de la Révolution, Alexandre Dumas né en 1802, commence sa carrière comme gratte papier chez le Duc d’Orléans, ce qui lui laisse du temps pour écrire des pièces de théâtre et entrer en relation avec Victor Hugo et les romantiques. L’accession du Duc au trône en 1830 favorise sa carrière et il connait un triomphe avec sa pièce Anthony jouée à la Porte Saint Martin.

L’évolution politique, l’évolution culturelle, l’émergence d’une presse cherchant le moyen de fidéliser les lecteurs contribuent à la naissance du « roman feuilleton » que « Les mystères de Paris » d’Eugène Sue consacrent, ce qui incite Dumas, pour d’évidentes raisons financières, à s’inscrire dans ce courant.

Secondé par Auguste Maquet, son documentaliste, il industrialise l’écriture des feuilletons et publie entre 1844 et 1848 l’essentiel de ses chefs d’œuvres en livrant parallèlement plusieurs quotidiens. Les trois mousquetaires, Le Comte de Monte-Cristo, La Reine Margot, Vingt ans après, Le chevalier de Maison Rouge, La Dame de Monsoreau, Joseph Balsamo, Les Quarante-cinq paraissent dans Le Siècle, le Journal des Débats, La Presse, Le Constitutionnel et Démocratie pacifique. En quatre ans, la gloire et les profits comblent Dumas et profitent dans l’ombre à Maquet.

Les révolutions de 1848 brisent cet élan. Dumas essaye de se lancer en politique et laisse Maquet commettre quasiment seul Le Vicomte de Bragelonne. Les théâtres perdent leurs spectateurs et les journaux ont une telle actualité à couvrir que les romans-feuilletons perdent une part de leur justification … Adieu veau, vache, cochon …

La faillite rattrape Dumas, qui juge prudent de se réfugier en Belgique ; Maquet privé de revenus attaque en justice le romancier, ce qui signe la fin irrévocable de leur partenariat … Il leur reste à survivre chacun de son côté.

Simone Bertière analyse les sources documentaires des Mousquetaires et, tout en signalant quelques erreurs, souligne leur fidélité à l’histoire qui contribue à forger le roman national.

Cette étude, limitée à la vie professionnelle de Dumas n’est pas une biographie classique et ne remplace pas la monumentale étude qu’André Maurois consacra aux « Trois Dumas », elle la complète et d’une certaine façon, l’introduit.

Un ouvrage que tout amoureux des mousquetaires se doit de lire assurément !
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Les Reines de France au temps des Bourbons,..



Ce livre historique est découpé en 3 parties : 1) La dauphine, 2) La Reine, 3) La prisonnière.



Marie-Antoinette, 15ème enfant de l'impératrice d'Autriche, Marie-Thérèse, est envoyée en France pour y épouser le dauphin, Louis Auguste, petit-fils du vieillissant Louis XV. Elle a 14 ans et demi et lui quinze. Ignorant tous les deux tout des relations sexuelles, elle , à peine nubile, lui, timide et complexé, ils mettront sept ans avant de consommer leur mariage.



Ce sont encore des enfants, lui, mal aimé et de coeur pur, elle, manipulée par sa mère, Marie-Thérèse et par les "pions" qu'elle a mis en place chargés d'espionner et de lui transmettre les moindres faits et gestes de sa fille. Ces "espions" se nomment le comte de Mercy-Argenteau et l'abbé de Vermond qui est également le professeur de Marie-Antoinette.



Sous l'emprise de sa mère, Marie-Antoinette reçoit ses instructions et remontrances par courrier et se doit de lui faire un rapport de sa vie à la cour de France. Ce que Marie-Thérèse veut, c'est qu'elle manipule son mari pour s'approprier le pouvoir en coulisses dès que Louis XV sera mort.

Bien qu'aimant beaucoup sa mère, Marie-Antoinette se plie de plus en plus difficilement à ses ordres, d'autant plus que ceux-ci sont souvent contradictoires et qu'elle en a assez de se faire traiter comme une gamine.



L'étiquette de Versailles lui coûte énormément car elle a été habituée à une vie beaucoup plus libre à la cour d'Autriche. Elle ne peut rien faire sans être observée y compris manger, s'habiller ... Dès avant le décès le Louis XV en 1774, Marie-Antoinette, coincée entre l'indifférence de son mari, l'étiquette de la cour, les remontrances perpétuelles de sa mère, les regards dont elle est sans cesse l'objet, commence à se rebeller d'autant plus qu'elle est de nature fière, orgueilleuse, et insoumise comme le dit si bien le qualificatif de son nom dans ce livre, découvre peu à peu les plaisirs des toilettes, des bals, de l'opéra. Après la mort de Louis XV, elle s'affranchira de ce qui lui pèse et n'en fera qu'à sa tête, dépensant sans compter pour ses toilette, le jeu, le Trianon qu'elle fait restaurer à grands frais, tout cela sous le regard complaisant de son mari devenu Louis XVI qui préfère qu'elle s'amuse mais ne se mêle pas de politique, au grand désespoir de Marie-Thérèse.

Louis XVI est un homme très pieu, pas stupide mais très peu doué pour la politique intérieure, quant à Marie-Antoinette, elle n'y entend rien et ne désire désormais plus que deux choses : s'amuser et être maîtresse de son sort : elle ne fait que ce qu'elle veut et refuse ce qui ne lui plaît guère quitte à froisser la noblesse qui a de tout temps envahi la cour de France, surtout depuis Louis XIV.

Elle vivra une idylle passionnée avec Axel de Fersen, la consommeront-ils ? Personne ne le sait mais ils étaient en tout cas fort épris l'un de l'autre.



Lorsqu'elle deviendra enfin mère, après 8 ans de mariage, elle sera très aimante et dévouée à ses enfants. Malheureusement, deux décéderont en bas âge ce qui représentera une grande douleur pour le couple royal.



Au fil du temps, les finances de l'Etat se tariront, non seulement par les dépenses somptuaires de la reine mais également par l'aide financière qu'ils apportent à la révolution de l'Amérique.



Au début, Marie-Antoinette fut très bien accueillie par le peuple français qui l'aimait beaucoup mais au fil de ses dépenses et caprices, ils en viendront à la haïr et ne l'appelleront plus que "l'Autrichienne".



Le 5 mai , Louis XVI,devant le désastre financier dont il ne peut sortir, convoquera les Etats généraux. Le 17 juin 1789, l'Assemblée nationale prêtera le Serment du Jeu de Paume afin de donner une constitution écrite à la France. Le vent tourne et cela commence à sentir mauvais pour la monarchie.

En octobre 1789, le roi et sa famille sont transférés aux Tuileries, en résidence surveillée où ils jouissent encore d'une relative liberté mais le 20 juin 1791, Axel de Fersen qui s'est occupé de préparer leur fuite vers le Luxembourg les aide à s'échapper. Ils seront arrêtés à Varennes, ramenés à Paris sous les insultes et les quolibets et rejoindront désormais le Temple où ils seront confinés jusqu'à l'exécution du roi le 21 janvier 1793. Cette période dramatique pour la famille royale fera mûrir Marie-Antoinette qui se rapprochera très fort de son mari, se rendant compte à quel point elle y tient même si elle n'en n'est pas amoureuse.



Dans la nuit du 1er au 2 août, la reine sera transférée à la Conciergerie en attente de son jugement : ses conditions de détention seront épouvantables, surveillée nuit et jour jusque dans sa minuscule cellule même lorsqu'elle doit s'habiller et faire sa toilette. Bien que détruite psychologiquement, elle gardera pourtant toujours intacte sa fierté.

Après un simulacre de procès, elle sera guillotinée le 16 octobre 1793, son fils étant resté confiné au Temple où il mourra en 1795, à l'âge de 10 ans,

suite aux mauvais traitements qu'il devra subir.



Marie-Antoinette est restée digne jusqu'à son dernier souffle malgré toutes les avanies qu'elle a dû subir depuis des années. Très droite dans la charrette qui l'amènera à l'échafaud, ces derniers mots seront pour son bourreau sur le pied duquel elle avait malencontreusement marché : "Je vous demande pardon,Monsieur"...



Ce qu'on reprochera le plus à Marie-Antoinette, ce ne sont pas ses dépenses excessives mais surtout d'être finalement une femme moderne qui ne se comportait pas comme on l'attendait d'une reine de France qui devait être soumise et pondeuse d'enfants à tour de bras. Elle a rejeté le modèle, violemment, insolemment. Elle voulait être libre et a refusé les contraintes et les servitudes. Elle a voulu exister par elle-même mais l'époque n'était pas prête pour ces changements. La reine a payé cher ses velléités d'indépendance ...

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Les Reines de France au temps des Valois, t..

Catherine de Médicis, pour beaucoup d'entre nous, c'est un nom à côté de tous ces rois de l'Histoire de France, vague souvenir d'école fait de dates et d'évènements multiples. J'ai pourtant envie de vous parler de cette reine née au printemps, il y a un peu plus de 500 ans, et qui fut au cœur de ce terrible XVIe siècle riche de figures féminines – un siècle où il y eu aussi « des femmes puissantes » :



Vous ne me croirez peut-être pas si je vous dis qu'on a là un véritable thriller, sans intrigue bizarre et invraisemblable comme on peut lire quelquefois, ici tout a existé. Quelle histoire...



Fille de banquier florentin, Catherine de Médicis a épousé Henri II qui meurt en 1559, soit 12 ans après son sacre, blessé à mort dans une joute pour célébrer un traité. Il avait 40 ans, le même âge que Catherine dont la carrière politique est loin de s'achever.

Leur fils ainé, François II, devient roi à 15 ans et... meurt d'un abcès, seulement 17 mois plus tard – avec des rumeurs peu étayées d'empoisonnement –.

Un autre fils prend la place : Charles IX en 1560, il a seulement 10 ans ! Mais décède de tuberculose à 24 ans, laissant le trône à son frère Henri III et son drôle de règne, entouré de ses mignons... Période très troublée… lui aussi malade (tuberculose, syphilis, peut-être bien les 2...). Henri III est peu à l'aise dans son rôle de roi à l'abri de sa mère, omniprésente depuis un bon moment. Il n'aura pas d'enfant ce qui permettra à Henri IV, d'une branche éloignée, de régner, loi salique oblige ignorant les femmes.



Trois rois entre François Ier et Henri IV : une période charnière dans l'histoire de France dominée par la figure controversée de Catherine – que Simone Bertière réhabilite ici en grande partie –, incontournable à la tête de l'Etat pendant plus de 30 ans. Tournant d'un XVIe siècle qui a vu l'apogée de la Renaissance, semblant replonger dans l'obscurantisme de par la résistance au changement du clan conservateur face à la réforme mise en route par Martin Luther en 1517.



Conjuration, attentat, tentative d'enlèvement du roi, répression, on a là un roman d'action qui nous éclaire sur ces années terribles de lutte pour le pouvoir, sur fond de guerre de religion, avec le sommet de l'horreur de la Saint Barthélémy le 24 août 1572.



Je suis passionné par cette période pour le contraste saisissant entre ces années sanglantes et le chemin de lumière émergeant grâce à un écrivain-philosophe visionnaire, ayant côtoyé, conseillé certains personnages puissants du siècle. Michel de Montaigne, c'est de lui dont il s'agit, rédige les 3 livres des Essais entre 1572 et 1588, soit entre le terrible mois d'août 1572 sous Charles IX et ensuite de 1574 à 1588 sous le règne d'Henri III qui meurt assassiné en 1589. Des années troublées qui ont donné paradoxalement ce que ce siècle a de meilleur : un philosophe impliqué dans la réconciliation entre les camps opposés, engagé à servir l'Homme, à l'aider à vivre, à réconcilier foi et raison. En se retirant dans sa propriété familiale à Montaigne, il écrit une oeuvre annonçant une nouvelle ère, plus tard, avec le Siècle des Lumières...



Simone Bertière rend passionnante cette période complexe et décrypte parfaitement les enjeux de pouvoir masqués derrière les conflits religieux. Elle met d'emblée en garde sur les réserves à apporter car, malgré de très nombreux documents, le rôle des uns et des autres dans ces évènements sanglants reste encore indéterminé par bien des côtés.



Née à Lyon, elle est agrégée de lettres classiques, a enseigné le français et le grec dans les classes préparatoires, puis la littérature comparée à l'université et à l'école normale supérieure. Elle est l'auteure d'une série d'ouvrages consacrés aux reines de France (6 volumes), d'une biographie de Mazarin et de livres sur différents personnages de l'Histoire ou de la littérature (Dumas, Ulysse, entre autres) et a publié en 2020 Henry IV et la Providence.



Pour moi, c'est une oeuvre de référence, permettant de comprendre d'où nous venons, et donc ce que nous sommes, à travers des récits bien écrits et accessibles, avec ce qu'il faut d'humour.



Et vous, avez-vous lu Simone Bertière, qu'en pensez-vous ?

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Retrouver cette chronique sur le blog Bibliofeel, avec illustrations, composition photographique personnelle et beaucoup d'autres choses...


Lien : https://clesbibliofeel.blog
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Les Reines de France au temps des Valois, t..

Je ressors légèrement déçue de cette lecture. Pour avoir entendu Simone Bertière dans des émissions télévisées, j'imaginais qu'elle nous conterait le destin de ces femmes de manière plus vivante, en donnant davantage la parole à ses "héroïnes", les reines de France de la première moitié du XVIème siècle et quelques autres grandes figures féminines proches de la royauté.



Ce n'est pas un roman historique, mais un essai historique : l'auteur s'en tient aux faits, à l'aspect politique de leur mariage et on n'entre pas vraiment dans l'intimité des reines.

Il m'a manqué un point de vue plus personnel où l'auteur donnerait la parole, ou presque, à ces femmes qui ont toutes eu un destin à part du fait de leur position.
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Les Reines de France au temps des Bourbons,..

“On s’aperçut très vite que les femmes seraient le point faible de Louis XIV.

“De complexion amoureuse”, il a un cœur très inflammable et des sens très exigeants”, c’est toujours avec des égards que Simone Bertière parle du roi-soleil, de sa fréquentation des femmes et notamment de ses “liaisons traversières”.



Même si le parti pris de l’historienne est celui des femmes du roi, ce dernier est omniprésent.

Ne nous dit-elle pas : “Fut-il le monstre d'orgueil, d’insensibilité, d'égoïsme que Saint-Simon a désigné à la vindicte de la postérité (…) ? Son attitude à l'égard des femmes semble corroborer le reproche. Il a laissé au bord du chemin bien des amoureuses brisées…”



Mais l’historienne est plutôt magnanime : “Tant de femmes sont prêtes à se damner pour le conquérir ou le conserver ! Comment s’étonner qu’il en ait fait une grande consommation ? A trop s’approcher du soleil, on se brûle.”



L’auteure nous narre également les intrigues de cour avec un plaisir non dissimulé, nous y conviant en spectateur curieux : la hiérarchie des sièges imposait un fauteuil pour le roi et la reine, des chaises pour les princes et des tabourets pour les princesses et les duchesses. Bien sûr, certains étaient debout.

Elle nous explique comment les mariages arrangés servaient stratégiquement les alliances politiques.

Comment s’imaginaient les futurs mariés sans s’être vus ? Avec Marie -Thérèse d'Autriche, infante d’Espagne, ils se sont envoyé des portraits. Mais peint par Velasquez, le tableau à la chevelure décorée de papillons de tissu et d’un véritable papillon, symbole de la mue qui s'opère à l'adolescence, était plutôt flatteur.



Hormis cette reine sotte et puérile, trois femmes ont compté dans sa vie et ont parfois cohabité : Louise de La Vallière, le frais printemps du roi, Mme de Montespan, son été radieux, Mme de Maintenon, son automne épanoui mais aussi son hiver glacial.



Il découvre avec Mademoiselle de La Vallière “les délices d’un amour vrai, simple, sincère, sans arrière-pensées".



Mme de Montespan est "belle comme le jour”, “d’une beauté épanouie, capiteuse, en tous points conforme aux canons de l’époque”, elle s’infligeait des saignées pour ne pas rougir sur des questions indiscrètes.



Il épousa de manière morganatique Mme de Maintenon. Ce mariage “de conscience”, inattaquable du point de vue de l’église prive cependant l'épouse du titre de reine et ses enfants des droits successoraux.

Sur son lit de mort, Louis XIV dira à cette épouse : “je ne vous ai pas rendue heureuse…”.

Or, faire le bonheur de sa femme n'était pas dans la mentalité masculine de l’époque.

S’il a vraiment tenu ces propos, cela veut dire qu’il a conçu une relation authentique hors du cadre de son statut de roi.



Parfois, je me suis perdu dans la généalogie, il faut dire qu’avec 18 enfants, dont seuls six devinrent adultes, l’arbre comportait de nombreuses branches.

Pas moins de quatre arbres généalogiques nous sont proposés en fin d’ouvrage, qui se recoupent : ceux de la Maison royale de France et d’Angleterre , celui de la Maison de Savoie et celui de la succession espagnole.



S. Bertière nous fait partager encore un grand moment d’histoire et sait en rendre attractive la lecture, en créant l’attente par des fins de chapitres énigmatiques et en émaillant la grande Histoire de ces petites anecdotes si savoureuses et si révélatrices des mentalités d’une époque.

Quant à l’épilogue qui synthétise le livre et en tire les analyses, il est parfait.

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Le roman d'Ulysse

Heureux qui a fait un beau voyage et, après bien des années d'errance, a retrouvé ses pénates bien-aimées… Ou pas ? A l'aube de la vieillesse et après avoir abandonné son trône à son fils Télémaque, Ulysse se morfond. Pénélope est morte, le temps a fui, les années ont passé. Comment se contenter de la vie paisible de monarque retraité quand on a connu le grand large, vu les plus beaux horizons, côtoyé les plus belles femmes ? Pour tromper son ennui, l'incorrigible bavard s'est trouvé un auditeur attentif dans la personne d'un jeune chevrier chargé de l'assister – un auditeur attentif mais aussi critique, car le garçon n'a pas sa langue dans sa poche et ne manque pas de souligner les invraisemblances et les ambiguïtés du récit du héros vieillissant. Jour après jour, semaine après semaine, Ulysse dévide le fil de ses souvenirs et le garçon de s'extasier : quelle fantastique histoire ! Quelle merveilleuse épopée ! Bien sûr, il faudrait l'enjoliver un peu, adoucir quelques traits, en exalter d'autres, mais un aède habile pourrait trouver là le plus fascinant des contes à raconter. Ainsi naissent donc les légendes, des souvenirs d'un vieil aventurier et de l'imagination exaltée d'un jeune pâtre…



Simone Bertière ne s'arrêtera-elle donc jamais ? A 91 ans, voici qu'elle abandonne (provisoirement, nous l'espérons) la biographie pour s'attaquer à son premier roman. le sujet abordé – la vie du fameux héros de l'Odyssée racontée par lui-même – peut paraître surprenant au premier abord pour cette spécialiste du Grand Siècle. Pourtant, on retrouve dans « le roman d'Ulysse » maintes thématiques chères à l'historienne, notamment touchant la notion d'héroïsme. Qu'est ce qui définit un héros ? Ulysse vieillissant s'inquiète de l'héritage mémoriel qu'il laissera : il n'a pas eu la « chance » de mourir comme Achille sur le champ de bataille et, loin de retourner chez lui en vainqueur triomphant, a dû rentrer dans son foyer sous les traits d'un mendiant abandonné de tous. Des victoires, il en a connu certes, mais par la grâce de sa ruse plus que de sa valeur guerrière, et chacune l'a laissé plus seul et démuni que la précédente. Il a survécu, voilà tout. Mais survivre, n'est-ce pas déjà un immense triomphe ?



De son propre aveu, Bertière tire son Ulysse vers ce qui lui plaît le plus dans la personnalité du héros de l'Odyssée : la curiosité intellectuelle, la vivacité d'esprit, l'audace tempérée de sens pratique, la faculté de sortir des sentiers battus, l'optimisme… Et l'humour, bien sûr, sans lequel les grands hommes ne seraient que des idiots pompeux ! Elle ne néglige pas ses vices pour autant et le montre occasionnellement vindicatif, orgueilleux, imprudent ou arrogant. Enfin, elle le restitue de toute son humanité, celle qui fait de lui le protagoniste le plus attachant de la mythologie grecque, à défaut du plus héroïque. Mais, franchement, qu'est-ce qu'on en a à fiche des héros ? Fait amusant, on retrouvera toutes ses qualités de filou sympathique chez le sujet biographique préféré de Bertière, à savoir ce brave Mazarin si écorné par ses contemporains.



A mi-chemin entre l'essai et le récit, « le roman d'Ulysse » ravira les adorateurs de l'Odyssée que Bertière éclaire d'une lumière originale et nuancée, sans jamais en trahir l'esprit. Il a également le mérite d'apporter une fin très satisfaisante aux aventures d'Ulysse, celle que je lui ai personnellement toujours souhaitée.



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Henri IV et la Providence

Simone Bertière nous offre ici un ouvrage qui n’est pas uniquement une de ces biographies qui listent des dates et des événements, constituant une sorte de catalogue froid – comme si une vie humaine pouvait se résumer à des dates et des faits. Au contraire, ce livre consacré à la vie – remarquablement tumultueuse – d’Henri IV est un ouvrage qui propose une véritable réflexion sur la personnalité du premier des Bourbons à occuper le trône de France et nous offre une analyse pointue, et pourtant abordable, sur le personnage.



Naturellement, pour rendre compréhensible et tenter de décrypter le personnage, il faut commencer par poser le cadre. Et quel cadre ! La situation politico-religieuse de l’époque en France est d’une redoutable complexité. La montée en tension des querelles religieuses, l’impossible conciliation entre catholiques et protestants, est pourtant décrite avec simplicité par l’auteure, mais sans renoncer à la précision. Et j’ai particulièrement apprécié la mise en lumière de personnages que l’on a pas l’habitude de croiser. Ainsi, le portrait que Simone Bertière fait de Marguerite de Valois – la reine Margot – est bien plus étoffé et incarné que ce que l’on a l’habitude de connaître !



Ce livre est vivant, l’ambition est grande, la plume est audacieuse et ça nous plonge en total immersion dans cette fin du XVIe siècle ô combien troublée. Simone Bertière est certes une historienne accomplie, mais elle est également une conteuse qui sait emmener avec elle ses lecteurs, et leur ouvrir en grand les portes de la monarchie française, même lorsque cela nécessite de rendre accessible des situations complexes et particulièrement sombres.



N’ayez crainte, ce livre n’est pas assommant et il peut tout à fait convenir aux non initiés ! Alors, vous êtes plutôt poule au pot ou cheval blanc, Givry ou Cheval-Blanc ?
Lien : https://ogrimoire.com/2021/0..
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Les Reines de France au temps des Bourbons,..

Simone Bertière nous offre un imposant roman et une analyse pointue sur Louis XIV et son rapport à la gent féminine.



Ce qui m’a frappé c’est que, pendant plus de cinq cent pages, l’auteure arrive à donner du rythme à son récit, ce n’est pas figé et ce n’est pas un long inventaire à la Prévert du tableau de chasse du roi ! En même temps, comme le règne du Roi-Soleil est mouvementé et riche en guerres-trahisons-tensions avec les pays voisins, je suppose que cela contribue à ce que le livre soit dynamique !



Finesse et fluidité sont les deux mots qui me viennent à l’esprit en refermant ce pavé ! C’est tellement bien fait que le lecteur se laisse emporter dans l’analyse des comportements/sentiments des différentes figures féminines qui ont eu une place importante dans la vie – et dans le cœur – du roi. Et puis, j’ai envie de dire que la fluidité des écrits de l’auteure permet au lecteur de ne pas décrocher et d’être propulsé au plus près des intrigues de la cour de France.



Ici, on épluche en détails les amours ou amourettes du roi. Et même si j’avais déjà une bonne connaissance des grands événements du règne de Louis XIV, j’avoue que, sur le plan sentimental, je ne connaissais pas tout… J’ai découvert à quel point sa relation avec Louise de La Vallière était une relation passionnée et intense, j’ai découvert également à quel point il détestait le côté un peu « gnangnan » de son épouse : ce qui séduit le roi, ce sont certes les jolis minois mais également les esprits fins et très cultivés.



Comme toujours avec Simone Bertière, on apprend des tonnes de choses !!! J’avais adoré son ouvrage sur Condé et là encore c’est un coup de cœur !!! J’ai particulièrement aimé l’épilogue, bien construit et qui montre que l’auteure maitrise parfaitement son sujet…



Tout petit bémol, il se peut que cet ouvrage s’adresse en priorité aux lecteurs passionnés d’histoire et à ceux qui ont déjà une bonne connaissance de la période. Car il y a quand même beaucoup, beaucoup de personnages et je pense que c’est facile de se perdre ou de mélanger qui et qui !



C’est une longue série et je pense que prochainement vous verrez mon avis sur les autres tomes !
Lien : https://ogrimoire.com/2020/0..
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Le procès Fouquet

Regardez comme il a l’air sympathique, ce bon monsieur Fouquet ! Avec son oeil pétillant, son demi-sourire canaille, sa belle gueule de bon vivant, on a tout de suite envie de lui payer un verre, voire, si l’on est une jeune fille sensible, de flirtouiller un peu avec lui. On en oublierait presque que l’individu a été un des financiers les plus habiles du XVIIe siècle. A quarante ans passés, notre ami Fouquet s’est taillé une solide réputation de coureur de jupon et de mécène, mais aussi d’homme d’affaire impitoyable et d’ardent ambitieux. Or, en cette belle année 1661, les ambitions ont le vent en poupe. Le cardinal Mazarin, le très brillant mais mal-aimé premier ministre de Louis XIV, vient de mourir. Le roi est jeune, amoureux, il passe pour fainéant et superficiel, et nul doute qu’il s’empressera de se décharger du poids du pouvoir sur le premier homme de confiance capable de lui imposer sa volonté. Et qui serait mieux placé que le surintendant Fouquet, l’un des bras droits du défunt cardinal, pour occuper ce poste délicat et prestigieux ?



Bon financier, notre Fouquet, mais mauvais psychologue… Car si Louis XIV est effectivement fort jeune, il n’est ni fainéant, ni superficiel, et entend bien diriger seul l’état français. Ce bon monsieur Fouquet l’agace prodigieusement et pas seulement parce que sa magnificence lui fait de l’ombre. Aux yeux acérés du roi, Fouquet n’est pas seulement un homme, c’est l’incarnation d’un système financier corrompu qui, s’il avait ses raisons d’être en temps de guerre, n’est plus approprié dans une France pacifiée. Alors, Louis XIV tente un coup d’éclat : le 5 septembre 1661, il fait arrêter le surintendant. Il espère un procès rapide et expéditif, conclu si possible par une sentence de mort, quitte à utiliser sans scrupule sa royale puissance pour faire pression sur les juges. Hélas, voici que ceux-ci se mêlent d’équité ! Quant à Fouquet, il a le cou trop près du billot pour ne pas dégriser aussitôt et jette toutes ses compétences considérables du juriste dans la balance pour se tirer du clapier mortel où il est enfermé. Débute alors une lutte féroce entre le roi et son serviteur, la monarchie et la justice… L’enjeux ? La vie de Fouquet, bien sûr, mais surtout le devenir financier de la France et l’autorité toute neuve du jeune monarque.



Moi qui ai dévoré tous les ouvrages précédents de Simone Bertière, j’avoue avoir longtemps renâclé à m’attaquer au “Procès Fouquet”. Economie, droit, finance, prêts bancaires, emprunts sur le trésor… Ces mots repoussants m’ont effrayée et m’effraient encore. Mais j’ai pris mon courage à deux mains et ne le regrette pas ! Oh, je ne prétends pas avoir tout compris aux magouilles de l’ingénieux surintendant, ni aux méandres sans fin de son procès, mais cela ne m’a pas empêché de prendre un vif intérêt à ma lecture. Pas besoin d’être un grand économiste pour apprécier ce savoureux duel entre deux personnalités entières et complexes. Comme toujours, Bertière excelle dans l’art de la portraitisation, le sens du détail intelligent ou tragi-comique, et sait rendre délicieusement vivant un récit qui, sous une autre plume, aurait pu être d’un ennui assommant. Le tout donne un ouvrage fin, vif, souvent ironique, équilibrant à merveille analyse et narration. On en sort avec un unique regret, celui que Bertière n’ait toujours pas eu le temps - ou l’envie - de nous offrir une biographie complète du Roi-Soleil. Beaucoup l’ont fait avant elle, mais je ne doute pas qu’elle se sortirait divinement bien de l’exercice.

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Les Reines de France au temps des Bourbons,..

« Bonjour les Babélionautes ! Aujourd’hui, on va faire un peu d’histoire…



-Un peu ? Et si je t’envoie le bouquin dans la tête, tu continues à penser que c’est « un peu » ? Il pèse au moins trois kilos, ce Poche.



-Mouais, t’as raison. D’accord. On va faire beaucoup d’histoire avec Marie-Antoinette l’insoumise, de Simone Bertière.



Or donc je suis désolée pour ceux que je vais choquer, mais Marie-Antoinette n’est pas seulement l’un des persos qui met de belles robes dans Lady Oscar (ou La Rose de Versailles pour ceux qui préfèrent le manga à l’animé). Hé oui, incroyable ! Elle a réellement existé, figurez-vous. Et Simone Bertière en a fait une biographie, que je viens de finir.



-Ridicule. Des biographies, il y en a déjà des tas, à commencer par celle de Zweig et à terminer par celle de Fraser.



-Certes ! Hélas, le texte de Zweig comporte une bonne part de roman et celle de Fraser, quoique fort utile et admirable, ne m’a laissé aucun souvenir, je le crains.



-Quel intérêt alors ? Tu vas lire cette pavasse et dans deux jours, tu auras tout oublié.



-L’intérêt ? Mais celui de découvrir le travail d’une autrice dont je suis devenue fan !



Simone Bertière est une historienne en qui brûle la flamme ardente de la passion pour une discipline qu’elle souhaite partager avec pas n’importe qui : avec vous !



L’autrice sait que vous n’êtes pas spécialiste et s’applique donc à rendre son texte plaisant et accessible pour que vous aussi, vous la rejoigniez sur son terrain de jeu. Elle s’applique à reconstituer les contextes et les usages pour remettre les choses en perspective, pour nous immerger dans une société que nous ne connaissons plus et pour nous expliquer des usages que nous ne comprenons plus.



-Ouais, parce que bon, l’étiquette, la cérémonie du lever, moi, hein… tout ce bazar juste pour sortir du pieu, ça me dépasse.



-Certes, on ne le comprend plus, toutefois, ce rituel avait une signification à l’époque ! ‘Fin, « je viens de dire « on ne le comprend plus », mais Marie-Antoinette ne saisissait pas très bien non plus. Tous ces rites insupportables avaient pourtant un but : séparer le roi et la reine de l’humanité basique, les rendre brillants et lointains afin d’entretenir une aura de grandeur. En supprimant l’aura, le couple devient des gens comme tout le monde. Donc, si le roi et la reine deviennent des gens ordinaires… ben tu peux leur couper la tête comme au premier quidam venu.



-Ben j’vois pas l’intérêt de s’encombrer d’un truc pareil… C’est bon, on sait que Louis XVI était un impuissant et un faible, et qu’elle était une vampire qui suçait les finances de la France pendant que le peuple crevait de faim…



-Ah ! Merci beaucoup. Vois-tu, ce que tu viens de dire représente la raison principale pour laquelle j’ai acheté et lu ce livre. Je ne sais pas ce qu’il en est pour vous, Babélionautes, mais j’ai été élevée dans la haine de Marie-Antoinette, que l'on me présentait comme une monstresse assoiffée de plaisirs payés par le sang du peuple innocent. J’exagère à peine. Et non, Louis XVI n’était pas impuissant.



J’ai commencé à douter quand j’appris que le fameux « S’ils n’ont pas de pain, qu’ils mangent de la brioche » n’était qu’un mensonge.



-Ouais, mais quand même, elle a tué la France avec ses caprices !



-Beeen… non. C’était un peu plus compliqué que ça. Et le travail de cette biographie démontre que la Révolution est l’aboutissement de décennies de délitement : impossibilité de remplir les caisses, injustice d’un système figé…



Les causes sont multiples, complexes et ne tiennent pas seulement au comportement de la reine, il n’a pas arrangé les affaires de qui que ce soit, certes, mais elle n’est pas la succube infâme que l’on me dépeignait enfant. Je vais répéter, mais : c’est un peu plus compliqué, quoi.



-Nan, mais sérieux, Déidamie ! T’as pas plutôt envie de conseiller des trucs chouettes aux autres débiles, au lieu de bouquins d’histoire froids, factuels et casse-rotules ? Vacances, détente, tout ça, tu te souviens ou pas ?



-Mais là encore, tu restes dans le bas préjugé ! Le texte de Simone Bertière n’est en rien froid ni casse-petons. Son style est vif, fluide comme une plaisante conversation. Et elle se permet même parfois ce que je vais appeler le clin d’œil ou le sourire en coin adressé au lecteur.



-C’est quoi encore cette invention ?



-Dans tout le fatras d’informations, l’enseignante, de temps en temps, glisse dans le texte un brin d’humour, une pointe d’ironie ou de gentil sarcasme, qui laisse entrevoir, aussi brièvement qu’un battement de paupière cependant, la personne derrière le texte. Je ne veux pas dire que maintenant Mme Bertière et moi sommes potes, que je la connais pour de vrai, non, pas du tout.



Ce que je veux dire, c’est que ce procédé instaure une proximité entre elle et le lecteur, une forme de complicité. L’historienne, tout en exposant causes, conséquences et contextes, ne se prive pas pour glisser ici ou là un trait d’humour ou d’ironie, et rend ainsi son texte chaleureux.



Si vous explorez l’histoire en amateur, ne vous laissez pas rebuter par le nombre de pages : Marie-Antoinette l’insoumise présente une réflexion à la fois précise, plaisante et enrichissante sur la personnalité et la vie de la reine, tout à fait accessible pour les ignares dans mon genre. »
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Les Reines de France au temps des Bourbons,..

C'est un axiome souvent prouvé : quand le pouvoir du roi s'affaiblit, celui de la reine augmente. Et il n'est jamais aussi clairement démontré que pendant une régence. Le XVIIe siècle en connut deux majeures, quoique dans des conditions assez différentes, celle de Marie de Médicis veuve d'Henri IV et celle d'Anne d'Autriche, veuve de Louis XIII. Toutes deux dotées de caractères volontaires et énergiques, voire obstinés, elles connaîtront pourtant des parcours très différents, influencés notamment par leur degré d'attachement à leur illustre rejeton, leur faculté d'adaptation et l'intelligente loyauté de leurs conseillers. Malgré des conditions drastiques, Anne d'Autriche sortira grandie de l'épreuve alors que Marie Médicis deviendra aux yeux de la postérité un véritable repoussoir : épouse acariâtre puis mère dénaturée et enfin dirigeante médiocre. A ces deux grandes figures de l'Histoire de France, Simone Bertière accorde toute sa finesse analytique, son sens du récit, mais aussi son empathie et sa compassion - et Dieu sait que beaucoup de compassion est nécessaire pour supporter les sautes d'humeur de Marie de Médicis et son épouvantable caractère !



Le résultat est de grande qualité et ce premier tome consacré aux reines au temps des Bourbons se classe parmi les meilleurs de sa passionnante saga sur les reines de France. Ce qui ressortira principalement de cette vaste fresque est que les deux régentes doivent leur renommées posthumes divergentes, tant à leurs caractères dissemblables qu'à la qualité de leur entourage. Plus souple, plus empathique, profondément attachée à son fils aîné, Anne d'Autriche saura plier et se redresser malgré les coups de tonnerre de la Fronde. Elle jouira aussi d'un appui inestimable dans la personne du très brillant cardinal Mazarin qui la soutiendra et le guidera sans faillir durant toute sa régence. Cassante, autoritaire, névrotiquement jalouse de son pouvoir, Marie Médicis, quant à elle, mécontentera tout le monde, à commencer par son propre fils Louis XIII, et se mettra à dos le pourtant fort efficace cardinal de Richelieu. Deux beaux portraits de femme, fort différentes mais aussi dignes d'intérêt l'une que l'autre, mais également une peinture passionnante de ce siècle troublé, secoué par les révoltes nobiliaires, avant que ne vienne le temps de la monarchie absolue portée par la poigne d'acier de Louis XIV. Avec lui, disparaîtront également les derniers vestiges du pouvoir politique de la reine, réduite à un rôle de poule pondeuse et d'incarnation vertueuse des bonnes moeurs.

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Les Reines de France au temps des Bourbons,..

Après avoir vu le film “Marie Antoinette” de Sofia Coppola, inspiré de l’ouvrage d’Antonia Fraser “Marie-Antoinette, the journey”, j’ai saisi le livre de Simone Bertière avec l’idée de creuser cette part de notre histoire de France.

C’est un nouveau rapport, celui où la vision du film est complétée par un texte érudit.

Certains chapitres éclairent des scènes du film, ainsi, à “la livraison” de la fiancée, on dépouillait celle-ci de tout ce qui venait de son pays natal pour la revêtir de vêtements et de bijoux offerts par son pays d’adoption. Marie-Antoinette fut-elle soumise à ce rituel ? Le film le montre, l’historienne est dubitative.



Quelle vie que celle de roi et de reine, constamment sous les regards de la Cour qui attendait que le “grand oeuvre” soit réalisé.

La vie sexuelle est illustrée et donne droit à un chapitre avec moultes hypothèses et analyses évoquant entre autres ce “défaut naturel qui s’oppose à la consommation du mariage” que S. Bertière remet en cause. Pas de phimosis ni d’opération nécessaire du prépuce nous indique l’auteure alors que le mariage n’a pas été consommé durant les sept premières années.



Pour réaliser cette nouvelle biographie la barre était haute tant Marie Antoinette a fait couler d’encre (Bibliographie de 10 pages).



L’historienne dit aimer mettre en regard plusieurs reines : “Ma prédilection pour les récits à personnages multiples, où plusieurs femmes, reines ou favorites, s’opposent, s’équilibrent, s’éclairent les unes les autres, dans ce qui tend à devenir une histoire familiale de la monarchie française.” Ici, elle ne le pourra pas, mais elle sait mettre les personnages en face de Marie-Antoinette : La Du Barry, Marie Thérèse impératrice…

Le portrait de “l’autrichienne” raconte aussi en creux la vie de Louis XVI procrastinant et hésitant.



L’auteure regroupe l’histoire en 24 chapitres : l’échec conjugal, la liaison avec le comte de Fersen, les maternités, l’affaire du collier, la Du Barry… Ainsi ne suit-elle pas le fil historique mais une logique pédagogique et didactique.



Celle qui était chargée de sceller les alliances entre l’Autriche et la France paiera cher son origine et le maintien de ses liens politico-familiaux : le fait d’avoir soutenu les intérêts de l’Autriche tout au long du règne fut le principal grief de son procès, vide d’arguments en dehors de celui-ci.



Le travail sérieux d’historienne de Simone Bertière met en regard les écrits et une analyse psychologique sans préjugés.

Elle prend cependant un parti : Marie Antoinette était une reine insoumise. Elle s’en explique dans un épilogue brillant qui analyse pourquoi cette reine fascine encore aujourd’hui : “Pour une reine, il n’est d’autre mot d’ordre que douceur, docilité, discrétion. Son programme se borne à rendre heureux son mari, éduquer ses enfants et répandre sur son peuple les largesses de la charité. En prenant le contre-pied de la tradition, Marie-Antoinette l'insoumise, la flamboyante, portait atteinte à l’ordre du monde. Pour ce crime, aucun châtiment ne parut trop dur.”

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Apologie pour Clytemnestre

Dans la catégorie des harpies antiques, elle s’est taillée une belle place aux côtés de l’infanticide Médée et de la sulfureuse Phèdre. Pourtant, à bien y réfléchir, Clytemnestre, épouse meurtrière du roi Agamemnon était-elle tant à blâmer ? Elle a trompé son mari. La belle affaire ! N’en avait-il pas fait autant et abondamment, profitant avec enthousiasme des charmes des belles captives troyennes ? Elle l’a tué à coups de hache. C’est un peu plus embarrassant, mais, somme toute, pas tout à fait incompréhensible. N’avait-il pas envoyé sciemment à la mort leur fille aînée, Iphigénie, pour pouvoir guerroyer à l’autre bout du monde et assouvir sa soif de puissance ? Elle s’est proclamée monarque à sa mort et a pris sa place sur le trône de Mycènes, gouvernant la ville pendant des années en dirigeante incontestée. Ah, voilà qui est réellement choquant ! Qu’une femme soit adultère et meurtrière, passe encore, mais certains comportements ne peuvent se tolérer, notamment le désir de pouvoir et, bien pire encore, la compétence à l’exercer.



En passionnée des mythes antiques et féministe convaincue, Simone Bertière pose la question : pourquoi condamne-t-on réellement Clytemnestre, elle qui, contrairement à sa belle cousine Hélène n’a causé qu’une seule mort et pas celle du meilleur homme qui soit ? A l’occasion de ce court récit, elle abandonne la forme de l’essai historique pour celle du roman, donnant la parole à la personne la mieux placée pour plaider la cause de la reine mycénienne, à savoir Clytemnestre elle-même. Le personnage était déjà fort et fascinant, elle parvient à la rendre attachante, nous faisant partager ses doutes, ses faiblesses, ses triomphes et ses angoisses, de sa petite enfance à sa mort sordide aux mains de son fils Oreste - et même un peu plus longtemps, car il est bien connu que, du fond des enfers d’Hadès, les morts observent les vivants et se repaissent de leurs joies et de leurs tourments comme si ceux-ci étaient encore les leurs. Avec “Apologie pour Clytemnestre”, Simone Bertière signe une oeuvre intelligente et sensible, réflexion aiguisée sur la place de la femme, de la mère et de l’épouse dans la mythologie grecque et dans l’Histoire en général. Je crois bien que c’était le dernier bouquin que je n’avais pas lu de cette excellente auteure et historienne… Reste plus qu’à tous me les retaper !

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Les Reines de France au temps des Valois, t..

Le XVIe siècle, un siècle de femmes ? C'est du moins ce qu'essaie de nous démontrer Simone Bertière à travers ces deux tomes consacrés aux reines de France au temps des Valois. Non qu'elle souhaite présenter la France des Valois comme un régime matriarcal - ce qu'elle n'a jamais été - mais si il fut un siècle où le rôle des femmes fut prépondérant en France, ce fut bien celui-là marqué à la fois par les fastes de la Renaissance et par les débordements sanguinaires des guerres de religion. Ces femmes de pouvoir furent parfois reines, comme la redoutable Catherine de Médicis ou l'altière Anne de Bretagne, mais elles furent aussi très souvent tante, mère, soeur, voire même maîtresse de roi, car le trône royal n'est pas toujours le lieu le plus confortable d'où exercer le pouvoir pour un main féminine. Témoins les malheureuses Claude de France ou Eléonore d'Autriche qui exercèrent bravement leur rôle de juments poulinières auprès d'un époux indifférent ou obsédé uniquement par sa descendance.



Avec son sens aigu de l'analyse et son style enlevé, plus proche de celui du roman que de celui de l'essai professoral, Simone Bertière s'applique à faire sortir de l'ombre ces différentes figures féminines. Si elle accorde davantage de place aux plus renommées - ce qui est parfaitement logique puisque leur rôle dans l'Histoire de France fut particulièrement important - elle ne néglige pas pour autant les oubliées, celles que la Mémoire collective a méprisées et jetées au rebut, les jugeant trop plates pour leur accorder plus de quelques lignes dans les manuels d'histoire. Mais ces femmes-là aussi définissent la figure de la reine ! Souvent plus appréciées par leurs sujets que leurs homologues plus actives, elles incarnent ce qu'une reine de France devrait être aux yeux de la religion, de la noblesse et du peuple : bonne, vertueuse, docile, sans ambition et - surtout, surtout, surtout - féconde.



Pourtant la première moitié du XVIe siècle regorge de figures de femmes puissantes et ambitieuses... Elles ne sont guère aimées, ni de leur contemporains et ni, très souvent, des historiens modernes. On se méfie toujours d'une femme au pouvoir, d'autant plus que sa prééminence trahit souvent un royaume en crise. C'est une loi mathématique mainte fois prouvée : quand le pouvoir du roi flanche, celui de la reine s'élève. Simone Bertière les aime, elle, ces reines si réprouvées. Elle admire leur audace, leur fermeté, leur pragmatisme et même leur relative duplicité. On reproche souvent sa fierté à Anne de Bretagne et sa rouerie à Catherine de Médicis, mais sont-ce là vraiment des vices quand il s'agit d'exercer un pouvoir incertain dans un monde d'hommes brutal et misogyne ? C'est sur ces deux figures de femmes fortes que s'ouvre et se ferme ce premier tome prénommé “Le beau XVIe siècle” en contraste avec les guerres de religion qui suivront. En tournant la dernière page, nous abandonnerons Catherine au lendemain du veuvage et au moment où s'apprête à commencer son véritable règne. Il sera long, violent et plein de rebondissements, mais ceci fera l'objet d'une autre critique consacrée au second opus, “Les années sanglantes”. Un excellent premier tome, à lire sans faim comme la totalité de la saga consacrée aux reines de France de Mme Bertière.

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Les Reines de France au temps des Bourbons,..

Volume après volume, Simone Bertière développe son analyse de l’évolution du rôle des reines de France, montrant comment celui-ci s’est délité au fil des règnes. Quel écart, en effet, entre le quasi-matriarcat de Catherine de Médicis et la vertueuse modestie de Marie Leszczynska, épouse effacée et abondamment cocufiée de Louis XV ! Si le prédécesseur de celui-ci, le prestigieux Roi-soleil, trompait avec enthousiasme son insipide épouse, il avait l’élégance de garder ses maîtresses dans l’ombre - son ombre à lui, bien sûr, que tous devaient subir bon-gré, mal-gré. Avec l’arrivée de la “grande favorite”, madame Pompadour, l’équilibre des forces au sein de la cour de France change à nouveau. Non comptant d’éclipser complètement la reine, celle-ci entend se mêler de politique et influencer directement la direction du royaume. On se retrouve alors face à une situation sans précédent : une maîtresse royale faisant figure de premier ministre, en tout sauf le titre ! Situation intolérable, surtout pour la famille de Louis XV et le parti dévot qui s’archarneront à faire revenir le souverain pécheur sur le droit chemin, faudrait-il pour cela lui monnayer le chemin du paradis.



Encore un excellent opus qui nous offre un beau récit mosaïque - presque exclusivement féminin - au sein de la monarchie française. Simone Bertière enchaîne les études de caractère avec talent, dressant un portrait particulièrement fascinant de Jeanne-Annette Poisson, passée à la postérité sous le nom de Madame de Pompadour, femme ambitieuse et énergique plutôt que corrompue à qui l’on a beaucoup prêté, autant sur le chapitre de moeurs que sur celui de la politique. La très réservée Marie Leszczynska souffre forcément de la comparaison, même si Bertière ne la néglige pas pour autant, offrant un peu de lumière à cette personnalité discrète mais non dénuée de fermeté. Entre ces deux femmes : Louis XV, bien entendu. S’il n’est pas l’objet principal de cet essai, il y occupe tout de même un rôle très important, toutes les protagonistes féminines de ce récit gravitant autour de sa personne. Monarque faillible et humain, s’il n’a pas la carrure et l’esprit de décision de son redoutable arrière-grand-père, il attire davantage la sympathie et la compassion. Il incarne malgré tout une monarchie encore respectée, bien que méchamment écornée dans l’opinion publique. Ce fragile état de grâce ne durera pas. Sous le règne de son malheureux successeur, Louis XVI, ce ne sera pas seulement le roi mais le système tout entier qui sera directement et brutalement remis en question.

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Les Reines de France au temps des Valois, t..

Quelle excellent moment de lecture j'ai passé avec ce livre formidable et passionnant !



Depuis quelques temps je suis totalement obsédée par le XVIe siècle, plus particulièrement sur sa deuxième moitié à partir du règne de François II et je me suis rendue compte que j'en savais finalement assez peu sur la première moitié de ce grand siècle. Surtout que j'aime particulièrement la vie des reines de France, donc lorsque je suis tombée sur ce livre de Simone Bertière dédiée aux reines de France du début du XVIe, je me suis évidemment empressée de l'acquérir.

Et qu'il fut passionnant à lire ! Je l'ai dévoré en quelques jours à peine. Simone Bertière a un indéniable talent pour raconter l'histoire. Sa plume est fluide, claire, et dynamique !



Ce livre est donc le premier tome d'une duologie consacrée au Valois, intitulé «Le beau XVIe siècle» car les guerres de religion n'avaient pas encore débuté et le pays se portait plutôt bien économiquement et socialement. Simone Bertière va nous raconter l'histoire de six reines de France : quatre quasiment oubliées de la mémoire collective et deux illustres que sont Anne de Bretagne et Catherine de Médicis (bien que pour cette dernière ce ne sont que ses débuts qui sont relatés car la majeure partie sera dans le tome suivant).

Ses six reines ont été les épouses de seulement trois rois de France ! Et oui, il faut un peu s'accrocher car à peu près tous les personnages dont il est question dans le livre ont chacun été mariés minimum deux fois, voir trois !



Tout d'abord l'ouvrage commence par un petit chapitre qui explique et détaille ce qu'est, de façon générale, le «métier» reine de France; mariage, représentation et pouvoir. J'ai trouvé ça absolument génial car ça permet de remettre en perspective le rôle qui leur échoit, le pourquoi et le comment, et les attentes qui sont celles de ce siècle.

On va donc commencer avec la duchesse Anne de Bretagne, cette femme au destin pour le moins unique, épouse consécutivement de deux rois : Charles VIII et Louis XII, donc deux fois reine de France ! Une reine qui batailla longtemps pour préserver sa chère Bretagne malgré la guerre qui y sévit, qui surmonta la perte de son père, accepta l'alliance avec la France, tenta de concilier les interêts du royaume et ceux du duché, d'assurer son rôle d'épouse et celui de mère marqué par les malheurs et les deuils répétitifs, qui essaya d'influer sur la politique extérieur du pays et assurer un avenir à ses enfants, bref une femme que l'adversité a forgé et qui toute sa vie a fait montre d'un courage incroyable pour rester maîtresse de son destin. Elle sera également la première à créer une "cour" c'est à dire; raffinement, élégance esthétique, courtoisie, etc., au coeur de la vie royale. C'est de toutes celle qui m'a le plus marquée !

Ensuite on découvrira l'histoire à peine croyable de la première épouse de Louis XII (avant qu'il n'épouse Anne), Jeanne de France, fille du roi Louis XI, dite «l'estropiée» car elle souffrait d'une infirmité qui fit d'elle, sa vie durant, une sorte de paria, et que Louis XII répudiera après 20 ans de mariage au prix d'un procès retentissant et pour le moins humiliant. J'ai été fascinée de découvrir femme, qui n'a été reine que 8 mois, mais qui a fait preuve d'un honneur et d'une dignité extraordinaire dans la tourmente qu'elle a subit. Après tout ce tumulte elle se retirera dans un couvent jusqu'à la fin de sa vie et sera canonisée en 1742. Puis ce sera au tour de Marie d'Angleterre, soeur de Henri VIII, que Louis XII épousera en troisième noces, d'être à son tour reine "éclaire" car le roi meurt seulement trois mois après leur mariage. Néanmoins elle fut intéressante à découvrir car c'était une femme frivole et pleine de vie, amoureuse de son Duc de Suffolk qu'elle épousera en secret à Paris avant de retourner dans leur Angleterre natal et y vivre une vie tranquille.



Louis XII mort, on passe au règne du grand François Ier, qui a épousé la fille d'Anne de Bretagne, Claude. Celle-ci n'aura malheureusement pas de quoi s'imposer dans les esprits...En dix ans de mariage elle enfante sept fois puis meurt tout simplement. Mais François Ier lui portait un grand respect et un grand égard, délicatesse qu'il n'aura pas pour sa seconde épouse Éléonore d'Autriche, soeur du grand Charles Quint (dont on découvrira la relation fraternelle intense), qui déjà d'être d'un naturel effacé sera en plus humiliée par le dédain du roi et par la présente constante de l'illustre favorite royale Anne de Pisseleu. Mais dans le règne de François Ier ce ne sont pas ses épouses qui ont été les femmes les plus marquantes; ce sont sa mère Louise de Savoie et sa soeur Marguerite de Valois. Ces deux femmes ont durant tout le règne, aimé, choyé, protégé le roi, elles ont veillé à ses interêts, assuré la régence durant sa captivité, intervenu dans les conflits politiques, bref elles ont été d'un pouvoir et d'une influence déterminante ; à côté d'elles aucune épouse ne pouvait faire le poids.



Enfin, la petite Catherine de Médicis va faire son entrée à la cour de François Ier, qui l'avait marié à son second fils Henri II (sans imaginer une seconde que l'ainé mourrait et que Catherine deviendrait un jour reine de France...), il prend sous son aile cette petite florentine qu'il va finir par apprécier. C'était fascinant de découvrir une toute jeune de Catherine de Médicis, encore perdue et isolée à la cour de France, de voir comment elle est partie de n'être quasiment rien, pour plus tard devenir tout...



Il est aussi important de dire qu'en découvrant toutes ces reines on découvre aussi bien évidemment les rois de France, le contexte historiques et politique de chaque règne et également tout l'entourage familiale de chaque personnage traité. C'est donc un livre qui, bien qu'il soit centré sur les reines, balaye globalement l'histoire de France (et d'Europe), et j'ai adoré cet aspect qui a rendu le livre encore plus passionnant. Grâce au talent de Simone Bertière on ne se perd pas dans la multitude de liens, chaque chapitre a des sous chapitres, c'est aéré, c'est clair. de plus, en fin d'ouvrage, on a plusieurs arbres généalogiques extrêmement utiles permettant se repérer.



Ce livre m'a absolument passionnée et captivée. Mais aussi émue, ces femmes m'ont touché et je me suis même prise d'affection pour certaines. J'ai trouvé merveilleux de redonner à toutes ses femmes la place qu'elles méritaient dans nos mémoires. Simone Bertière a su rendre "hommage" à chacune d'elles dans leur champ d'action et de vie : qu'elles furent flamboyantes ou effacées, discrètes ou imposantes, influentes ou pas, mère ou pas, chacune a été dépeinte telle qu'elle était et toujours avec empathie, mais sans complaisance. Leurs défauts et leurs qualités sont présentés à nous, telles de femmes tout simplement humaines, des femmes de leurs temps et de leurs rangs, qui ont fait avec leurs temps et leurs rangs.
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Les Reines de France au temps des Bourbons,..

Louis XIV a aimé les femmes. Énormément. Et pas seulement pour les mettre dans son lit - même si cette activité là ne lui déplaisait aucunement - mais surtout pour leur compagnie, leur conversation, leur humour. Coup de chance pour lui, son règne a été riche en femmes intelligentes et spirituelles, même s’il n’a jamais pu retrouver ces qualités tant prisées chez son épouse, la tristement sotte et insignifiante Marie-Thérèse d’Espagne. Porté par le souvenir fantasmé de sa mère, Anne d’Autriche, il a longtemps rêvé d’une reine parfaite, toute de charme et de discrétion mêlées, et a tenté de façonner ses nombreuses maîtresses, filles et brus à l’image de cette épouse idéale, mettant à cette tâche l’énergie tyrannique et impitoyable qu’il vouait à tous ses objectifs. En vain. Car la reine parfaite du Roi-Soleil, capable de briller sans atténuer l’éclat personnel du monarque dont il était fort jaloux, n’existe pas et n’a jamais existé. Résultat de cette quête obstinée et inutile ? Beaucoup de coeurs brisés, de santés ravagées et de psychismes détruits.



Avec la finesse et l’intelligence qu’on lui connaît, Simone Bertière retrace le règne de Louis XIV à travers le récit et l’analyse de ses relations avec les “femmes de sa vie” - un très long règne, très complexe, plutôt mouvementé et donc marqué par de nombreuses personnalités féminines remarquables. De cette galerie très fournie, je retiendrais surtout la figure impérieuse de la Montespan qui incarnera pour longtemps le fantasme de la favorite dans toute sa splendeur vénéneuse, ainsi que celle plus sinueuse de madame de Maintenon dont le destin exceptionnel - gouvernante des enfants royaux, puis amie intime du roi et enfin seconde épouse - marquera la monarchie des Bourbons. Ajoutons à cela la touchante quoique moins fascinante Louise de La Vallière, seule femme peut-être à avoir voué au jeune suzerain un amour véritable et dépourvu d’arrière-pensée. Bien que pourvues de grandes qualités, aucune n’avait hélas la légitimité, ni l’endurance, pour contrebalancer la personnalité écrasante du Roi-Soleil. Avec lui, le roi de France devient véritablement monarque absolu, ne partageant plus son pouvoir avec personne et surtout pas avec son épouse légitime. Charge supportable quand on a les reins aussi solides que Louis XIV mais qui broiera ses successeurs sous son poids colossal...

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Les Reines de France au temps des Valois, t..

Si le premier tome consacré aux reines Valois partageait également son intérêt entre plusieurs grandes figures féminines, celui-ci se focalisera sur une en particulier. Les autres se rassembleront, graviteront autour d’elle, se définiront par rapport à elle, sans jamais atteindre son degré de puissance et de renommée. Cette figure, bien sûr, c’est celle de Catherine de Médicis. La grande, la redoutable Catherine de Médicis, immortalisée pour la postérité par la plume brillante d’Alexandre Dumas ! Qui a oublié cette figure sinistre, toute vêtue de noir, arpentant à pas lents les couloirs du Louvre, empoisonnant à tout va, semant la mort sur son passage comme une Médée du XVIe siècle ? L’image est belle, terrible, envoûtante, mais elle est surtout complètement mensongère. La vérité, c’est qu’aucune reine de France n’a exercé un pouvoir aussi grand que celui de Catherine de Médicis, n’a eu une telle influence sur la politique intérieure et extérieure du royaume de France. Et ceci, ni ses contemporains, ni les mémorialistes, ni même nombre de biographes modernes ne le lui ont pardonné.



Simone Bertière a de la sympathie pour cette grande dame vilipendée. Elle ne s’en défend pas d’ailleurs ! Pourtant, elle ne cherche en aucun cas à diminuer ses erreurs et ses crimes - son crime, en vérité, puisqu’il n’y en aura qu’un, mais si terrible qu’il résonne encore sinistrement dans les mémoires des siècles plus tard. Elle préfère en dresser un portrait sensible, nuancé, contrasté, celui d’une politicienne aguerrie, mais aussi d’une mère sauvagement attachée à sa progéniture, prête à tout pour perpétuer le règne des Valois et surtout celui de son fils préféré, le brillant mais fragile Henri III. Autour d’elles, d’autres femmes : certains résolues, intelligentes, ambitieuses… Mais jamais, au grand jamais, autant qu’elle. Elles passent et s’effacent, laissant une trace dans l’Histoire, parfois mémorable, parfois fugitive : l’aventureuse et tête brûlée Marie Stuart, la cultivée et audacieuse Marguerite de Valois, la dévouée Louise de Lorraine… Simone Bertière n’en négligent aucune, ne les jugent jamais - pourtant, il y a parfois de quoi ! - mais elles palissent toutes devant l'obscur éclat de la grande Catherine.



Quant au contexte de ces terribles années de guerre civile, il est parfaitement cerné et retranscrit avec une justesse confondante. Bertière n’est pas de ces biographes qui négligent la grande Histoire pour mieux s’immerger dans la petite, celle des querelles familiales et amoureuses - certes non dénuée d’intérêt mais indissociable de la première pour peu que l’on souhaite dresser le portrait le plus complet possible de ses différents protagonistes. Comprendre quelqu’un, c’est aussi comprendre ses haines, ses préjugés, ses craintes, sa vision du monde et Simone Bertière se livre à merveille à ce délicat travail d’analyste et de psychologue. Surtout que ces haines et ces craintes rencontrent un sombre écho en notre début du XXe siècle, marqué par une recrudescence des tensions religieuses. Oh, je ne dis pas que nous sommes à la veille d’une nouvelle Saint-Barthélémy ! Mais il y a sans aucun doute beaucoup à apprendre dans l’étude des orages passés. Nous serions bien bêtes de ne pas nous y intéresser.

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Mazarin : Le maître du jeu

Nous sommes en décembre 1642 et le cardinal de Richelieu est à l'agonie. Il est au désespoir à l'idée que sa grande oeuvre – abattre l'hégémonie espagnole et réduire la noblesse française à l'obéissance – restera inachevée. Sur qui comptait pour achever le chemin parcouru ? Un roi faible et condamné à court terme ? Une reine à moitié espagnole et gagnée aux partis dévots ? Un héritier encore au berceau ? A l'un de ses proches, il aurait confié sur son lit de mort : « Je ne connais qu'un seul homme capable de me succéder. Encore est-il étranger… »



Cet homme se nomme Giulio Mazarini. Arrivé en France depuis quelques années, il a déjà fait ses preuves en diplomatie en tant qu'agent du Saint Père. Sa redoutable efficacité lui a conquis la confiance de Richelieu, sa chaleur et son humanité le coeur de Louis XIII et d'Anne d'Autriche. Ses multiples qualités ne contrebalancent pourtant pas aux yeux de l'aristocratie française ses deux grands tords : il est italien et plébéien. Quand il accède au conseil du roi à la mort de Richelieu, pas un membre de la cour n'est prêt à parier sur sa survie politique. On se frotte déjà les mains dans l'attente de la mort de Louis XIII et du chaos qui s'en suivra, chaos plein de promesses pour qui saura bien mener sa barque et arracher le maximum de charges et de richesses à la pauvre régente.



Surprise ! Loin de renvoyer Mazarin à la mort de son époux, Anne d'Autriche en fait son premier ministre. Encore une fois, on grommelle dans les rangs de la noblesse. Ce petit cardinal ne durera pas… Il sera forcément remplacé par un autre favori, un noble, un vrai, un français ! Mais Mazarin durera, malgré les grondements de la Fronde et les canons espagnols.Il durera, luttera, prospérera jusqu'à devenir l'un des plus puissants hommes d'état de son temps – plus puissant même que le terrible Richelieu ! – et finira sa vie riche à millions et à la tête d'un royaume prospère et apaisée.



Mais, me demandez-vous, si Mazarin était un si grand personnage pour quoi en entendons-nous si peu parler ? C'est que les grands hommes ont deux batailles à mener, l'une contre leurs contemporains, l'autre contre l'historiographie, et si Mazarin s'est tiré avec les honneurs de la première, il a perdu la seconde. Ecorché vif par les beaux esprits de la Fronde, ridiculisé par les mémorialistes dévots, il a laissé dans l'imaginaire collectif l'image d'un valet de comédie italienne, petit, mesquin, avare et veule. Et c'est grand dommage… Car une fois débarrassé de sa boue par la plume alerte et cultivé de Simone Bertière, le sieur Mazarini s'avère de compagnie tout à fait recommandable, celle d'un homme brillant, moderne, cultivé, loyal et plus digne de la reconnaissance du peuple français que ne le furent ses féroces détracteurs.



Simone Bertière est-elle tombée amoureuse de son sujet ? Un peu probablement et nul doute qu'elle a pris à coeur la défense de cette victime de l'Histoire, si injustement mal-aimée. Mais c'est qu'il ne manque pas de charme ce petit italien avec son intelligence si vive et son humanité si chaleureuse… Et je dois m'avouer moi aussi séduite, car j'ai toujours eu un faible pour l'extrême compétence, surtout quand elle est tempérée d'humour et d'auto-dérision. J'aime Mazarin pour les mêmes raisons que j'adorais Ulysse étant adolescente : car il est infiniment plus malin que tous les autres et qu'il a su prouver que la persévérance, le génie et la gouille valaient plus que toute la richesse, la morgue et le sang bleu du monde ! J'aimerai aussi toujours Alexandre Dumas. J'ai ri aux larmes et rirai sans doute encore aux bouffonneries du « tricheur italien » dans « Vingt ans après », mais au fond de moi, une petite partie de mon esprit ne pourra pas s'empêcher de sautiller d'indignation et se secouer le poing en hurlant « Calooooomnies ! »

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Louis XIII et Richelieu La Malentente

Pas besoin de creuser bien loin pour trouver les origines de ma passion pour l'Histoire. On en revient toujours peu ou prou à la même source : Alexandre Dumas ! Or une des choses qui m'a toujours captivée chez Alexandre Dumas, c'est la caractérisation de ses méchants. Et quel méchant est plus célèbre, plus séduisant, que l'odieux et brillant Cardinal de Richelieu des « Trois Mousquetaires » ? Comme j'ai aimé le détester, adolescente, alors qu'il tramait dans l'ombre ses odieuses machinations face à mes chers mousquetaires, trompant, mentant, achetant, assassinant… Et tout ça pour quoi ? Pour cette chose ridicule et si peu héroïque que l'on nomme la raison d'état. Avec le temps, mon antipathie s'est doublée d'une dose de franche curiosité et j'ai voulu en savoir plus sur ce redoutable personnage, sans parvenir à me motiver assez pour me lancer dans une des volumineuses biographies pondues par ses admirateurs – ou délateurs d'ailleurs, les seconds étant aussi nombreux que les premiers.



Et bien j'ai eu raison d'attendre ! Car après bien des années consacrées à l'étude du Grand Siècle, voici que mon historienne préférée, Simone Bertière, s'est enfin penchée sur le sort du plus roublard homme politique que la France est connu et, plus particulièrement, sur ses relations avec son maître et monarque. Car qui dit Richelieu dit obligatoirement Louis XIII. L'un et l'autre sont indissociables aux yeux de la postérité, comme ils l'ont été aux yeux de leurs contemporains, le roi et son ministre unis contre vents et marées plus étroitement que ne le sont la plupart des époux. Mais quel couple orageux ils formaient ! Richelieu et Louis XIII offrent cette différence fondamentale avec les autres grands duos politiques français – comme, par exemple, Henri IV et Sully – qu'au lieu d'être unis par une franche amitié, ils se supportaient à peine. Richelieu n'était pas le ministre avec lequel Louis XIII aurait souhaité collaborer, Louis XIII n'était pas le monarque que Richelieu rêvait de servir. D'où le sous-titre élégant choisi par Simone Bertière : « La Malentente ».



Ces deux-là se supportaient d'autant moins qu'ils partageaient nombre de points communs : d'abords et avant tout une même vision de la France et de sa grandeur, les mêmes buts, mais aussi la même solitude, la même arrogance, la même tendance à la neurasthénie et la même soif de pouvoir inextinguible. Ils se comprenaient trop bien pour s'apprécier. Mais la pomme de discorde qui les séparaient était avant toute chose la supériorité écrasante du ministre sur son souverain : plus brillant, plus subtil, doté d'une plus grande profondeur de vue, le cardinal n'a eût cesse de projeter son ombre sur le trône de son maître, faute que celui-ci, ainsi que la postérité, ne lui pardonnera jamais.



Il faut bien avouer que les deux bougres ne sont guère sympathiques, d'autant plus que leur mode de gouvernement n'a rien d'irréprochable. Certes, ils ont contribué à la grandeur de la France, mais au prix de combien de morts, de guerres et de disettes ? Pourtant, Simone Bertière parvient à rendre ce double portrait captivant, pas au point de les rendre attachants, mais assez pour nous aider à les comprendre. Elle montre que loin d'avoir suivi fidèlement un grand dessein – celui défini par Richelieu dans ses mémoires : mater les protestants, forcer les grands seigneurs à plier devant la Couronne et abattre la puissance espagnole – ils se sont battus au jour le jour, adaptant leur stratégie à chaque nouveau obstacle et se tirant mutuellement dans les pattes à la moindre occasion, au point d'en oublier parfois les objectifs poursuivis.



Ils en sortent tous deux moins magnifiés, mais plus humains, surtout Richelieu dont la fameuse omniscience est plus d'une fois mise en doute. Finalement, leur oeuvre commune restera inachevée et ils mourront tous deux trop tôt, abandonnant la France dans un état de guerre permanent et de graves troubles civils. Pour ceux qui jugeraient ce suspense insoutenable, je ne peux que conseiller avec enthousiasme la biographie de Mazarin écrite par Simone Bertière quelques années plus tôt, le digne héritier politique du grand mais malaimé cardinal. Ca me donne bien envie de la relire, tiens…



En conclusion, encore une très belle bio de Mme Bertière, une !

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